Love in 56k – Clémence Godefroy

Les miracles arrivent !

Souvenez-vous, en janvier, j’étais sur une sale série d’abandons et il ne me restait plus que trois romans dans ma PàL. J’ai décidé de sortir celui-ci en pensant très sincèrement qu’il allait rejoindre la pile de ceux que j’allais donner à S.A. William pour garnir sa bibliothèque parce que… Well… une romance ? Dans mon état ? Même écrite par une autrice que j’apprécie, je ne pariais pas un euro dessus.

Et pourtant !

J’ai dévoré ce bouquin en une demi-journée. Je l’ai commencé le matin au réveil, j’ai lu la moitié, j’ai sorti Loki, j’ai petit-déjeuner puis j’ai terminé dans la foulée en ressentant une sincère envie de savoir comment ça allait se terminer, comment Erica allait gérer ses dilemmes, quel serait le message final. Pourtant, on est sur de la tranche de vie lycéenne voire sur une romance donc on ne peut pas dire que ça soit particulièrement dramatique ou bourré d’action. N’empêche… La magie a opéré. Et je dis merci, merci à l’autrice d’avoir écrit ce livre qui est finalement arrivé entre mes mains au moment où j’en avais le plus besoin.

De quoi ça parle ?
L’histoire se déroule durant l’année scolaire 1997 – 1998. Erica est en année junior au lycée et est décidée à ce que tout se passe bien. Elle a de bonnes notes, elle passe d’excellents moments avec ses deux meilleures amies… Et a même un crush sur Scott Peterson bien qu’elle soit trop timide pour lui parler !

N’empêche, le lycée, ce n’est pas facile. Heureusement, Erica aime lire et elle découvre une nouvelle série : les Sorciers de Bellwood dont elle dévore les deux premiers volumes. Dur dur d’attendre la suite prévue pour fin décembre ! C’est là qu’elle découvre les joies d’un Internet encore balbutiant : forums de discussion et surtout, sites de fanfiction…

Littérature de l’imaginaire et fanfiction.
Erica, fan de littérature, se passionne pour les Sorciers de Bellwood et découvre le monde des forums, de la fanfiction, à une époque où Internet se coupe encore quand on décroche le téléphone. Je me suis immédiatement attachée à cette protagoniste parce que je me suis reconnue en elle. J’ai connu Internet quand la chose était déjà stabilisée mais je devais négocier des heures d’accès à l’ordinateur, je passais mon temps à réfléchir à ce que j’allais écrire sur mon skyblog, à ce que j’allais poster sur le forum One Piece où j’échangeais avec les fans… C’était important pour moi, central dans ma vie car j’avais trouvé un endroit où on comprenait que j’aime les mangas et où on ne me jugeait pas pour ça. Erica m’a ramenée en arrière, je me suis identifiée à elle, reconnue en elle et ça m’a fait du bien. Je la comprenais, tout simplement, et c’est rare de trouver une protagoniste qui résonne autant en moi.

De plus, il est évident que les Sorciers de Bellwood est une sorte de pastiche de Harry Potter. Les clins d’œil sont nombreux et justement, d’une part j’ai apprécié que l’autrice invente sa propre saga et d’autre part, même si J. K. Rowling m’a énormément déçue en tant que personne, je ne peux pas nier l’influence et l’importance que cette saga a eu sur moi, sur ma construction en tant que personne au sens large et en tant que lectrice. La nostalgie est le sentiment qui a dominé toute ma lecture de Love in 56k, une nostalgie agréable, comme un cocon douillet.

Ce roman prouve à lui seul qu’il est important d’écrire sur ce qu’on connait, de mettre toujours un peu de soi dans ses romans car c’est ce qui donne les meilleurs textes. La prof de littérature d’Erica le rappelle d’ailleurs et c’est une opinion que je partage. Love in 56K est un excellent exemple pour le prouver.

Une romance ?
Je n’aime pas les romances en général pour tout un tas de raisons. Ici, pourtant, je trouve que la façon dont l’autrice en parle est saine et mignonne. Elle ne banalise pas des comportements problématiques, elle pointe du doigt les éventuels dangers, ce qui cloche, et montre des adolescentes qui ne laissent rien passer, qui se respectent malgré leur crush. C’est le genre de vision positive que j’ai envie de croiser plus souvent dans les romans. C’est sans doute aussi pour cela que je n’ai pas été gênée par cette romance, sans compter qu’elle ne domine pas l’histoire. L’intrigue et le propos sont surtout centrés sur Erica et son crush sur Scott n’est qu’une partie de sa vie, il ne prend pas toute la place dans ses priorités. On trouve un très bon équilibre dans la narration.

La conclusion de l’ombre :
Love in 56k est une tranche de vie lycéenne qui a su me toucher non seulement par son personnage principal en qui je me suis beaucoup reconnue mais aussi par la nostalgie qu’elle a fait naître chez moi. J’ai adoré découvrir une héroïne qui partage mes centres d’intérêt et la manière dont Clémence Godefroy en parle montre bien que c’est aussi son cas. Ce roman est traversé par une intelligence et une sensibilité que je n’aurais pas soupçonné au moment de l’ouvrir. Ça a été une excellente surprise et je vous le recommande très chaudement ! D’autant qu’il est actuellement en promotion au prix de 10 euros, ce serait dommage de manquer le coche.

Autres avis : pas chez les blogpotes.

Informations éditoriales :
Love in 56K par Clémence Godefroy. Éditeur : le Chat Noir. Illustration de couverture par Cécile Guillot. Prix : 10 euros, profitez de la promo !!

Les abandons de l’Ombre : Les tribulations d’Esther Parmentier, La fureur des siècles, Nos destins sombres.

Souvenez-vous… J’ai commencé l’année 2023 avec une série d’abandons (pas moins de sept à la suite !) qui a certes drastiquement réduit ma PàL mais aussi mené à bien des réflexions chez moi. J’écris ce billet début février même si vous devriez le lire à la fin du mois de mars pour cause de planification. J’ai décidé de vous parler de certains titres qui rencontrent un succès quasiment unanime chez tout le monde… Sauf moi. Erf.


Les tribulations d’Esther Parmentier est une série à succès dite jeunesse et d’urban fantasy, écrite par l’autrice française Maelle Dessard et publiée chez Rageot. On y suit donc, comme le titre l’indique, Esther Parmentier qui est une jeune femme disons… casse-pied, pour rester polie, et qui se retrouve embarquée dans une enquête pour meurtre aux côtés d’un vampire détective.

Je ne peux pas en dire beaucoup plus parce que j’ai assez rapidement abandonné cette lecture. Dés les premières lignes, j’ai trouvé l’héroïne pénible à se plaindre sans arrêt. Elle a provoqué chez moi un sentiment immédiat de rejet mais je serais bien en peine d’en expliquer consciemment la raison avec davantage de détails. Ce sont des choses qui arrivent d’autant que parfois, dans la vie, on rencontre quelqu’un qu’on déteste tout de suite sans s’expliquer pourquoi. Pour ne rien arranger, la narration est à la première personne et dans ces cas-là, quand on n’accroche pas au personnage principal, ça devient difficile d’être indulgent avec la façon dont elle s’exprime. Par extension, le style d’écriture qui m’a crispé.

