Le Chant des Épines #1 le Royaume Rêvé – Adrien Tomas

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Le Royaume Rêvé est le premier tome de la saga le Chant des Épines écrit par l’auteur français Adrien Tomas. Publié chez Mnémos, vous trouverez ce roman au prix de 19 euros.
Ce roman est ma seizième lecture dans le cadre du Printemps de l’Imaginaire francophone.

Voilà bien deux ans que cet epub traine dans ma PàL numérique. Acheté pendant une promotion estivale peu de temps après avoir lu la Geste du Sixième Royaume, il est finalement tombé dans l’oubli pour ressortir à l’occasion du PIF parce que bah… J’aime pas ne pas lire ce que j’achète. Quand même.

Le texte s’ouvre sur une présentation des différents clans dont on va parler dans le texte. Leur blason, leur histoire, l’identité de leur héritier. Ainsi, le lecteur se familiarise directement avec l’univers et il n’y a aucun doute quant à l’endroit où on se trouve ! Rien qu’à la sonorité des noms, on ressent le froid piquant du Nord. L’initiative ne m’a pas vraiment servie car je trouve que l’auteur place très bien ses personnages au fil de ses chapitre mais cela permet au moins de se rafraîchir la mémoire si, à un moment donné, on se perd ou on arrête la lecture pour x raison. Puis ça reste ludique. Bon point !

Au sein d’un roman chorale, Adrien Tomas nous propose de découvrir le destin des héritiers de clans nordiques qui ont pour projet de créer le fameux Royaume Rêvé du titre : un Nord unifié sans distinction de clan ou de caste afin de s’opposer à la menace qui plane sur eux. Enfin aux. Mais la voie empruntée est semée d’embuches. Le Nord est affaibli par des querelles entre les Quatre Citadelles. Sans parler des mandragores, vestiges de la civilisation elfique, qui apparaissent soudain et répandent la terreur dans les environs en massacrant à tour de bras. Puis n’oublions pas que ces héritiers sont des otages avant toute chose ! Ainsi, la princesse Ithaen tente de s’attacher leur loyauté en créant les Épines, une sorte de cercle d’élite composé entre autre d’Ysémir (le personnage le plus gonflant du monde), Merisia (l’apprentie de l’apothicaire) Solheim (le prince nécromant mais gentil hein, oubliez les tarés maléfiques habituels) et Vermine qui n’est princesse de rien du tout, juste une mystérieuse enfant sauvage liée à une prophétie dont on parle seulement au début du roman. En plus de ces héritiers, le lecteur suivra aussi des protagonistes mystérieux qui, a priori, n’ont rien avoir avec toute cette histoire. A priori seulement je suppose même si à la fin de ce premier tome, le lien reste obscur et titille la curiosité du lecteur.

Situé chronologiquement avant la Geste du Sixième Royaume, Adrien Tomas continue d’exploiter son vaste univers à la mythologie aussi riche qu’aboutie. À mes yeux, voilà le gros point fort du roman. Il transforme les races classiques pour leur donner un nouveau souffle, ce qui est très appréciable. Pour exemple, jusqu’au siècle dernier, les Elfes gouvernaient les humains, réduis en esclavage. Suite à une révolte, ils se sont réfugiés dans la forêt en laissant derrière eux un peu de leur sombre magie, notamment les mandragores mais pas que. Et forcément, quelqu’un a décidé de l’exploiter à des fins plus ou moins nobles. À vous de juger.

