Mes découvertes & autres bons moments aux Imaginales 2022

À moins que vous ne viviez dans une grotte, vous avez du passer votre fin de semaine et week-end à voir sur Twitter des messages et photos diverses autour d’un certain salon de l’imaginaire dit incontournable : les Imaginales. Je m’y rends chaque année ou presque depuis 2015 mais cette édition a été un peu particulière entre les diverses annulations de tables rondes engagées, la mise en avant des francs-maçons avec notamment une conférence au titre plus que douteux, la récompense spéciale d’un homme qui se vante d’être un agresseur sexuel, la non-invitation d’un auteur primé l’année dernière qui a eu un discours fort durant l’édition d’octobre et une anthologie qui aurait mérité que le salon change ses habitudes afin d’aller au bout de son concept, on peut dire que les bourdes s’enchainaient et grignotaient petit à petit mon envie de me rendre à cet évènement.

J’y suis pourtant allée, déjà par respect pour ma maison d’édition et les frais engagés. J’y suis aussi allée avec la volonté de découvrir d’autres plumes, de rencontrer de nouvelles personnes afin de faire un pied de nez à toutes ces choses négatives et c’est de cela que ce billet va parler car j’ai envie de me concentrer sur le positif. Je pense que cette édition sera ma dernière (pour toutes les raisons précitées mais aussi parce que j’ai de plus en plus de mal à gérer la fatigue et la route) et elle fut à la hauteur.

Vendredi…FTLqZ7pXoAEOHTK

Arrivée vers 14h avec S.A. William et A.D. Martel puisque nous covoiturions (et départ de chez moi à 7h du matin ._. entre les arrêts pour chercher tout le monde, la pause pipi, la pause midi, bref). J’y filé directement auprès d’Ellen Kushner que je voulais rencontrer à tout prix depuis ma lecture d’À la pointe de l’épée afin de discuter avec elle et de lui acheter ses autres titres. J’ai ainsi découvert que mes capacités en anglais dépendent beaucoup (trop) de mon degré de fatigue. Une chance qu’elle parle très bien français et qu’elle ait été compréhensive… Faudra que je m’entraine pour Ada Palmer. Un chouette moment.
FTNTWBDXoAEzAAI

Ensuite j’ai été voir Ariel Holzl pour acheter son nouveau roman, consciente que probablement comme chaque fois, le libraire n’en aurait pas pris assez pour tenir tout le salon. Il n’y en avait déjà presque plus… Mais j’ai eu mon exemplaire ! Ouf.

J’ai ensuite dédicacé de 16h à 19h (j’ai aussi totalement cuit parce qu’il faisait au moins 1000° dans la bulle). C’était plutôt calme mais ça m’a donné le temps de discuter avec des visiteur·euses. Le soir, je me suis rendue avec Yuyine, son compagnon GyD, Aelinel et Bob au restaurant pour un moment entre blogpotes car je n’étais hélas pas libre le lendemain soir pour la grosse soirée. C’était très sympa de mettre des visages sur des noms et de pouvoir mener des discussions très sérieuses comme la manière de cuire correctement une frite ou encore à partir de quelle taille une boulette devient un boulet. Blague à part, je repars avec un chouette souvenir d’autant que j’ai pu ensuite retrouver une amie proche de qui je m’étais éloignée.

FTOFeUIXsAEYMCG

Samedi
La plus grosse journée ! Après avoir dormi cinq heures à peine (je hais mon horloge interne) retour sur le salon pour dédicacer jusque 13h et ensuite, pause jusque 16h. Durant ce laps de temps, j’ai fait le tour des stands à l’extérieur de la bulle jusqu’à atterrir à la librairie des Jeunes Pousses dont le concept est de mettre en avant des auteurs indépendants. J’ai discuté avec les cinq auteur·ices présent·es sur le stand et je suis repartie avec trois livres.

