Les abandons de l’Ombre : Les tribulations d’Esther Parmentier, La fureur des siècles, Nos destins sombres.

Souvenez-vous… J’ai commencé l’année 2023 avec une série d’abandons (pas moins de sept à la suite !) qui a certes drastiquement réduit ma PàL mais aussi mené à bien des réflexions chez moi. J’écris ce billet début février même si vous devriez le lire à la fin du mois de mars pour cause de planification. J’ai décidé de vous parler de certains titres qui rencontrent un succès quasiment unanime chez tout le monde… Sauf moi. Erf.


Les tribulations d’Esther Parmentier est une série à succès dite jeunesse et d’urban fantasy, écrite par l’autrice française Maelle Dessard et publiée chez Rageot. On y suit donc, comme le titre l’indique, Esther Parmentier qui est une jeune femme disons… casse-pied, pour rester polie, et qui se retrouve embarquée dans une enquête pour meurtre aux côtés d’un vampire détective.

Je ne peux pas en dire beaucoup plus parce que j’ai assez rapidement abandonné cette lecture. Dés les premières lignes, j’ai trouvé l’héroïne pénible à se plaindre sans arrêt. Elle a provoqué chez moi un sentiment immédiat de rejet mais je serais bien en peine d’en expliquer consciemment la raison avec davantage de détails. Ce sont des choses qui arrivent d’autant que parfois, dans la vie, on rencontre quelqu’un qu’on déteste tout de suite sans s’expliquer pourquoi. Pour ne rien arranger, la narration est à la première personne et dans ces cas-là, quand on n’accroche pas au personnage principal, ça devient difficile d’être indulgent avec la façon dont elle s’exprime. Par extension, le style d’écriture qui m’a crispé.

Je suis tout de même allée suffisamment loin pour trouver la mise en place de l’enquête et de la rencontre avec le vampire tirée par les cheveux et leur première interaction plus qu’agaçante. J’ai tellement roulé des yeux que j’en ai eu mal à la tête. Je pense que ce roman, je l’aurais probablement mieux aimé il y a cinq ou dix ans, quand j’étais encore dans un trip urban fantasy / bit-lit mais ce n’est plus le cas et je me rends compte que je suis de plus en plus dure avec les livres de ce genre-là, sans doute d’une façon injuste pour les textes concernés. Je vous invite donc à découvrir les avis plus enthousiastes des blogpotes, référencés ci-dessous.

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J’ai lu énormément de romans de cet auteur et si j’ai commencé par une trilogie qui a été un énorme coup de cœur, je n’ai plus vraiment réussi à m’emballer autant pour un de ses romans par la suite. J’espérais que celui-ci changerait la donne puisqu’il prend place dans une époque qui me plait mais ce ne fut malheureusement pas le cas.

L’histoire se déroule en 1515, en Europe. Léonard de Vinci a inventé une machine capable de détraquer l’espace et le temps à certains endroits, ce qui permet au roi François Ier de régner en maître sur l’Europe. Alors que le monarque français est sur le point d’attaquer la couronne des Habsbourg, le condottiere Sforza intervient, désireux de se venger de la prise du milanais qui a eu lieu des années plus tôt…

Tout commençait bien. J’ai accroché tout de suite au ton très verbeux du récit, dans l’ambiance des chroniques qu’on pouvait lire jadis. Puis les points de vue ont commencé à s’alterner entre la compagnie de mercenaires qui travaille pour Sforza et Léonard de Vinci (quoi que toujours d’une façon rapportée par le narrateur qui l’aurait par chance rencontré plus tard) mais la partie sur le grand génie était clairement très en dessous question intérêt. Puis finalement, arrivée à la moitié, j’ai senti mon intérêt décliner et j’ai un jour refermé le livre sans avoir envie de le rouvrir, ni de savoir ce qui arriverait aux protagonistes.

Cela s’explique aussi par deux éléments dont je n’ai pas encore parlé : d’abord le personnage de Reginus, qui est aussi le narrateur, est très pénible dans sa naïveté et sa candeur, très manichéen aussi au départ. J’ai eu envie de lui coller des claques plus d’une fois et je n’étais pas trop d’humeur. Ensuite, je ne suis pas parvenue à suspendre ma crédibilité pour tout ce qui concerne la Furia. Il m’a manqué des explications claires et cohérentes autour de ce phénomène, les lois qui le régissent, etc. Peut-être qu’elles arrivaient plus loin dans le roman mais je n’en ai pas vu trace à la moitié et ça m’a lassée parce que je ne parvenais pas à croire, du coup, aux évènements racontés. Enfin, vous le savez, j’ai beaucoup de mal avec la thématique de « voyage dans le temps » ou d’époques qui se croisent et ont une incidence l’une sur l’autre. J’ai pensé que Johan Heliot réussirait à me faire passer outre cette réticence, mais non. Dommage, à nouveau…

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Je savais très bien en achetant ce roman que ce serait quitte ou double mais j’avais d’une part adoré la nouvelle de l’auteur dans l’anthologie 9 et, d’autre part, c’était son premier roman alors j’ai voulu le soutenir, tout simplement. Sans compter que le concept m’intéressait.

Orphée se réveille au royaume des morts et y retrouve sa conscience presque un an après son décès. La banshee Cassidy doit l’aider à passer de l’autre côté mais Orphée ne l’entend pas de cette oreille parce qu’il a laissé derrière lui son petit ami Isidore, qui souffre de sa mort et a des pensées suicidaires. L’histoire se déroule à la Nouvelle-Orléans, on touche au culte de la Santa Muerte et à un certain mystère qui plane autour de la mort d’Orphée, dont ce dernier ne se rappelle pas.

Honnêtement, ça partait bien mais j’ai d’abord tiqué sur la narration. Aiden Martin a choisi de l’alterner, chaque fois à la première personne mais du point de vue d’Orphée puis de celui d’Isidore. Au sein de cette narration, les deux personnages s’adressent directement au lecteur avec des parenthèses et des plaisanteries, ce qui m’a sorti de l’histoire. C’est un procédé narratif que j’appréciais avant et que j’ai même utilisé parfois dans ma propre duologie d’urban fantasy mais la sauce n’a pas pris ici.

Ensuite, je dois avouer qu’Orphée est agaçant. Évidemment, sa situation n’est pas très agréable et je ne réagirais pas mieux à sa place mais je ne suis pas parvenue à éprouver de l’empathie pour lui, au contraire d’Isidore. S’il n’y avait eu que sa narration à lui, je pense que j’aurais lu le roman en entier mais une fois à la moitié, j’ai passé des pages pour simplement aller directement à la fin, curieuse de savoir s’il réussirait à passer à autre chose et si ma théorie était juste. Je dois avouer qu’après avoir lu la fin en question… J’ai été déçue tellement c’est attendu, déçue d’avoir tout simplement raison. J’ai gagné le pari avec moi-même et j’aurais préféré le contraire. Je dois vraiment arrêter d’acheter ce type de roman, je ne les apprécie plus à leur juste valeur.

Dernière chose et non des moindres, la mise en page. Le roman est très épais, trop pour que le Chat Noir puisse conserver sa mise en page habituelle sans sortir une trop grosse brique qui poserait des soucis d’envois postaux. Au lieu de couper le roman en deux (et c’est vrai que je ne vois pas où ils auraient pu le faire) ils ont décidé de réduire la taille de la police d’écriture au sein du livre. Le problème, c’est que c’est beaucoup trop petit pour mes yeux et je n’ai pas de soucis de vue donc je n’ose pas imaginer pour d’autres dont ce serait le cas. Même si je comprends ce choix, je ne le trouve pas optimal pour le confort de lecture et si je m’en étais rendue compte avant de l’acheter, je l’aurais probablement pris d’abord en numérique.

