Bifrost n°109

Contrairement au dernier numéro qui a trainé longtemps dans ma PàL et dont je n’ai pas parlé, n’ayant apprécié qu’une seule nouvelle sur l’ensemble, j’ai été davantage ravie par la fournée n°109 qui marque d’ailleurs la fin de mon abonnement. J’avais souhaité tester une année et ensuite j’avais remporté un concours qui m’en avait fait gagner une de plus, ce qui m’a permis de voir sur le plus long terme. Je vais donc commencer par vous partager mes réflexions et mon rapport à la revue dans son ensemble.

Au niveau des points positifs, j’ai souvent pris plaisir à découvrir des textes et des auteurices que je ne connaissais pas et que je n’aurais probablement jamais lu autrement. À ce niveau, le contrat est rempli. J’ai aussi souvent apprécié la rubrique du professeur Lehoucq mais je suis régulièrement passée à côté de tout le reste. Je lis en général les dossiers de manière transversale car ça m’intéresse moins et je ne passe que rapidement sur les chroniques puisque je connais déjà la plupart des livres via la blogosphère. Disons que j’ai surtout profité des textes de fiction et pour le prix, c’est une aubaine en plus d’une affaire.

Pour autant, vais-je me réabonner ? Je me tâte encore aujourd’hui. J’ai d’une part envie de soutenir le Bélial et ce genre d’initiative mais j’ai bon espoir que ma vie professionnelle prenne un autre tournant dans les mois à venir et ça pose beaucoup de questions, notamment financières. J’envisage plutôt d’acheter les numéros dont le sommaire m’intéresserait vraiment directement en librairie (j’ai la chance d’en avoir une à Liège qui les reçoit) mais je me laisse jusqu’à la fin du mois pour trancher. De plus, s’il y a deux ans j’étais dans une démarche de découverte pro-active, mes goûts ont évolué depuis et je suis de plus en plus difficile avec ce que je lis / ce que j’ai envie de lire et au temps que je souhaite y consacrer. Je ne pense plus être dans le bon état d’esprit pour profiter pleinement d’un abonnement au Bifrost à l’heure actuelle mais rien n’est inscrit dans le marbre…

En attendant que je cesse mes tergiversations, revenons sur ce fameux numéro et plus spécifiquement, sur les cinq textes qu’il contient.

Pissenlit d’Elly Bangs.
J’ai eu la (mal)chance de lire Unity reçu en SP numérique de la part d’Albin Michel et je n’avais pas du tout accroché. Je partais donc dans cette lecture avec certaines craintes qui se sont révélées infondées.

Sauf erreur de ma part, la narratrice n’a pas de nom révélé. Elle travaille pour la NASA, comme sa mère et sa grand-mère avant elle. Sa grand-mère, dans les années soixante, a trouvé en Antarctique un objet qui prouve la présence d’une vie extra-terrestre et donc par extension, la possibilité du voyage spatial. Sa fille va marcher sur ses traces et développer une hypothèse toute autre…

J’ai trouvé la nouvelle intelligente dans ses idées et dans sa forme même si, sur un plan personnel, je n’ai pas aimé le propos car à l’instar de la grand-mère, j’ai plutôt le regard tourné vers les étoiles. Du coup, cette lecture m’a un peu déprimée, ce qui n’enlève rien à la qualité du texte. Au contraire, il a su me toucher, me provoquer des émotions, et finalement c’est ce que j’attends quand je lis.

L’homme gris de Christian Léourier
Ce n’est pas la première fois que je lis une nouvelle de cet auteur dans le Bifrost et ce fut toujours une bonne surprise. Celle-ci ne fait pas exception : on y suit un homme dont la profession est d’accompagner les gens en fin de vie et d’assister leur suicide médicalisé. On le découvre dans une journée ordinaire administrer les derniers soins à deux patients. Le premier est un homme plutôt âgé et désagréable. La seconde est une jeune femme atteinte d’une maladie qui lui provoque de grandes souffrances.

Donnant cours à des aides-soignants et sortant d’une séquence sur l’euthanasie, mon seul regret est de ne pas avoir lu cette nouvelle quelques semaines plus tôt pour la leur proposer car je trouve qu’elle aborde le sujet avec humanité, sincérité, sans porter de jugement de valeur. Les émotions qui en ressortent ont su me toucher. Une belle leçon d’écriture et de narration.

L’hiver en partage de Ray Nayler
Cette nouvelle se déroule dans notre monde mais qui se présente un peu différemment car il existe une technologie appelée « les vacants » qui permet à des personnes décédées (et qui l’ont mérité) de revenir et de posséder, si j’ai bien compris, des corps. Chaque hiver, deux femmes se retrouvent à Istanbul dans des vacants pour profiter de quelques semaines de vacances ensemble.

Si j’ai été touchée par leur relation et la manière dont elles tenaient l’une à l’autre, je suis restée un peu perplexe sur les enjeux plus globaux. J’ai l’impression que ce texte répond à un autre de l’auteur ou qu’il le devrait, en tout cas, car il y a beaucoup de fond à exploiter et je suis restée un peu sur ma faim / fin.

Skin d’Émilie Querbalec
Ce texte-ci se déroule dans une sorte d’asile, au sein d’un univers où les gens portent des « peaux » aux différentes propriétés mais ça ne se passe apparemment pas toujours bien au niveau mental. C’est une nouvelle dont la lecture m’a laissée sur le bord de la route, quoi que la fin donne une piste de compréhension plutôt intéressante. J’ai même du mal à simplement en parler tant il s’agit d’une expérience en soi qui mérite qu’on y réfléchisse, qu’on échange à son sujet pour partager nos perceptions. Je pense que je relirais Skin quand j’aurais davantage les neurones à y consacrer car je sens que je suis passée à côté de quelque chose.

Cicci di Scandicci de Valerio Evangelisti
Inspiré d’un tueur en série italien, cette nouvelle met en scène le monstre de Florence qui a tué pendant une quinzaine d’années. J’en attendais beaucoup ayant moi-même écrit un roman à la première personne du point de vue d’une tueuse en série mais je dois avouer que je suis ressortie perplexe, déçue et dégoûtée par ma lecture. En cela, l’auteur a « fait le job ». Ce qui me déçoit, c’est cette vulgarité excessive (quoi que probablement cohérente avec le personnage) et l’aspect très vain de l’ensemble. J’ai eu le très net sentiment que ce texte ne racontait tout simplement rien et se contentait d’être l’extrait des pensées d’un monstre. Je crois que j’attendais juste autre chose, sans réussir à mettre le doigt sur quoi exactement.

D’autres avis : L’Épaule d’OrionDragon GalactiqueLes lectures du Maki – vous ?