Je suis tout de même allée suffisamment loin pour trouver la mise en place de l’enquête et de la rencontre avec le vampire tirée par les cheveux et leur première interaction plus qu’agaçante. J’ai tellement roulé des yeux que j’en ai eu mal à la tête. Je pense que ce roman, je l’aurais probablement mieux aimé il y a cinq ou dix ans, quand j’étais encore dans un trip urban fantasy / bit-lit mais ce n’est plus le cas et je me rends compte que je suis de plus en plus dure avec les livres de ce genre-là, sans doute d’une façon injuste pour les textes concernés. Je vous invite donc à découvrir les avis plus enthousiastes des blogpotes, référencés ci-dessous.

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J’ai lu énormément de romans de cet auteur et si j’ai commencé par une trilogie qui a été un énorme coup de cœur, je n’ai plus vraiment réussi à m’emballer autant pour un de ses romans par la suite. J’espérais que celui-ci changerait la donne puisqu’il prend place dans une époque qui me plait mais ce ne fut malheureusement pas le cas.

L’histoire se déroule en 1515, en Europe. Léonard de Vinci a inventé une machine capable de détraquer l’espace et le temps à certains endroits, ce qui permet au roi François Ier de régner en maître sur l’Europe. Alors que le monarque français est sur le point d’attaquer la couronne des Habsbourg, le condottiere Sforza intervient, désireux de se venger de la prise du milanais qui a eu lieu des années plus tôt…

Tout commençait bien. J’ai accroché tout de suite au ton très verbeux du récit, dans l’ambiance des chroniques qu’on pouvait lire jadis. Puis les points de vue ont commencé à s’alterner entre la compagnie de mercenaires qui travaille pour Sforza et Léonard de Vinci (quoi que toujours d’une façon rapportée par le narrateur qui l’aurait par chance rencontré plus tard) mais la partie sur le grand génie était clairement très en dessous question intérêt. Puis finalement, arrivée à la moitié, j’ai senti mon intérêt décliner et j’ai un jour refermé le livre sans avoir envie de le rouvrir, ni de savoir ce qui arriverait aux protagonistes.

Cela s’explique aussi par deux éléments dont je n’ai pas encore parlé : d’abord le personnage de Reginus, qui est aussi le narrateur, est très pénible dans sa naïveté et sa candeur, très manichéen aussi au départ. J’ai eu envie de lui coller des claques plus d’une fois et je n’étais pas trop d’humeur. Ensuite, je ne suis pas parvenue à suspendre ma crédibilité pour tout ce qui concerne la Furia. Il m’a manqué des explications claires et cohérentes autour de ce phénomène, les lois qui le régissent, etc. Peut-être qu’elles arrivaient plus loin dans le roman mais je n’en ai pas vu trace à la moitié et ça m’a lassée parce que je ne parvenais pas à croire, du coup, aux évènements racontés. Enfin, vous le savez, j’ai beaucoup de mal avec la thématique de « voyage dans le temps » ou d’époques qui se croisent et ont une incidence l’une sur l’autre. J’ai pensé que Johan Heliot réussirait à me faire passer outre cette réticence, mais non. Dommage, à nouveau…

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Je savais très bien en achetant ce roman que ce serait quitte ou double mais j’avais d’une part adoré la nouvelle de l’auteur dans l’anthologie 9 et, d’autre part, c’était son premier roman alors j’ai voulu le soutenir, tout simplement. Sans compter que le concept m’intéressait.

Orphée se réveille au royaume des morts et y retrouve sa conscience presque un an après son décès. La banshee Cassidy doit l’aider à passer de l’autre côté mais Orphée ne l’entend pas de cette oreille parce qu’il a laissé derrière lui son petit ami Isidore, qui souffre de sa mort et a des pensées suicidaires. L’histoire se déroule à la Nouvelle-Orléans, on touche au culte de la Santa Muerte et à un certain mystère qui plane autour de la mort d’Orphée, dont ce dernier ne se rappelle pas.

Honnêtement, ça partait bien mais j’ai d’abord tiqué sur la narration. Aiden Martin a choisi de l’alterner, chaque fois à la première personne mais du point de vue d’Orphée puis de celui d’Isidore. Au sein de cette narration, les deux personnages s’adressent directement au lecteur avec des parenthèses et des plaisanteries, ce qui m’a sorti de l’histoire. C’est un procédé narratif que j’appréciais avant et que j’ai même utilisé parfois dans ma propre duologie d’urban fantasy mais la sauce n’a pas pris ici.

Ensuite, je dois avouer qu’Orphée est agaçant. Évidemment, sa situation n’est pas très agréable et je ne réagirais pas mieux à sa place mais je ne suis pas parvenue à éprouver de l’empathie pour lui, au contraire d’Isidore. S’il n’y avait eu que sa narration à lui, je pense que j’aurais lu le roman en entier mais une fois à la moitié, j’ai passé des pages pour simplement aller directement à la fin, curieuse de savoir s’il réussirait à passer à autre chose et si ma théorie était juste. Je dois avouer qu’après avoir lu la fin en question… J’ai été déçue tellement c’est attendu, déçue d’avoir tout simplement raison. J’ai gagné le pari avec moi-même et j’aurais préféré le contraire. Je dois vraiment arrêter d’acheter ce type de roman, je ne les apprécie plus à leur juste valeur.

Dernière chose et non des moindres, la mise en page. Le roman est très épais, trop pour que le Chat Noir puisse conserver sa mise en page habituelle sans sortir une trop grosse brique qui poserait des soucis d’envois postaux. Au lieu de couper le roman en deux (et c’est vrai que je ne vois pas où ils auraient pu le faire) ils ont décidé de réduire la taille de la police d’écriture au sein du livre. Le problème, c’est que c’est beaucoup trop petit pour mes yeux et je n’ai pas de soucis de vue donc je n’ose pas imaginer pour d’autres dont ce serait le cas. Même si je comprends ce choix, je ne le trouve pas optimal pour le confort de lecture et si je m’en étais rendue compte avant de l’acheter, je l’aurais probablement pris d’abord en numérique.

D’autres avis : pas chez les blogpotes.

Quelles conclusions en tirer ? 
Elle est double et rejoint en partie celle de mon précédent billet sur les abandons. Déjà, mes goûts évoluent et j’apprécie plus difficilement l’urban fantasy, peu importe son cadre, car j’en ai trop lu et ses codes me sortent par les yeux. Je dois donc arrêter de me laisser avoir par ce genre littéraire et accepter qu’il ne me convient plus.