D’autres avis : pas chez les blogpotes.

Quelles conclusions en tirer ? 
Elle est double et rejoint en partie celle de mon précédent billet sur les abandons. Déjà, mes goûts évoluent et j’apprécie plus difficilement l’urban fantasy, peu importe son cadre, car j’en ai trop lu et ses codes me sortent par les yeux. Je dois donc arrêter de me laisser avoir par ce genre littéraire et accepter qu’il ne me convient plus.

Ensuite, je dois éviter d’acheter un roman juste parce que j’ai eu une bonne expérience avec son auteur (sauf si c’est Ada Palmer ->). J’ai déjà eu ce sentiment plus tôt cette année après ma lecture de Thomas le Rimeur d’Ellen Kushner et ça se vérifie ici avec Johan Heliot, avec qui je n’en suis pourtant pas à ma première désillusion. Oui, il y a des auteur·ices que j’adore ou que j’ai adoré lire une fois, mais cela ne signifie pas qu’ils proposeront à chaque fois des livres faits pour moi. Autre exemple l’année dernière : j’ai lu Widjigo d’Estelle Faye chez Albin Michel Imaginaire et je n’ai pas du tout accroché à son livre. Si ça n’avait pas été son roman, je ne l’aurais même pas acheté de base… Alors au lieu du nom d’un·e auteur·ice, je dois plutôt me baser sur le contenu car au fond, c’est ce qui importe vraiment.

Et vous, est-ce que vous avez abandonné un livre récemment ?

Olangar, une cité en flammes – Clément Bouhélier

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Ces derniers temps sur Twitter, on parle beaucoup de fantasy. Que ce soit à travers les résultats de l’observatoire de l’imaginaire ou à cause de ce nouveau podcast qui, pour ne pas changer, se concentre surtout sur les auteurs anglosaxons dont on parle depuis déjà plusieurs décennies. À croire qu’il n’y a aucune nouvelle voix valable dans ce genre littéraire… Ce serait oublier que les plumes francophones ont aussi du talent ! Et si vous avez besoin d’une preuve, je vous recommande de vous tourner vers les ouvrages de Clément Bouhélier.

C’est en 2019 que j’ai lu pour la première fois la plume de cet auteur avec Bans et Barricades, un tome coupé en deux parties, publiées chez Critic et qui devait normalement se suffire à lui-même. Le succès de l’ouvrage en a décidé autrement comme l’auteur l’explique dans les remerciements de ce volume. Les retours des lecteur·ices, les encouragements de sa maison d’édition ainsi que l’évidence : certains personnages avaient encore des choses à régler. Ainsi vint Une cité en flammes. Un dernier tome conclut (définitivement ?) cette saga, que je compte lire bientôt.

De quoi ça parle ?
Cinq années après les évènements détaillés dans Bans et Barricades, une nouvelle menace pèse sur Olangar. Les elfes sont sur le point d’entrer en guerre contre le royaume qu’ils accusent de la pollution de leur fleuve. Deux nains, Kalin et Nockis, sont envoyés dans une ville toute proche pour enquêter. Pendant ce temps, Evyna d’Enguerrand fait face à un attentat et est décidée à trouver les coupables… Tout serait-il lié ?

Une écriture précise et détaillée.
Clément Bouhélier met son écriture au service de son vaste univers. Il prend le temps de détailler tout ce qui se passe, au niveau du décor, des pensées des personnages, des liens à créer entre les différents éléments, accompagnant ainsi son lectorat pas à pas dans la compréhension de l’intrigue. C’est quelque chose qui me dérange en règle générale car cela me donne le sentiment que l’auteur essaie de penser à ma place, d’imaginer pour moi, de me dicter mon propre point de vue. Pourtant, pour une fois, je n’ai eu aucun problème à lâcher prise et à être spectatrice de ma lecture. Je me suis laissée porter par cette plume précise sans être lourde ou redondante. Au contraire, elle est soignée, chaque mot parait réfléchi.

Un univers original et des thématiques nécessaires.
Cette plume se met au service d’un univers de fantasy qui sort du lot. J’en avais déjà parlé précédemment mais on a tendance à associer la fantasy à un cadre moyenâgeux et il est vrai que beaucoup de ces récits y prennent place. Clément Bouhélier choisit de placer des races issues du bestiaire classique du genre (elfes, nains, orcs) dans un cadre de révolution industrielle, une révolution qui continue son bonhomme de chemin avec les ravages sociaux et environnementaux que l’on connait.

Ce tome-ci se concentre d’ailleurs sur ces deux questions. D’un côté, on voit que quelqu’un empoisonne volontairement le fleuve elfique afin de provoquer une guerre mais on apprend aussi que les lieux supposés exister pour traiter les déchets de l’industrie n’existent pas. Ces considérations agissent malheureusement en miroir de notre propre société. De plus, la volonté de relance économique et de création d’emploi par la Chancellerie pousse celle-ci à accepter la création de zones économiques particulières qui ne sont pas soumises à l’autorité des syndicats, ce qui donne évidemment lieu à des dérives dans les conditions de travail. L’auteur est quelqu’un d’engagé et cela traverse tout son roman sur encore d’autres questions d’actualité comme la corruption des classes dirigeantes ou l’importance du contrôle des communications au sein d’un état / d’un pays. Cet engagement se ressent au point que, parfois, les antagonistes manquent de nuance. D’un autre côté, ils en manquent parfois aussi dans notre réalité…

Au final, les ingrédients d’une Cité en flammes sont identiques à ceux de Bans et Barricades. Ils fonctionnent toujours aussi bien ensemble et on y retrouve le même petit défaut que je soulevais déjà à l’époque, à savoir que certaines scènes sacrifient la cohérence pour le grand spectacle. Je pense notamment à ce qui se déroule dans le dirigeable… C’est un peu dommage vu l’intelligence de l’intrigue proposée et l’implacabilité de celle-ci. Personne n’est à l’abri… Ou presque ? J’ai aussi regretté la relation entre Keiv et Evyna qui me parait artificielle mais c’est purement personnel et ça n’entache en rien l’intérêt du récit.

La conclusion de l’ombre :
Avec Une cité en flammes, Clément Bouhélier reste dans la lignée qualitative de Bans et Barricades, reprenant l’intrigue cinq ans après les évènements narrés dedans. Son univers de fantasy original qui s’inscrit dans une révolution industrielle reste une grande force et un terrain de jeu idéal pour parler de politique sociale, de guerre et d’écologie. Ses romans sont des pavés qu’on savoure sans aucune modération. À lire !

Merci à Phooka et Dup pour ce gain du prix Bookenstock ainsi qu’à Critic pour l’envoi.

Mes autres chroniques sur les œuvres de cet auteur : Bans et Barricades 1Bans et Barricades 2.

D’autres avis : Le nocher des livresLe bibliocosmeBookenstockLe culte d’ApophisAu pays des cave trolls – vous ?

Informations éditoriales :
Olangar, une cité en flamme par Clément Bouhélier. Illustration de couverture : Sébastien Morice. Éditeur : Critic. Prix : 24 euros.

#TAG – mes 9 incontournables (récents) en SFFF

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Tout a commencé un jour d’été…
Enfin, plus ou moins. Tout a commencé par une prise de conscience de Nevertwhere. Souvent, au début des périodes type « vacances » on voit fleurir bon nombre de listes, des conseils sur les romans incontournables… Mais si, tu la connais, cette liste où on te dit que tu dois lire Tolkien et Asimov et Martin et machin et ainsi de suite des fois que tu vives dans une grotte et que tu n’aies jamais entendu parler des classiques SFFF. Sauf que, spoiler alert, il existe d’excellents romans récents qu’on peut également classer parmi les incontournables de la SFFF. Par récent, on entend tout ce qui a été publié au 21e siècle donc après 2000. La date de publication en VO fait foi mais j’ai noté celle en VF parce que bah… Je lis en français donc voilà. J’ai vérifié quand même, les neuf titres respectent la règle !

