#TAG – mes 10 autrices incontournables en SFFF


Cet été, Nevertwhere revient avec un nouveau tag #incontournables ! Précédemment, il s’agissait d’évoquer nos incontournables récents en SFFF afin de prouver que la production dans les genres de l’imaginaire est aussi qualitative aujourd’hui, vu qu’on nous rabâche sans arrêt les vieux classiques.

Cette fois-ci, la thématique s’avère plus spécifique en se concentrant sur les autrices et je ne peux que m’en réjouir. J’avais moi-même écrit il y a quelques années un billet sur le sujet qui présentait 10 autrices incontournables (et bien vivantes) dans l’imaginaire francophone, en réponse à un article de Babelio qui n’en évoquait que deux sur son top dix. En le redécouvrant, j’étais curieuse de voir quels noms resteraient ou pas. D’office, le constat est biaisé puisque je me concentrais uniquement sur les francophones alors que ce n’est pas le cas ici mais tout de même…

Je précise que les autrices ci-dessous ne sont pas classées par ordre de préférence et que le fait de commencer par Ada Palmer est une pure *tousse* *tousse* coïncidence. Il me semble aussi évident que cette liste est pertinente à un instant T, nos goûts évoluent sans arrêt.

Je vous invite à lire l’article de présentation sur le blog de Nevertwhere et à suivre son travail.
Le logo a été réalisé par Anne-Laure du blog Chut Maman lit !

Terra Ignota d’Ada Palmer
(je mets une saga si j’veux, oh.)
Impossible de ne pas commencer en évoquant cette autrice qui a changé ma vie de lectrice grâce à Terra Ignota dont le dernier volume est à paraître fin de cette année au Bélial. Elle parvient à mêler les classiques de la littérature à une réflexion sociale et politique ambitieuse au sein d’un récit à la narration osée, atypique… Bref, elle est mon modèle, je l’adore du fond du cœur et même si ses romans sont exigeants, je ne peux que vous encourager à les lire.

Trop semblable à l’éclair (tome 1), Sept Reddition (tome 2), La volonté de se battre (tome 3), L’Alphabet des créateurs (tome 4).

À la pointe de l’épée d’Ellen Kushner
Quel concept étrange que celui de fantasy de mœurs. Étrange ? Inattendu, plutôt. Et nouveau pour moi. Ellen Kushner est une autrice dont j’ai lu deux romans traduits sur les trois qui, dans un univers typé cape et épée, met en scène des personnages malmenés dans une histoire toujours subtilement engagée. Le tout avec une plume délicieuse (-ment traduite !). Pour ne rien gâcher, elle est humainement magnifique et avoir pu la rencontrer aux Imaginales a été un de mes plus beaux moments.

Si je choisis de mettre en avant À la pointe de l’épée c’est parce que le roman était plus sombre, malsain, plus proche de ce que j’aime. Le Duc Fou est toujours présent dans la suite (l’excellent le Privilège de l’épée) mais j’ai un petit cœur tout noir et faible alors…

Les poisons de Katharz d’Audrey Alwett
Autrice française de talent, j’ai d’abord connu Audrey Alwett avec son one-shot de dark fantasy humoristique les Poisons de Katharz qui a été un coup de cœur et m’a apporté un gigantesque réconfort dans une période où j’en avais désespérément besoin. Rien que pour ça, elle méritait de figurer dans ce classement… Mais depuis, elle s’est lancée dans une ambitieuse trilogie jeunesse : Magic Charly, le genre de roman avec lequel j’aurais aimé grandir et qui est un trésor d’imagination. Pour ne rien gâcher, c’est une femme engagée qui n’a pas sa langue dans sa poche et qui est humainement une source d’inspiration.