Je pense que ce roman est présenté comment destiné à un public adulte mais je l’ai trouvé plutôt parfait pour des ados ou des gens qui veulent s’initier à la fantasy. Vous me direz, c‘est normal, les princes en question SONT des ados en pleine recherche d’eux-même mais ce premier tome manquait parfois de nuance dans la psychologie des protagonistes et de surprises dans son action. Si certains éléments de l’intrigue ne manquent pas d’originalité, on devine trop facilement l’identité de ceux qui évoluent dans l’ombre (et dont on ne cite pas les noms pour entretenir le mystère), ce qui contribue à installer un faux suspens. En fait, seulement deux personnages collent vraiment à mes goûts et mes attentes: Ténèbres et la Locuste (cœur sur lui !) dont les manigances parviennent à entretenir mon intérêt. Il a l’air de manquer un sacré grain à ce type en plus. Donc forcément…

Si l’intrigue reste classique dans ce tome introductif, la fin laisse présager un développement plus complexe et sans doute plus sombre, il suffit de voir les titres des deux autres tomes pour s’en convaincre (ou pour l’espérer). Je gardais un autre souvenir de la fantasy d’Adrien Tomas (plus sombre, subtile, dérangeante) et en attendais autre chose. Du coup ce tome m’a déboussolée mais je lui reconnais volontiers des qualités prometteuses. Si ses personnages sont encore assez bruts et qu’à une ou deux exceptions, on a quand même droit à une bonne dose de manichéisme, les indices dissimulés dans le texte laissent à penser que ça ne durera pas. De plus, l’écriture fluide et maîtrisée de l’auteur en font un page-turner efficace dont on se surprend à vouloir connaître la suite.

Pour résumer, si je m’attendais à autre chose et que tout n’est pas parvenu à m’enchanter, j’ai tout de même passé un agréable moment lecture avec le Royaume Rêvé qui pose des bases prometteuses pour la suite de la trilogie. L’aspect roman chorale permet au lecteur de découvrir énormément de protagonistes et il s’en trouvera toujours au moins un pour vous plaire. De plus, l’auteur est un habitué de fantasy doublé d’un passionné et ça se sent quand on le lit. Finalement, ce livre a le problème de tous les tomes introductifs tout en réussissant à accrocher suffisamment pour donner envie de lire le second volet. Une réussite, si on résume. Personnellement, je vais laisser sa chance à la suite.

Les Révoltés de Bohen – Estelle Faye

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Les Révoltés de Bohen
est la suite des Seigneurs de Bohen, un roman proposé par l’autrice française Estelle Faye. Publié chez Critic, vous trouverez ce texte en papier au prix de 25 euros.
Ceci est ma douzième lecture dans le cadre du Printemps de l’Imaginaire francophone.

Le récit se déroule quinze ans après les évènements narrés dans les Seigneurs de Bohen. Une nouvelle narratrice raconte de quelle façon la révolution a continué, a en partie échoué, les conséquences que cela a eu et comment le peuple de Bohen en est arrivé à cette Seconde Révolution. À mon sens, le texte peut très bien se découvrir de manière indépendante car l’autrice ravive notre mémoire -sans alourdir le texte- en plaçant des rappels de ci, de là. Ils prennent une dimension particulière pour ceux qui ont découvert le premier livre mais permettent aussi à ceux qui ne sont attirés que par les Révoltés de se passer de lire le roman qui lui est lié. Toutefois, croyez moi, ce serait une très grande perte pour vous !

Tout au long des 733 pages réparties en plus de 100 chapitres, Estelle Faye offre un roman chorale de grande envergure qui nous permet de voyager aux quatre coins de Bohen. Nous y retrouvons les personnages du premier tome sous un jour différent, ainsi que certains nouveaux qui ne sont pas pour déplaire. J’aimerai beaucoup en dire davantage mais cela impliquerait de spoiler une partie des Seigneurs de Bohen et je m’y refuse catégoriquement.

J’ai relevé dans cette suite des qualités identiques à celles détaillées dans ma chronique des Seigneurs de Bohen. Je vais commencer par évoquer les personnages multiples et tous représentatifs d’une partie du monde où l’intrigue ne cesse de sauter. On apprend quel destin ont eu ceux qu’on connaissait, on se surprend à en retrouver d’autres mais ce qui est certain, c’est qu’aucun ne laisse indifférent. Qu’on les aime ou non, qu’on les comprenne ou non, la magie d’Estelle Faye opère et le lecteur se retrouve facilement embarqué dans une intrigue qui trouve son origine dans les passions humaines et dans les ambitions bassement matérielles. Le tout sur fond de richesse culturelle, parce qu’on en rencontre des peuplades ! Pour prendre toute la mesure des Révoltés de Bohen, il faut abandonner nos propres convictions pour se laisser porter par celles des personnages dont on suit l’évolution. Personnellement, c’est quelque chose que je recherche avec avidité dans mes lectures et que j’ai trouvé sans difficulté ici.