Comme plusieurs blogpotes, je réponds donc présente à cet appel et je génère ma propre liste qui compte neuf romans. Croyez moi, ça n’a pas été simple de les choisir… J’ai fixé ma bibliothèque en me demandant pourquoi ce roman-là plutôt que celui d’à côté, raison pour laquelle je publie trois plombes après tout le monde. J’ai finalement opté pour des textes qui -selon moi- sont innovants, différents, qui apportent vraiment quelque chose au genre qu’ils représentent pour une raison ou une autre que je vais évidemment détailler au lieu de « juste » prendre les romans que j’ai aimé lire. Si vous cliquez sur le titre, vous retrouverez chaque fois le lien de ma chronique complète qui vous apportera un complément non négligeable d’informations.

Je songe d’ailleurs à adapter ce tag pour les mangas dans un futur plus ou moins proche mais on aura l’occasion d’en reparler. N’hésitez pas à me donner votre avis sur cette idée !

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Terra Ignota #1 Trop semblable à l’éclair – Ada Palmer (Le Bélial en 2016)
Immense surprise que de trouver ce roman dans cette liste, n’est-ce pas (non.) ? À ce jour il compte parmi les plus grosses claques littéraires que j’ai pu prendre dans ma vie et je vous détaille pour quelle raison dans ma chronique. Ce roman n’est pas accessible à tous, je pense qu’il est nécessaire de préparer en amont sa lecture pour en profiter correctement toutefois c’est très clairement un énorme chef-d’œuvre incontournable.

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Les poisons de Katharz – Audrey Alwett (ActuSF en 2016)
Un one-shot brillant bourré d’humour noir qui prend place dans un univers medieval fantasy. L’autrice prend le contrepied des codes du genre et s’éclate avec, ça se sent. Tout est parfait dans ce texte, ça a été un coup de coeur magistral que je recommande à ceux qui d’une part aiment ce genre mais aussi qui ont une petite affinité avec la parodie à la Pratchett / Lang.

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Je suis ton ombre – Morgane Caussarieu (Mnémos – 2014)
Grosse surprise aussi pour celui-là, pas vrai (non, encore.) ? Si vous trainez un peu sur le blog, vous savez à quel point je vénère Morgane Caussarieu en tant qu’autrice. Pour moi, elle est la reine du genre vampirique et elle atteint sa quintessence dans ce roman aussi cruel que décadent. Un must read.

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Redshirts – John Scalzi (L’atalante – 2013)
Il s’agit du premier Scalzi que j’ai lu et je garde une affection toute particulière pour lui parce que ça a été une grosse claque ainsi que la découverte d’un de mes auteurs devenu préféré. Dans Redshirts, on se retrouve dans un univers qui rappelle les séries à la Star Trek où les personnages sans grade ont tendance à mourir alors que leurs supérieurs survivent toujours. Étrange… On va donc suivre l’un de ces sans grade qui va essayer de comprendre pourquoi les siens meurent et comment y échapper. C’est aussi drôle qu’intelligent, un équilibre parfait comme seul Scalzi peut en trouver. Franchement, si vous ne devez en lire qu’un seul dans votre vie, choisissez celui-ci.

7
Royaume de vent et de colères – Jean-Laurent Del Socorro (ActuSF – 2018)
J’ai lu ce texte récemment et je l’ai trouvé parfait. Certes il s’agit davantage d’un roman historique avec une pointe de magie toutefois il appartient au genre SFFF et mérite d’être lu. Avec Fabien Cerutti, je trouve que cet auteur fait autorité dans le genre historico-magique (bien que les deux soient très différents dans leur approche) et moi qui adore l’Histoire, forcément… Pour ne rien gâcher, Jean-Laurent Del Socorro maîtrise très bien la psychologie de ses personnages et ce à un remarquable degré. N’hésitez pas ! J’ai opté pour ce roman parce que c’est celui que j’ai préféré dans la bibliographie de l’auteur mais sachez que chacun de ses textes est tout à fait recommandable.

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La fille qui tressait les nuages – Céline Chevet (Chat Noir – 2018)
Proposer un roman surréaliste en 2018, fallait déjà l’oser. Le placer au Japon ? Encore plus. Pourtant, ce texte n’arrête pas de surprendre, de vivre, de décrocher des prix aussi. Je le comprends aisément. Tout qui possède une petite sensibilité avec la culture et l’ambiance nippone ne peut qu’adhérer à ce thriller fantastique maîtrisé de bout en bout et porteur d’une délicieuse touche de cruauté. Franchement ça a été une énorme claque pour moi et la découverte d’une autrice talentueuse à suivre assurément.

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L’homme qui mit fin à l’histoire – Ken Liu (Le Bélial – 2016)
Cette novella reste à ce jour et selon moi le meilleur UHL publié par le Bélial. En une centaine de pages et avec une narration originale sous forme de documentaire, Ken Liu interroge, révèle, dérange avec une maîtrise stupéfiante. J’ai rarement lu un texte qui m’a autant fait me questionner. En plus, on est dans la SF, oui, mais avec un fort bagage historique sur des évènements de la seconde guerre mondiale qu’on connaît assez peu.

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Le Bâtard de Kosigan – Fabien Cerutti (Mnémos – 2014)
Outre le fait qu’il s’agit du premier Mnémos que j’ai lu dans ma vie -ce qui lui donne une saveur particulière- je trouve cette saga incontournable dans le paysage de la fantasy moderne, même s’il s’agit de fantasy historique. Fabien Cerutti est passionné par l’Histoire avec un grand H et s’amuse à exploiter ses failles en proposant un folklore et un concept vraiment novateur. Et si les légendes avaient existé ? Et si quelqu’un avait effacé leur présence des archives humaines? Et si…
Outre un solide background, l’auteur créé aussi des personnages intéressants et une intrigue où on ne s’ennuie jamais.

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Les Seigneurs de Bohen – Estelle Faye (Critic – 2017)
Je ne vais pas dire que je gardais le meilleur pour la fin… Mais pas loin. Pour moi Estelle Faye est à la tête d’une nouvelle vague en fantasy francophone qui met l’accent sur la représentation et la diversité dans ses textes, sans sacrifier à son intrigue et sans tomber dans le manichéisme. L’univers de Bohen est passionnant et on y est vite accro grâce à ses personnages riches. Il existe une suite, les Révoltés de Bohen, que je trouve encore meilleure (c’est dire !) donc je recommande bien entendu la lecture de l’ensemble.

Comme je l’ai signalé au début de ce billet, la liste a été difficile à établir pour moi et c’est en lisant celle des blogpotes que d’autres idées me sont venues. Je vous invite donc à vraiment découvrir chacune des listes ci-dessous afin de vous en inspirer au maximum pour vos prochaines lectures 🙂

D’autres listes : LorkhanLes notes d’AnouchkaChut… Maman lit !l’ours incultele chien critiqueL’épaule d’OrionAu pays des cave trollsLa bibliothèque d’AelinelLes chroniques d’AcherontiaXapur – Lianne de livres en livres (fantasySF) – vous ?

Vous aussi, fournissez votre propre liste et partagez la avec le #incontournablesSFFF !

La piste des cendres – Emmanuel Chastellière

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La piste des cendres
est un one-shot de gunpowder fantasy (rendez-vous chez le Grand Serpent pour en savoir plus !) écrit par l’auteur français Emmanuel Chastellière. Publié chez Critic en ce mois de février 2020, vous trouverez ce roman au prix de 22 euros.
Je remercie l’auteur et les éditions Critic pour ce service presse numérique.