Les révoltés de Bohen d’Estelle Faye
J’adore Estelle. J’adore sa personnalité, son imaginaire et sa gentillesse. C’est une personne magnifique en plus d’une autrice talentueuse. J’ai tendance à lire tous ses romans mais parmi sa prolifique production, le texte qui m’a le plus marqué reste les deux volumes de Bohen. Il m’a impressionnée par son envergure et son parti-pris ainsi que par ses personnages. J’ai décidé de mettre le second en avant parce que je l’ai trouvé plus abouti, on sent que l’autrice a beaucoup progressé alors que les Seigneurs de Bohen était déjà d’un excellent niveau.

Beastars de Paru Itagaki
Paru Itagaki est la mangaka à l’origine de l’exceptionnel Beastars, qui est son premier manga, donc. Du haut de ses presque vingt-neuf ans, elle a montré à chaque tome un souci du détail et une maîtrise extraordinaire de son intrigue, de son rythme, au point qu’il n’y a pas un seul volume à jeter ni qui soit plus faible que les autres. Elle a tout d’une grande, je suis sûre qu’elle inscrira son nom au panthéon des mangakas inoubliables.

Je compte relire les 22 tomes bientôt et y consacrer une série d’articles.

Black Butler de Yana Toboso
Encore une mangaka ! Je suis clairement de parti-pris mais Yana Toboso est à l’origine de Black Butler, qui est un manga toujours en cours de parution que je suis depuis des années (largement plus de dix ans) et qui parvient à maintenir mon intérêt malgré un rythme d’un ou deux tomes par an. C’est déjà suffisamment extraordinaire pour être souligné… Je ne sais pas si mon amour pour elle vient de son esthétique fabuleuse ou de son habilité à mettre en scène la noirceur de l’âme humaine mais elle me parle plus que de raison.

Pendant la pandémie, j’avais consacré du temps à une relecture de la saga et j’avais écrit sur les différents arcs : IntroductionLe Prince Sôma et Aghni + Noah’s Ark CircusMeurtres au Manoir et terreur sur le CampaniaWeston CollegeSieglinde SarivanMusic-hall, coup de théâtre et flashback.

Apprendre, si par bonheur de Becky Chambers
On a tous besoin d’un peu de positif dans la vie, pourquoi pas donc de la science-fiction positive ? Becky Chambers est la reine dans ce domaine et si j’ai trouvé quelques longueurs à sa saga Voyageur, j’ai par contre dévoré Apprendre, si par bonheur qui est une novella frôlant la perfection. Inclusive, touchante, rythmée, elle m’a retourné le cerveau et profondément émue.

Je suis ton ombre de Morgane Caussarieu
Un classique que je n’ose pas relire par peur qu’il perde de sa saveur mais dont le souvenir reste impérissable puis il est représentatif d’une période vampirique dans la littérature de l’imaginaire francophone. Morgane Caussarieu écrit des histoires sales, dérangeantes, et elle le fait merveilleusement bien. S’il n’y a qu’un titre à lire d’elle, c’est celui-là.

La fille qui tressait les nuages de Céline Chevet
J’avais été très touchée par ce one-shot inspiré du surréalisme japonais. Céline Chevet aime le Japon, elle le met en scène divinement en proposant un thriller psychologique avec des personnages adolescents en souffrance. C’est vraiment bien réalisé et ça restera le roman qui m’a le plus enthousiasmé jusqu’ici dans sa bibliographie.

La divine proportion de Céline Saint-Charle
Céline Saint-Charle est une autrice qui n’écrit que dans des genres que je n’aime pas plus que ça (post-apo, zombie, dystopie) et dont j’adore pourtant les romans à chaque fois. Cette magicienne auvergnate me ravit toujours par je ne sais quel miracle et si j’ai choisi de mettre en avant La divine proportion au lieu des deux autres (les très bons #SeulAuMonde et L’apocalypse selon Sandra) c’est parce que je trouve les questionnements qui y sont contenus très en phase avec notre actualité et que je l’ai vu évoluer depuis le comité de lecture jusqu’à la version finale. Un petit bijou.