Celui de Lancelot Sablon était une évidence pour moi, ayant eu un petit coup de cœur pour sa nouvelle dans l’anthologie Nouvelles du Front. L’auteur m’a expliqué sa démarche historique et sa volonté de faire relire ses romans par des historiens confirmés pour s’assurer qu’ils soient solides sans pour autant y sacrifier l’aspect romancé. Une notice est chaque fois disponible à la fin de l’ouvrage pour référencer les sources. Forcément, cela m’a doublement parlé. Pendant qu’il me le dédicaçait, j’ai fait la connaissance de sa très sympathique voisine qui vendait ses livres à petit prix vu leur taille (9 et 10 euros, c’est attractif !). Il s’agit principalement de fantasy, genre qui m’attire beaucoup moins qu’avant mais la façon dont elle en parle a su me convaincre et provoquer en moi l’envie de la découvrir. On verra si j’ai bien fait…

J’y suis restée un moment avant de retourner dans la bulle pour rencontrer Laura Nsafou. Je ne la connaissais pas du tout mais je suis passée devant elle sur le stand librairie et j’ai été attirée par la couverture de son roman. Comme je souhaitais élargir mes horizons et découvrir de nouvelles cultures, j’ai été discuter avec elle et je suis repartie avec son roman.

Pause ! J’ai rejoint Yuyine et Aelinel à l’extérieur pour un moment de détente avec un peu d’oxygène (on en manque dans la bulle…) et nous avons discuté de la remise des prix à venir. Pour soutenir Yuyine, j’ai décidé de m’y rendre à 19h.

Avant de retourner bosser, je suis allée à la rencontre de Michael Roch. J’ignore s’il est toujours réservé, s’il était simplement fatigué ou si j’ai dit quelque chose qui l’a contrarié (si c’est le cas j’en suis vraiment désolée, je suis parfois très maladroite) mais nous n’avons pas pu échanger comme je l’espérais. Cela ne m’a pas empêché de repartir avec deux de ses romans, toujours dans ma volonté d’élargir mes horizons et découvrir de nouvelles cultures.

Retour en dédicace jusque 19h puis on a filé avec Laure-Anne Braun à la remise des prix où il y a eu plusieurs discours qui m’ont fait rouler des yeux par leur hypocrisie quand on sait ce qui est arrivé notamment avec les conférences annulées… Mais bon ! David Bry a été récompensé deux fois et j’étais ravie pour lui, d’autant qu’il a eu de très beaux mots. Ça a ensuite été le tour de Féro(ce)cités de recevoir son prix et à son éditeur de s’exprimer avec un discours aux blagues animalières raffinées (enfin… drôles quoi) mais surtout en osant parler, avec subtilité, de ce qui ne va pas et de ses espoirs pour l’avenir. C’est après ça que j’ai décidé d’acheter l’anthologie, en soutien. Mon moment préféré ? Quand on a hué la remise du prix de Jodorowsky (j’ai achevé mes cordes vocales mais je n’ai aucun regret) puis quand toute la salle s’est levée pour sortir au moment de la remise du prix des Francs-Maçons.
En espérant que le message soit passé…

Au soir, nous devions nous rendre dans un restaurant à une vingtaine d’auteur·ices mais malgré ce qui était annoncé sur son site, l’endroit ne servait pas de plats végétariens et a refusé de préparer ne fut-ce qu’une simple salade pour A. D. Martel. J’ai donc décidé d’aller manger avec elle Au Bureau qui nous a très bien reçu, d’autant que nous n’avions pas réservé. Si je suis la seule à être partie, c’est parce que vu le nombre, il aurait été impossible de caser tout le monde ailleurs, je précise ! Un petit tête à tête entre amies qui fait du bien et qui soulage après une aussi longue et épuisante journée. On a d’abord tenté de rejoindre la blogo au restaurant mais en appelant, la gérante nous a dit que c’était archicomplet donc qu’on ne pouvait pas rajouter deux couverts. Dommage mais compréhensible !

Dimanche
Dure, DURE journée avec une courte nuit et une fatigue accumulée. J’avais du mal à aligner deux mots cohérents, ce qui ne m’a pas empêché de tenir une conversation passionnante sur Kaamelott et la démarche de recherches académique avec Clément Pélissier (ni de repartir avec LE DERNIER exemplaire de son essai, mouahaha victoire).

Ce fut la journée des au-revoirs, des promesses de se retrouver ici ou ailleurs, beaucoup d’émotions qui me reviennent aujourd’hui pendant que j’écris ce billet alors que j’étais, sur le moment, trop épuisée pour vraiment les ressentir. Retour en Belgique 15 minutes avant qu’il ne soit lundi, si ça c’est pas du timing… Et sans m’endormir au volant ! Double victoire.