La Maison des Jeux #3 le Maître – Claire North

Conclure une saga n’a rien de facile, surtout une saga de qualité car les attentes du lectorat seront forcément élevées. Avec les deux premiers tomes de la Maison des Jeux, Claire North avait placé la barre très haut et si j’ai, dans l’ensemble, apprécié cette lecture, il m’a manqué un petit quelque chose pour utiliser le qualificatif de coup de cœur, comme ce fut le cas pour le premier tome.

De quoi ça parle ?
Voilà deux volumes que le mystérieux Argent apparait au bon moment pour sortir nos protagonistes de la mouise et récolter, du même coup, un service à lui rendre dans un futur plus ou moins proche. Depuis des siècles, Argent est un joueur et il accumule les faveurs comme les pions en vue de ce jour, qui est enfin arrivé : en 2018, il défie la Maîtresse des Jeux dans une partie d’échec grandeur nature. Leur plateau ? Le monde. Leurs limites ? Et bien… aucune.

Nous ne sommes que des pions.
C’est le sentiment qui a dominé toute ma lecture. La narration du point de vue d’Argent (qui a en fait toujours été le narrateur, si j’ai bien compris) nous montre avec quel détachement il considère des vies humaines, des institutions, des sociétés toutes entières et souligne la facilité avec laquelle les puissants sacrifient ce qu’ils ne voient pas réellement. Obsédé par son objectif de vaincre la Maîtresse des Jeux, il ne reculera devant rien pour y parvenir, tout comme elle, donnant l’impression d’assister à un duel entre deux adolescents obstinés, chacun refusant de considérer le point de vue de l’autre. Ça en devient absurde, incompréhensible, de constater avec quelle facilité des institutions, des vies, peuvent s’écrouler en un claquement de doigts. Le texte se transforme alors une parfaite illustration de l’effet papillon sauf qu’au lieu de jolis insectes aux ailes colorées, on a deux joueurs qui se prennent pour des dieux en oubliant tout sens commun.

Ainsi s’enchainent les coups dans une traque à travers le monde. Cela devient vite peu lassant car il y a trop d’évènements qui paraissent trop énormes et sur lesquels on s’arrête trop peu. Même si ce n’est pas le propos, j’en ai retiré une sensation de tournis et de malaise désagréable. Au cas où nous aurions oublié notre insignifiance dans l’univers, Claire North s’emploie à nous la rappeler…

Hélas, quand la fin arrive, elle tire en longueur dans un échange qui n’a fait que renforcer mon sentiment initial d’observer la dispute immature de deux ados frustrés qui se pensent animés de beaux sentiments alors qu’il n’en est rien, il n’y a que de l’ego mal placé. Les siècles et l’obsession du jeu ont apparemment fait régresser les protagonistes et au lieu de sagesse, il ne leur reste que mensonges, faux semblants et obsessions diverses. D’ailleurs, je parle de fin mais il s’agit d’une fin ouverte. Je n’ai rien contre sauf qu’ici, à mon sens, refuser de donner le dénouement dénote un manque d’engagement clair dans le propos de l’autrice et ça me déçoit. J’aurais préféré qu’elle assume jusqu’au bout l’aspect désabusé de la chose.

La conclusion de l’ombre :
L’enthousiasme semble unanime et ardent sur la blogosphère. Peut-être suis-je passée à côté d’une clé de compréhension (ça m’apprendra à lire en étant malade !), peut-être l’époque moderne me lasse-t-elle profondément ou peut-être le seul jeu fait pour moi était-il celui de Thene. Je ne regrette toutefois pas ma lecture car la plume de Claire North reste rythmée et délicieuse au point qu’il est difficile de reposer l’ouvrage une fois entamé. Pour ne rien gâcher, il se dégage du Maître un désenchantement, une mélancolie et une forme de cruauté qui me plaisent. La Maison des Jeux reste une très bonne saga, j’attendais simplement une autre conclusion.

D’autres avis : OutrelivresLa LutineYuyineL’épaule d’Orion – vous ?

Les autres romans de l’autrice sur le blog : Le SerpentLe Voleur

Informations éditoriales :
Le Maître de Claire North (La Maison des Jeux 3/3), traduction par Michel Pagel. Éditeur : le Bélial. Illustration de couverture : Aurélien Police. Prix au format papier : 10,90 euros.

À l’ombre du sapin : quels livres offrir en 2022 ?

C’est une tradition propre à la blogosphère de proposer chaque année une liste de livres à mettre sous le sapin. Je m’y plie pour ma part depuis 2019 avec assiduité et c’est aussi l’occasion de revenir sur mes meilleures lectures de l’année même si celle-ci n’est pas totalement terminée. Je précise que dans cette livre, vous ne trouverez pas uniquement des livres publiés durant l’année 2022. Certains sont antérieurs mais je les ai lus durant cette période. Je voulais, comme l’année dernière, me restreindre à un seul titre par format mais je ne parvenais pas à me décider entre plusieurs livres et comme finalement ils n’étaient pas si nombreux que cela à avoir su m’intéresser, j’ai mis tout ce qui m’avait enthousiasmé cette année.

Mon beau sapin de l’imaginaire francophone :

Cinq titres à vous recommander et il y en a pour tous les goûts ! Envie de SF militaire surprenante au world-building de folie ? Opexx est un bon choix, comme souvent dans la collection UHL. Envie d’un roman post-apo dépaysant par sa construction narrative et sa réinterprétation (au sens propre) de nos mythes (fondateurs) ? L’évangile selon Myriam est un indispensable. Des envies de voyage en terre nippone et surtout, dans le monde spirituel aux côtés d’une galerie de personnages attachants ? L’Héritage de l’esprit-roi plaira à tous les publics. Parés pour une folle aventure dans la mer chimique à bord du Player Killer aux côtés de son excentrique capitaine Jonathan ? Envie d’un roman qui s’assume jusqu’au bout dans son propos et sa noirceur teintée d’humour ? Les flibustiers de la mer chimique saura vous séduire. Et enfin, envie d’un texte à la fois romancé et historique, qui mélange la prose au théâtre en racontant la folle histoire (vraie !) de Julie Maupin hantée par nul autre que Méphistophélès ? D’un texte résolument féministe écrit par l’un des plus grands auteurs français du moment ? Cédez à la tentation en offrant Une pour toutes.