Les listes de blog’potes : Nevertwherele culte d’ApophisFourbis et Têtologiel’Épaule d’Orion – Ma vie de bibGromovarOutrelivresMondes de pocheAu pays des cave trollsl’ours inculteZoé prend la plumeYuyine – vous ?

RÉFLEXION : quelques mots sur la surproduction littéraire en SFFF francophone (et ailleurs).

Bonjour tout le monde !

Voilà un moment que je n’avais pas écrit un article de ce type ! Pour celui-ci, tout a commencé grâce à la Pause Café #19 du blog Zoé prend la plume qui proposait une réflexion personnelle sur la surproduction littéraire (comprenez toujours plus de nouveautés tout le temps) et la surconsommation que cela engendre forcément ou du moins, la pression de la surconsommation. Je vous invite à d’abord aller lire son billet avant de vous plonger dans celui-ci car mon but n’est pas de paraphraser son article mais bien d’y répondre grâce aux questions qu’elle pose à la fin. Zoé avance en effet des chiffres en plus de sa vision de la problématique et, finalement, je ne cherche qu’à apporter un point de vue personnel.

Avant d’aller plus loin, je rappelle que mes réflexions me sont personnelles et je ne cherche en aucun cas à les imposer comme une vérité absolue. Je vous partage simplement mon point de vue de lectrice mais aussi d’autrice et vous allez voir que, assez étonnamment, ils se marient bien.

Que pensez-vous de la production éditoriale ? Trouvez-vous qu’elle augmente plus vite que votre capacité à suivre ? Quel est votre avis là-dessus ?
En tant que lectrice mais aussi autrice, j’ai un avis assez tranché sur le sujet qui a évolué avec le temps mais aussi grâce à ma pratique de blogueuse littéraire et mes observations personnelles. Je trouve que dans le paysage littéraire francophone de l’imaginaire (je ne suis pas compétente pour évoquer les autres pays ou la littérature blanche) trop de livres sortent chaque mois. Je me fais cette réflexion de manière systématique quand Anne-Laure (Chut Maman Lit) et Lhisbei (RSF Blog) mettent chaque mois en image les sorties littéraires à venir. Et encore, il n’y a pas tout ! Il manque pas mal d’indés. Comment est-il possible de lire autant sur un mois ? Ça ne l’est tout simplement pas. Et ça me provoque des angoisses.

Pendant plusieurs années, je m’efforçais de suivre tout ce qui sortait, au moins chez les éditeurs phares (ou que je considérais comme phare). Je voulais être à la pointe de l’actualité littéraire et j’ai réussi pendant un temps… Le problème c’est que j’ai fini par craquer. Par me dégoûter de lire, de chroniquer, j’en avais ma claque parce que finalement, je pensais en terme de consommation, de rendement, de « si je lis ce roman en x temps j’aurais une chronique prête pour tel jour donc ça va tourner ». J’ai voulu faire trop et c’est pour cette raison que j’ai réduit mon nombre d’articles sur le blog (deux par semaine) et arrêté les services presses. C’était une façon, pour moi, de reprendre le contrôle, de retrouver goût à la littérature mais aussi de me donner le droit de relire des séries si je le souhaitais. Ce que j’ai fait depuis, d’ailleurs.

Du coup, oui, je trouve qu’elle augmente trop vite, qu’elle est déjà trop importante et j’ai abandonné l’idée de la suivre. Je n’ai aucune prise dessus donc tant pi, je lis et chronique ce qui me plait sans me préoccuper du reste. À ce stade, je dois apporter l’opinion d’autres personnes qui se sont manifestées sur Twitter pour expliquer qu’iels ne comprenaient pas le problème puisque si davantage de livres sont disponibles, ça permet un plus large choix pour ell·eux. Je suis d’accord pour dire que cette situation de départ qui a enclenché le questionnement de Zoé ne touchera pas tout le monde de la même manière et que tout dépend de notre façon d’aborder nos lectures et cette production. Toutefois, on ne peut pas nier qu’un problème existe et je vais tâcher de l’expliciter à la suite.

