Encrer l’avenir – énergies (anthologie)

Chaque année, Livr’S Éditions publie les nouvelles gagnantes du concours organisé par l’Université de Mons et son musé à destination des jeunes auteur·ices qui n’ont pas encore été publiés à ce jour, raison pour laquelle le recueil apparait dans la collection Jeunes Encres de la maison d’édition. Cette année, le thème était « énergies » et a été exploité brillamment par cinq autrices débutantes.

Au fil de l’eau – Eulalie Borsus
Henri et Gabrielle passent de nombreuses années à construire un moulin pour vivre en autarcie énergétique dans un monde où existe l’énergie quantique dont tout le monde se sert. Pour cela et peut-être parce que Gabrielle est muette, ils récoltent des brimades, des moqueries, et se replient de plus en plus sur eux-mêmes. Quand ZêtaCorp obtient le monopole sur l’énergie quantique et que les prix augmentent, les villageois comprennent soudain les motivations d’Henri et Gabrielle et essaient de profiter de leur électricité pour charger leurs batteries.

Cette nouvelle parle avec justesse de l’accès à l’énergie et de notre dépendance à la technologie. Elle rappelle l’importance de prendre son temps dans notre monde hyper connecté qui ne cesse de nous imposer la productivité.

Prismatique – Léa Dumont
Cléo est un poisson bioluminescent qui vit dans un bassin. Un jour, elle est enlevée par Eluna, une humaine qui a envie d’avoir un poisson luminescent domestique. Son monde est chamboulé par cette petite fille qui lui explique à quoi ressemble la surface en promenant Cléo dans un seau. La nouvelle s’étire sur sept années durant lesquelles une épidémie se déclare chez les poissons bioluminescents qui fournissent de la lumière à l’humanité. Du coup, le gouvernement impose des règles de plus en plus strictes à leur égard au point qu’Eluna doit finalement relâcher Cléo au risque de s’attirer des ennuis.

Cette nouvelle alterne les points de vue de Cléo et d’Eluna. Elle parle de notre exploitation des animaux et de la manière dont l’humanité se mêle toujours de « régler » les problèmes biologiques dont elle est le plus souvent à l’origine.

Étincelle – Lhéa Mittenaere
Felix travaille depuis un an pour le gouvernement, un peu contre son gré car il doit se ternir à carreau. Il a assisté à l’assassinat de son meilleur ami par les autorités alors qu’ensemble, ils avaient contourné la loi de restriction sur l’électricité pour jouer à des jeux-vidéos. Lucie débarque dans sa vie pour lui raconter l’histoire tragique de sa propre sœur, laissée de côté par la société car elle coûtait trop cher en énergie. Ils décident alors d’agir…

Cette nouvelle glaçante évoque sans concession un monde hélas pas si lointain où le gouvernement glisse petit à petit dans une forme de totalitarisme sous prétexte d’économiser une énergie de plus en plus rare, de plus en plus chère, au point de sélectionner qui a le droit de vivre ou mourir. Glaçant.

Les chiens sont-ils liquides ? – Louise Beckers
Lilalou est une adolescente privilégiée qui vit dans un quartier (ou une ville ?) entouré par un Mur qui la protège des désagréments de l’extérieur. On la suit dans une tranche de sa vie où elle essaie de participer à un concours de nouvelles sur le thème de « l’énergie » pour lequel elle n’a pourtant pas l’inspiration.

De manière subtile, l’autrice place dans son texte bien des réflexions sur la discrimination ordinaire, le dédain envers le malheur des autres, l’égoïsme parfaitement humain qui révolte le lecteur alors qu’il les a sûrement partagé au moins une fois, sans même y penser consciemment. Louise Beckers peint un monde en souffrance où l’esprit des gens est détourné de ce qui importe vraiment par de nombreux stimuli, des gens qui n’ont plus d’esprit critique et qui sont presque soulagés de ne pas devoir se questionner.

Le titre en témoigne d’ailleurs, c’est une question idiote en plus d’être potentiellement un gaspillage de ressource (son chien est mécanique) et son attention se focalise dessus au lieu des vrais problèmes sociaux auxquelles elle pense de manière très superficielle, étalant ainsi le lavage de cerveau dont elle est victime.

Encore un texte assez glaçant au point de vue original et très prometteur pour la suite si l’autrice continue d’écrire.

Le threenergy – Maëva Decorte
Alizée est la fille adoptive de Hector, l’homme chargé d’entretenir le ThreEnergy. Il s’agit d’un dispositif supposé permettre à une partie de l’humanité de survivre après l’Effondrement, une technologie conçue par « Monsieur Hope ». Hector a découvert que cette technologie n’a rien d’un sauvetage et essaie de mettre le reste du monde au courant mais il est assassiné. Alizée reprend le flambeau.

On peut résumer cette nouvelle en une phrase, extraite du texte : « les humains les plus dangereux sont parfois ceux convaincus de faire le bien ». Je ne peux pas en dire davantage sans dévoiler le twist final qui était un peu convenu pour le lectorat habitué à la dystopie mais n’en est pas moins dénué d’intérêt ni de pertinence.

La conclusion de l’ombre :
Encrer l’avenir – énergies est un recueil de jeunes plumes d’une grande qualité qui se propose d’aborder à travers cinq textes très différents la question de l’énergie et de son impact sur notre société moderne. Pour un prix tout à fait modique (12 euros) on a ici non seulement un matériel pédagogique incroyable mais aussi une porte ouverte sur de nombreuses réflexions tristement d’actualité.

D’autres avis : pas chez les blogpotes mais j’espère que ça vous donnera envie !

Informations éditoriales :
Encrer l’avenir – énergies. Nouvelles écrites par différentes autrices renseignées dans la chronique. Éditeur : Livr’S Editions. Illustration de couverture et illustrations intérieures par Charlotte Langohr. Prix : 12 euros au format papier.

2 réflexions sur “Encrer l’avenir – énergies (anthologie)

  1. Les nouvelles ont l’air d être matures. Je ne sais pas si c’est ta manière de la décrire mais Prismatique me fait penser à une nouvelle dans un style jeunesse, philosophique avec une touche d’atmosphère contemplative avec ce petit poisson qu’elle balade partout.

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