Ensuite, je dois éviter d’acheter un roman juste parce que j’ai eu une bonne expérience avec son auteur (sauf si c’est Ada Palmer ->). J’ai déjà eu ce sentiment plus tôt cette année après ma lecture de Thomas le Rimeur d’Ellen Kushner et ça se vérifie ici avec Johan Heliot, avec qui je n’en suis pourtant pas à ma première désillusion. Oui, il y a des auteur·ices que j’adore ou que j’ai adoré lire une fois, mais cela ne signifie pas qu’ils proposeront à chaque fois des livres faits pour moi. Autre exemple l’année dernière : j’ai lu Widjigo d’Estelle Faye chez Albin Michel Imaginaire et je n’ai pas du tout accroché à son livre. Si ça n’avait pas été son roman, je ne l’aurais même pas acheté de base… Alors au lieu du nom d’un·e auteur·ice, je dois plutôt me baser sur le contenu car au fond, c’est ce qui importe vraiment.

Et vous, est-ce que vous avez abandonné un livre récemment ?

Jolies Mary – Gwendolyn Kiste

En avril 2022 soit il y a presque un an paraissait aux éditions du Chat Noir Jolies Mary, une novella écrite par Gwendolyn Kiste qui est également l’autrice d’autres textes dont deux ont été traduits dans cette maison d’édition : Filles de Rouille et Plumes et Ciguë. On la retrouve aussi au sein de l’anthologie 9 où elle signait ma nouvelle préférée.

Ce n’est donc pas la première fois que je lis cette autrice et je commence à relever un certain schéma dont nous reparlerons plus loin. Mais qu’en est-il de Jolies Mary ?

Et bien c’est une histoire de fantômes et plus précisément, de Maries (au pluriel !). Elles sont cinq, cinq Mary issues du folklore américain, mortes et conscientes, obligées de se nourrir de la terreur des humains pour survivre.

La narratrice de cette histoire est Resurrection Mary, surnommée Rhee, une jeune femme qui aurait été percutée par une voiture alors qu’elle revenait d’un bal, dans les années 20. Notre narratrice n’a aucun souvenir de tout cela, on la rencontre alors qu’elle se nourrit de gens sur « sa » portion de route et, petit à petit, on découvre sa vie, le bien vivant David dont elle est amoureuse depuis des années, le manoir où elle est enfermée avec ses quatre sœurs de cœur, le passage du temps aléatoire… Ainsi que la situation problématique dans laquelle se trouvent les fantômes puisque trois d’entre elles semblent être oubliées des humains et avoir de plus en plus de mal à être vues et donc à se nourrir. Pour ne rien arranger, une voix masculine menaçante semble vouloir s’emparer des Mary…

Comme c’était déjà le cas dans ses deux autres romans, Gwendolyn Kiste met en scène un groupe de femmes malmené par un ou plusieurs hommes (ou une société patriarcale) et qui devront s’unir pour parvenir à s’en sortir, à lutter. Quand on a déjà lu l’autrice, le schéma narratif ne recèle aucune surprise mais n’en reste pas moins efficace. Les pages se tournent toutes seules et je la préfère décidément au format court.

L’autre intérêt de cette novella étant de faire découvrir des légendes méconnues du grand public. Je n’avais jamais entendu parler de Mistress Mary et de son jardin vénéneux, de Mary Mack condamnée à fabriquer son propre cercueil pour l’éternité ou encore Mari Lwyd qui est une légende galloise autour d’un crâne de jument… La fin de l’ouvrage contient d’ailleurs les chansons / comptines dont sont inspirées les Mary et j’ai trouvé l’idée intéressante.

La conclusion de l’ombre :
Si vous aimez les histoires de fantôme et les légendes urbaines, alors il est probable que vous passerez un chouette moment avec Jolies Mary. Cette novella embarque son lecteur au sein d’une sororité de fantômes qui vont se battre pour survivre et briser un cycle où la mort n’est pas une fin en soi. J’ai été touchée par les tourments de Rhee et apprécié découvrir ce texte recommandable.

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Informations éditoriales :
Jolies Mary par Gwendolyn Kiste. Traduction par Cécile Guillot. Illustration de couverture par Mina M. Éditeur : le Chat Noir dans la collection f. nigripes. Prix au format papier : 12 euros.

Bifrost n°109

Contrairement au dernier numéro qui a trainé longtemps dans ma PàL et dont je n’ai pas parlé, n’ayant apprécié qu’une seule nouvelle sur l’ensemble, j’ai été davantage ravie par la fournée n°109 qui marque d’ailleurs la fin de mon abonnement. J’avais souhaité tester une année et ensuite j’avais remporté un concours qui m’en avait fait gagner une de plus, ce qui m’a permis de voir sur le plus long terme. Je vais donc commencer par vous partager mes réflexions et mon rapport à la revue dans son ensemble.

Au niveau des points positifs, j’ai souvent pris plaisir à découvrir des textes et des auteurices que je ne connaissais pas et que je n’aurais probablement jamais lu autrement. À ce niveau, le contrat est rempli. J’ai aussi souvent apprécié la rubrique du professeur Lehoucq mais je suis régulièrement passée à côté de tout le reste. Je lis en général les dossiers de manière transversale car ça m’intéresse moins et je ne passe que rapidement sur les chroniques puisque je connais déjà la plupart des livres via la blogosphère. Disons que j’ai surtout profité des textes de fiction et pour le prix, c’est une aubaine en plus d’une affaire.

Pour autant, vais-je me réabonner ? Je me tâte encore aujourd’hui. J’ai d’une part envie de soutenir le Bélial et ce genre d’initiative mais j’ai bon espoir que ma vie professionnelle prenne un autre tournant dans les mois à venir et ça pose beaucoup de questions, notamment financières. J’envisage plutôt d’acheter les numéros dont le sommaire m’intéresserait vraiment directement en librairie (j’ai la chance d’en avoir une à Liège qui les reçoit) mais je me laisse jusqu’à la fin du mois pour trancher. De plus, s’il y a deux ans j’étais dans une démarche de découverte pro-active, mes goûts ont évolué depuis et je suis de plus en plus difficile avec ce que je lis / ce que j’ai envie de lire et au temps que je souhaite y consacrer. Je ne pense plus être dans le bon état d’esprit pour profiter pleinement d’un abonnement au Bifrost à l’heure actuelle mais rien n’est inscrit dans le marbre…

En attendant que je cesse mes tergiversations, revenons sur ce fameux numéro et plus spécifiquement, sur les cinq textes qu’il contient.

Pissenlit d’Elly Bangs.
J’ai eu la (mal)chance de lire Unity reçu en SP numérique de la part d’Albin Michel et je n’avais pas du tout accroché. Je partais donc dans cette lecture avec certaines craintes qui se sont révélées infondées.

