Vous le savez, dans ma vie littéraire, j’ai de nombreuses casquettes : autrice, blogueuse, soutien éditorial, CM twitter, gestion des relations presses… Et depuis cette année, je prends plaisir à vous partager certaines expériences pour vous faire découvrir l’envers du décor. Cette fois-ci, on se retrouve pour un retour de mon expérience au sein du comité de lecture pour un appel à textes en vue de la publication de l’anthologie annuelle chez Livr’S !
Chaque année, Livr’S a pour habitude de proposer un appel à textes pour un recueil de nouvelles autour d’un thème qui varie très fortement mais a pour la particularité, en général, d’avoir un jeu de mots dans son titre autour du mot « nouvelle ». Pour 2022, il s’agissait d’écrire un texte court de western horrifique… Autant vous dire qu’à l’annonce du thème, j’ai fait grise mine parce que le western est un genre qui me laisse globalement froide autant à l’écrit qu’au visuel. J’ai donc passé mon tour et puisque je n’écrivais pas, Émilie Ansciaux (la cheffe suprême chez Livr’S, suivez un peu !) m’a proposé d’intégrer le comité de lecture pour donner mon avis sur les textes reçus et l’aider à opérer une sélection drastique.
L’appel a duré de nombreux mois et au total nous avons reçu 100 nouvelles très exactement (99 + celle du parrain) dont 69 écrites par des hommes et 30 écrites par des femmes, selon ce qui nous a été renseigné. Dans le tas, seulement trois nouvelles appartenaient au genre de la science-fiction, une seule à la fantasy. Tout le reste était du fantastique, à majorité historique ou alors contemporain. Sur ces cent nouvelles, j’ai donné une note au-dessus de la moitié à seulement 25. Il faut dire que j’étais là pour me montrer particulièrement dure et sans concession. N’empêche, ce n’est pas tant que ça quand on y pense et ça dit quelque chose. Quant à savoir si c’est sur moi et sur la production littéraire, je vous laisse juger !
J’ai réfléchi pendant longtemps à une façon ordonnée de présenter mon retour d’expérience mais je n’en ai pas trouvé alors ce sera un peu brouillon. Par avance navrée.
Dans l’ensemble je dois commencer par dire que ce fut sportif. L’AT se terminait le 1er décembre à minuit et Émilie voulait dans l’idéal envoyer les réponses avant la fin de l’année 2022, ce qui impliquait de lire beaucoup en peu de temps -ce qui explique pourquoi il n’y a pas eu de chroniques depuis novembre sur le blog. Comme ce n’est pas mon activité principale, ça a représenté un sacré défi et je suis assez fière d’avoir terminé ces lectures en « seulement » dix-sept jours. Je ne m’étais pas mise d’objectifs quotidiens, je lisais quand je le sentais et surtout quand j’étais dans de bonnes dispositions pour ça car il n’était pas question de risquer de mal juger une nouvelle juste parce que je la lisais au mauvais moment… N’empêche, c’était intense et je ne suis pas mécontente que ça soit terminé parce que je ne peux plus voir un shérif en peinture.
D’ailleurs, une autre partie de ce défi a, pour moi, consisté à faire la part des choses entre ce qui ne rentrait pas dans mes goûts personnels (mais correspondait très bien à l’AT) et ce qui n’était tout simplement pas bon pour diverses raisons. Je n’ai pas du tout apprécié la lecture de ce qui est pourtant une des meilleures nouvelles sélectionnées parce que je la trouvais beaucoup trop trash et crue, sauf qu’elle était aussi intelligente dans son propos et vraiment originale. L’exercice était plutôt difficile mais aussi formateur.