Azel est un jeune homme métisse, enfant illégitime d’un riche propriétaire, qui gagne sa vie comme chasseur de prime en traquant les locaux qui tentent de fuir. Assez solitaire, il ne peut pourtant pas résister à la demande d’Ombeline, sa belle-mère, quand elle le sollicite pour l’aider à sauver un groupe de femmes, enfants et vieillards. Hélas, ils n’ont pas bien choisi leur moment. Une révolte éclate, aux conséquences terribles… Au point d’obliger la Reine Constante à sortir Artémis Cortellan de sa retraite.

La piste des cendres se déroule dans le même univers que l’Empire du Léopard dont je vous ai déjà parlé l’année dernière. Ce roman avait été pour moi une excellente découverte, autant pour son originalité que pour ses personnages marquants. Si j’ai retrouvé certaines de ces qualités dans la piste des cendres, ce texte m’a malheureusement moins transporté. Pour cette raison, je vous recommande la lecture des chroniques du Lutin, de la Trollesse et d’Aelinel qui vous permettront d’entendre plusieurs sons de cloche.

Qu’on se comprenne : la piste des cendres est un bon roman. Emmanuel Chastellière continue de développer l’univers créé précédemment et il a la bonne idée de placer son intrigue vingt-cinq ans après les évènements qui se sont joués dans l’Empire du Léopard. Cela permet à ses lecteurs de ne pas se contraindre à découvrir toute une saga s’ils n’en ont pas envie. N’ayez crainte, il est tout à fait possible de lire l’un sans l’autre sans y perdre plus que quelques références de ci, de là. Comme la piste des cendres se déroule plus tard, l’univers dans lequel on évolue a un peu changé. S’il évoquait avant les conquêtes espagnoles en Amérique, il m’a cette fois-ci plutôt rappelé l’Ouest américain, les colons, l’esclavagisme envers les indiens chassés de leurs territoires avec les évolutions technologiques liées (comme une plus large utilisation de la poudre) ainsi que la problématique du pétrole.

L’auteur met au service de son univers une plume précise et maîtrisée avec un vocabulaire adéquat. On sent qu’il maîtrise son sujet dans l’utilisation de termes plus techniques, surtout sur les aspects militaires et culturels. Si j’ai trouvé certains passages un peu longs (surtout au début mais disons qu’il faut bien poser le cadre) le rythme global du roman est plutôt bien mené. Sans sacrifier à l’aspect divertissement et aventure, l’auteur aborde toute une série de thématiques comme la quête identitaire, la lutte pour la liberté, les méfaits du culturocentrisme… J’ai été sensible à tout cela, d’autant qu’Emmanuel Chastellière les traite sans manichéisme. J’ai trouvé intéressant le fait d’avoir plusieurs points de vue, un élément qu’on retrouve déjà dans l’Empire du Léopard. Cela facilite le développement de l’intrigue tout en permettant de varier les plaisirs.

Mais il me manquait hélas ce petit quelque chose en plus que je ne parviens pas à nommer qui m’a fait refermer ce roman avec un goût de trop peu. Je n’ai pas réussi à m’intéresser aux enjeux ni aux personnages (à l’exception d’Azel et encore, pas tout le temps) à mesure qu’avançait l’intrigue. Je me sentais comme une observatrice extérieure, sans réussir à totalement m’immerger et ça m’a vraiment frustrée. Retrouver des protagonistes de l’Empire du Léopard, comme Artémis Cortellan, a été une bonne surprise mais je l’ai cette fois-ci trouvé prodigieusement agaçant. Peut-être que mes goûts ont changé entre temps? Après tout, plus d’un an sépare mes deux lectures. J’en suis la première affligée parce que j’attendais beaucoup de ce texte et j’aurais aimé l’adorer autant que l’Empire du Léopard. Le problème se situe peut-être ici justement : j’en attendais trop et l’aspect découverte d’un nouveau type d’univers n’était plus vraiment présent.

Pour résumer, même si la sauce n’a pas pris avec moi en tant que lectrice, je ne peux que reconnaître les qualités littéraires de la Piste des cendres. Emmanuel Chastellière poursuit le développement de son univers magnifiquement posé dans l’Empire du Léopard en exploitant cette fois-ci une ambiance davantage proche du western. Il continue de développer les thématiques du colonialisme et de la guerre pour la liberté, sans jamais tomber dans le manichéisme. Je vous encourage à tenter le coup car d’autres blogpotes parfois plus exigeants que moi n’ont eu aucun mal à être séduits !

#PLIB2020 Le Phare au Corbeau – Rozenn Illiano

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Le Phare au Corbeau
est un roman fantastique écrit par l’autrice française Rozenn Illiano. Édité chez Critic, vous trouverez cet ouvrage au prix de 20 euros.
Je remercie les éditions Critic pour avoir offert l’epub aux membres du jury du PLIB 2020. C’est dans ce cadre que je le découvre.

Agathe et Isaïah exercent la profession d’exorcistes. Ils se complètent puisque Agathe peut voir les fantômes, invisibles à son partenaire, tandis qu’Isaïah dispose des connaissances théoriques nécessaires à la pratique de leur art. Via le réseau social des sorciers, ils apprennent que le domaine de Ker ar Bran (en Bretagne) est hanté et qu’il faut déloger le fantôme qui squatte la future maison d’hôtes de Léna et Thomas. Rien de bien compliqué, à première vue. Mais une fois sur place, les choses se corsent.

Le Phare au Corbeau est écrit à la première personne, du point de vue d’Agathe. Agathe est un personnage auquel je me suis immédiatement attachée : elle souffre du syndrome de l’imposteur à cause de ses pouvoirs incomplets, elle est déprimée, intériorise ses émotions et essaie d’avancer malgré les difficultés de la vie. Sa famille l’a rejetée à cause de ses pouvoirs et elle a eu la chance de rencontrer celle d’Isaïah, composée de personnes dotées de dons surnaturels qui n’ont pas hésité à l’adopter. Cela permet à l’autrice de rappeler que si on ne choisit pas sa famille biologique, on peut s’en trouver une meilleure d’adoption et que même si le monde parait noir, il y a probablement une lueur quelque part. Des principes simples qu’il est bon de rappeler parfois.
Je n’ai eu aucune difficulté à comprendre Agathe et à ressentir de l’empathie pour elle. C’est très agréable de suivre une héroïne qui ne gère pas du début à la fin ou qui se découvre comme par miracle un pouvoir qui va la sortir de la mouise. Agathe est telle qu’elle est et doit vivre avec, un choix fort de la part de l’autrice auquel j’adhère totalement. C’est, à mes yeux, la vraie force de ce roman.

Autour d’Agathe gravite une galerie de personnages plus ou moins intéressants mais on retiendra surtout ceux qui ont droit à leurs propres chapitres. En effet, à plusieurs reprises, l’autrice revient dans le passé en montrant des morceaux de l’histoire du domaine de Ker ar Bran et de ses habitants, cassant la narration à la première personne (bien que les révélations finales permettent de nuancer cette affirmation mais loin de moi l’envie de vous divulgâcher quoi que ce soit). Ainsi, le lecteur suit Théophile, un vieil homme de la ville qui a emménagé dans ce petit village en 1921 après avoir racheté le manoir réputé maudit. Théophile est un chercheur, un universitaire passionné par le surnaturel dont il essaie de prouver l’existence. Il travaille sur son propre livre, un essai comprenant pas mal de théories différentes un peu obscures à la lecture autant pour nous lecteur que pour Agathe quand elle s’y plonge. Est-ce vraiment le hasard qui le pousse à se porter acquéreur d’un manoir hanté? La lecture du Phare au Corbeau répondra à cette question. Théophile n’est pas le seul personnage à avoir droit à des chapitres dans le passé. L’autrice développe également Gwennyn, une jeune fille qui vivait là-bas en 1839 et semble détenir quelques pouvoirs surnaturels. Une nouvelle pas spécialement bonne pour l’époque, surtout quand on n’est pas très riche et qu’on a des envies de liberté.