Et donc, les craquages ?
Je vous laisse constater par vous-même…FTa702BWUAIybR0

Le mot de la fin :
J’ai envie de dire merci.
Merci à mon éditrice pour l’invitation et la patience dont elle a fait preuve parce qu’entre la chaleur, la faim et la fatigue, je deviens une créature assez invivable, même quand je fais des efforts.
Merci à mes co-pilotes Sonia et Aurore pour plus ou moins les mêmes raisons.
Merci à la team Livr’S dans son ensemble parce que, quand même, on rigole bien.
Merci à Yuyine d’avoir organisé les rencontres entre gens de la blogosphère tout au long du salon.
Merci à tous·tes les blogpotes qui sont venu·es me voir sur le stand ou ailleurs, j’ai été contente de vous rencontrer ♥ Je ne cite pas de noms par peur d’en oublier mais il n’y en a pas besoin pour vous exprimer ma gratitude face à votre gentillesse et votre bienveillance. Un merci tout particulier à ma Trollesse pour tous ses cadeaux livresques et à Aelinel pour le paquet de bonbons, c’était très attentionné 🥰
Merci à toutes les personnes qui ont eu un mot pour moi ou un craquage pour un de mes textes. J’en connaissais certain (petit cœur sur les blogpotes qui ont craqué, vous êtes adorables) et d’autres pas. Clément séduit plus doucement en France mais il parcourt son petit bonhomme de chemin…

Ce n’est qu’un au revoir !

L’autre facette de l’ombre : mon week-end en tant qu’invitée à Trolls et Légendes.

Bonjour à tous·tes !
Le week-end du 16 et 17 avril 2022, j’ai eu le plaisir de participer au festival Trolls et Légendes. Ce n’est pas la première fois que je m’y rendais en tant qu’autrice ou visiteuse. Par contre, c’était la première fois que le salon m’invitait (oui, il y a une différence) et j’avais envie de revenir sur cette expérience.

407c0b59-cb43-4a2b-8d9a-4bc86bab0ba6
Être ou ne pas être invité·e.

Vous le savez peut-être (et si oui vous pouvez sauter cette partie) mais il y a deux types de participation pour les auteur·ices et les maisons d’édition à un salon du livre. D’un côté, les auteur·ices sur le stand librairie (quand il y en a un) qui sont donc invité·es par l’organisation (ou le libraire directement) et de l’autre, les structures éditoriales qui paient une certaine somme (variable en fonction de l’évènement, parfois gratuitement mais c’est rare) pour y louer un stand sur lequel présenter et vendre leurs livres. Ce dernier point est également possible pour les auto-édité·es.

Quand le salon invite, soit l’éditeur soit le salon et plus souvent les deux conjointement, défraient l’auteur·ice en payant un hôtel et les repas au minimum. Parfois, il y a une rémunération pour la présence en dédicace mais c’est encore assez rare et c’est d’ailleurs l’un des combats sociaux à mener pour revaloriser le milieu.

Dans les structures sérieuses, c’est également le cas sur les stands éditeurs comme Livr’S, par exemple, qui loge toujours ses auteur·ices et paie une partie des repas.

Pour ma part, en règle générale, j’accompagne donc Livr’S en tant qu’autrice. Sur les salons, je suis en dédicace mais également un peu librairie. Je présente le catalogue que je connais très bien, j’oriente les personnes intéressées vers le livre qui me parait le mieux correspondre à leurs attentes, j’encaisse les paiements, je note les ventes pour le stock, bref je n’arrête pas une seconde et j’ai souvent besoin de deux jours pour m’en remettre parce qu’entre l’évènement en lui-même et les trajets, c’est épuisant.

Du coup, quand mon éditrice m’a informée que j’étais invitée par le salon Trolls et Légendes… Au départ, j’ai eu du mal à y croire et je lui ai demandé de vérifier si ce n’était pas une erreur. On invite des personnes comme Estelle Faye, Christelle Dabos, Audrey Alwett, Robin Hobb, bref l’élite. Mais moi ? Je ne suis personne, je ne leur arrive pas à la cheville ! C’est ce que je me disais et ce n’est pas un souci de confiance en moi, simplement une réalité claire dans mon esprit. Pourtant, l’organisation était très sérieuse et c’est comme ça que je me suis retrouvée à vivre ma première expérience d’autrice invitée.