Sauf erreur de ma part, la narratrice n’a pas de nom révélé. Elle travaille pour la NASA, comme sa mère et sa grand-mère avant elle. Sa grand-mère, dans les années soixante, a trouvé en Antarctique un objet qui prouve la présence d’une vie extra-terrestre et donc par extension, la possibilité du voyage spatial. Sa fille va marcher sur ses traces et développer une hypothèse toute autre…

J’ai trouvé la nouvelle intelligente dans ses idées et dans sa forme même si, sur un plan personnel, je n’ai pas aimé le propos car à l’instar de la grand-mère, j’ai plutôt le regard tourné vers les étoiles. Du coup, cette lecture m’a un peu déprimée, ce qui n’enlève rien à la qualité du texte. Au contraire, il a su me toucher, me provoquer des émotions, et finalement c’est ce que j’attends quand je lis.

L’homme gris de Christian Léourier
Ce n’est pas la première fois que je lis une nouvelle de cet auteur dans le Bifrost et ce fut toujours une bonne surprise. Celle-ci ne fait pas exception : on y suit un homme dont la profession est d’accompagner les gens en fin de vie et d’assister leur suicide médicalisé. On le découvre dans une journée ordinaire administrer les derniers soins à deux patients. Le premier est un homme plutôt âgé et désagréable. La seconde est une jeune femme atteinte d’une maladie qui lui provoque de grandes souffrances.

Donnant cours à des aides-soignants et sortant d’une séquence sur l’euthanasie, mon seul regret est de ne pas avoir lu cette nouvelle quelques semaines plus tôt pour la leur proposer car je trouve qu’elle aborde le sujet avec humanité, sincérité, sans porter de jugement de valeur. Les émotions qui en ressortent ont su me toucher. Une belle leçon d’écriture et de narration.

L’hiver en partage de Ray Nayler
Cette nouvelle se déroule dans notre monde mais qui se présente un peu différemment car il existe une technologie appelée « les vacants » qui permet à des personnes décédées (et qui l’ont mérité) de revenir et de posséder, si j’ai bien compris, des corps. Chaque hiver, deux femmes se retrouvent à Istanbul dans des vacants pour profiter de quelques semaines de vacances ensemble.

Si j’ai été touchée par leur relation et la manière dont elles tenaient l’une à l’autre, je suis restée un peu perplexe sur les enjeux plus globaux. J’ai l’impression que ce texte répond à un autre de l’auteur ou qu’il le devrait, en tout cas, car il y a beaucoup de fond à exploiter et je suis restée un peu sur ma faim / fin.

Skin d’Émilie Querbalec
Ce texte-ci se déroule dans une sorte d’asile, au sein d’un univers où les gens portent des « peaux » aux différentes propriétés mais ça ne se passe apparemment pas toujours bien au niveau mental. C’est une nouvelle dont la lecture m’a laissée sur le bord de la route, quoi que la fin donne une piste de compréhension plutôt intéressante. J’ai même du mal à simplement en parler tant il s’agit d’une expérience en soi qui mérite qu’on y réfléchisse, qu’on échange à son sujet pour partager nos perceptions. Je pense que je relirais Skin quand j’aurais davantage les neurones à y consacrer car je sens que je suis passée à côté de quelque chose.

Cicci di Scandicci de Valerio Evangelisti
Inspiré d’un tueur en série italien, cette nouvelle met en scène le monstre de Florence qui a tué pendant une quinzaine d’années. J’en attendais beaucoup ayant moi-même écrit un roman à la première personne du point de vue d’une tueuse en série mais je dois avouer que je suis ressortie perplexe, déçue et dégoûtée par ma lecture. En cela, l’auteur a « fait le job ». Ce qui me déçoit, c’est cette vulgarité excessive (quoi que probablement cohérente avec le personnage) et l’aspect très vain de l’ensemble. J’ai eu le très net sentiment que ce texte ne racontait tout simplement rien et se contentait d’être l’extrait des pensées d’un monstre. Je crois que j’attendais juste autre chose, sans réussir à mettre le doigt sur quoi exactement.

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Thornhill – Pam Smy

Après pas moins de six abandons, le miracle a finalement eu lieu avec Thornhill de Pam Smy, un roman gothique et graphique dévoré en une soirée pour lequel je déborde d’enthousiasme.

De quoi ça parle ?
Thornhill se divise en deux parties qui s’alternent si bien qu’on voyage entre les époques. La première se déroule en 1987 et est écrite sous forme de journal intime, celui de Mary qui est orpheline et habite à Thornhill (qui est donc un orphelinat pour jeunes filles). Mary est atteinte de mutisme sélectif et est plutôt solitaire : elle préfère lire et fabriquer des poupées plutôt que de passer du temps avec les autres filles. Il faut dire que celles-ci ne sont pas tendres avec elle, l’une d’elle en particulier, qui va lui mener la vie dure, la harceler, la pousser aux dernières extrémités. Chaque entrée est assez courte, parfois un paragraphe, parfois une page, si bien que le tout est très dynamique.

La seconde se déroule en 2017 et est entièrement illustrée, sans dialogue. On y suit une fille qui s’appelle Ella, comme on peut le lire sur ses cartons de déménagement. On comprend qu’elle a perdu sa mère et vit avec son père, elle vient d’emménager juste à côté de Thornhill qui est à l’abandon et aperçoit par sa fenêtre l’ombre d’une fille, ce qui semble l’intriguer. Elle va donc se rendre à Thornhill, malgré les interdictions, et découvrir de mystérieuses poupées qu’elle va apprendre à restaurer.

Un très bel objet.
Les éditions Rouergue n’ont pas lésiné sur l’objet livre en tant que tel. Pavé de 544 pages, couverture hardback, le tout entièrement noir, même les pages, on ne peut que regretter deux choses : l’absence d’un signet en tissu qui aurait apporté un petit cacher supplémentaire et le fait que les pages du journal de Mary ne soient pas justifiées. J’imagine que c’est pour donner l’effet écriture mais ça m’a un peu crispé. Le prix, quant à lui, reste parfaitement raisonnable et abordable surtout vu l’objet : 20,40 euros seulement alors que la moitié des pages sont des illustrations, certes en noir et blanc mais ce n’est pas négligeable.

Une maîtrise narrative époustouflante.
N’ayons pas peur des mots ! Que ce soit la première ou la seconde partie, Pam Smy se révèle très douée pour distiller des émotions et prendre au piège son lecteur. Les passages du journal intime sont douloureux, glaçants. Ce n’est pas un procédé narratif que j’affectionne en général mais il fonctionne très bien ici, il est cohérent avec la personnalité de Mary et a l’avantage de ne pas se perdre en digression. Ça va droit au but. Mais ce qui m’a le plus impressionnée, ce sont les dessins qui illustrent 2017. Cette époque est narrée sans le moindre mot (si on excepte les extraits de journaux ou les mots écrits par le papa d’Ella qui travaille beaucoup), pourtant on n’en a pas besoin pour ressentir les émotions d’Ella ou comprendre les raisons qui la poussent à se rendre à Thornhill. Je trouve qu’il faut énormément de talent et de travail pour parvenir à instiller autant de vie dans du dessin et j’ai été impressionnée par le rendu final.