L’intrigue entière tourne autour de Ker ar Bran et de sa malédiction. Concrètement, l’histoire racontée reste assez classique et exploite les topiques du genre. Je n’ai pas été surprise par les révélations amenées au fil du roman et j’en avais deviné certaines, tout comme j’ai senti venir la fin cent pages avant d’y être. Pourtant, ça ne m’a pas fondamentalement gênée parce que ce roman remplit son rôle de bon divertissement. Je ne sais pas précisément à quoi ça tient, je l’ai simplement ressenti ainsi. L’ambiance posée par l’autrice est plutôt crédible, de même que les réactions de ses personnages à l’exception de certaines scènes dans le passé qui me paraissaient parfois un brin forcées. Le phare au corbeau a le mérite de nous rappeler que classique n’est pas synonyme d’ennuyeux. Ç’aurait été encore mieux sans l’aspect répétitif de certaines scènes (notamment les exorcismes) et si l’autrice ne prenait pas un peu trop son lecteur par la main. Je suis plutôt naïve quand je lis mais comme je l’ai signalé, j’avais deviné une partie de la fin ce qui m’arrive rarement. Dommage !

Pour résumer, le Phare au Corbeau est un bon divertissement dans le genre fantastique qui plaira aux adeptes mais séduira plus probablement les novices. L’héroïne change des personnages qu’on a l’habitude de côtoyer dans cette veine littéraire et c’est très plaisant. Malheureusement, l’intrigue a manqué pour moi de surprise et j’ai par moment ressenti quelques longueurs, ce qui ne m’a toutefois pas empêchée d’aller jusqu’au bout. Je ne pense pas que ce roman figurera dans mes finalistes pour le PLIB mais j’ai été contente de le découvrir.

Olangar #2 bans et barricades – Clément Bouhélier

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Olangar
est un diptyque de fantasy écrit par l’auteur français Clément Bouhélier. Publié chez Critic, vous trouverez ce second tome au prix de 22 euros, à l’instar du premier.

Souvenez-vous, je vous ai déjà parlé du premier tome au mois de mai, un peu avant les Imaginales. Il frôlait le coup de cœur, j’attendais de lire la suite pour me prononcer définitivement… Femme de peu de foi que je suis. Attention toutefois, cette chronique contient quelques spoils qui sont dissimulés par une écriture blanche. Pour les lire, il suffit de surligner le texte.

Je ne vais pas répéter ce que j’ai déjà dit au sujet du premier volume. L’univers reste très inspiré et fidèle à lui-même. J’adore l’idée de placer des créatures classiques de la fantasy dans un monde en pleine révolution industrielle et politique. Cela permet de jouer avec certains clichés et surtout, de traiter de thématiques actuelles. Et dans ce second tome, il y en a à la pelle…

Evyna cherche toujours des réponses au sujet de la mort de son frère. Elle se résout donc à se rendre à Frontenac, une ville à flanc de montagne où on entend perpétuellement le vrombissement de la cascade. Un véritable enfer où on bat la monnaie. Si j’insiste, c’est parce que tout ce passage m’a bluffé et représente bien de quelle manière Clément Bouhélier parvient à rendre vivant son univers. Je ressentais ce grondement, ce bruit assourdissant, cette chaleur étouffante. Une belle réussite. D’autant que ça permet au personnage d’évoluer en prenant conscience d’où vient son argent qu’elle utilise au quotidien. Des questions qu’on se pose rarement et qu’on devrait creuser.

Quant à l’intrigue, si elle souffre de quelques facilités par moment, elle ne manque pas de puissance et force le lecteur à réfléchir, à s’interroger. Finalement, « le liquide noir » qui a engendré toute cette sombre histoire n’est pas sans rappeler notre pétrole et les extrémités auxquelles son exploitation peut conduire. Un roman qui s’inscrit sans problème dans les thématiques fortes de la nouvelle vague fantasy. L’histoire en elle-même remplit donc son rôle mais j’ai regretté certains aspects comme le fait que Torgend survive sans arrêt à des blessures gravissimes ou qu’ils se retrouvent tous comme par hasard dans le désert juste au bon endroit pour apercevoir la base cachée, source de tous leurs problèmes. Ils réfléchissent par moment un peu trop bien et un peu trop vite toutefois je peux aisément pardonner cela face à la qualité du texte.

Pour ne rien gâcher, les personnages évoluent de manière crédible. Baldek a perdu Tomine durant l’assaut sur les barricades et il en est profondément affecté. Evyna laisse sa vengeance la grignoter de plus en plus jusqu’à sombrer dans un début de folie. Le destin semble désirer que Torgend survive envers et contre tout alors que lui-même est fatigué de vivre. D’ailleurs, on apprend les détails de son histoire et j’ai ressenti énormément d’empathie pour lui. On découvre aussi un nouveau protagoniste important avec l’orc Ergan qui permet d’en apprendre plus sur ce peuple dont on ne nous peint pas une bonne image depuis le début du roman. Grâce à lui, Clément Bouhélier dit définitivement non au manichéisme en développant une culture orc axée sur la guerre mais aussi davantage développée sur un plan technologique que les humains ! En effet, les orcs maîtrisent depuis longtemps la combustion du liquide noir, c’est ce qui a permis aux révolutionnaires, dix-sept ans plus tôt, de s’enfuir par la mer. J’ai apprécié ce bouleversement dans les codes raciaux même si certains traits restent caractéristiques.

Au final, Olangar est une saga que je vais retenir en premier lieu pour son concept original car à ma connaissance, Clément Bouhélier est le premier à user du bestiaire fantasy classique en plein dans un univers de révolution industrielle. Je le recommande aussi pour sa critique sociale virulente(dans le bon sens du terme) qui permet de réfléchir sur le sujet car finalement, nous vivons des situations semblables au quotidien. Enfin, je l’adore pour ses personnages auxquels je me suis très attachée très rapidement. Mention spéciale également au choix des fins pour les différents protagonistes. J’ai adoré cette absence de happy end, ce sentiment de vain, de vide, cette souffrance et cet égoïsme, cette humanité finalement qui donne au tout une belle crédibilité. D’ailleurs, l’auteur se laisse des pistes pour une suite qui, selon ce que j’ai pu comprendre, paraîtra en 2020. Impatiente je suis !

Pour conclure, j’ai adoré Olangar et je ne regrette pas d’avoir cédé à la tentation de découvrir ce diptyque en deux pavés qu’on dévore avec plaisir. Clément Bouhélier est un auteur talentueux qui écrit avec une plume immersive et maîtrisée. Il dépeint le quotidien d’une galerie de personnages très attachants qu’il humanise et nuance avec brio. Si l’intrigue souffre peut-être de certaines facilités (tout dépendra de vos goûts en la matière) je n’ai eu aucune problème à me passionner pour ce roman que je vous recommande plus que chaudement.

La route de la conquête et autres récits – Lionel Davoust

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La route de la conquête et autres récits est un recueil de nouvelles écrit par l’auteur français Lionel Davoust. Publié aux Éditions Critic, vous trouverez ce recueil au prix de 19 euros.
Ce roman est ma septième lecture dans le cadre du challenge S4F3s5 organisé par l’ami Lutin !

Je vous ai déjà parlé de Lionel Davoust après ma lecture de Les Questions dangereuses chez ActuSF, une novella qui m’avait laissée une forte impression. C’est donc naturellement que je suis allée à la rencontre de l’auteur lors des Imaginales et il m’a, lui aussi, laissé une forte impression (plus que positive 😉 ). Au point de repartir avec deux romans de sa main, dont celui ci. Pleine de confiance, je me suis embarquée dans son univers et damned, quelle bonne idée !