De plus, j’ai été agréablement surprise par certains textes qui ont finalement su me faire apprécier la thématique. Quelle originalité, chez certain·es auteur·ices ! C’était passionnant de se laisser surprendre par les idées des autres, surtout pour une thématique qui ne m’inspirait rien à la base. Il y a donc du bon comme du moins bon dans mon expérience…
Plusieurs remarques me sont venues à mesure que j’avançais dans ma lecture, je vous les partage en vrac car je les notais exprès pour vous :
– Il y a des gens qui envoient des nouvelles sans regarder le thème de l’appel à texte. Soit il n’y avait aucune trace de western, soit aucune trace d’horreur, soit carrément aucune trace des DEUX. C’est arrivé sur deux ou trois textes, notamment, pour l’absence des deux avec hors sujet total. Je me demande donc s’il n’y a pas des auteur·ices qui ont des textes dans leurs dossiers et qui les envoient d’une manière random au cas où ça passerait sur un malentendu. C’est très agaçant car j’y vois un manque de respect envers les personnes qui investissent de leur temps pour lire.
– 90% des textes (sans exagérer) contenaient le prénom John ou Jack, c’était presque devenu un running gag.
– Beaucoup d’auteur·ices ignorent que les chevaux ont des jambes et pas des pattes.
– Beaucoup d’auteur·ices confondent l’horreur et la violence. La majorité des nouvelles étaient ultraviolentes sur un plan graphique mais très peu réussissaient à poser une ambiance effrayante ou angoissante. Je n’ai pas eu peur une seule fois, par contre j’ai été mise mal à l’aise à une ou deux reprises, ce qui n’est pas énorme finalement sur cent…
– Beaucoup d’auteur·ices ne soignent pas suffisamment leur texte, soit par la mise en page (non justifié, tirets en puce au lieu de quadratins, verbes de dialogue qui se promènent n’importe où, etc.) soit par leur orthographe. Tout texte est d’office retravaillé et corrigé en maison d’édition mais il y a une marge entre laisser quelques fautes d’inattention (ou fautes tout court parce qu’à force quand on a le nez dans son texte on ne les voit plus) et carrément oublier des bouts de phrase…
– Peu d’auteur·ices maîtrisent les codes de la nouvelle et, par extension, l’art du rythme narratif. Beaucoup de textes rejetés par moi l’ont été parce que je les trouvais lents, bourrés de digression ou pire, de clichés éculés. On peut en jouer mais pour la majorité des textes concernés, il s’agissait de maladresses et d’un manque de recul par rapport au texte en lui-même. D’ailleurs, une bonne vingtaine d’auteur·ices ont envoyé leur nouvelle à la dernière minute, le dernier jour, donc je me dis qu’il y a aussi peut-être un souci d’organisation du temps de travail.
Une fois nos lectures terminées, nous avons programmé une réunion qui a en tout duré 3h45 (et débordé sur le temps de midi, argh mon pauvre estomac) afin de parvenir à nous mettre d’accord sur les textes à retenir. Comme une tendance se dégageait au fil de nos lectures et qu’Émilie commençait à envisager une double anthologie, j’ai proposé une division thématique : une contenant les textes très gores et une contenant les textes plus axés sur l’horreur psychologique. L’idée a été acceptée si bien qu’il y aura donc deux tomes à cette anthologie ! Cela permettra, en plus, de mettre davantage de textes et d’auteurices de talent en avant.
Au bout du compte, je suis très contente d’avoir vécu cette expérience. Même si j’ai du lire beaucoup de textes décevants, agaçants ou énervants, j’ai aussi découvert des pépites et pas toujours chez des auteur·ices confirmé·es ! Comme quoi… De plus, ça a vraiment été un travail d’équipe car mon avis avait autant de valeur que celui de la cheffe, ce qui est agréable et valorisant.
Aujourd’hui, je n’ai qu’une hâte : que cette double anthologie sorte et rencontre son public que j’espère nombreux. Je me sens aussi excitée et fière que si j’avais écrit un nouveau roman, c’est fou quand même. Même si tout n’a pas été rose, je suis heureuse et fière d’avoir participé à cette aventure et j’espère que vous en suivrez la sortie. Merci d’avoir pris le temps de lire ce petit retour d’expérience ♥