Pensez-vous que la décroissance est gage de meilleure qualité ?
Non. Déjà parce que la qualité des uns n’est pas celle des autres. Je peux adorer un roman que le reste de la blogosphère va détester et vice versa, cela arrive régulièrement. On pourrait donc dire que toute cette production permet simplement au plus grand nombre de profiter du type de roman qu’iel souhaite ? C’est ce que j’affirmais juste avant. Sauf que cette surproduction entraine plusieurs problèmes, notamment l’invisibilisation rapide des romans. Il faut savoir qu’écrire un livre prend énormément de temps, sans parler du travail éditorial, des corrections, etc. Se dire qu’on fait « tout ça » pour même pas un mois de visibilité ? C’est déprimant. Et c’est un problème directement lié à la surproduction dans le milieu.

Alors quoi, publier moins pour laisser à certains romans la possibilité d’avoir une plus longue durée de vie ? Dans le système actuel, cela signifierait que seuls les grands noms pourraient encore sortir des romans et ça n’est en rien une solution. En tant qu’autrice, j’ai envie de dire que tout le monde a le droit de vouloir partager son histoire. Et je le pense. Sauf que beaucoup d’histoires que j’ai eu l’occasion de lire ne sont pas suffisamment abouties. Il y a un besoin entretenu par le milieu et cette logique de marché qui pousse à publier au moins un roman par an, pour ne pas que le public nous « oublie » sauf que l’inspiration n’est pas toujours présente et cela donne lieu, parfois, à des productions de qualité moindre si pas médiocre, chez des auteur·ices qui possèdent pourtant de grandes qualités littéraires. Et pour quelle raison ? Outre entretenir sa communauté ? Et bien vivre, tout simplement. Sur un plan personnel, je fais partie des auteur·ices qui ont trop publié et mal publié, sortant des textes qui ne méritaient pas qu’on use du papier pour les imprimer parce qu’ils manquaient clairement d’un véritable travail. J’en ai déjà parlé dans mon article sur ma première trilogie. À l’heure actuelle, j’ai d’ailleurs décidé de changer radicalement ma manière d’écrire et de penser ma littérature. Si je dois sortir un texte, c’est parce que j’en suis fière, parce que j’ai quelque chose à raconter. Pas juste parce que « ça fait longtemps ».

La question de la (sur)production est d’autant plus complexe qu’il est déjà, à l’heure actuelle, extrêmement difficile de vivre de sa plume. Cela n’est plus mon souhait depuis longtemps, je l’ai déjà dit. J’ai besoin de stabilité, besoin de savoir précisément quand je touche mon salaire chaque mois et combien. Mais il y a des personnes avec plus de courage (ou de folie ?) que moi qui ont décidé d’en vivre et qui doivent donc sortir des textes manière (très) régulière pour toucher de quoi vivre décemment -ou essayer. Et parfois, dans des genres qui ne sont pas ceux qu’iel préfèrent, mais qui sont ceux rapportant le plus.

Alors, que faire ? Produire moins et vivre de manière encore plus précaire ? Ou produire davantage pour répondre aux exigences du marché en y sacrifiant probablement la qualité ?

À l’heure actuelle, force est de constater qu’il n’y a aucune bonne solution pour tenter de résoudre ces problématiques. J’affirme donc qu’il faut revoir en profondeur la chaîne du livre ainsi que la répartition des bénéfices pour que ce soit ENFIN l’auteur·ice qui touche la plus grosse part du gâteau et donc qu’iel ne soit pas enfermé·e dans une logique purement commerciale, qui touche parfois à la simple survie. Je sais, facile à dire, moins à faire et pourtant… Il faut se rendre à l’évidence. Le système tel qu’il existe actuellement n’évolue pas, ne convient plus pour ses acteur·ices et a besoin d’être réformé. Il y a une raison pour laquelle de plus en plus d’auteur·ices se tournent vers l’auto-édition… Pensez-y.