Mon beau sapin des traductions :

Quatre titres ont particulièrement retenu mon attention cette année à commencer par l’extraordinaire Axiomatique de Greg Egan qui est une leçon de maîtrise du genre hard sf accessible et invite à la réflexion sur notre société au sens large, présent comme avenir. Brillant. Dans le genre court et chez le même éditeur, on retrouve aussi la trilogie de la Maison des Jeux dont le dernier tome est prévu pour janvier, coup de cœur sur le fond comme sur la forme avec une histoire plus profonde qu’on pourrait le croire, un style musical et maîtrisé. J’attends la fin avec une impatience mâtinée d’angoisse car terminer une série n’est jamais simple… Toujours dans le format court mais cette fois chez l’Atalante, ambiance positivité et cocooning avec Un psaume pour les recyclés sauvages qui propose une belle réflexion sur la culture, la tolérance et notre rapport à l’autre. Enfin, last but not least, un roman que j’attendais depuis longtemps et qui a ravi mon goût pour le genre de cape et d’épée : Le privilège de l’épée de la grande Ellen Kushner, résolument engagé sur un plan féministe avec des personnages marquants et une bonne dose d’intrigue rythmée. Délicieux !

Mon beau sapin graphique…

J’ai lu beaucoup de mangas cette année mais peu ont vraiment marqué mon esprit à l’exception bien entendu de Beastars qui a vu sa conclusion paraître cette année en français. 22 volumes. Ça peut paraître énorme mais aucun n’est à jeter, Paru Itagaki fait montre d’une surprenante maîtrise narrative pour son premier manga qui est une critique sociale d’une rare finesse. J’ai adoré. Je n’ai pas encore écrit sur la saga de manière globale mais je compte la relire en 2023 comme je l’avais fait pour Black Butler et proposer une analyse poussée des arcs narratifs. Autre manga dont la présence sous le sapin de l’ombre ne surprendra personne : Iruma à l’école des démons qui serait probablement le plus merveilleux cadeau à offrir à quelqu’un que vous aimez puisque c’est parfait pour tous les publics, c’est drôle, bien scénarisé, bien dessiné, intelligent et vraiment fort sur un plan émotionnel. Gloire à l’Apprenti Otaku pour me l’avoir fait connaître.

Côté BD, j’ai lu pas mal de bonnes choses mais je conseillerais en premier lieu mon absolu coup de cœur pour les Indes fourbes qui m’a été offert par mon libraire pour mon anniversaire. J’ai adoré me faire balader par le narrateur et me plonger dans les dessins sublimes de Guarnido (dont je recommande aussi Blacksad au passage). Le principe de base est très inspiré, c’est du superbe travail.

L’étoile en haut du sapin :

Vous pensiez vraiment que je pouvais rédiger une liste de recommandation sans parler de Terra Ignota ? La série est désormais complète avec ses cinq volumes qui changeront, je l’espère, votre vie de lecteur·ice comme ce fut le cas pour moi. C’est un cadeau parfait pour une personne avec l’envie de s’investir dans une saga exigeante mais d’une richesse inégalée sur bien des plans. Un monument de la littérature. Lisez Ada Palmer.

D’autres listes chez les blogpotes : Au pays des cave trollsYuyineL’épaule d’OrionMondes de poche – vous ?
Mes anciennes listes : 2021 – 2020 (romansgraphiques) – 2019.

Je vous souhaite à tous·tes de joyeuses fêtes, puissiez vous recevoir plein d’excellents livres ♥

L’Héritage de Molly Southbourne – Tade Thompson

En septembre 2019, je chroniquais les meurtres de Molly Southbourne qui était à la fois ma première lecture au Bélial et mon tout premier Une Heure Lumière. J’en étais ressortie très impressionnée et enthousiaste même si je déplorais l’annonce d’une suite car je qualifiais la fin de « magistrale » et je ne voyais pas l’intérêt de venir la gâcher. Molly, c’est donc un peu le début d’une grande (et belle ?) histoire entre cette maison d’édition et moi… Pour vous situer un peu l’importance symbolique de tout ceci et vous permettre d’imaginer, un peu, toute l’étendue de ma frustration.

Je m’étais tout de même lancée dans la suite, sortie un peu moins d’un an plus tard : la survie de Molly Southbourne, qui avait malheureusement été une déception car si je reconnaissais les qualités du texte, l’effet de surprise était passé et le premier tome se suffisait, pour moi, à lui-même. Si je lui ai laissé sa chance, c’est parce que je me suis dit que Tade Thompson avait peut-être des cartes surprises dans sa manche sauf que ça n’a pas été le cas. Et je dois avouer que, malheureusement, ce troisième volume, l’Héritage de Molly Southbourne, ne fait que me conforter dans mon opinion initiale.

Je vais donc faire bref. Toutefois, ayant reçu ce livre en service presse et ayant des éléments que je trouve pertinents à partager, je souhaitais tout de même écrire un petit billet sur le sujet.

Pour rappel, nous sommes fin novembre 2022 au moment où j’écris ces lignes. Plus de deux ans ont donc passé depuis ma lecture du seconde volume et je ne m’en rappelais rien ou presque. Heureusement, il me restait mes notes de chronique mais cela ne m’a pas empêché d’avoir le sentiment de débarquer dans une histoire inconnue. Je ne le répèterais jamais assez mais pensez, chers amis éditeurs, à résumer les volumes précédents au début d’un de ceux-ci, surtout quand le temps de publication excède une année…

J’ai donc eu l’impression de débarquer au milieu de l’histoire sans les clés pour la comprendre. Est-ce que cela vient de ma mauvaise mémoire ou de l’auteur qui n’a pas suffisamment posé son cadre, je ne me risquerais pas à trancher… Ce dernier opus multiplie les points de vue : on a Molly et les quelques hémoclones qui ont survécus, qui se cachent sous une fausse identité dans une petite ville et veulent juste la paix. On a Myke, qui hait profondément les mollys et veut les exterminer pour une raison qu’on comprendra plus ou moins à la moitié (ou tout de suite pour les personnes plus clairvoyantes que moi et / ou avec une meilleure mémoire). Puis on a Tamara, qui essaie de retrouver les mollys quand un homme du gouvernement (il me semble ?) le lui demande, malgré les menaces de Molly à son encontre si jamais elle s’y essayait. On a également quelques chapitres d’une page ou deux du point de vue de gens qui se font brutalement assassiner, des chapitres qui… ne servent honnêtement à rien du tout.

Tout cela sur 136 pages, c’est à la fois peu et beaucoup pour ce qu’il y a à raconter. J’ai ressenti un sentiment global d’artificialité et clairement de tome en trop même si certaines réponses sont apportées, des réponses parfaitement dispensables au passage. Les facilités scénaristiques permettent aisément aux différents protagonistes de se retrouver pour un final qui est, à mon goût, expédié, bien trop rapide pour avoir une quelconque efficacité ou même un quelconque intérêt. Tout ça… pour ça ?