La conclusion de l’ombre :
Thornhill est un roman gothique à la frontière des supports, à la fois roman et graphique, écrit et illustré par la même personne. C’est une histoire assez sombre et cruelle avec une pointe de fantastique, qui parle avant tout de solitude, de différence et d’amitié. Impossible de rester de marbre face aux tourments de Mary et d’Ella. Pam Smy nous offre une belle leçon et rappelle, s’il y avait besoin, que non, le gothique n’est pas mort.

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Informations éditoriales :
Thornhill, écrit et illustré par Pam Smy. Traduction par Julia Kerninon. Illustration de couverture : Pam Smy. Éditeur : Rouergue. Prix au format papier : 20,40 euros.

À l’ombre du Japon #58 { Country Girl }

Début de cette année, j’ai eu le plaisir de rencontrer les éditions Chatto-Chatto au détour d’un petit stand sur un salon manga montois. J’avais déjà entendu parler d’eux ou croisé l’un ou l’autre titre sur les réseaux sociaux mais je me méfie toujours un peu des « nouveaux » éditeurs (mangas comme romans), ayant souvent été déçue par leur travail et leur manque de professionnalisme.  Toutefois, le responsable éditorial m’a semblé aussi sympathique que passionné, je me suis donc laissée tenter par quatre titres dont Country Girl d’une part parce qu’il s’agit d’une série courte mais également parce que les thématiques présentées me parlaient. Les histoires d’amitié, ça marche toujours pour moi ! Me voici donc partie, avec succès, à la découverte de cette série et de cet éditeur dont je n’aurais plus peur d’acheter les titres à l’avenir.

De quoi ça parle ?
Country Girl met en scène un groupe de quatre amis qui vit dans la campagne nippone, dans un lieu de plus en plus déserté et par la jeunesse et par les gens de manière générale si bien que leur collège n’a plus beaucoup de moyens financiers. Mikihiko rêve de s’en aller pour suivre des études à la capitale, il propose donc à ses trois amies (Miya Natsuki, Keiko Futatsumori et Iyo Hikawa) de passer le concours d’entrée dans un prestigieux lycée tokyoïte afin qu’ils puissent s’y rendre tous ensemble. Le problème c’est que Mikihiko échoue malgré ses excellents résultats au collège, ainsi qu’Iyo…

Des thématiques poignantes.
En seulement deux tomes, Country Girl parvient à brasser énormément de thématiques actuelles qui me touchent sur un plan personnel comme la façon dont on peut gérer un échec alors que tout l’avenir qu’on imaginait dépend de notre réussite, les évènements de la vie qui font qu’on s’éloigne des gens qu’on aime, la difficulté de sociabiliser avec de nouvelles personnes quand on a le coeur encore accroché dans le passé, la nécessité d’avancer pour se créer de nouveaux beaux souvenirs alors que les anciens se rappellent à nous… Country Girl est une tranche de vie dans toute sa splendeur qui met évidemment l’action sur le développement psychologique de ses quatre protagonistes. Aucun ne prend le pas sur l’autre, ils ont tous leur place dans cette histoire et ont tous la même importance au final. J’ai apprécié cet équilibre car souvent, dans ce type de manga, un couple ressort ou on oublie des personnages mais ce n’est pas le cas ici.

L’histoire commence à la fin du collège et nous permet de rencontrer les quatre personnages principaux :
– Mikihiko, un garçon doué en sport comme à l’école qui rêve de quitter sa ville de province pour la capitale mais va malheureusement échouer aux examens et tomber en dépression.
– Miya, une jeune fille pétillante et extravertie qui va réussir à entrer dans le lycée de la capitale et se rendre compte des difficultés que cela implique, rappelant que le système scolaire japonais est vraiment très dur.
– Keiko qui avait également réussi les examens mais n’a pas pu s’inscrire au lycée car elle a été hospitalisée pendant plusieurs mois à cause d’une maladie dont elle a fini par se remettre. La seconde partie de l’histoire commence quand elle sort de l’hôpital après avoir raté tout un trimestre et qu’elle se rend compte que Mikihiko ne va plus à l’école et qu’Iya, la dernière protagoniste, a beaucoup changé elle aussi…
– Iya, une adolescente assez réservée et taiseuse qui se retrouve seule dans le lycée de campagne et qui a du mal à s’ouvrir aux autres. Je me suis particulièrement identifiée à Iya car si elle était très proche de ses trois amis, une fois ses repères disparus, elle a modifié sa personnalité pour essayer de se faire de nouveaux amis mais se pose beaucoup de questions sur son identité, sur qui elle est vraiment. Je me suis revue à l’adolescence et, forcément, ça a fait remonter des choses.

En constatant les changements qui ont eu lieu chez ses amis, Keiko va tout tenter pour aider Miki à revenir au lycée et elle aura pour cela besoin d’aide… C’est finalement le fond de l’histoire. Si vous vous attendez à de grands drames, passez votre chemin. Country Girl évoque les difficultés du quotidien sans excès, avec justesse. Pour ne rien gâcher, le chara-design est superbement soigné ce qui favorise l’immersion quoi qu’il reste assez générique. On ne retrouve pas le trait particulier d’un auteur mais ça ne me dérange pas parce que j’aime beaucoup ce style, ça me parle.

Il ressort un diptyque de qualité qui séduira, je pense, les adeptes de tranche de vie nippone axée sur l’amitié. Je vous le recommande chaudement, d’autant plus que la série est finie sur deux tomes. Ce serait dommage de se priver !

D’autres avis : pas chez les blogpotes.

Informations éditoriales :
Country Girl (série en deux volumes) scénario par Ryukishi07 et Tanaka Romeo. Dessin par Tatsuhiko. Traduction par Marylou Leclerc. Éditeur français : Chatto-Chatto. Prix : 7,95 euros.

La Maison des Jeux #3 le Maître – Claire North

Conclure une saga n’a rien de facile, surtout une saga de qualité car les attentes du lectorat seront forcément élevées. Avec les deux premiers tomes de la Maison des Jeux, Claire North avait placé la barre très haut et si j’ai, dans l’ensemble, apprécié cette lecture, il m’a manqué un petit quelque chose pour utiliser le qualificatif de coup de cœur, comme ce fut le cas pour le premier tome.

De quoi ça parle ?
Voilà deux volumes que le mystérieux Argent apparait au bon moment pour sortir nos protagonistes de la mouise et récolter, du même coup, un service à lui rendre dans un futur plus ou moins proche. Depuis des siècles, Argent est un joueur et il accumule les faveurs comme les pions en vue de ce jour, qui est enfin arrivé : en 2018, il défie la Maîtresse des Jeux dans une partie d’échec grandeur nature. Leur plateau ? Le monde. Leurs limites ? Et bien… aucune.