Autre point de réflexion, le fait que le livre soit (devenu) un produit. Je ne dis pas que ça s’est passé maintenant en 2022, je dis qu’à un moment donné de l’histoire du livre (quelque part au 19e siècle, peut-être quand le principe de roman-feuilleton s’est lancé dans les journaux ? Un moment charnière illustré par le pamphlet « De la littérature industrielle » rédigé par Sainte-Beuve en 1839 d’ailleurs si certain·es sont curieux·ses) la manière dont on considérait un texte a changé. Et la révolution française a transformé en profondeur le modèle économique jusque là basé sur le mécénat. Attention, je ne dis pas ici que la littérature doit être réservée à une élite intellectuelle ! Pas du tout. Toutefois, pensons-y : avec les systèmes de crowdfunding, on revient un peu à cette logique du mécène sauf qu’au lieu d’un seul qui contribue en totalité, on en a des dizaines, des centaines si pas des milliers qui contribuent chacun à la mesure de leur moyen. Et il y a quelque chose de beau là-dedans, quand c’est correctement exécuté.

J’ajoute une précision : oui à l’heure actuelle le livre est un produit et oui en tant que blogueuse, je participe au « marketing » autour de ce produit peu importe mon intention de base. Quand je parle d’un livre, j’essaie de donner envie à d’autres personnes de le lire et donc, de l’acheter. On peut donc s’étonner de me voir tenir un tel discours sauf qu’il s’agit ici de plaider pour un système qui permettrait une plus longue durée de vie des romans et pas juste des œuvres « jetables » qui marquent peu ou pas, qu’on consomme vite pour diminuer sa PàL ou que sais-je. Et tant que j’y suis, si ce nouveau système à mettre en place pouvait permettre aux artistes de vivre correctement…

Dans ce paysage littéraire tel qu’on le connait aujourd’hui, les auteur·ices produisent quelque chose qu’ils doivent vendre mais la qualité intrinsèque du texte n’entre que peu en considération sur le total de ces ventes. On pourrait d’ailleurs discuter sur ce qu’on regroupe sous cette notion de qualités mais on en arriverait vite à la conclusion que ça dépend du public ainsi que de la sensibilité de chacun·e. Les gens achètent un produit sur base d’un nom, d’une structure éditoriale, d’une belle couverture, bref de marketing… Au final, la partie écriture dans le métier d’auteur·ice n’est pas / plus majoritaire. L’auteur·ice devient aussi un produit, une image sur laquelle jouer. Personnellement, j’ai essayé un temps mais ça ne me convenait vraiment pas.

Donc non, je ne pense pas que la décroissance soit synonyme d’une augmentation de la qualité, pas si elle s’inscrit comme seule variable du problème. Je pense que le milieu littéraire et la chaine du livre doivent être réformés pour permettre aux auteur·ices de vivre dignement de leur plume et donc de produire moins pour produire mieux sans pour autant s’enfermer dans la précarité.

Selon vous, comment un texte pourrait gagner en visibilité sur le long terme ? Comment accroître la durée de vie d’un bouquin ?
Je pense que ça passe d’abord et avant tout par une stratégie éditoriale adaptée. Je vais prendre l’exemple de Livr’S : quand on part en salon, on prend au moins un exemplaire de chaque livre dans le catalogue et on le présente au même titre que les autres, peu importe qu’il date de 2016 ou de 2022. On a eu aussi récemment l’idée de proposer à chaque lancement de précommande la possibilité pour nos partenaires de redécouvrir un titre plus ancien de notre catalogue et donc de pouvoir générer de nouvelles chroniques à son sujet, de le ramener sur le devant de la scène. De plus, nos titres sont toujours disponibles sur notre boutique, même les plus anciens. On s’assure d’avoir du stock, ainsi si un auteur sort un nouveau roman, on remet aussi ses plus vieux titres sur le devant de la scène et ça leur permet de vivre plus longtemps. Enfin, on compte aussi sur un investissement des auteur·ices pour aller à la rencontre du public même un an ou plus après la sortie d’un roman.