Ce recueil propose plusieurs nouvelles qui prennent toutes places dans le même contexte de fond et donc dans le même univers (qui, si j’ai bien compris, est celui que l’auteur développe dans tous ses romans chez Critic à différents moments de son Histoire) : l’empire d’Asreth désire unifier tous les peuples car c’est la seule solution pour empêcher la fin du monde. Cet empire dispose d’une technologie particulière qui m’évoque Gundam (moi qui adore les mécha-mangas, autant dire que je me suis régalée) : des armures de combat pilotées par des soldats d’élite qui fonctionnent avec un carburant issu de l’énergie même du monde. On est un peu à la frontière de la magie et de la science, c’est très plaisant et ça rend ce recueil assez inclassable je trouve. Tant mieux ! Lionel Davoust propose donc six récits qui traitent de cette conquête et mettent le lecteur au contact de plusieurs peuples.

La route de la conquête : Stannir Korvosa est généralissime de l’empire d’Asreth et arrive au terme de trente ans de conquête qui doit se conclure avec le peuple Umsaï. Elle découvre le pacifisme de ces tribus et leur incompréhension face aux notions qu’elle tente d’apporter. Il n’y a pas de chef, de pouvoir central, juste des Déjà-Morts et des gens qui n’éprouvent pas de fascination pour les progrès promis par l’empire. La confrontation entre ces deux visions du monde va mener la Généralissime à effectuer certains choix décisifs. Il s’agit du texte le plus long (plus de 100 pages !) qui donne bien le ton général de ce recueil très porté sur la diversité culturelle.

Au delà des murs : un vétéran de guerre se retrouve dans un établissement psychiatrique suite à une perte de contrôle qui le fit commettre des actes terribles. Jugé non responsable de ses actes, on le suit alors qu’il tente de se rappeler de quoi on l’accuse exactement. Un texte intense sur l’essence même de la réalité, teinté de paranoïa habilement maîtrisé par l’auteur qui empêche le lecteur d’être certain de ce qu’il lit. Lionel Davoust joue très clairement avec nos perceptions et il s’en sort brillamment.

La Fin de l’histoire : mon texte préféré. Construit sur base d’une alternance de point de vue, le lecteur suit à la fois le journal du conservateur Soval Veithar et la mémoire des enfants d’Isandra. Le premier accompagne un contingent militaire venu pacifier la région. Son rôle ? Préserver leur culture. Le second n’a pas de véritable identité, il parle en « nous » et raconte une cérémonie qui se déroule dans leur ville principale en même temps que les troupes de l’Empire avancent. Je ne vous gâche pas la découverte de ce qui va arriver parce que… Waouh. J’ai été particulièrement sensible à la conception historique dans cette nouvelle pleine d’émotions et de poésie. Un gros coup de cœur !

Bataille pour un souvenir: cette nouvelle est liée à la seconde puisqu’elle raconte en partie la même histoire mais cette fois du point de vue d’un guerrier-mémoire du nom de Thelín donc d’un ennemi de l’Empire. Le concept de guerrier-mémoire est assez original, il s’agit de sacrifier ses souvenirs à forte charge émotionnelle pour gagner en puissance. On dit qu’un guerrier-mémoire vaut dix ou vingt hommes et on le croit volontiers puisqu’ils sont capables d’affronter et même détruire les puissantes armures impériales. Cette nouvelle se concentre sur l’ultime duel entre Thelín et le général Erdani. Elle met en avant l’importance des souvenirs, leur poids et ce qu’ils représentent au sein de notre vie. Un texte bien rythmé qui ne manque pas d’intensité.

Le guerrier au bord de la glace: cette nouvelle se passe bien après les autres et raconte une bataille que livre l’empire contre des rebelles à son pouvoir. Quand je dis bien après, comptez cinq ou six siècles par rapport aux quatre premières. Elle est narrée à la première personne du point de vue de Jared qui partage sa mekhana avec Conscience, une projection de lui même avec laquelle il peut s’entretenir et qui l’aide à contrôler son armure. Ils livrent bataille ensemble aux côtés de l’empire qu’ils défendent avec ferveur. C’est la nouvelle que j’ai le moins apprécié du recueil même si elle reste à un niveau qualitatif égal. C’est simplement que j’ai trouvé le comportement du dragon profondément injuste et ressenti quelques longueurs à ma lecture.

Quelques grammes d’oubli sur la neige : un texte poignant qui se passe bien après tous les autres évènements du récit. D’ailleurs, il n’est pas daté, contrairement aux cinq autres. On y rencontre un jeune homme, apprenti au sein du culte de Wer, qui voit son pays dépérir. Famine, maladie… On a d’abord le sentiment que ce texte est antérieur aux autres et on se rend compte que non, le monde a subi une régression assez terrible. Arrive alors la folie du roi, qui fait quérir une magicienne pour lui permettre de contempler le passé, la gloire de l’empire et en tirer des enseignements afin de redresser la barre. L’enfer est pavé de bonnes intentions… On pourrait résumer ainsi cette nouvelle oppressante qui met en scène de quelle manière le pouvoir corrompt les meilleurs cœurs. Elle laisse un goût amer sur la langue et un pincement d’émotion à sa fin.

Pour résumer, j’ai adoré découvrir ce recueil que je qualifie sans hésiter de brillant. La plume de Lionel Davoust est maîtrisée et réfléchie. Il pèse bien ses mots, peu importe les circonstances et décrit très bien les moments d’action. Rien n’est laissé au hasard ! Son univers est incroyablement visuel, on n’a aucune difficulté à se projeter dedans. L’ensemble dégage une profonde mélancolie et constitue, je trouve, un plaidoyer poignant pour la diversité culturelle. Si le recueil complet n’est pas un coup de cœur, l’une des nouvelles l’est totalement et je ne peux que vous conseiller la découverte de ce talentueux auteur. Pour ma part, je vais continuer à explorer sa bibliographie !

Olangar, bans et barricades #1 – Clément Bouhélier

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Olangar
est un diptyque de fantasy écrit par l’auteur français Clément Bouhélier. Publié chez Critic, vous trouverez ce premier tome au prix de 22 euros.
Ceci est ma 26e lecture dans le cadre du Printemps de l’Imaginaire francophone.
Ceci est ma 6e lecture pour le Mois de la Fantasy et complète les défis suivants : un livre écrit par un auteur français, une relique de ma PàL.

Les élections approchent à Olangar et trois partis se disputent le pouvoir. Chacun y va de son programme, de sa promesse, pendant que les ouvriers meurent sur des chantiers navals. Baldek Istömin travaille pour la Confrérie des nains. Il protège les siens et quand il flaire une affaire louche, il compte en profiter pour se battre, allant jusqu’à la grève générale.
Parallèlement à cela, Evyna arrive à Olangar pour chercher des réponses au sujet du meurtre de son frère. Son père lui a conseillé de s’adresser à l’un de ses vieux amis et camarade militaire, l’elfe Torgend, qui croupit en prison pour agression. L’elfe banni s’allie alors à la jeune femme pour découvrir la vérité. Et il se pourrait que toutes ces affaires soient liées…

Je n’étais pas spécialement attirée par le roman à l’origine, jusqu’à découvrir la critique du Troll qui m’a mis l’eau à la bouche. Ni une ni deux, j’ai foncé chez mon librairie puis… J’ai attendu. Quoi, exactement? Je ne le sais toujours pas aujourd’hui. Mais à l’approche des Imaginales, prise d’une soudaine impulsion, j’ai décidé de lire ce premier tome afin de, potentiellement, me procurer le second. Si tant est que j’accroche à l’histoire…

Honnêtement, j’achète la suite dès jeudi en arrivant.