Nous ne sommes que des pions.
C’est le sentiment qui a dominé toute ma lecture. La narration du point de vue d’Argent (qui a en fait toujours été le narrateur, si j’ai bien compris) nous montre avec quel détachement il considère des vies humaines, des institutions, des sociétés toutes entières et souligne la facilité avec laquelle les puissants sacrifient ce qu’ils ne voient pas réellement. Obsédé par son objectif de vaincre la Maîtresse des Jeux, il ne reculera devant rien pour y parvenir, tout comme elle, donnant l’impression d’assister à un duel entre deux adolescents obstinés, chacun refusant de considérer le point de vue de l’autre. Ça en devient absurde, incompréhensible, de constater avec quelle facilité des institutions, des vies, peuvent s’écrouler en un claquement de doigts. Le texte se transforme alors une parfaite illustration de l’effet papillon sauf qu’au lieu de jolis insectes aux ailes colorées, on a deux joueurs qui se prennent pour des dieux en oubliant tout sens commun.

Ainsi s’enchainent les coups dans une traque à travers le monde. Cela devient vite peu lassant car il y a trop d’évènements qui paraissent trop énormes et sur lesquels on s’arrête trop peu. Même si ce n’est pas le propos, j’en ai retiré une sensation de tournis et de malaise désagréable. Au cas où nous aurions oublié notre insignifiance dans l’univers, Claire North s’emploie à nous la rappeler…

Hélas, quand la fin arrive, elle tire en longueur dans un échange qui n’a fait que renforcer mon sentiment initial d’observer la dispute immature de deux ados frustrés qui se pensent animés de beaux sentiments alors qu’il n’en est rien, il n’y a que de l’ego mal placé. Les siècles et l’obsession du jeu ont apparemment fait régresser les protagonistes et au lieu de sagesse, il ne leur reste que mensonges, faux semblants et obsessions diverses. D’ailleurs, je parle de fin mais il s’agit d’une fin ouverte. Je n’ai rien contre sauf qu’ici, à mon sens, refuser de donner le dénouement dénote un manque d’engagement clair dans le propos de l’autrice et ça me déçoit. J’aurais préféré qu’elle assume jusqu’au bout l’aspect désabusé de la chose.

La conclusion de l’ombre :
L’enthousiasme semble unanime et ardent sur la blogosphère. Peut-être suis-je passée à côté d’une clé de compréhension (ça m’apprendra à lire en étant malade !), peut-être l’époque moderne me lasse-t-elle profondément ou peut-être le seul jeu fait pour moi était-il celui de Thene. Je ne regrette toutefois pas ma lecture car la plume de Claire North reste rythmée et délicieuse au point qu’il est difficile de reposer l’ouvrage une fois entamé. Pour ne rien gâcher, il se dégage du Maître un désenchantement, une mélancolie et une forme de cruauté qui me plaisent. La Maison des Jeux reste une très bonne saga, j’attendais simplement une autre conclusion.

D’autres avis : OutrelivresLa LutineYuyineL’épaule d’Orion – vous ?

Les autres romans de l’autrice sur le blog : Le SerpentLe Voleur

Informations éditoriales :
Le Maître de Claire North (La Maison des Jeux 3/3), traduction par Michel Pagel. Éditeur : le Bélial. Illustration de couverture : Aurélien Police. Prix au format papier : 10,90 euros.

Les abandons de l’Ombre : Les oubliés de l’Amas, Sombre Tilly et les Errantes.

L’année 2023 n’a pas commencé sous les meilleures auspices car elle compte déjà trois abandons même si, heureusement, il y a aussi eu de belles lectures. C’était donc l’heure de réécrire un nouvel article sur mes abandons afin de vous expliquer ce que je n’ai pas aimé dans ces livres et ce qui, potentiellement, pourrait vous plaire à vous.


J’ai reçu ce roman dans le cadre de la masse critique Babelio. Je l’avais demandé parce qu’il venait de recevoir le prix des Utopiales et que je m’y rendais (enfin que je devais encore m’y rendre, à ce moment-là), j’étais donc curieuse de retenter l’aventure avec cette autrice que tout le monde encense puisque je n’avais lu que Rouille et que ça ne m’avait pas plu. Ce n’est donc pas la première fois que je lis un roman de Floriane Soulas et même si je le regrette, je pense que je ne suis tout simplement pas son public. Son style et sa maturité ont clairement évolué depuis Rouille mais cela ne me suffit pas, encore moins dans un roman de science-fiction où je commence déjà à avoir lu un certain nombre de pépites et d’auteur·ices costaud·es.

D’emblée, j’ai trouvé la mise en place bien trop longue pour ce qu’il y avait à raconter. Si j’avais lu ce roman il y a quelques années, avant d’en découvrir d’autres de hard sf ou plus ambitieux, sans doute l’aurais-je apprécié mais ici ce n’est pas le cas. Quand je vois à quel point les auteurices actuel·les sont doués pour faire briller la SF en format court, j’ai du mal à comprendre l’intérêt de s’étaler sur autant de pages pour « ne rien dire ». C’est longuet sans raison et le personnage de Kat n’a pas su me toucher, aucun des personnages présentés jusqu’au moment où je me suis arrêtée, d’ailleurs. Je suis restée extérieure au récit, ce qui est dommage.

L’univers proposé n’est pas dénué d’intérêt ni de mystère, notamment pour ce qui concerne Jupiter. Là où je me suis arrêtée, l’action se déroulait toujours sur l’Amas, près de la planète Jupiter, et l’ambiance résolument sombre, sale, assez désespérée à la limite de la dystopie a achevé de me perdre. C’est tout personnel mais ce n’est plus du tout quelque chose que j’ai envie de lire et cet aspect ne se ressentait pas trop dans le résumé. D’ailleurs, en parlant de résumé, celui présent sur le site de l’éditeur ne correspond pas à celui dans le dos du roman, qui est bien plus complet, ce qui est quand même surprenant car ça ne renvoie pas du tout la même ambiance. Dommage !

Bref, j’ai pour principe de ne pas me forcer à lire un roman quand il m’ennuie et malheureusement, c’est le sentiment qui domine la première centaine de pages. Je suis dans un état de fatigue qui fait que je me sens de toute façon incapable de m’« obliger » à finir donc je déclare forfait -d’ailleurs on ne devrait jamais être contraint de finir un livre, SP ou pas. Peut-être que cela devient meilleur après et je rate sûrement quelque chose vu que tout le monde semble avoir adoré ce livre mais tant pis pour moi. Je vais en faire don à la bibliothèque du village afin de lui offrir une nouvelle vie et que ce service presse ne soit perdu ni pour l’éditeur, ni pour l’autrice à qui je souhaite une bonne continuation dans son aventure littéraire.