FQeGXoUWYBIuuqh

Assise toute la journée ?
Je vous ai expliqué juste au-dessus comment je passais en général mes salons. Là, je n’avais rien à faire hormis poser mes fesses sur une chaise (très confortable au demeurant et différente de celles d’habitude fournies en salon aux exposants !) et attendre que les lecteur·ices viennent à moi. En arrivant, j’ai eu l’excellente surprise de constater que j’étais assise entre Estelle Faye et Audrey Alwett soit deux de mes autrices francophones favorites ! Je l’espérais secrètement et ma prière semble avoir été entendue (ou le libraire m’espionnait peut-être sur Twitter ?). Je connaissais déjà bien Estelle avec qui j’ai souvent échangé et eu des discussions passionnantes. Par contre, je n’avais jamais rencontré Audrey Alwett « en vrai » et nous n’avions parlé que par échange de commentaires sur les réseaux sociaux. Rencontrer un·e auteur·ice qu’on aime, c’est toujours stressant parce qu’on ignore comment iel se comporte dans la vie et si la magie ne va pas se dissiper. Heureusement, ça n’a pas été le cas, au contraire !

Mais cet excellent voisinage ne changeait rien à mon angoisse première : et si personne ne venait me voir ? Et si je passais la journée à attendre sans rien pouvoir faire d’autre que de prendre une pause de 13h à 14h pour manger ? Et si je finissais cachée par les files de mes voisines ? Et si, et si, et si… Des angoisses légitimes, surtout quand on n’a jamais vécu cette expérience. J’ai déjà vu en salon des auteur·ices sur stand librairie se tourner les pouces pendant un week-end entier parce que noyés dans la masse… Et s’il y a quelque chose que je gère mal, c’est bien l’ennui.

Une chance pour moi, ça n’a pas été le cas. Beaucoup de lecteur·ices semblent consulter le site Internet du salon pour repérer les invités intéressants (je semble être la seule à y aller en mode « yolo ») et plusieurs m’ont confié avoir cliqué sur mon nom par curiosité, parce qu’iels ne me connaissaient pas. J’ai donc revu d’ancien·nes lecteur·ices mais aussi des nouveaux / nouvelles qui arrivaient à intervalles réguliers. Finalement, entre les discussions et les dédicaces, je n’ai pas eu le temps de m’ennuyer ni de sentir le temps passer. J’ai même eu du mal à trouver un moment pour alimenter Twitter (le perso et le Livr’S) pendant la journée du samedi…

J’ai même vécu ma toute première rupture de stock en salon pour Clément Coudpel ! C’est assez dingue comme expérience même si elle est surtout symbolique car évidemment, il reste des tirages chez mon éditrice. Ç’avait presque été le cas à la Made In Asia le week-end d’avant mais que ça arrive justement la première fois où je suis invitée sur un salon, qui plus est le salon où j’ai commencé ma carrière en 2015… La boucle est bouclée.

FQjteeKXIAQMZnn

L’emplacement vide de Clément Coudpel après ma rupture de stock !

Alors, l’invitation, une vraie différence ?
Je ne pense pas qu’on puisse tirer une conclusion empirique sur base d’une seule expérience mais selon mes premières observations, être invitée par le salon permet de toucher un public plus large et curieux qui semble davantage accorder sa confiance au stand librairie et à ses invités. Il y a pourtant une liste des autres structures présentes sur le pôle littérature mais les gens semblent s’arrêter aux têtes d’affiche. Comme si le fait d’y être, sur ce stand libraire, apportait une valeur ajoutée à l’auteur·ice, ce que je trouve un peu dommage parce qu’il y a plein d’indés vraiment talentueux·ses à découvrir et à mettre également en avant. Il y a une idée profondément ancrée dans les esprits comme quoi la qualité d’un·e auteur·ice est intrinsèquement liée au prestige de sa maison d’édition mais ça ne se vérifie pas systématiquement, loin de là. J’ignore comment sensibiliser sur le sujet mais cela me semble important de le souligner.

En fait, je dirais que les deux expériences ne sont pas comparables. D’un côté, partager un stand avec une équipe que j’aime profondément dans une ambiance familiale et amicale est toujours un plaisir. De l’autre, être invitée est valorisant pour mon ego (on ne va pas se mentir), permet de passer plus de temps avec des personnes que j’admire et apporte un nouveau rapport au public que je n’avais pas encore pu expérimenter. J’ai aimé les deux mais je pense que l’équipe me manquerait trop si je finissais pas systématiquement être invitée partout. Comme il y a peu de chance que ça arrive, tout va bien 😉

FQhnKN8XsAMMok_

L’équipe Livr’S au resto samedi soir !