L’univers proposé par Clément Bouhélier est original et constitue la grande force du roman. Certes, il utilise des créatures assez communes du bestiaire fantasy. Bonjour les orcs, les nains et les elfes. Pourtant, il ne se contente pas d’une énième redite à la sauce médiévale, que nenni ! L’auteur préfère placer ses personnages dans un contexte post révolution industrielle où la population se crève dans les mines et sur les chantiers, pour produire toujours plus. Par ce biais, Clément Bouhélier propose un panorama social d’une grande justesse ainsi que son lot de critiques sur les différents acteurs du milieu. Je n’ai pas ressenti ce roman particulièrement engagé dans l’une ou l’autre idéologie, ce que je valide. Il apporte son lot de cynisme et tout le monde en prend pour son grade. À travers les réflexions des personnages ainsi que leurs actions, le lecteur en vient à remettre en question son propre quotidien et je trouve ça assez cocasse, finalement, d’achever ce roman à quelques jours des élections.

Si le contexte et le fond du roman constituent sa grande force, ils ne forment pas son unique attrait. Dans une narration à la troisième personne, l’écriture précise et maîtrisée de Clément Bouhélier nous entraine à la découverte de plusieurs personnages, certains plus importants que d’autres mais qui apportent tous leur pierre à l’édifice du récit. Un récit sur deux axes principaux qui parfois, se rejoignent.

Ainsi, le lecteur découvre d’abord Torgend, cet elfe banni par les siens pour une raison assez nébuleuse qu’on ne découvre que partiellement dans ses cauchemars. Cette entrée en matière est prétexte à découvrir les détails de la bataille d’Oqananga, ce qui servira probablement davantage dans les révélations attendues au sein du second tome. C’est ensuite au tour d’Evyna, une jeune noble qui ne manque pas de courage ni de détermination, sans pour autant être tête brûlée. Un personnage féminin qui sonne juste, qui sait se défendre sans devenir pour autant une guerrière invincible et qui ne recule devant rien. D’ailleurs, les femmes ont un rôle égal à celui des hommes dans ce roman et pour une fois, je trouve qu’elles sont bien représentées en sortant des stéréotypes habituels de maîtresse / gamine / insérez-le-cliché-suivant. Clément Bouhélier leur donne une véritable personnalité et, plus important, en les détachant totalement de leur apparence physique ! Ça peut paraître bête énoncé ainsi mais essayez de vous rappeler la dernière fois que ça vous est arrivé. Evyna, Tomine, Alnarea, Silja, toutes jouent un rôle décisif à un moment ou à un autre et restent dans les mémoires pour leur personnalité.

Par la suite, le lecteur rencontre Baldek et d’autres nains qui gravitent autour de lui, ce qui permet de plonger tête la première au sein d’une sorte de syndicat nanesque (ou nanique? 😉 #rda)  qui s’apparente parfois à une organisation criminelle organisée plus ou moins légale. Baldek est un nain intelligent qui n’hésite pas à se salir les mains pour la bonne cause et qui défend toujours l’intérêt des siens. Il intrigue pour ne jamais laisser une injustice ou une malversation impunie, ce qui va l’amener à rencontrer Evyna. C’est l’affaire concernant son frère qui lui met la puce à l’oreille et qui va lui permettre de découvrir le début d’une très sombre affaire.

Mais il n’y a pas que de la politique, dans Olangar. Il y a aussi des combats, beaucoup de combats. J’adore ! Clément Bouhélier s’en sort très bien dans la description des scènes. Il a pensé à tout, il connait son sujet sur un plan technique et stratégique, ce qui donne un texte crédible. Le soin qu’il a apporté à son roman est vraiment remarquable.

En bref et si ce n’était pas clair, j’ai adoré ce roman qui frôle le coup de cœur (à voir après la lecture du 2 !). Olangar propose une réécriture de fantasy classique en transposant des orcs, des nains et des elfes dans un univers post révolution industrielle où chacun doit se battre pour ses acquis sociaux. Sur fond de lutte politico-sociale, Olangar est non seulement un roman prenant avec une intrigue addictive et rythmée mais aussi un texte intelligent qui invite son lecteur à réfléchir sur des sujets d’actualité encore brûlants. Clément Bouhélier signe ici le premier tome d’un diptyque savoureux qui frôle l’excellence et lorsqu’on ferme ce roman, on n’a qu’une envie: foncer en librairie pour acheter la suite.

Les Révoltés de Bohen – Estelle Faye

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Les Révoltés de Bohen
est la suite des Seigneurs de Bohen, un roman proposé par l’autrice française Estelle Faye. Publié chez Critic, vous trouverez ce texte en papier au prix de 25 euros.
Ceci est ma douzième lecture dans le cadre du Printemps de l’Imaginaire francophone.

Le récit se déroule quinze ans après les évènements narrés dans les Seigneurs de Bohen. Une nouvelle narratrice raconte de quelle façon la révolution a continué, a en partie échoué, les conséquences que cela a eu et comment le peuple de Bohen en est arrivé à cette Seconde Révolution. À mon sens, le texte peut très bien se découvrir de manière indépendante car l’autrice ravive notre mémoire -sans alourdir le texte- en plaçant des rappels de ci, de là. Ils prennent une dimension particulière pour ceux qui ont découvert le premier livre mais permettent aussi à ceux qui ne sont attirés que par les Révoltés de se passer de lire le roman qui lui est lié. Toutefois, croyez moi, ce serait une très grande perte pour vous !

Tout au long des 733 pages réparties en plus de 100 chapitres, Estelle Faye offre un roman chorale de grande envergure qui nous permet de voyager aux quatre coins de Bohen. Nous y retrouvons les personnages du premier tome sous un jour différent, ainsi que certains nouveaux qui ne sont pas pour déplaire. J’aimerai beaucoup en dire davantage mais cela impliquerait de spoiler une partie des Seigneurs de Bohen et je m’y refuse catégoriquement.

J’ai relevé dans cette suite des qualités identiques à celles détaillées dans ma chronique des Seigneurs de Bohen. Je vais commencer par évoquer les personnages multiples et tous représentatifs d’une partie du monde où l’intrigue ne cesse de sauter. On apprend quel destin ont eu ceux qu’on connaissait, on se surprend à en retrouver d’autres mais ce qui est certain, c’est qu’aucun ne laisse indifférent. Qu’on les aime ou non, qu’on les comprenne ou non, la magie d’Estelle Faye opère et le lecteur se retrouve facilement embarqué dans une intrigue qui trouve son origine dans les passions humaines et dans les ambitions bassement matérielles. Le tout sur fond de richesse culturelle, parce qu’on en rencontre des peuplades ! Pour prendre toute la mesure des Révoltés de Bohen, il faut abandonner nos propres convictions pour se laisser porter par celles des personnages dont on suit l’évolution. Personnellement, c’est quelque chose que je recherche avec avidité dans mes lectures et que j’ai trouvé sans difficulté ici.

Cela donne évidemment un roman très immersif. Si j’ai ressenti une énorme frustration à suivre certains personnages au lieu d’autres, j’ai à nouveau eu les larmes aux yeux à la fin et c’est la marque des grands textes, parvenir à nous tirer des émotions sincères alors qu’on sait très bien que c’est une œuvre de fiction. Mais Estelle Faye donne si bien vie à Bohen qu’on ne peut pas rester de marbre à sa lecture.