D’autres avis : Les fantasy d’AmandaBookenstockYuyineLe syndrome Quickson – vous ?


J’ai acheté ce roman aux début octobre 2022 et je voulais le lire pour Halloween mais il est finalement resté dans ma Pàl quelques mois de plus. On y suit Matilda, une sorcière qui n’a rien de gentille et qui utilise sa magie pour faire souffrir les gens qu’elle n’apprécie pas. Dans cet univers, chaque fois qu’on se sert la magie pour faire le mal, on récolte une marque sur la peau du visage mais Matilda connait un sortilège pour invisibiliser ces marques même si elles restent à vif et lui causent de la souffrance. On rencontre donc un personnage plutôt désagréable envers qui on a du mal à ressentir de l’empathie. J’apprécie pourtant de suivre ce genre d’anti-héros car cela permet d’offrir un point de vue différent de ce dont on a l’habitude et peut apporter une certaine richesse au sein d’un récit. Ç’aurait pu être intéressant et original.

Mais…

J’ai arrêté ce livre au bout d’une centaine de pages car j’ai assez vite compris où l’autrice nous emmenait et j’ai senti venir le twist final de très loin. Par acquis de conscience, j’ai été lire la fin et il s’avère que j’avais entièrement raison. En général je suis le genre de lectrice qu’on arrive à manipuler facilement donc imaginez ma surprise quand toutes mes hypothèses se sont avérées vraies… De plus, l’ambiance tourne assez rapidement à la teenage romance mièvre. Comme par hasard, Matilda rencontre un garçon qui, comme par hasard, pratique également la magie et a comme par hasard deviné qu’elle était une sorcière, et lui, vous comprenez, il aimerait bien qu’on lui apprenne quelques trucs aussi parce qu’il ne descend pas d’une lignée… Bref, je dois manquer de foi en l’être humain mais je l’ai trouvé trop louche parce que trop gentil et compréhensif dés le départ.

J’aurais sans doute bien plus apprécié ce titre si je n’en avais pas déjà lu cinquante du même genre. Je n’ai rien à redire sur le concept ou sur la manière d’écrire de l’autrice, ce n’est simplement pas un roman qui est fait pour moi.

D’autres avis : pas chez les blogpotes.


Encore un roman fantastique mais cette fois, avec une histoire de fantômes ! On suit le quotidien de trois filles : Suzanne, Anne-Lise et Saskia qui vivent toutes dans le même immeuble et vont commencer à voir / entendre / rêver des choses vraiment bizarres. Le début du roman est consacré à présenter chacune des jeunes femmes au sortir de l’adolescence et d’expliquer leurs petits problèmes : Suzanne est une gameuse qui rêve de devenir une influenceuse célèbre mais son père ne la soutient pas du tout. Elle est toujours en deuil de sa mère et finit par quitter le domicile familial pour habiter dans l’immeuble qui appartient à la famille d’Anne-Lise car elle connait son petit frère, qui est un de ses fans. Anne-Lise est une jeune femme très religieuse qui a perdu la foi en l’institution de l’église après avoir constaté de près l’inaction de ses parents et proches contre un prêtre de leurs amis, accusé de pédophilie. Elle est donc en pleine crise existentielle. Enfin, Saskia est une artiste venue d’Estonie pour terminer son master en art à Paris et elle vient d’être rejetée par un grand galeriste, ce qu’elle vit très mal.

Des trois, c’est Saskia que j’ai préféré car c’est la seule que j’ai trouvée crédible et intéressante. Les deux autres filles me paraissaient excessives et lassantes… Quand les interventions surnaturelles commencent à se produire, c’est celle de Saskia qui est finalement la plus inquiétante et la mieux maîtrisée. J’ai arrêté le roman à la moitié en me rendant compte que je ne ressentais aucune envie de connaître la fin. Je me fichais totalement de ce qui allait arriver à ces personnages… Sans compter que les délires mystico-religieux, j’ai eu ma dose et même s’il y a de bonnes idées, elles n’ont tout simplement pas fonctionnées sur moi. Dommage !

D’autres avis : pas chez les blogpotes.

Quelles conclusions en tirer ?
Hormis que trouver des récits satisfaisants devient de plus en plus difficile, je ne sais pas trop…

Plus sérieusement, je pense que je suis en train de vivre le deuil d’une « ancienne moi » qui adorait ce genre d’histoire, qui en écrivait même et qui aurait aimé retrouver ce plaisir d’en lire. Le souci c’est que je ne suis plus cette personne et que je dois l’accepter. Mes centres d’intérêt évoluent, j’ai lu beaucoup trop de récits de ce type pour encore y trouver une surprise ou de l’intérêt (même si ça peut arriver comme avec Une rivière furieuse) et je décroche donc facilement.

Je dois aussi arrêter d’acheter des pavés (sauf si c’est Ada Palmer qui les écrit) parce que les livres trop épais me découragent, me demandent une énergie mentale que je n’ai pas pour le moment. Cela aussi, je dois apprendre à l’accepter.

Et vous, est-ce que vous avez abandonné un livre récemment ?

Demon days – Peach Momoko

Quelques mots sur le projet :
Peach Momoko est le pseudonyme d’une illustratrice japonaise qui travaille aujourd’hui en exclusivité pour Marvel. Elle est surtout connue pour ses couvertures (pour lesquelles elle a même reçu un prix) mais il lui arrive aussi d’écrire et dessiner ses propres histoires. Ici, d’ailleurs, Marvel lui a donné carte blanche.

Le concept de Demon Days est de mélanger l’univers Marvel avec les mythes japonais, non pas en transposant tels quels les personnages comme ç’avait pu être fait dans, au hasard, l’art de la guerre selon Deadpool (excellent titre au demeurant) mais en écrivant une histoire originale et en y incorporant des personnages que l’on reconnait grâce à leur nom ou à leur chara-design.

Le but est ainsi de rendre l’histoire accessible à n’importe quel lectorat, qu’on y connaisse ou non quelque chose à l’univers Marvel mais aussi, je pense, d’offrir une transition entre deux médias à savoir le manga et le comics qui ne répondent pas aux mêmes codes. Il n’y a pas non plus besoin de suivre plusieurs séries différentes pour comprendre le contenu de celle-ci, ce qui est un plus non négligeable à mes yeux. Évidemment, un fan de Marvel savourera les clins d’œil mais il est parfaitement possible de comprendre l’aventure sans cela (sur le papier, on reviendra plus bas sur cet aspect). On est sur du one-shot en terme de tome et d’univers quoi qu’une suite possible risque de voir le jour si j’en juge par le point d’interrogation à côté du mot « fin ».