Je ressors très déçue par ma lecture car je me suis ennuyée tout du long et les seuls passages intéressants n’ont pas été suffisamment développés. On avait, au final, assez peu de « Molly Southbourne » alors qu’approfondir la psychologie des différentes mollys aurait été bien plus stimulants à découvrir, du moins pour moi. J’ai été au bout parce que c’était court et que je voulais me faire un avis complet sur la série mais je regrette sincèrement que Tade Thompson ne se soit pas contenté d’écrire un one-shot. J’ai largement préféré les meurtres de Molly Southbourne qui a en plus une saveur particulière dans ma vie de lectrice et c’est le tome que je continuerai de recommander en priorité car il se suffit, pour moi, largement à lui-même.

Je remercie tout de même le Bélial pour ce service presse et suis navrée que ça n’ait pas fonctionné. On ne peut pas faire mouche à tous les coups ! 

D’autres avis : Yuyinele syndrome QuicksonAu pays des cave trollsL’épaule d’Orion – vous ?

Informations éditoriales :
L’Héritage de Molly Southbourne par Tade Thompson. Traduction par Jean Daniel Brèque. Éditeur : le Bélial pour la collection Une Heure Lumière. Illustration de couverture : Aurélien Police. Prix : 10,90 euros.

La Millième Nuit – Alastair Reynolds

J’ai toujours des difficultés à résumer mon sentiment sur une novella de hard-sf car j’estime manquer de vocabulaire pour lui rendre hommage -surtout dans le cas où, comme ici, j’ai beaucoup apprécié. J’ai souvent assez peur de lire des textes de ce type parce que je crains de passer à côté, ayant besoin de suivre des personnages intéressants pour me plonger dans une histoire. Et oui, un bon world building ne suffit pas à tout le monde ! Heureusement, avec la Millième Nuit, toutes mes attentes ont été comblées. Revenons donc dessus…

Un sense of wonder à souligner.
Si l’histoire est écrite à la première personne et se concentre sur un personnage en particulier, la première chose à souligner est l’incroyable world building proposé par Alastair Reynolds. Le personnage que l’on suit est membre de la lignée Gentiane, qui est issue d’une femme qui s’est elle-même clonée en mille exemplaires mais de façon à créer des variations d’elle-même plutôt qu’identiquement un même individu.

Les membres de cette lignée passent des milliers si pas des millions d’années à voyager à travers toute la galaxie avant de se retrouver à intervalles régulières pour une période de milles nuits. Chaque nuit, un fil est partagé qui reprend une sorte de montage vidéo / résumé de leurs découvertes, de leurs aventures. Certains sont évidemment plus intéressants que d’autres et l’apothéose a lieu lors de la Millième Nuit où le fil gagnant est désigné. Ce sera à ce fameux gagnant d’organiser la Millième Nuit suivante.

Ainsi, en une bonne centaine de pages, Alastair Reynolds développe non seulement une forme de civilisation complexe mais en esquisse également d’autres non seulement grâce à ces voyages mais aussi à un fameux Grand Œuvre dont on sait au départ peu de choses mais qui implique bien d’autres mondes, comme on le découvrira à mesure que l’intrigue avance. J’ai eu ici le même sentiment qu’avec un titre comme Opexx et le mot vertigineux colle très bien à l’ensemble.

Mais de quoi ça parle ?
C’est bien beau un univers captivant mais l’intrigue dans tout cela ? Elle se déroule durant l’un des moments de retrouvailles. On suit Campion, narrateur à la première personne, chargé d’organiser la Millième Nuit. Purslane, une membre de sa lignée -avec qui il entretient une relation quasiment monogame assez mal vue par les autres- vient le trouver pour lui annoncer qu’elle a relevé une incohérence dans le fil d’un de leurs camarades qui affirmait se trouver à un certain endroit alors que c’était impossible si on se basait sur le propre fil de Campion. Comme il est interdit de mentir dans son fil, tous deux sont assez choqués et inquiets. Ils décident d’enquêter et ce qu’ils vont découvrir ira au-delà de leur imagination…

Des enjeux exceptionnels.
La force d’Alastair Reynolds est de proposer différents niveaux d’enjeux et de ne pas se contenter de ceux à l’échelle de la galaxie. Il y a évidemment tout ce qui concerne Campion et Purslane sur un plan personnel -rien que dans la façon dont ils sont obligés de vivre leur relation et les pressions sociales qu’ils subissent- mais il y a aussi dans cette novella toute une réflexion sur la puissance de la communication, sur ce que ce simple mot peut représenter pour la création d’un empire galactique non pas forcément au sens conquérant du terme mais simplement au sens de partage des connaissances et d’ambition à l’échelle d’une vie. À nouveau, l’adjectif vertigineux se prête bien à qualifier les enjeux de ce texte d’une grande richesse, des enjeux que je ne vais évidemment pas vous dévoiler ici afin de ne pas vous gâcher les découvertes finales.

La conclusion de l’ombre :
La Millième Nuit est une novella de hard-sf qui mêle de manière très satisfaisante une construction d’univers ambitieuse à des personnages qui ne se réduisent pas à leur fonction dans le récit. Le rythme narratif est maîtrisé et les interrogations sur les notions de communication ont évidemment su m’intéresser. C’était mon premier texte de cet auteur mais je doute que ça soit le dernier !

D’autres avis : les lectures du MakiAu pays des cave trollsGromovarL’épaule d’OrionLa Lutine au miel – vous ?

Informations éditoriales :
La Millième Nuit, écrit par Alastair Reynolds. Traduction de l’anglais par Laurent Queyssi. Éditeur : Le Bélial. Couverture : Aurélien Police. Prix au format papier : 10,9 euros.

Terra Ignota #5 Peut-être les étoiles – Ada Palmer

Finir un roman n’est jamais chose aisée. Finir une saga, encore moins. Alors ne parlons même pas d’achever une saga d’une telle envergure…

Peut-être les étoiles est le cinquième tome de Terra Ignota, cinquième tome qui n’existe a priori qu’en français car il était impossible pour le Bélial de sortir le dernier volume en une fois tant il aurait été beaucoup trop en dehors de nos standards éditoriaux. Théoriquement, c’est l’Alphabet des créateurs qui comporte le titre inédit mais ne commençons pas à chicaner ni à digresser pour ne pas entrer dans le vif du sujet.