Cela donne évidemment un roman très immersif. Si j’ai ressenti une énorme frustration à suivre certains personnages au lieu d’autres, j’ai à nouveau eu les larmes aux yeux à la fin et c’est la marque des grands textes, parvenir à nous tirer des émotions sincères alors qu’on sait très bien que c’est une œuvre de fiction. Mais Estelle Faye donne si bien vie à Bohen qu’on ne peut pas rester de marbre à sa lecture.

Est-ce pour autant de la dark fantasy, comme semble le présenter l’éditeur? À mon sens, non, pas totalement. Le texte est résolument destiné à un public adulte, mâture. Il contient des scènes violentes et à caractère explicite. Il ne souffre pas d’anthropocentrisme ni même de manichéisme et il apporte bien une réflexion sur les côtés sombres de l’humain. Les personnages ont tous des caractères différents et ne peuvent pas se comparer avec des héros au sens classique du terme d’autant que l’autrice exploite les psychologies dites « déviantes » pour notre plus grand plaisir. Malgré cela, il véhicule un fort message d’espoir qui continue d’éclairer l’horizon et qui ne colle pas trop avec ce qu’on attend au sein de ce genre littéraire. Ni avec le ton fataliste des Seigneurs de Bohen. Après, on est d’accord, tout ça ne sont que des classifications éditoriales et ça n’empêche pas Estelle Faye de brasser plusieurs thématiques aussi fortes que contemporaines. Notamment la tolérance, le droit des femmes, le mariage pour tous, la sexualité sous ses différentes formes, pour ne citer que cela.

Ainsi, l’autrice nous offre une œuvre aussi immersive qu’engagée. Ce texte souffre moins des longueurs ressenties dans les Seigneurs de Bohen et on sent qu’elle est encore parvenue à s’améliorer. Comme quoi, tout est possible ! Et pour ne rien gâcher, elle choisit de développer toute une nouvelle mythologie autour des Wurms qui sont absolument fascinants. Je rêve d’une préquelle à leur sujet, qu’on se le dise. Et pas uniquement parce que Morde (♥) est mon personnage préféré.

Pour résumer et si ce n’était pas clair, j’ai eu un gros coup de cœur pour ce roman. L’univers de Bohen m’est particulièrement cher et Estelle Faye lui a donné une suite à sa hauteur. J’ai été embarquée par son intrigue sans temps mort et par ses personnages toujours aussi fascinants. L’autrice ose une fois de plus sortir des sentiers battus et je ne peux qu’espérer que la dernière phrase du roman soit une promesse faite à ses lecteurs avides d’en avoir encore ! Je vous recommande plus que chaudement de découvrir cette saga de toute urgence, d’autant que les Seigneurs de Bohen sort en poche début juin. Plus aucune excuse pour reculer 🙂

L’Enfer du Troll – Jean-Claude Dunyach

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L’Enfer du Troll est un roman court parodique dans la lignée de l’Instinct du Troll écrit par l’auteur français Jean-Claude Dunyach. Édité par l’Atalante, vous trouverez ce roman en papier au prix de 12.90 euros.
Je remercie Emma et les Éditions Atalante pour ce service presse !
Ce roman est ma onzième lecture dans le cadre du Printemps de l’Imaginaire francophone.

Cette chronique sera un peu plus courte que les autres car je me rends compte que je n’ai pas grand chose à rajouter par rapport à ce que j’ai déjà pu dire dans l’Instinct du Troll.