La rencontre du public passe aussi par des dédicaces en librairie ou en salons et pour ça, il faut prendre le temps de démarcher, de se rappeler à leur bon souvenir. Les libraires n’ont pas une place infinie, ils sont obligés de renvoyer du stock pour faire de la place aux nouveautés qui arrivent sans arrêt et par palettes. Du coup, si vous organisez des évènements, la librairie va vendre votre livre (normalement) et donc le garder en stock même s’il commence à dater, ce qui permettra de le montrer à des gens potentiellement intéressés, qui vont peut-être même l’acheter, et ainsi de suite, entrainant un cercle vertueux. Cela demande qu’une personne au sein de la structure éditoriale s’occupe de ce suivi et le fasse pour tous·tes les auteur·ices de la maison. C’est clairement un boulot temps plein !

Si je parle d’un point de vue plus personnel : Quand Clément Coudpel contre les spectres de Samain est sorti, c’était en octobre 2020 pendant la pandémie COVID et j’étais persuadée que le texte allait être enterré, comme c’est arrivé à d’autres. Souvenez-vous, les messages à ce sujet fleurissaient à l’époque sur les réseaux… J’avais fait mon deuil et ça me renforçait même dans mon envie d’arrêter d’écrire. J’y voyais un signe. Pendant plus d’un an, il n’y a pas eu de salons où le présenter et si les précommandes s’étaient bien déroulées, si la blogosphère avait bien suivi (encore merci pour ça), cela n’a pas suffit pour assurer la pérennité à mon roman.
Je vois la différence sur mes chiffres de vente maintenant que j’ai pu retourner en salon. Sur deux week-end j’ai vendu davantage que sur tout 2021… Il y a donc clairement un avantage à aller à la rencontre du public. C’est fondamental pour permettre à son œuvre de vivre plus longtemps. Et pour le faire dans de bonnes conditions, des défraiements officiels doivent être mis en place afin que les auteur·ices ne perdent pas de l’argent à se déplacer. J’ajoute aussi que si j’ai eu cette possibilité, c’est parce que mon éditrice fonctionne toujours sur le long terme. Je n’ai pas été mise au placard parce que mon roman datait d’un an ou deux. Elle l’a traité de la même manière que n’importe quel autre titre, il a eu sa place comme les autres et ça vaut pour les autres romans sortis pendant cette sombre période. C’est donc, selon moi, en premier lieu une stratégie éditoriale et une mentalité bien spécifique à la structure qui permet de défendre un livre sur le long terme. 

Est-ce que les nouveautés vous angoissent, ou vous réjouissent ? Ou les deux ? Comment réagissez-vous face aux sorties ? Foncez-vous, ou laissez-vous décanter un peu ?
Ça dépend. Souvent, ça m’angoisse surtout quand Anne-Laure et Lhisbei alimentent l’album facebook et que je vois +60 ou +80 photos… En un mois sort donc ce que je lis sur un an (et encore…). Alors vous pourriez me dire qu’il n’y a rien de dramatique là-dedans mais je souffre d’une frustration. Il y a trop de sorties, je n’ai pas le temps de même lire tous les résumés. Je juge sur un nom, sur une couverture, sur un concept, une maison d’édition et finalement, pas sur le travail de l’auteur·ice en iel-même. Quand on sait le temps et l’investissement que demande l’écriture d’un roman, c’est profondément injuste et cela ne me convient pas. Ce problème vient de la surproduction. On peut aussi penser que c’est le jeu mais je suis persuadée qu’il y a moyen de contenter tout le monde sans laisser uniquement la part belle aux géants du milieu.