Que dire…
Chroniquer un dernier tome n’est jamais chose aisée non plus car, par essence, la chronique s’adressera aux gens qui auront lu les précédents et servira (avec un peu de chance) d’espace où discuter, échanger des impressions, des théories. Je sais que cet article sera peu consulté mais j’ai quand même envie de l’écrire pour tout un tas de raisons que j’ai déjà pu évoquer sur le blog. Ce ne sera pas vraiment une chronique, en réalité, plutôt un billet dans lequel je vous partage un instant d’émotion brut, ce que m’inspira finalement la lecture de ces derniers chapitres si denses. Un jour, dans un futur que j’espère pas trop lointain, je vais relire ces romans après en avoir lu d’autres pour mieux comprendre toutes les références qui le parsèment et qui ont pu m’échapper. Je sais que, si je suis dotée d’une longue vie, je les relirais même à plusieurs reprises tout au long de celle-ci car ma perception changera peut-être ou mon expérience de vie m’aura apporté d’autres éléments sur lesquels réfléchir. J’affirme aussi que, désormais, à la fameuse question « quel livre emporteriez-vous sur une île déserte si vous ne deviez en choisir qu’un ? » je répondrais sans hésiter : Terra Ignota (et je tricherais mais qu’importe !)

Je pense très sincèrement qu’Ada Palmer a écrit ici une saga qui s’inscrira dans la postérité au sein de l’histoire littéraire au sens large. La richesse des réflexions proposées en font un titre qui n’est pas accessible à tout le monde mais qui, pourtant, semble plus nécessaire qu’on aurait pu le croire et je trouve en cela que la postface écrite par l’autrice est très éclairante sur le sujet. Elle permet de mettre des mots sur des impressions fugaces, d’éclairer des sentiments complexes et de m’expliquer pourquoi j’ai terminé ma lecture avec une boule dans la gorge et les larmes aux yeux.

Le 25 octobre à Lille j’ai eu la chance de rencontrer Ada Palmer (et Jo Walton). On a pu échanger et discuter notamment de tout ce que le lecteur apporte à un livre, de la façon dont chaque lecteur s’en empare, le comprend, lui donne un sens propre à lui en lien avec ses expériences et sa propre culture. Terra Ignota résonne (et raisonne !) en moi non seulement parce que l’autrice exploite les œuvres du passé si chères à mon cœur, qu’elle le fait dans un contexte science-fictif mais aussi parce qu’elle y transmet son amour de la littérature au sens large et ce, à chaque ligne, à chaque choix narratif, sans se priver de rien et en osant tous les ressorts narratifs surprenants. Ce n’est pas qu’un roman, c’est une construction qu’on pourrait rapprocher d’une Merveille du Monde par sa finesse et sa richesse. Plus que la littérature, en réalité, Ada Palmer montre tout au long de Terra Ignota ce que les « mondes non-réels » (pour reprendre sa propre expression) ont à nous apprendre, de quelle manière nous pouvons apprendre d’eux et en le prouvant en opérant de judicieux parallèles avec notre actualité. Lire cette saga en 2022 n’est pas anodin. C’est même nécessaire.

Nécessaire car non seulement Ada Palmer raconte l’histoire d’un conflit mondial, de ce qui l’a précédé et des quelques cinq cents jours qu’il durera mais elle questionne aussi le(s) système(s), la Loi, les coutumes, la manière de mener une guerre, le genre, bref elle questionne l’Humanité par le regard de Mycroft Canner, à la fois narrateur, historien, acteur et même monstre dans tout ce que ce terme a de beau et de complexe. Par le regard aussi, parfois, du 9e Anonyme quand Mycroft fait défaut. Il y a l’histoire en elle-même, celle de ce que la présence et l’existence de J.E.D.D. Maçon implique pour l’humanité, celle de ces Ruches qui s’opposent parce qu’elles prônent une organisation des buts à atteindre au mieux différente, celle de la conquête possible des étoiles, d’un premier contact, les tours et détours d’un conflit mondial, mais ce n’est pas qu’un récit de guerre. C’est bien plus que cela.

J’ai envie de terminer ce bref billet en citant un extrait de la postface traduite par Erwann Perchoc et écrite par Ada Palmer elle-même. Cet extrait résume l’idée centrale qui traverse tout Terra Ignota et se suffit à lui-même. S’il ne vous transperce pas le cœur, alors peut-être n’êtes vous pas la cible adéquate pour ce roman. Mais si, comme moi, ces mots résonnent en vous alors armez-vous de courage et plongez vous dans l’histoire narrée par cette autrice qui, s’il y a un peu de justice dans ce monde, gagnera l’immortalité dans la mémoire collective pour son esprit si brillant : « Ce que j’ai choisi d’écrire est (…) un futur imparfaitement bon dans lequel, comme notre présent imparfaitement bon, les groupes que l’État et les infrastructures sont censés servir se montrent heureux ; vivre une vie à peu près correcte rend très difficile d’entendre les voix qui disent : non, ce monde a des défauts, il doit changer, nous devons perturber cette vie à peu près correcte, que ce soit pour libérer les opprimés ou pour protéger la planète. »

Je remercie Erwann et le Bélial pour ce service presse.

D’autres avisL’épaule d’Orion – Gromovar – OutrelivresLe syndrome QuicksonLe dragon galactiqueLes chroniques du Chroniqueur – vous ?

Ma chronique sur les autres volumes : Trop semblable à l’éclair (tome 1), Sept Reddition (tome 2) et La volonté de se battre (tome 3), L’Alphabet des Créateurs (tome 4)

INFORMATIONS ÉDITORIALES :
Peut-être les Étoiles (TERRA IGNOTA #5, PREMIÈRE PARTIE DE « PERHAPS THE STARS ») PAR ADA PALMER. TRADUCTION : MICHELLE CHARRIER. ILLUSTRATION DE COUVERTURE : AMIR ZAND. ÉDITEUR : LE BÉLIAL. PRIX : 24,90 EUROS AU FORMAT PAPIER, 11.99 EUROS AU FORMAT NUMÉRIQUE.

Les abandons de l’Ombre : Summerland, Unity et Ymir.

Voilà un moment que j’hésitais à lancer ce format d’article, surtout que les abandons s’enchaînent cette année. Je n’ai pas toujours envie d’évoquer tous les textes que j’abandonne et ce pour diverses raisons mais les cas présentés ici sont particuliers. Déjà, il s’agit de service presse alors si on prend le temps de me les envoyer -sous divers formats- je peux bien prendre le temps d’écrire un mot à leur sujet. Surtout quand, objectivement, ce sont de bons livres dont le seul tord est de ne pas correspondre à mes goûts de lecture.

Je me propose donc d’aborder chaque texte séparément puis de tirer un constat général. Après chaque court retour, je vous référencerais d’autres chroniques qui offre un regard différent du mien sur ces romans, afin de vous permettre d’accéder à davantage d’avis.