Et autrement, ce salon, c’était bien ?
Alors… Probablement ? Je dois avouer que je n’ai pas pu faire de tour. J’ai salué les copains de chez Mnémos, ActuSF et du Chat Noir, j’ai parlé cinq minutes à tout péter avec eux… Et la seule rencontre que j’ai faite, ça a été avec les éditions 1115 dont j’ai appris la venue à la dernière minute. J’ai déjà lu plusieurs titres de leur catalogue et j’étais curieuse de rencontrer les personnes derrière cette structure, c’est désormais chose faite ! On a pu parler un bon moment pendant ma pause et une seconde fois le dimanche en fin de journée, quand ça se vidait pour les derniers concerts. Ils m’ont renvoyé une impression très positive de vrais passionnés à la défense du format court et je me réjouis de les revoir aux Imaginales pour renforcer ce lien naissant. D’ailleurs si vous ne les connaissez pas, je vous encourage vivement à aller les découvrir via leur site Internet 🙂

Je vais conclure en remerciant chaleureusement Bérangère, cheffe en chef ainsi que toute l’équipe de Trolls et Légendes (bénévole ou non) sans parler de la Librairie des Quatre Chemins pour leur accueil et leur gentillesse. Tout le monde a été aux petits soins et ça a participé à la magie du week-end. MERCI ♥

Et voilà, c’est tout pour ce petit billet en partage d’expérience ! J’espère que ça vous a plu, n’hésitez pas à me dire comment vous préparez vos visites en salon (si vous le faites) 😉

L’autre facette de l’ombre : la petite histoire de « Choisir la forêt »…

9782379100956
Ce mardi 5 avril 2022 commençaient les précommandes pour l’anthologie Nouvelles du Front chez Livr’S, à laquelle je participe modestement avec une nouvelle de fantasy intitulée Choisir la forêt. Le thème de cette anthologie est celui de la guerre, exploitée dans différents genres de l’imaginaire. Vous pouvez toujours la précommander jusqu’au 30 avril 2022 ou l’acheter par la suite, en fonction de quand vous lirez cet article. Il suffit de cliquer ici.

Une première version de ce texte a été publiée dans l’anthologie de Magie et d’Ombres chez feu L’ivre-Book en 2017 -si ma mémoire est bonne- et sous un titre différent : Hessä. L’anthologie de l’époque souhaitait proposer des nouvelles issues d’auteur·ices de la maison d’édition, dans le style dark fantasy. C’était mon genre de prédilection à l’époque et j’ai immédiatement voulu participer -même si une fois le projet abouti je me suis rendue compte que peu d’auteur·ices comprenaient vraiment la définition de ce genre littéraire… Mais ça, c’est une autre histoire.

De « Hessä »….
J’avais à ce moment-là une idée qui me trottait en tête autour d’un univers de fantasy inspiré par la mythologie nordique, peuplé par différentes races d’elfes et au sein duquel évoluerait le personnage de Nerwën, une magicienne de sang, elfe elle-même, controversée mais indéniablement puissante et surtout, guerrière de première ligne dans tous les combats. Il s’agirait donc d’une époque résolument guerrière. Je voulais faire avec elle tout ce que j’avais échoué à faire avec Melyän (c.f. mon précédent billet) et elle apparaissait dans cette nouvelle comme antagoniste. En effet, le personnage de Hessä mourait très tôt (au bout d’une page ou deux) et revenait d’entre les morts, sans comprendre ce qui lui arrivait. Il se rendait toutefois très vite compte que les vivants voulaient détruire son cadavre animé… Et surtout Nerwën, qui devenait alors son croquemitaine personnel, ce qui a donné lieu à une scène que je jugeais superbe à l’époque (beaucoup moins en la relisant) dans une forêt en flammes, tout ça…

Si certain·es ont joué à World of Warcraft, le parallèle avec les Réprouvés doit vous sauter aux yeux. J’avoue sans honte que ce jeu, auquel j’ai consacré un temps… disons… certain, m’a beaucoup influencée dans mon écriture à mes débuts. Des clins d’œil apparaissent d’ailleurs tout au long des Légendes Faës (le physique de Melyän est inspiré de Sylvanas, celui des fomoires est clairement inspiré des Illidaris, l’un des personnages a été baptisé Nathanos en hommage à celui du jeu, etc.). On toucherait presque ici à la fanfiction si je ne m’étais pas réappropriée l’univers pour le sortir d’Azeroth et le placer dans la mythologie irlandaise.