L’Enfer du Troll est donc la suite de l’Instinct du Troll. On y retrouve les personnages du troll, de sa trollesse (ce qui offre un point de vue un peu plus féminin), de Cédric, Sheldon et Brisène, en route pour empêcher l’apocalypse et le tout avec un budget s’il vous plait ! Sous un format à 100% roman cette fois, Jean-Claude Dunyach reste sur son concept premier en offrant une délicieuse parodie de l’administration, du capitalisme, avec des références et des clins d’œil disséminés un peu partout.

Mais pas seulement !

L’aspect supplémentaire, par rapport au tome précédent, c’est qu’on en apprend davantage sur les trolls et sur leur intimité. C’est presque ethnologique comme livre, je trouve que la façon dont Jean-Claude Dunyach construit sa mythologie dénote une grande imagination et beaucoup d’originalité. Cela change de la vision qu’on a usuellement de la race troll. Le couple entre le Troll et la Trollesse fonctionne bien et les quelques conseils maritaux dispensés dans le roman ne manquent pas d’humour. Ce qui est particulièrement intéressant, c’est la confrontation de plusieurs cultures. Ici, en l’occurrence, celle des trolls et celle des humains. Cela change agréablement de l’ethnocentrisme qu’on retrouve trop souvent en fantasy tout en permettant une critique pertinente de nos habitudes.

Pour résumer, l’Enfer du Troll est le digne successeur de l’Instinct du Troll. Il suit la même ligne directrice en proposant une parodie pleine d’humour et complètement décalée, qui s’assortit d’une critique sociale bien marquée dans le sous-texte. Réfléchir en s’amusant? Avec Jean-Claude Dunyach, c’est possible ! Et le tout sans ethnocentrisme, s’il vous plait. J’ai à nouveau passé un excellent moment et je compte bien me pencher sur les autres œuvres de ce talentueux auteur.

La Voie du Sabre – Thomas Day

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La Voie du Sabre
est un one shot de fantasy japonaise écrit par l’auteur français Thomas Day. Vous trouverez ce roman en version poche chez Folio SF au prix de 6.80 euros.
Je confirme donc qu’il s’agit d’un one-shot et que c’est la BD adaptée du roman qui est en trois tomes, une pour chaque partie du texte.
Ce roman est ma dixième lecture dans le cadre du Printemps de l’Imaginaire francophone.

C’est grâce aux blog-potes que j’ai découvert ce monument de fantasy nippone écrit par un auteur français. Alors merci au Troll et au Lutin de participer si activement à la construction de ma culture 🙂

Mikédi est le fils d’un grand chef de guerre. Dans l’espoir d’assouvir ses propres ambitions, son père le confie à un rônin, le célèbre Miyamoto Musashi. Pendant six ans, ils vont parcourir ensemble le chemin menant à Edo afin que Mikédi puisse épouser la fille de l’Empereur et parfaire son apprentissage du Secret. Hélas pour Mikédi, qu’on surnomme bientôt Oni, la tentation du pouvoir est grande et les conséquences, terribles.

La Voie du Sabre est une uchronie fantasy inspirée du Japon médiéval et de certains personnages historiques dont principalement Miyamoto Musashi que vous connaissez peut-être pour son célèbre Traité des Cinq Roues. Il s’agit d’un personnage fameux à cheval sur la fin de l’ère féodale et le début de l’ère Edo, grand samouraï, artiste et philosophe. Le retrouver ici romancé et librement réadapté par l’auteur dans une diégèse imaginaire plaira autant à ceux qui connaissent son histoire qu’aux novices car l’auteur a eu l’idée de mettre un petit explicatif au début du roman. Ainsi, on peut facilement tisser des liens et repérer les clins d’œil au sein du texte. Notamment par la façon dont l’histoire est posée, qui n’est pas sans rappeler la propre fin de Miyamoto Musashi.

J’en profite pour préciser que Thomas Day propose plusieurs aides au sein de son roman pour ceux qui ne sont pas familiers de la culture japonaise ou de son vocabulaire. Notamment un lexique qui peut se révéler utile, en plus de son avant propos sur Miyamoto Musashi.