L’histoire se déroule en 1938 au sein d’une uchronie où le point de divergence se situe après la Première Guerre Mondiale, notamment dans les vainqueurs qui redessinent le paysage politique. On a d’un côté la Grande-Bretagne et de l’autre la Russie qui, comme de juste, continuent de se méfier l’un de l’autre. Ce n’est pas la seule chose qui a changé car côté anglais, on a découvert Summerland à savoir l’endroit où on se rend après la mort. Il est donc possible désormais de discuter avec des gens décédés et toute la société s’est construite autour d’un système de ticket à avoir au moment de son décès pour ne pas se perdre. Le concept est très pointu et intéressant. Hélas, passé la découverte initiale, ça devient vite ennuyeux à mon goût.

C’est la chronique d’Apophis qui avait attiré mon attention sur ce roman et donné envie d’essayer, ce qui est assez paradoxal puisque les éléments qui m’ont finalement poussé à abandonner ont tous été détaillés dans son retour très complet. Ce qui, pour lui, étaient des qualités ont, pour moi, été source d’ennui ce qui rappelle aussi qu’il peut être intéressant et même important de parler d’une lecture décevante puisque cela pourrait donner envie à d’autres personnes de lire le livre en question. Ce qui nous déplait peut séduire d’autres lecteurs et vice versa.

Histoire d’être un peu plus claire : je suis intellectuellement capable de reconnaître la qualité de l’univers qui a été construit ainsi que son ambition mais je ne suis pas parvenue à m’intéresser aux personnages qui ont plus une fonction qu’une âme, ce qui est un gros handicap pour moi qui ne peut pas me contenter d’une bonne idée, surtout pas sur un format long. De plus, l’intrigue type espionnage dans les années 30 n’est pas ce que je préfère, même au sein d’une uchronie, sans que je puisse vraiment donner une raison recevable à ça autre que : les goûts et les couleurs. La mise en scène du sexisme propre à l’époque sert à le dénoncer mais ça ne suffit pas pour relever mon intérêt.

Il paraît que le livre s’épanouit dans son dernier tiers sauf que je suis assez lassée de devoir me taper deux tiers d’un livre ennuyeux pour enfin arriver à quelque chose d’excitant. Ce n’est pas le type de construction narrative qui me convient, j’ai donc décidé de ne pas poursuivre la découverte.

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Unity est un roman cyber-punk / thriller / post-apo / sûrement d’autres genres que j’oublie. L’humanité vit en partie sous l’océan, dans des cités bulles qui sont sous le contrôle d’une puissance totalitaire. Pourquoi vivre sous l’eau ? Parce que sur la terre, c’est bien foireux et il ne reste pas grand chose hormis du désert -ce qui n’empêche pas les gens d’essayer d’y survivre. Dans ce contexte, on rencontre Danaë, une femme pas comme les autres qui s’avère rapidement être plus qu’une humaine : elle porte en elle une sorte de conscience collective dont on ne savait pas grand chose au moment où j’ai arrêté ma lecture.

Encore un roman repéré chez Apophis (décidément on n’est plus sur la même longueur d’onde en ce moment) que j’ai reçu un peu par hasard en demandant les sorties de la rentrée littéraire chez AMI (j’entendais par là Marguerite Imbert et Émilie Querbalec). Comme il a été envoyé avec les autres fichiers, j’y ai quand même jeté un œil et ce qui m’a perdue ici, c’est l’absence de contexte clair. Il y a bien trop d’informations, données trop vites et trop mélangées. J’ai eu le sentiment que l’autrice avait une check-list de thèmes et de concepts qu’elle voulait absolument aborder et qu’elle avait peur d’en oublier si elle ne s’y mettait pas directement. On se retrouve balancé au milieu de l’intrigue sans avoir les bases de l’univers ce qui implique un vocabulaire spécifique qui ne renvoie à rien pour la lectrice novice en SF que je suis, ce que j’ai un temps mis de côté pour essayer de me plonger dans l’intrigue sauf que celle-ci prend la forme d’une sorte de course poursuite. Quelqu’un veut tuer le personnage principal, qui elle veut s’enfuir d’une cité sous-marine pour ne pas mourir, c’est un trope qui m’ennuie au plus haut point parce que c’est rare de croiser un·e auteur·ice qui maîtrise la tension narrative.

Pour ne rien arranger, je n’ai pas accroché au personnage de Danaë, je trouvais Alexeï plus intéressant mais cela n’a pas suffit pour me donner envie de continuer à tourner les pages. Enfin, l’ambiance « régime totalitaire et complot global » me hérisse depuis quelques mois, je ne le gère plus bien du tout. Sans doute l’écho avec notre réalité, notre quotidien. J’ai envie d’un autre genre de lecture.

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Yorick est un mercenaire qui a quitté Ymir, sa planète natale, bien des années plus tôt en jurant de ne plus jamais y remettre les pieds. Le problème, c’est que son employeur se moque pas mal de ses états d’âme et le détourne durant sa stase pour l’envoyer chasser le grendel -un genre de monstre cybernétique. À cette traque va se mêler des échos du passé de Yorick et notamment le retour de son frère, qui lui a arraché la mâchoire bien des années plus tôt.

J’ai déjà parlé plus d’une fois de Rich Larson sur le blog, que ce soit pour l’excellent recueil La fabrique des lendemains ou pour ses nouvelles parues dans le Bifrost. De mémoire, je n’avais pas encore été déçue par l’auteur et il fallait bien que ça arrive un jour. C’est juste dommage que ce soit avec son premier roman…

J’ai décidé d’arrêter ma lecture à la moitié pour plusieurs choses : déjà, à nouveau, l’ambiance. On est sur une planète inhospitalière, on évolue dans des bas-fonds crasseux, il y a une méga entreprise hyper totalitaire, c’est très sombre, oppressant, ça ne correspond pas du tout à ce que j’ai envie / besoin de lire pour le moment.

Pourtant, j’ai persévéré parce que je connaissais déjà le travail de l’auteur et que j’avais confiance. Je me disais qu’il méritait bien que je m’accroche un peu, que je lui laisse le bénéfice du doute. Hélas, j’ai rapidement eu l’impression que l’histoire racontée aurait pu aisément tenir dans une novella et que le roman souffrait de longueurs, de digressions, sans parler des flashbacks nébuleux mélangés à des trips de drogue qui n’aident pas à s’accrocher malgré la brièveté de ses chapitres parfois longs de deux ou trois pages seulement. Ce dernier point a été relevé comme négatif par d’autres mais c’est quelque chose que j’ai apprécié et qui m’a d’ailleurs poussé à aller aussi loin dans ma lecture.