Et donc chaque fois que je commençais un personnage Réprouvé (je jouais ou ça ou elfe de sang -sans surprise, pour la Horde !) je me posais la même question : qu’est-ce que ça fait d’être réveillé d’entre les morts après une bataille ? Comment se sent-on ? À quoi pense-t-on ? C’est à ça que je cherchais à répondre avec Hessä. Tout simplement. En exploitant surtout un volet psychologique parce que je me juge plus douée pour développer la psychologie des personnages que l’univers autour. Il suffit de voir à quel point les univers sont des esquisses vagues dans mes textes, pour se concentrer sur les personnages. Sans doute une déformation due à mes nombreuses années de jeux de rôles textuels.

…. à « Choisir la forêt »
Revenons au présent ! Ou à un passé moins lointain. Quand le thème de l’appel à texte chez Livr’S a été connu, j’ai immédiatement pensé à cette nouvelle pour deux raisons. La première, il faut dire que l’anthologie précédente a très très peu circulé au point que seul·es mes lecteur·ices les plus assidu·es disposent d’un exemplaire. Je crois que, même moi, je n’en ai plus… C’est dire ! La seconde, c’est que je souffrais déjà de mon syndrome de la page blanche et que j’ai toujours eu beaucoup plus facile de travailler à partir d’un matériel de base. Le plus dur pour moi, c’est d’accoucher du premier jet. Cet aspect a beaucoup joué dans le fait que je retourne vers Hessä.

Je l’ai alors relue et quand mes yeux ont arrêté de saigner, j’ai décidé de la réécrire correctement en mettant à profit mon expérience acquise au fil du temps.

Aussi, quand je dis que ce texte a connu une première parution, c’est à la fois vrai et faux. Dans Choisir la forêt, on retrouve le même concept de départ à savoir un elfe entre deux âges sur le point d’être précipité dans une bataille d’envergure contre des forces maléfiques qui menacent son peuple, le tout écrit à la première personne. Toutefois, le déroulement est totalement différent. Ce coup-ci, je me suis concentrée uniquement sur Sleipnir (c’est son petit nom au monsieur elfe), ses pensées, ses émotions, l’attente terrible avant le début de la bataille, ce qui se déroule pendant… Ironiquement, l’action n’a pas de lien avec la forêt en elle-même, toutefois il faut lire la nouvelle pour comprendre la raison de ce titre. Je ne vais pas vous en dire davantage afin de ne pas gâcher votre potentielle découverte mais ayant relu la première mouture pour écrire ce billet, je dois bien avouer que ces deux textes n’ont quasiment plus rien en commun.

Et que je suis assez fière de Choisir la forêt. Vraiment.

Elle n’est jamais contente !
Évidemment, il reste un dernier point qui me gêne un peu et ne m’a sauté au visage que lors de la relecture du BAT (et donc trop tard) c’est que, finalement, l’aspect elfique n’est que peu développé et n’apporte rien à l’intrigue hormis sur un plan vaguement esthétique. Je n’en exploite pas les possibilités, je me contente de mettre en scène une race présente en fantasy pour laquelle j’ai toujours eu une certaine affinité. Vous me direz, on ne peut pas parler de tout, dans une nouvelle ! Et vous avez sans doute raison. Toutefois, quasiment rien dans la psychologie de Sleipnir ne le distingue, finalement, d’un humain. Ça ne change rien à ma fierté par rapport à la nouvelle, seulement je me devais d’être honnête par rapport à cet élément.

Je ne sais pas si je me remettrais un jour à l’écriture mais si ce n’est pas le cas, je serais heureuse d’avoir « terminé » par ce texte-là qui me permet aussi de tourner définitivement la page du chapitre fantasy de ma vie.

Et voilà, vous savez tout sur cette nouvelle et sa genèse ! J’espère que ce billet vous a intéressé et si le cœur vous en dit, n’hésitez pas à partager l’information concernant les précommandes en cours pour l’anthologie. Un petit RT ne coûte rien et peut apporter beaucoup. J’ajoute également que si vous possédez un blog, que vous lisez en numérique et que mon billet vous a intrigué, il est toujours possible de recevoir l’anthologie en service presse. Il suffit de m’écrire dans les commentaires, en DM sur Twitter ou à l’adresse service-presse(a)livrs-editions.com.

L’autre facette de l’ombre : pourquoi je ne supporte plus ma première trilogie ?