L’uchronie du texte devient fantasy à partir du moment où l’auteur incorpore des monstres extraordinaires, des magiciens et des empereurs-dragons, mélangeant ainsi les mythes et les légendes nippones pour donner à son récit une saveur particulière. Adorant tout ce qui touche à la culture japonaise, j’ai été immédiatement séduite par les idées développées dans la Voie du Sabre qui offre un mélange assez fin entre philosophie, récit initiatique et magie.

Si le style de Thomas Day reste moderne, il rend tout de même hommage aux romans japonais (et à la culture qui s’y associe) par sa façon de poser son récit. Par exemple, il souvent plusieurs années sur quelques lignes, en se concentrant sur des scènes clés à forte signification philosophique, éclipsant le reste ou le résumant en quelques explications utiles. Ainsi, les chapitres sont courts, immersifs et dynamiques. On peut aussi ajouter la présence de l’érotisme et du corps féminin, assez typique du Japon autant dans la littérature que dans leur cinéma (et non, je ne parle pas de hentaï 🙂 par contre si vous n’avez jamais vu l’empire des sens… ) Si je ne savais pas l’auteur français, j’aurai presque pensé à une traduction d’un écrivain du cru. Chapeau !

Puisque Mikédi raconte son histoire, le roman est écrit à la première personne. Cela permet de suivre un anti-héros qui critique a posteriori ses actions et ses erreurs, qui les décortique et les analyse. L’œil qu’il pose sur lui-même permet au lecteur de ne pas totalement le mépriser pour ses actions et même parfois de le comprendre. J’ai, personnellement, vraiment apprécié ce personnage avec ses failles et ses évolutions. Son parcours initiatique sort des sentiers battus et la relation qu’il développe avec son maître change de ce dont on a l’habitude. Le lecteur suit l’enchainement de ses choix avec une fascination morbide et se régale comme devant un bon manga.

Pour résumer, la Voie du Sabre est un texte brillant qui rend un vibrant hommage au Japon et à sa culture littéraire. On sent l’auteur passionné par son sujet au point de nous livrer un page-turner haletant avec un héros qui restera longtemps dans ma mémoire. J’ai adoré ce texte et je vous le recommande très chaudement ! D’autant que l’auteur sera à Trolls et Légendes, je vais donc me faire un plaisir de le rencontrer 🙂

Le Bâtard de Kosigan #4 Le Testament d’Involution – Fabien Cerutti

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Le Testament d’Involution est le 4e (et dernier) tome du premier cycle du Bâtard de Kosigan écrit par l’auteur français Fabien Cerutti. La fantasy médiévale se mêle à un 20e siècle sous forme épistolaire (oui c’est pas banal) pour une saga plus que géniale qui est disponible chez Mnémos au prix de 20 euros le tome.
Je remercie chaleureusement les éditions Mnémos en la personne de Nathalie pour ce service presse.
Ce roman entre dans le Pumpkin Autumn Challenge pour la catégorie « Au détour de Brocéliande » même si on peut la classer ailleurs. C’est juste que ça m’arrange de le mettre là :3

Je viens à l’instant de finir ma lecture donc j’écris mon avis un peu à chaud. Plutôt très à chaud. Et je vous avoue que j’ai présentement du mal à poser des mots sur l’enthousiasme que je ressens à la lecture de ce récit. J’ai lu un commentaire sur Booknode de quelqu’un qui se disait gêner de poster un retour sur ce livre, parce qu’il ne serait jamais à la hauteur de la qualité du roman. Au final, j’ai un peu le même problème.

Dans ma chronique du 3e tome (vu que, pour rappel, j’ai lu les deux premiers avant d’ouvrir le blog) j’ai mis l’accent sur toute une série de qualités qu’on retrouve évidemment dans ce 4e tome: un univers extrêmement riche et travaillé, un usage de la langue d’une rare maîtrise, une connaissance poussée de l’Histoire et des légendes dites « fantasy »… Alors, pensez-vous: tu vas juste te répéter, c’est ça? Et encore nous dire qu’on doit absolument lire cette saga? Que passer à côté, ça causera un manque dans nos vies, même si c’est plutôt destiné à un public de niche vu le niveau littéraire?
Déjà, oui. Clairement.
Mais pas que !