Autre élément en faveur du roman : le personnage de Yorick et la mise en scène de ses pulsions autodestructrices. C’est quelque chose qui m’accroche bien en général sauf qu’ici, ça manquait d’âme par moment, de sentiments, de densité, comme si l’auteur n’arrivait pas bien à jongler entre son univers, son intrigue et son protagoniste au point de me perdre en route car mon intérêt pour Yorick n’a pas suffit à éclipser mon malaise face à l’univers. Même s’il a des qualités indéniables, ce ne sont pas celles qui m’attirent dans un roman, encore moins en ce moment. Je tournais les pages sans réelle envie d’en savoir plus, ce qui a conduit à mon abandon un peu après la moitié du livre.

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Quelles conclusions en tirer ?
Depuis quelques mois, il semble évident que je ne suis plus du tout attirée par les romans étouffants, crasseux, qui mettent en scène des régimes tyranniques et la misère humaine. Peut-être (sans doute) que ça a un rapport avec l’actualité, peut-être que mes goûts évoluent simplement, mais je recherche tout autre chose dans mes lectures. Le souci, c’est que je ne sais pas quoi précisément donc je navigue en aveugle, au petit bonheur la chance.

Je suis aussi de plus en plus attirée par le format court. Ces romans ne sont pourtant pas très épais, ils font entre 350 et 450 pages ce qui est dans la norme et même dans la norme basse mais j’ai remarqué que j’éprouvais davantage d’indulgence envers une nouvelle ou une novella qui m’ennuie qu’un roman. J’ai besoin d’un certain type de construction narrative pour m’accrocher sur le long terme et surtout, de m’intéresser aux personnages. J’ai besoin qu’ils aient une âme, pas juste qu’ils servent une intrigue ou jouent les pantins dans un monde-super-bien-construit-pour-nous-en-mettre-plein-la-vue.

Je ne suis pourtant pas mécontente d’avoir essayé de les lire car même si j’ai abandonné en cours de route, l’expérience m’a appris des choses sur moi-même et permis d’affiner davantage mes critères de sélection d’un livre. Une chance que ça ait chaque fois été avec des services presses numériques (à l’exception d’Ymir qui, avec l’accord du Bélial, sera offert à la bibliothèque de mon village afin d’en faire profiter le plus grand nombre), si bien que ça n’a rien coûté à personne hormis un mail et un peu de temps.

Et vous, est-ce que vous avez abandonné un livre récemment ?

La Maison des Jeux #2 le Voleur – Claire North

En avril de cette même année, je vous parlais du premier tome de la Maison des Jeux intitulé « le Serpent » et se déroulant à Venise en 1610. Ç’avait été un coup de cœur doté d’une écriture musicale, d’un contexte original et d’une ville si bien décrite qu’elle en prenait vie sous mes yeux. Est-ce que la suite s’inscrit dans la même lignée ? Voyons cela…

De quoi ça parle ?
Remy Burke est joueur de la Haute-Loge depuis un certain nombre d’années et n’aurait pas dû se laisser avoir aussi bêtement par Abhik Lee qui parvint à le saouler avant de lui faire accepter une partie de cache-cache. L’enjeu ? Rien de moins que ses souvenirs… Or, si Remy est un bon joueur, Abhik est connu pour être redoutable. Quand la partie se lance, Remy sent vite un déséquilibre dans les excellentes cartes reçues par son adversaire et commence à se demander si quelqu’un de plus haut placé, de plus influent, ne chercherait pas à se débarrasser de lui.

Autre époque, autre ambiance.
Cette suite, qui se passe en 1938 à Bangkok, a perdu la musicalité qui m’avait tant séduite dans le Serpent sans pour autant être inintéressante ni même décevante. Autre époque, autre ambiance, tout simplement. Et autre personnage aussi car si Remy n’a pas le charisme d’une Thene et que j’ai crains de suivre un protagoniste fade, je me suis vite prise d’empathie pour lui. La finesse de sa psychologie rappelle que Claire North est une autrice à suivre car elle ne laisse rien au hasard.

Rien et pas même son décor. Les paysages sont saisissants de réalisme, je n’ai eu aucun mal à me sentir transportée dans cette contrée où je n’ai pourtant jamais posé un pied. Elle ne partait pas gagnante car je peine à m’intéresser à tout ce qui se passe après le 19e siècle, encore plus lorsque l’intrigue semble centrée sur rien de moins qu’une course poursuite… Ce qui a tendance à me lasser.

Mais la magie a opéré.

Sur un plan personnel, il semble évident pour tout qui me connaissant un minimum que j’ai plus d’affinités avec Venise qu’avec la Thaïlande et donc que je continue de préférer le Serpent au Voleur. Pourtant, l’intrigue du Voleur gagne en ampleur. L’autrice réalise l’exploit de proposer une histoire indépendante tout en ramenant d’anciens personnages par un clin d’œil et en renforçant les enjeux autour de cette mystérieuse Maison des Jeux. Ainsi, des liens se créent et on sent se dessiner un dénouement plus qui ne manquera probablement pas d’envergure, tout en ayant l’histoire de Remy terminée sur ces 150 pages.

La conclusion de l’ombre :
Contrairement à ce que je craignais en lisant la quatrième de couverture par rapport à mes goûts personnels, le Voleur a été une très bonne lecture où l’autrice confirme son talent non seulement à poser un décor plus vrai que nature, à imaginer un personnage intéressant à suivre et à tisser une intrigue qui se révèle bien plus complexe que de prime abord. Je n’ai qu’une hâte : lire le troisième et dernier volume de la Maison des Jeux pour découvrir ce qu’elle nous réserve…

Je remercie le Bélial pour ce service presse.

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S4F3 : 19e lecture.
Informations éditoriales :
La Maisons des Jeux, tome 2 : le Voleur par Claire North. Traduction par Michel Pagel. Éditeur : le Bélial. Illustration de couverture : Aurélien Police. Prix : 10,9 euros.

Un an dans la Ville-Rue – Paul Di Filippo

Un an dans la Ville-Rue est le genre de texte qui provoque chez moi une certaine frustration car j’ai du mal à me plonger dans son univers tout en parvenant sans peine à m’intéresser à son personnage principal, Diego Patchen.

Pourtant, l’univers en question ne manque pas d’inventivité et, par bien des aspects, j’y vois une forme de critique ou même de réflexion sur le nôtre. Sauf que je me sens vite perdue devant une avalanche de termes nouveaux (un comble quand on connait un peu ma propre bibliographie…) et que les descriptions, aussi graphiques, riches et originales soient-elles, m’ont laissé de marbre parce qu’elles ne m’intéressaient tout simplement pas. J’ai même failli abandonner cette courte lecture mais j’ai été accrochée à partir du second chapitre où on découvre davantage le métier de Diego. Cet élément permet une réflexion intéressante sur la littérature, plus spécifiquement la science-fiction.