Aaaah les premiers romans… Pour avoir discuté avec pas mal d’auteur.ices à ce sujet, il y a toujours un peu de honte quand on se retourne sur ses premiers textes. On en voit tous les défauts et mieux vaut avancer que de revenir dessus. Pourtant, il y a des choses intéressantes à en tirer pour l’avenir ! Et c’est la raison de cet article.

Je vous passe les déboires éditoriaux inhérents à cette première trilogie et qui ont joué sur ma motivation d’ensemble. J’avais écrit un article là-dessus mais j’ai finalement décidé de ne pas le publier parce que je ne me sens pas prête à revenir sur tout ça. Je vais donc me concentrer sur les problèmes de fond au sein de ma première trilogie de dark fantasy parce que, sincèrement… Il y en a des choses à dire.

Un peu de contexte…
C’est entre 2013 et 2014 que je commence à écrire cette saga (dont je tais volontairement le nom depuis le départ, je demanderais à cell.eux qui l’ont lu d’en faire autant). À l’époque, j’administrais un forum RPG avec une amie qui s’inspirait de Shadowrun et je reprenais deux personnages créés il y a une éternité pour les adapter au contexte. On jouait entre ami.es, on discutait beaucoup, on s’éclatait franchement de A à Z avec des idées dingues, jusqu’à se dire que c’était quand même dommage qu’il n’y ait pas plus de livres de dark fantasy….

Alors, je sais. Je SAIS qu’il y en avait, en réalité, juste qu’on ne les connaissait pas, qu’ils n’étaient pas mis en avant, parce que c’était l’époque de la vague bit-lit et que tout se noyait dessous. Sans compter que j’étais encore une « lectrice de la FNAC » à ce moment-là. Je ne connaissais rien aux indépendants, au milieu, je ne savais pas où chercher et la dame qui gérait le rayon à l’époque n’en connaissait pas plus long que moi. Donc, postulat de départ foireux mais que voulez-vous…

Cette remarque a donc planté une petite graine. Puis il y a eu mon père qui me voyait passer des heures sur mon ordinateur à écrire sur ces forums et qui m’a dit « tu pourrais au moins écrire un livre, ça servirait à quelque chose ». Dans son esprit, c’était un encouragement mais à l’époque, je l’ai pris comme une injonction à absolument rentabiliser le temps passé en ligne. Je me sentais du coup coupable de juste… me divertir. C’est terrible, je trouve. On vit dans un monde où le temps ne doit pas être « perdu » sauf que ça en devient malsain et passer un quart d’heure à écrire une réponse sur un forum m’apportait de la joie, alors pourquoi me mettre cette pression ? Je n’ai pas la réponse. C’est juste arrivé.

Je venais de m’inscrire à l’université et de me lancer dans la rédaction de mon premier roman.

Je n’avais aucune idée de comment j’étais censée m’y prendre. Je n’avais lu aucun livre pour m’aider, j’avais juste mes connaissances de lectrice et… voilà. Je ne me posais même pas la question, pour être franche. J’écrivais l’histoire de manière linéaire, j’inventais au fur et à mesure sans le moindre plan. Mes potes de JDR textuel trouvaient ça absolument génial et ça me confortait dans ma certitude que j’avais eu raison. J’existais dans ce microcosme, entourée par des personnes bienveillantes qui voulaient m’encourager (l’ironie c’est que je ne parle plus à aucune d’entre elles aujourd’hui, hélas) sauf que le résultat n’a pas vraiment été à la hauteur de mes espérances.

Qu’est-ce qui n’allait pas ?
Tout ? Bon, j’exagère, mais pas loin…

Déjà, comme j’écrivais sans plan et sans prendre de notes, certains éléments de l’intrigue ne collaient plus après coup et ça m’ennuyait de les changer parce que ça demandait un travail supplémentaire. J’étais paresseuse et je ne prenais pas conscience de l’importance du travail à effectuer pour écrire un bon roman (c’est venu bien plus tard). De plus, je tapais mes chapitres sans trop savoir où j’allais. D’emblée, j’incluais des évènements à la limite de l’apocalypse dans un monde inspiré de la Faëry des légendes celtiques sauf que je les utilisais mal, d’une façon convenue, attendue, que j’introduisais les personnages liés trop tard, qu’ils servaient l’histoire au lieu de la vivre… Bref, c’était pas dingue de base.