Dans ce quatrième tome, nous retrouvons notre chevalier là où nous l’avons laissé puisque les tomes 3 et 4 sont véritablement complémentaires, contrairement aux deux premiers. Du coup, je ne vous précise pas où exactement nous avions abandonné le chevalier ou même son descendant, vous le découvrirez par vous même. Les questions que l’on se posaient -parfois depuis le premier tome- trouvent enfin des réponses, de nouvelles prennent forment et la conclusion se dessine avec une rare maestria. Je suis épatée par le talent de l’auteur, qui a su tisser seul (enfin… seul? 😉 ceux qui ont lu comprendront) une intrigue aussi complexe qui se tient de bout en bout. Rien n’est laissé au hasard, le suspens est brillamment distillé et le rythme narratif réglé au poil. Il oscille entre révélations et scènes d’action, des passages entre le XIV et le XXe siècle, au point qu’on pose difficilement ce pavé de plus de 400 pages.

On pourrait croire, vu les nombreuses qualités du livre et son genre littéraire, qu’il prête finalement peu de cas aux personnages… Et ce serait une grave erreur. Pour vous dire à quel point Fabien Cerutti est doué, il a même réussi à me faire ressentir une forme de sympathie pour Las Casas (en vrai je l’aime plus que bien sauf qu’on va me juger si je le dis x.x). Dans le genre exploit ! Il a suffit d’une lettre.
Il suffit toujours d’une lettre, avec cet auteur. Je lui suggère de s’en faire un slogan !

Mais le must, c’est la fin. Ce que contiennent l’épilogue et la dernière lettre. Je ne vous en dit pas plus (et ça me pèse, j’ai désespérément envie d’en discuter avec quelqu’un) mais préparez-vous à la claque. Au cerveau qui se retourne. Aux neurones qui s’entrechoquent. Explosion en perspective !
Par contre, allez, trouvons un point négatif lié à la fin en question : j’aurai aimé qu’elle soit davantage romancée. C’est un goût personnel, mais une longue scène m’aurait davantage plu que cet épilogue un brin trop descriptif. Après, tout ce qu’il contient est suffisamment brillant pour effacer ce léger désagrément. Et c’est histoire de quand même nuancer mon propos qui paraît probablement trop enthousiaste à beaucoup d’entre vous. Pourtant, je vous le jure, j’en pense chaque mot.

En bref, que retenir de cette chronique et de la première partie des aventures du Bâtard de Kosigan? Déjà, que Fabien Cerutti appartient à la crème de la littérature fantasy médiévale francophone. Incontournable pour tous les adeptes du genre ! Que cet auteur est extrêmement soigneux avec tous les aspects de son univers, depuis l’intrigue aux personnages en passant par son langage et les détails historiques. Qu’il a réussi à proposer quatre tomes addictifs en posant les bases d’une saga qui mériterait de rester dans les annales. Et s’il y a un peu de justice dans ce monde, elle y restera.
Qu’il faut lire, donc, le Bâtard de Kosigan.
Et que je recommande cette saga coup de cœur depuis 2015 ♥

Les nouveaux mystères d’Abyme #1 la Cité Exsangue – Mathieu Gaborit

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La Cité Exsangue
est le premier tome des nouveaux mystères d’Abyme (ou l’inverse?) un diptyque écrit par l’auteur français Mathieu Gaborit qui s’inscrit dans l’univers des royaumes crépusculaires, dont il existe une version intégrale. Vous trouverez ce roman au prix de 18 euros chez Mnémos, que je tiens à remercier pour ce service presse ♥