Du coup j’ai revu ma façon de fonctionner et je m’intéresse désormais à un très petit nombre de maisons d’édition ainsi qu’à un petit nombre d’auteur·ices dont je suis la production parce qu’iels ont su me convaincre. Actuellement, il y a le Bélial (je suis soulante avec eux, je sais :D), Livr’S bien entendu pour tout un tas de raisons évidentes mais aussi 1115 car le format court me convient parfaitement. Je jette toujours un œil aux sorties Mnémos, l’Atalante, Chat Noir et ActuSF mais c’est de plus en plus rare que je sois vraiment enthousiaste pour un de leurs titres. Mes goûts évoluent de mois en mois et mes exigences aussi, exigences conditionnées justement par de nombreuses lectures moyennes ou médiocres qui m’ont rendues très critique, des romans issus de cette surproduction, de cette nécessité de vendre. Ici, j’ai conscience que c’est une considération propre à mes goûts mais elle a quand même son importance… Depuis quelques mois, la SF me passionne tout comme le format court. Il est donc logique que je me tourne vers des structures spécialisées dans ces deux domaines.

Pour mes autres achats, c’est plutôt lié directement aux auteur·ices. Exemple récent : Ariel Holzl a annoncé son nouveau roman chez Slalom, je sais déjà que je vais l’acheter car je lis tout ce qu’il publie. Idem pour Jean Laurent Del Socorro, Estelle Faye (pour ses textes adultes), Audrey Alwett et David Bry, pour ne citer que ceux-ci et rester dans le francophone. Je sais aussi que je vais acheter tout nouveau Une Heure Lumière, peu importe que le pitch me parle ou non, car il y a ici l’aspect collection qui joue (je suis presque au bout !).

Et quand je suis décidée sur un titre, j’ai envie de l’acheter et de le lire dés que possible. L’attente ne me réussit pas en général.

C’est la solution que j’ai trouvée pour me préserver. J’ai aussi fait la paix avec moi-même sur le fait que non, je ne pourrais pas tout lire et oui, je vais passer à côté de bons textes. Mais c’est ainsi ! De toute manière, objectivement, il n’est pas possible de tout lire même en y consacrant 24h/24 et 7j/7. Éventuellement sur les nouveautés (et encore) mais qu’en est-il du catalogue de fond ?

Pile à lire tour de Pise, ou pile à lire matée ?
Clairement matée même si ça a demandé de la discipline. Chaque fois que j’ai envie d’acheter un livre, même en salon, je m’oblige à me demander trois fois si je le veux vraiment et si je ne réponds pas trois fois oui de manière ferme, je laisse. Quitte à changer d’avis plus tard sur le prochain évènement mais j’ai eu trop de déception, trop d’argent gâché dans des craquages impulsifs et dont j’aurais pu me servir pour acheter d’autres livres plus tard ou simplement économiser à un autre dessein. J’ai envie de permettre aux auteur·ices de vivre et j’achète des livres avec plaisir mais je dois le faire autrement, surtout de nos jours où tout augmente. C’est un peu terre à terre, j’en ai conscience. Que voulez-vous ! Si encore le craquage impulsif me rendait heureuse, mais même pas. J’ai vite des regrets, alors autant m’épargner.

Et voilà, je me rends compte que ce billet est devenu beaucoup plus long que prévu… J’espère que mes réflexions ont un intérêt pour vous, permettront de nourrir les vôtres et / ou vous donneront envie de partager votre point de vue. N’hésitez pas à le faire en commentaire, dans le respect évidemment 🙂

Dames de rêves, dames d’ombres : la littérature gothique féminine anglo-saxonne du XXème siècle à nos jours – Cécile Guillot

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Voilà une éternité (hop tout de suite j’exagère) que j’entendais parler de ce projet mené par Cécile Guillot, fondatrice et éditrice des éditions du Chat Noir : écrire un essai sur la littérature gothique. J’attendais sa réalisation avec impatience car le genre littéraire gothique a eu une forte influence sur moi durant mes études universitaires et même en tant qu’autrice, quoi que je m’en sois depuis éloignée par lassitude envers ses thématiques répétitives et la romance omniprésente qui a tendance à, aujourd’hui, m’ennuyer.