Est-ce pour autant de la dark fantasy, comme semble le présenter l’éditeur? À mon sens, non, pas totalement. Le texte est résolument destiné à un public adulte, mâture. Il contient des scènes violentes et à caractère explicite. Il ne souffre pas d’anthropocentrisme ni même de manichéisme et il apporte bien une réflexion sur les côtés sombres de l’humain. Les personnages ont tous des caractères différents et ne peuvent pas se comparer avec des héros au sens classique du terme d’autant que l’autrice exploite les psychologies dites « déviantes » pour notre plus grand plaisir. Malgré cela, il véhicule un fort message d’espoir qui continue d’éclairer l’horizon et qui ne colle pas trop avec ce qu’on attend au sein de ce genre littéraire. Ni avec le ton fataliste des Seigneurs de Bohen. Après, on est d’accord, tout ça ne sont que des classifications éditoriales et ça n’empêche pas Estelle Faye de brasser plusieurs thématiques aussi fortes que contemporaines. Notamment la tolérance, le droit des femmes, le mariage pour tous, la sexualité sous ses différentes formes, pour ne citer que cela.

Ainsi, l’autrice nous offre une œuvre aussi immersive qu’engagée. Ce texte souffre moins des longueurs ressenties dans les Seigneurs de Bohen et on sent qu’elle est encore parvenue à s’améliorer. Comme quoi, tout est possible ! Et pour ne rien gâcher, elle choisit de développer toute une nouvelle mythologie autour des Wurms qui sont absolument fascinants. Je rêve d’une préquelle à leur sujet, qu’on se le dise. Et pas uniquement parce que Morde (♥) est mon personnage préféré.

Pour résumer et si ce n’était pas clair, j’ai eu un gros coup de cœur pour ce roman. L’univers de Bohen m’est particulièrement cher et Estelle Faye lui a donné une suite à sa hauteur. J’ai été embarquée par son intrigue sans temps mort et par ses personnages toujours aussi fascinants. L’autrice ose une fois de plus sortir des sentiers battus et je ne peux qu’espérer que la dernière phrase du roman soit une promesse faite à ses lecteurs avides d’en avoir encore ! Je vous recommande plus que chaudement de découvrir cette saga de toute urgence, d’autant que les Seigneurs de Bohen sort en poche début juin. Plus aucune excuse pour reculer 🙂

L’Empire du Léopard – Emmanuel Chastellière

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L’Empire du Léopard
est un one-shot de flintlock fantasy (ou gunpowder fantasy en fonction des écoles, je vous renvoie chez Apophis pour y voir plus clair sur ces qualifications) écrit par l’auteur français Emmanuel Chastellière. Édité chez Critic, vous trouverez ce roman au prix de 25 euros.

J’entends parler de l’Empire du Léopard depuis sa sortie l’année dernière, chez la majorité des blogpotes que je suis. Voir un livre unanimement encensé par ces connaisseurs parfois si difficiles à satisfaire m’intriguait beaucoup et m’intimidait à la fois. Je me suis finalement laissée tenter quand mon amie Laure-Anne a proposé de me le prêter. Il traine dans ma PàL depuis les Imaginales (scandale !) parce que j’avais un peu peur de le sortir… Et d’être déçue. De trop en attendre.
Si vous lisez assidument les articles du blog, vous connaissez déjà la suite de cette phrase.

L’Empire du Léopard se passe en 1870. Le Coronado a conquis la Lune d’or depuis six ans mais la colonie va mal. Ils partaient en espérant trouver des richesses et la fontaine de jouvence, ils n’ont eu que des indigènes et une terre hostile. Le colonel Cérès Orkatz (surnommée la Salamandre) tente de maintenir la barre tant bien que mal en soutenant le vice roi Philomé dans ses décisions et en présentant un front uni devant le Conseil agité. C’est alors qu’un message arrive du mystérieux Empire du Léopard dont ils ne connaissent pas grand chose et qui paraissait tenir de la légende. Une proposition qui pourrait tout changer…

L’empire du Léopard est un roman aux nombreuses forces et j’hésite encore sur son meilleur côté. C’est probablement le traitement des personnages proposé par Emmanuel Chastellière qui m’a le plus marquée ! Cérès est celle que le lecteur suit principalement mais les points de vue se multiplient tout de même dans ce roman rédigé à la troisième personne. Ils permettent de nuancer certains propos et d’y voir plus clair dans d’autres. J’ai trouvé assez intéressant le personnage de Cortellan, capitaine des mercenaires qu’on a plus d’une fois envie de gifler ainsi que celui de Camellia, une indigène qui a choisi de rejoindre les rangs des envahisseurs pour échapper à un destin funeste. Ils ne sont pas les seuls, en réalité. En général quand les points de vue se multiplient, il y a toujours l’un ou l’autre personnage un peu moins intéressant mais ce n’est pas le cas ici. L’auteur propose un bel équilibre dans sa narration, ce que je tenais à souligner.

L’intrigue est complexe mais bien amenée. On ne peut faire confiance à personne dans la Lune d’Or et si certaines trahisons s’anticipent aisément (à moins que je ne sois trop méfiante ?), d’autres sont de vraies surprises. Les événements s’enchaînent de manière fluide. Évidemment, une phase d’exposition est nécessaire pour comprendre non seulement l’univers, mais également les personnages. Elle dure sur le premier tiers du roman et j’ai remarqué que certains le signalaient comme une faiblesse. Toutefois, sur un plan personnel, je ne l’ai pas du tout vécu comme ça. Chaque chapitre me paraissait pertinent et bien découpé. Si j’ai peut-être un léger reproche à adresser au roman là-dessus, c’est plutôt sa fin qui m’a donné un sentiment de trop. J’y ai trouvé quelques longueurs et un traitement qui m’a rappelé certains shônen (je ne sais pas si l’auteur aime le manga ?) ou en tout cas une fantasy plus classique qui en met plein les yeux, sur le côté abusif des puissances déployées. C’est une question de goût et de point de vue, évidemment, mais j’aurai apprécié un peu plus de sobriété bien que le contraste entre les opinions des personnages sur la magie et son déploiement ne manque pas forcément d’intérêt.

Emmanuel Chastellière aime la fantasy et ça se sent à chaque page de l’Empire du Léopard. Il utilise un langage précis mais pas ampoulé et maîtrise le vocabulaire autant colonial que militaire pour dépeindre un univers inspiré qui sort des sentiers battus. Je ne suis pas non plus une spécialiste toutefois le roman m’a paru très crédible sur ces points. Par bien des aspects, L’Empire du Léopard m’a rappelé l’excellente saga Les Elfes de James Barclay (sûrement dans mon top 3 des meilleures trilogies fantasy de tous les temps) qui se déroule dans un environnement (géographique et ambiance) semblable et traite aussi les thématiques du colonialisme, des abus perpétrés par les envahisseurs, des illusions qu’on entretient sur les autres cultures, du racisme, de l’ethnocentrisme, entre autres.

Je ne vais pas m’aventurer à tenter de classifier ce roman mais j’ai eu le sentiment de découvrir une dark fantasy par son ambiance et les frontières floues des valeurs de chaque personnage. Une dark fantasy qui sort de son cadre médiéval habituel pour se placer en des terres exotiques (welcome to the jungle, comme le disait la chanson !) ravagées par des envahisseurs cupides et aveugles. Le ton du roman est globalement désabusé et le lecteur avance sur une poudrière qui pourrait exploser à n’importe quel moment. Les personnages qui entretiennent encore de l’espoir connaissent d’ailleurs des destins assez funestes, comme un message supplémentaire.

En bref et pour conclure, l’Empire du Léopard est une vraie réussite. Ce page turner  de 650 pages se lit tout seul malgré son épaisseur qui pourrait rebuter quelques lecteurs et quel tort ce serait ! Emmanuel Chastellière pose un univers exotique riche et intéressant qu’on a peu l’habitude de trouver dans la fantasy française, avec un style littéraire maîtrisé de bout en bout. Je recommande plus que chaudement ce texte !