Ensuite… La représentation des femmes… me donne aujourd’hui presque envie de vomir. Je voulais des personnages féminins forts et je me félicitais d’avoir une guerrière redoutable en héroïne principale, avec une sœur qui était une magicienne redoutable (ouais tout le monde était redoutable ->)… Sauf que d’une part je les avais sursexualisée et d’autre part, elles se construisaient uniquement par rapport aux personnages masculins et à leurs interactions avec eux. On pourrait y voir un motif pour dénoncer les abus faits aux femmes mais la vérité, c’est que je n’avais tout simplement pas conscience de ce que j’étais en train d’écrire. Je répétais un schéma qui me paraissait normal à l’époque parce que je le croisais partout en fiction et que je ne réfléchissais pas du tout dessus à ce moment-là. Je pensais que, pour être forte, une femme devait être balèze, avoir subi des traumatismes intimes et s’en relever, devenir limite folle et sanguinaire tout en gagnant à la fin. C’était… terriblement primaire comme conception.

Ne parlons même pas du sexe… J’écrivais beaucoup (TROP) de scènes de sexe explicites dans cette trilogie et presque la totalité d’entre elles étaient problématiques. Dans le meilleur des cas, elles n’avaient aucun intérêt à l’histoire et en général, non seulement elles n’avaient pas d’intérêt mais EN PRIME elles érotisaient un abus, elles érotisaient même un viol. Ce n’est pas ce que je voulais et pourtant, c’est ce que j’ai écrit et j’ai mis des années à m’en rendre compte. Mon but premier, c’était de montrer comment l’héroïne restait forte malgré tout sauf que quand j’ai relu la scène par la suite, ce n’était pas ce qui transparaissait. Encore une fois j’ai répété un schéma habituel en fiction d’autant qu’à l’époque je lisais beaucoup de bit-lit où ce type de scènes est légion. Et je n’imaginais même pas que ça puisse être un problème. C’était juste sexy, cette ligne sombre entre l’héroïne et les grands méchants et le fait qu’elle n’hésite quand même pas à lui taper dessus après avoir eu un orgasme ou à décoller sa tête de son corps avec une grande satisfaction. Tout allait bien, pas vrai ?

NOOOOOOON.
Non et non et re-NON !

Il m’arrive encore aujourd’hui de repenser à cette histoire et de me demander ce que ça donnerait si je cherchais à l’écrire en 2022, à l’âge de 28 ans et non plus en sortant de l’adolescence. J’avais commencé une liste des éléments à changer et il y a deux ou trois ans d’ici j’avais même décidé de tout réécrire de zéro en corrigeant les problèmes, en améliorant l’intrigue, comme si j’allais y trouver une forme de rédemption. Comme si, soudainement, cette démarche me laverait de mes « fautes passées ». Je pensais que ça pourrait m’aider à me sortir de cette page blanche qui m’empoisonne encore aujourd’hui sauf que je ne suis jamais parvenue à sauter le pas. Et je me pense pas, finalement, que ça soit une si bonne idée que ça. Je pourrais réécrire éternellement la même histoire… Mais à quoi bon ? Est-ce que ça me permettra vraiment de grandir ? Je ne crois pas.

La vérité, c’est que cette première trilogie m’inscrit et s’inscrit dans une époque de ma vie où j’étais inconsciente d’énormément de problématiques alors que j’arrivais à l’âge adulte. Ce que je trouve aujourd’hui inacceptable est en réalité symptomatique d’une époque ainsi que d’une façon de concevoir la littérature de l’imaginaire qui a longtemps prévalu dans mes lectures, malgré moi car je manquais d’informations. Son existence m’apprend et me rappelle des leçons importantes qui ont participé à construire la femme que je suis actuellement.

J’ai aujourd’hui conscience de tous ces biais, de tous ces problèmes, au point d’être soulagée que cette trilogie ne soit plus disponible à la vente puisque la maison d’édition n’existe plus. J’éprouve une forme de honte d’être tombée pieds joints dans tous ces pièges et en même temps ce n’est pas parce que des erreurs ont été commises avant que je ne peux pas évoluer ni devenir une meilleure personne ou une meilleure autrice. Je suis soulagée d’avoir rencontré des personnes qui ont participé à me conscientiser sur ces problématiques et j’espère conscientiser à mon tour d’autres auteur.ices, afin d’effacer ces représentations problématiques de la littérature que j’aime.

C’est pourquoi j’ai écrit ce billet.

J’espère qu’il vous permettra de réfléchir vous aussi, si vous en éprouvez le besoin !