La Cité Exsangue nous présente deux personnages principaux. D’un côté, le farfadet Maspalio qui revient à Abyme au bout de dix ans d’absence, après avoir reçu une lettre de Cyre, la femme dont il est amoureux depuis toujours et qui le supplie de l’aider. De l’autre, la cité d’Abyme en elle-même, vivante et tentaculaire, qui prend tant de place qu’elle en devient une protagoniste à part entière. L’histoire s’ouvre sur le retour de Maspalio, qui ne se passera pas sans mal. Et oui, les choses changent en dix ans et elles changent même de manière radicale… Il n’est plus le bienvenu dans cette cité purgée par l’Acier et va devoir user de trésors d’ingéniosité pour honorer son rendez-vous.

Ce fut pour moi une lecture en demi-teinte. Globalement, j’ai passé un bon moment avec ce premier tome court et dynamique. L’écriture de l’auteur, malgré ses égarements un peu trop descriptifs parfois à mon goût, nous embarque dans la cité au gré des mésaventures de son protagoniste principal, qui s’exprime dans une narration à la première personne. Hélas… Même si on m’a assurée du contraire, je trouve que ne pas avoir lu les autres romans de l’auteur, surtout ceux mettant également en scène Maspalio, est un frein. Pourtant, Mathieu Gaborit parsème son récit d’anecdotes et de souvenirs qui nous permettent de savoir sans vraiment savoir mais j’ai surtout eu l’impression d’être prise par la main, comme si l’auteur me pointait du doigt ce à quoi je devais prêter garder et conservait pour lui des informations que j’aurai aimé connaître pour me forger ma propre opinion. Je me suis sentie spectatrice sans parvenir à m’immerger entièrement dans le récit. Maspalio s’offusque par exemple de la purge de l’Acier, y voit une insulte à la cité mais pour nous qui débarquons seulement dans cet univers, tout va trop vite, ça manque de clarté. On sent que c’est scandaleux, que quelque chose cloche, mais on ignore pourquoi précisément alors qu’on voudrait vraiment le savoir ! Nous aussi, on a envie de s’offusquer avec Maspalio ! C’est très frustrant.

Cela ne m’a pas empêchée de trouver l’univers d’une grande richesse et véritablement intéressant. On sent que l’auteur a pensé son histoire et son cadre, qu’il les maîtrise et qu’il joue avec eux. En fait, ça m’a surtout donné envie de lire les autres romans qui constituent l’intégrale, afin de vivre véritablement aux côtés de Maspalio, de grandir en même temps que lui au fil de ses aventures, d’apprendre à me sentir concernée par les blessures de son passé, par ce qui l’a poussé à quitter Abyme il y a dix ans, de mieux connaître ses anciens sujets en tant que Prince Voleur, ses vieilles aventures. Bref, j’ai eu envie de comprendre tous les enjeux et finalement, on peut dire que c’est une réussite puisque l’auteur a tout de même réussi à m’accrocher.

La Cité Exsangue est un bon roman prometteur. J’ai lu plusieurs chroniques de lecteurs dont c’était le premier Gaborit et qui n’ont pas du tout ressenti la même chose que moi. Je vous encourage donc à découvrir non pas spécifiquement ce titre (qui ravira, j’en suis sûre, le lectorat déjà acquis par Mathieu Gaborit), mais l’auteur en lui-même et sa saga qui ne manquera pas (je l’espère) de vous charmer autant que moi j’ai pu l’être. Parce qu’indubitablement, j’ai décelé de vraies qualités dans ce roman ! Assez pour me donner envie de me plonger dans le reste.

En bref, la Cité Exsangue est un premier tome plutôt réussi qui met l’eau à la bouche. Le personnage de Maspalio sort du lot des héros habituels et s’il conserve un peu trop de bons sentiments à mon goût dans ce qui est présenté comme une fantasy sombre et baroque, il est agréable à suivre. L’univers mit en place par Mathieu Gaborit dénote d’une grande richesse et mérite d’être découvert. J’ai passé un très bon moment en Abyme et je me réjouis d’y retourner !