Quelques mots sur l’objet :
L’album Demon Days contient les cinq épisodes initiaux de la série ainsi que divers bonus, notamment deux histoires courtes, l’une intitulée King is Back et l’autre sur Elektra, qui a la particularité de ne comporter aucun dialogue. L’ouvrage est également pourvu d’un bestiaire sur les onis et les yokais et d’une galerie de couvertures alternatives. Pour le prix de 26 euros, je trouve que Panini ne se moque pas du client. L’ouvrage, en terme de qualité graphique et de quantité de contenu, vaut la dépense.

Deux éléments m’ont attirée vers Demon Days. Le premier, c’est le style graphique de l’autrice qui utilise l’aquarelle d’une très belle façon. J’ai été charmée par son trait, par les couleurs utilisées et par la personnalité qui s’en dégage inévitablement. Le second, c’est évidemment cette promesse de plonger dans les légendes japonaises, qui a été tenue. Et il y en a un troisième : la recommandation enthousiaste de mon libraire.

Hélas… Quelques mots sur le contenu : 
L’intrigue en elle-même est prévisible et beaucoup trop rapide dans son exécution. Le premier chapitre est une sorte de flashback ou d’histoire parallèle dans un Japon féodal, on ne sait pas très bien jusqu’à ce que Mariko se réveille de ce rêve étrange qui conduira sa grand-mère à lui révéler qu’elle l’a trouvé un jour dans la montagne et que sa mère était une oni. Mariko va donc partir en quête de son passé pour essayer de se comprendre. C’est un début classique qui a tendance à me lasser mais j’aurais pu passer outre si l’exécution avait été à la hauteur. Ce n’est malheureusement pas le cas.

Pour une histoire aussi courte, il y a trop de personnages qui sont là juste pour les clins d’œil à l’univers Marvel et n’ont pas grand intérêt car on apprend à peine à les connaître qu’ils disparaissent déjà, soit mort soit continuer leur vie. La volonté était, au départ, de proposer un titre dont tout le monde pourrait jouir sans connaissances préalables (j’imagine ?) mais le fait est qu’un fan de l’univers Marvel aura bien plus de facilité à apprécier Demon Days grâce aux liens qu’il pourra créer entre les personnages croisés et ceux qu’il connait d’autres comics, grâce à leur background, notamment. Il y a probablement, d’ailleurs, un second niveau de lecture qui m’a totalement échappé à cause de cela vu à quel point ce titre semble encensé de partout…

Le nœud central de l’intrigue, à savoir Mariko et son mystérieux passé, aurait pu être réussi si l’antagoniste disposait d’un peu plus de nuance et d’épaisseur. Malheureusement, difficile de s’y attacher ou de ressentir la moindre empathie pour elle. Aucun personnage ne dispose d’une réelle personnalité, d’ailleurs, pas même Mariko, parce que Peach Momoko ne prend pas son temps pour nous les présenter et nous les faire aimer. Il y a sans doute derrière tout cela des impératifs éditoriaux qui ont fait que mais je trouve ça vraiment dommage parce qu’on distingue clairement les contours d’une œuvre qui aurait pu être bien meilleure… Ce qui me cause une gigantesque frustration.

Finalement, Demon Days est intéressant pour son expérience et ce qu’il représente : la rencontre entre deux cultures, deux univers, ainsi que pour l’aspect graphique qui montre une vraie personnalité. Tout le reste est, au mieux, anecdotique. 

D’autres avis : pas dans mon blogo-cercle !

Informations éditoriales :
Demon Days par Peach Momoko (au dessin, scénario et mise en couleur). Traduction par : … Éditeur : Panini. Prix : 26 euros.

La vie tumultueuse de Mary W. – Samantha Silva

M’offrir un livre, même lorsqu’on me connait très bien, c’est toujours délicat. M’offrir un roman de littérature blanche, c’est presque insensé. Pourtant, quand mon amie d’enfance m’a offert cet ouvrage pour Noël en me disant qu’elle avait pensé à moi en le lisant et qui ça me plairait sans doute, j’ai décidé de mettre mes préjugés de côté pour partir à la rencontre de Mary Wollstonecraft, mère de Mary Shelley et, croyez le ou non, sa vie ne se résume pas à avoir enfantée l’une des mères fondatrices de la science-fiction. Que nenni !

Qui est Mary W ?
Il s’agit d’une femme de lettres au sens large, d’une philosophe plus précisément qui a beaucoup réfléchi et écrit sur la condition des femmes. On lui doit, entre autre, un ouvrage paru en 1792 intitulé Défense des droits de la femme et qui est l’un des tout premiers essais féministes jamais publié. Elle a également publié plusieurs romans, un récit de voyage ainsi que des livres pour enfants car elle a une certaine expérience dans la pédagogie. Elle a même ouvert une école pour filles afin de leur apprendre à penser par elle-même ! Une grande dame donc dont je n’avais, à ma grande honte, jamais entendu parler…

Une vie tumultueuse…
Cette biographie romancée comporte une double narration. La première prend place dans le « présent », en 1797, alors que Mary accouche de sa deuxième petite fille, un accouchement qui ne se passera pas très bien et suite auquel elle décèdera dix jours plus tard à cause d’une fièvre puerpérale. C’est Miss B. qui raconte ces passages, la sage-femme appelée à son chevet pour l’aider. La seconde narration est celle de Mary elle-même, qui raconte sa propre histoire à son « petit oiseau » comme elle surnomme sa fille qui n’a pas encore de prénom à ce moment-là. Elle remonte à son enfance avec un père alcoolique et violent, raconte les rencontres qui changèrent sa vie, décrit ces gens qui ont eu sur elle une bonne (ou une mauvaise) influence, ses débuts dans l’écriture… Le tout de façon assez linéaire mais passionnante à découvrir.  Je vous tais volontairement la majorité des évènements de son existence, afin de vous laisser les découvrir par vous-même.

Car oui, son histoire ne manque pas de richesse, de drames ordinaires, de morceaux d’Histoire avec un grand h et surtout d’une profonde sensibilité qui fait développer à Mary des réflexions féministes et émancipatrices. Elle désire que les femmes puissent être l’égale des hommes, disposer d’une éducation semblable, de libertés tout comme eux et trouve que le mariage n’est rien de plus qu’une prison sans pour autant bannir l’amour de sa vie. À mesure que j’avançais, j’ai compris en quoi ce livre avait inspiré mon amie. Il parle des prémices du féminisme européen, met en avant l’histoire d’une femme oubliée par la postérité (faisant écho à l’excellent essai de Titiou Lecoq déjà évoqué sur le blog) une femme sensible avec ses doutes, ses échecs, ses faiblesses mais aussi une résilience qui force l’admiration.

La vie tumultueuse de Mary W est un livre touchant qui rappelle que derrière de grandes dames se cachent des dames plus grandes encore.

D’autres avis : pas encore dans mon blogo-cercle.

Informations éditoriales :
La vie tumultueuse de Mary W de Samantha Silva, traduit de l’américain par Charlène Busalli. Éditeur : les Presses de la Cité. Illustration de couverture par … Prix : 21 euros en grand format.