L’Empire du Léopard – Emmanuel Chastellière

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L’Empire du Léopard
est un one-shot de flintlock fantasy (ou gunpowder fantasy en fonction des écoles, je vous renvoie chez Apophis pour y voir plus clair sur ces qualifications) écrit par l’auteur français Emmanuel Chastellière. Édité chez Critic, vous trouverez ce roman au prix de 25 euros.

J’entends parler de l’Empire du Léopard depuis sa sortie l’année dernière, chez la majorité des blogpotes que je suis. Voir un livre unanimement encensé par ces connaisseurs parfois si difficiles à satisfaire m’intriguait beaucoup et m’intimidait à la fois. Je me suis finalement laissée tenter quand mon amie Laure-Anne a proposé de me le prêter. Il traine dans ma PàL depuis les Imaginales (scandale !) parce que j’avais un peu peur de le sortir… Et d’être déçue. De trop en attendre.
Si vous lisez assidument les articles du blog, vous connaissez déjà la suite de cette phrase.

L’Empire du Léopard se passe en 1870. Le Coronado a conquis la Lune d’or depuis six ans mais la colonie va mal. Ils partaient en espérant trouver des richesses et la fontaine de jouvence, ils n’ont eu que des indigènes et une terre hostile. Le colonel Cérès Orkatz (surnommée la Salamandre) tente de maintenir la barre tant bien que mal en soutenant le vice roi Philomé dans ses décisions et en présentant un front uni devant le Conseil agité. C’est alors qu’un message arrive du mystérieux Empire du Léopard dont ils ne connaissent pas grand chose et qui paraissait tenir de la légende. Une proposition qui pourrait tout changer…

L’empire du Léopard est un roman aux nombreuses forces et j’hésite encore sur son meilleur côté. C’est probablement le traitement des personnages proposé par Emmanuel Chastellière qui m’a le plus marquée ! Cérès est celle que le lecteur suit principalement mais les points de vue se multiplient tout de même dans ce roman rédigé à la troisième personne. Ils permettent de nuancer certains propos et d’y voir plus clair dans d’autres. J’ai trouvé assez intéressant le personnage de Cortellan, capitaine des mercenaires qu’on a plus d’une fois envie de gifler ainsi que celui de Camellia, une indigène qui a choisi de rejoindre les rangs des envahisseurs pour échapper à un destin funeste. Ils ne sont pas les seuls, en réalité. En général quand les points de vue se multiplient, il y a toujours l’un ou l’autre personnage un peu moins intéressant mais ce n’est pas le cas ici. L’auteur propose un bel équilibre dans sa narration, ce que je tenais à souligner.

L’intrigue est complexe mais bien amenée. On ne peut faire confiance à personne dans la Lune d’Or et si certaines trahisons s’anticipent aisément (à moins que je ne sois trop méfiante ?), d’autres sont de vraies surprises. Les événements s’enchaînent de manière fluide. Évidemment, une phase d’exposition est nécessaire pour comprendre non seulement l’univers, mais également les personnages. Elle dure sur le premier tiers du roman et j’ai remarqué que certains le signalaient comme une faiblesse. Toutefois, sur un plan personnel, je ne l’ai pas du tout vécu comme ça. Chaque chapitre me paraissait pertinent et bien découpé. Si j’ai peut-être un léger reproche à adresser au roman là-dessus, c’est plutôt sa fin qui m’a donné un sentiment de trop. J’y ai trouvé quelques longueurs et un traitement qui m’a rappelé certains shônen (je ne sais pas si l’auteur aime le manga ?) ou en tout cas une fantasy plus classique qui en met plein les yeux, sur le côté abusif des puissances déployées. C’est une question de goût et de point de vue, évidemment, mais j’aurai apprécié un peu plus de sobriété bien que le contraste entre les opinions des personnages sur la magie et son déploiement ne manque pas forcément d’intérêt.

Emmanuel Chastellière aime la fantasy et ça se sent à chaque page de l’Empire du Léopard. Il utilise un langage précis mais pas ampoulé et maîtrise le vocabulaire autant colonial que militaire pour dépeindre un univers inspiré qui sort des sentiers battus. Je ne suis pas non plus une spécialiste toutefois le roman m’a paru très crédible sur ces points. Par bien des aspects, L’Empire du Léopard m’a rappelé l’excellente saga Les Elfes de James Barclay (sûrement dans mon top 3 des meilleures trilogies fantasy de tous les temps) qui se déroule dans un environnement (géographique et ambiance) semblable et traite aussi les thématiques du colonialisme, des abus perpétrés par les envahisseurs, des illusions qu’on entretient sur les autres cultures, du racisme, de l’ethnocentrisme, entre autres.

Je ne vais pas m’aventurer à tenter de classifier ce roman mais j’ai eu le sentiment de découvrir une dark fantasy par son ambiance et les frontières floues des valeurs de chaque personnage. Une dark fantasy qui sort de son cadre médiéval habituel pour se placer en des terres exotiques (welcome to the jungle, comme le disait la chanson !) ravagées par des envahisseurs cupides et aveugles. Le ton du roman est globalement désabusé et le lecteur avance sur une poudrière qui pourrait exploser à n’importe quel moment. Les personnages qui entretiennent encore de l’espoir connaissent d’ailleurs des destins assez funestes, comme un message supplémentaire.

En bref et pour conclure, l’Empire du Léopard est une vraie réussite. Ce page turner  de 650 pages se lit tout seul malgré son épaisseur qui pourrait rebuter quelques lecteurs et quel tort ce serait ! Emmanuel Chastellière pose un univers exotique riche et intéressant qu’on a peu l’habitude de trouver dans la fantasy française, avec un style littéraire maîtrisé de bout en bout. Je recommande plus que chaudement ce texte !

31 réflexions sur “L’Empire du Léopard – Emmanuel Chastellière

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  5. Je ne connaissais pas le terme Flintlock fantasy 😮 Ton avis me donne bien envie de découvrir cet univers, et comme j’aimais déjà beaucoup la plume de l’auteur dans « Le Village », je me laisserai sûrement tenter un jour 😉

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    • De rien, j’ai particulièrement apprécié ton analyse je ne voyais pas l’intérêt de la copier dans ma chronique alors que je pouvais renvoyer vers la tienne 🙂 haha je suis contente que quelqu’un relève la référence 😁
      Et merci !

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