Diego, donc, est écrivain et il publie des nouvelles dans une revue intitulée Mondes Miroirs. Il écrit de la Cosmos-Fiction, c’est-à-dire qu’il imagine d’autres mondes, d’autres possibilités, d’autres alternatives, ce qui n’est pas bien vu par les lecteurs élitistes mais fonctionne bien auprès d’un public que le tenancier du kioske, Teuf-Teuf, décrit comme bien plus populaire. Difficile de ne pas penser à ce fossé qui existe entre la littérature dite « blanche » et celle dite « populaire », de l’imaginaire. La nouvelle date d’il y a vingt ans et on constate que certaines choses ne changent hélas pas.

J’ai trouvé assez amusante la façon dont l’auteur donne à Diego des idées qui évoquent notre monde (comme cette technologie filière qui permettrait de discuter avec quelqu’un sur une longue distance ou encore un univers où personne ne saurait ce qui se déroule après la Mort) en les faisant passer pour loufoques au sein de sa propre diégèse. C’est plutôt intelligent.

Au travers de quatre chapitres, Paul Di Filippo emmène son lecteur arpenter cette immense ville aux millions de Blocs qui semble à la fois si familière et si incongrue. J’ai toujours été plus sensible aux personnages et aux émotions qu’au world-building, ce qui ne m’empêche pas d’en reconnaître la saveur et d’en saluer les idées. Ce fut une lecture en demi-teinte où je me suis parfois ennuyée mais je n’en ai aucun regret, ressortant particulièrement enthousiaste et concernée par les réflexions sur la littérature et la façon dont l’auteur a décidé de les mettre en scène.

Un texte particulier qui ne pouvait paraître nulle part ailleurs que dans la collection Une Heure Lumière.

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S4F3 : 15e lecture.
Informations éditoriales :
Un an dans la Ville-Rue de Paul Di Filippo. Traduction par Pierre-Paul Durastanti. Éditeur : Le Bélial, pour la collection Une Heure Lumière. Illustration de couverture : Aurélien Police. Prix : 9.90 euros au format papier, 4.99 en numérique.

Noon du soleil noir – L. L. Kloetzer

Voilà un long moment que je ne me suis plus penchée sur de la bonne vieille fantasy et il peut paraître curieux que je me tourne pour cela vers un éditeur comme le Bélial qu’on reconnaît plus volontiers comme spécialiste en science-fiction. J’ai d’abord été attirée par la sublime couverture signée Nicolas Fructus avant de m’intéresser au résumé et de me dire que ouais, ça me bottait bien cette histoire. Allons-y !

De quoi ça parle ?
Le narrateur s’appelle Yors et raconte après coup sa rencontre avec un drôle de sorcier prénommé Noon du soleil noir, au service duquel Yors va entrer en espérant se faire un peu d’argent facile. Noon se rend dans cette grande cité pour ouvrir un commerce de magie et va tomber sur une drôle d’affaire impliquant un médaillon familial volé…

Sherlock Holmes version fantasy ?
Selon un bon nombre de chroniques tout comme l’éditeur, Noon du soleil noir est un hommage assumé au cycle des épées de Fritz Leiber. Je le crois bien volontiers. Le souci, c’est que je n’ai jamais lu ce cycle (qui a jeté un caillou ?!), il m’est donc impossible de dresser un parallèle entre les deux. Par contre, j’ai déjà lu quelques écrits de Sir Arthur Conan Doyle (et un peu trop re-re-re-regardé une certaine série avec un certain Benedict Cumberbatch…) donc le lien avec Sherlock Holmes me saute davantage aux yeux. Pas dans la période, évidemment, car on est bien ici dans de la fantasy dans une cité typée moyenâgeuse, mais bien dans la forme. En effet, l’histoire est écrite à la première personne, après l’action donc sous forme de mémoire ou de récit témoignage, du point de vue de Yors qui est en quelque sorte « l’assistant » de Noon, un sorcier mystérieux et d’une grande puissance. Le récit est celui d’une enquête menée tant bien que mal après que Noon ait refusé plusieurs affaires jugées inintéressantes… Vous voyez le lien ? En cela, la construction est plutôt classique en dehors des moments où Noon pratique la magie et où Yors sort du récit pour raconter des évènements qui se passent dans une autre cité très lointaine mais ont un lien avec l’enquête, ou encore pour nous mettre dans la tête de l’antagoniste sur place qui convoite ce médaillon.

Et c’est peut-être le seul reproche que j’ai à adresser au récit : ce sont ces passages qui cassent la narration si sympathique du mercenaire pour nous entrainer loin de son action, même si c’est nécessaire pour apporter certaines informations. J’aurais préféré une approche plus uniforme mais c’est mon côté un peu rigide…

Outre cet élément, je trouve que tout fonctionne bien dans Noon du soleil noir : les personnages sont attachants et mystérieux, l’intrigue se comprend facilement et ne manque pas de rythme ni d’intérêt, l’enquête se clôture sur elle-même si bien que, malgré l’annonce d’une « suite » j’ai le sentiment qu’on part sur des volumes indépendants ce qui est toujours une bonne chose selon moi et, petit bonus mais non des moindres : le livre est parsemé d’illustrations intérieures réalisées également par Nicolas Fructus, ce qui donne un relief supplémentaire à l’univers. Noon du soleil noir constitue donc un divertissement de très bonne facture. On en redemande !

La conclusion de l’ombre :
Noon du soleil noir est un roman de fantasy plaisant à découvrir avec un narrateur attachant, un sorcier intriguant et un petit côté Conan Doyle sur l’aspect narratif qui n’est pas pour me déplaire. L’univers esquissé ici est prometteur et référencé pour les vieux de la vieille de la fantasy, si j’en juge par ce qu’on en dit ailleurs. D’autres livres semblent prévus mais, si je comprends bien, avec des aventures indépendantes les unes des autres, ce qui est tout à fait appréciable. Je suis convaincue et je me réjouis donc de retourner aux côtés de Noon et Yors dans un proche avenir !

Merci à Erwann et au Bélial pour ce service presse.

S4F3 : 13e lecture.

D’autres avis : L’épaule d’OrionLe culte d’ApophisLorkhanGromovarDionysosXapurSometimes a bookAu pays des cave trolls – vous ?

Informations éditoriales :
Noon du soleil noir par L. L. Kloetzer. Éditeur : le Bélial. Illustration de couverture (et intérieures) : Nicolas Fructus. Prix au format papier : 19.90 euros.