Il n’empêche que je ne pouvais pas manquer la sortie de l’ouvrage dont il sera question aujourd’hui. Sans y aller par quatre chemins : si j’ai apprécié ma lecture, j’en ressors également frustrée et c’est en partie ma faute puisque je n’ai pas lu correctement le sous-titre ni même la quatrième de couverture. J’ai foncé dedans en m’attendant à quelque chose de précis mais qui n’était pas ce que la maison d’édition annonçait de base. Ma faute, donc.

L’essai comporte trois parties réparties sur 136 pages, ce qui est assez peu d’autant que la mise en page est plutôt aérée et comporte des images ainsi que des sauts de page réguliers. Cela rend toutefois la lecture fluide et confortable. J’ai aussi regretté -tant qu’on parle de mise en page- que le Chat Noir n’ait pas apporté à cet essai le même soin esthétique qu’à ses autres ouvrages à ce niveau. Les citations issues de diverses œuvres, par exemple, se perdent au milieu du reste du texte en étant signalées uniquement par des guillemets et ne sont même pas mises en italiques ou écrites dans une taille de police plus petite. C’est un détail mais c’est dommage.

Trois parties, donc, disais-je. La première se consacre au gothique dans la littérature dite féminine et romantique. Cécile Guillot a choisi d’aborder les différentes thématiques du genre à travers le portrait de diverses autrices (Daphné du Maurier, Victoria Holt ou encore V.C. Andrews) ce qui est une bonne idée même si, sur un plan personnel, j’aurais préféré l’inverse : traiter des caractéristiques du genre et de leur évolution en donnant divers exemples à travers l’histoire littéraire. Encore une fois, c’est propre à moi.

La seconde partie aborde le gothique dans la littérature fantastique ou dite d’horreur (c’est inscrit tel quel). Je trouve le titre un brin tendancieux, il me donne personnellement l’impression que fantastique = horreur alors que ce n’est pas le cas (que quelqu’un ranime Apophis !) même si j’ai conscience qu’il s’agit d’une maladresse. L’éditrice du Chat Noir est bien placée pour savoir que ces deux genres ne se mélangent pas systématiquement et quand j’en ai discuté avec elle, elle me l’a encore réaffirmé. Ce chapitre est l’occasion pour Cécile Guillot d’aborder d’autres autrices comme Angela Carter, Shirley Jackson, Susan Hill ou encore Anne Rice, toujours en suivant le modèle précédent.

J’ai appris beaucoup de choses dans ces deux parties, déjà des noms des grandes figures féminines de cette littérature. En cela, l’ouvrage apporte une pierre à l’édifice du devoir de mémoire sur les femmes en littérature dont je parlais justement dans ma chronique sur les Grandes Oubliées de l’Histoire.

Cécile Guillot consacre également un chapitre à la question du young adult gothique et la façon dont ce genre renouvelle le gothique féminin de nos jours. C’est un chapitre relativement court qui aborde l’évolution de la représentation féminine dans la littérature mais aussi de la représentation tout court au sens plus large (communauté LGBTQIA+, handicap, etc.) qui a une place fondamentale dans le champ littéraire de l’imaginaire et aurait pu donner lieu à une analyse plus poussée. Vous me direz, ce n’est pas le sujet premier de l’ouvrage toutefois la porte a été ouverte… Ici, l’autrice choisit de s’arrêter particulièrement sur une œuvre en particulier : La Maison de la nuit, que je n’ai pas lue donc sur laquelle je ne peux pas dire grand chose. Arrive ensuite une conclusion assez courte et succincte qui n’en est pas vraiment une puisqu’il reste encore une troisième partie, intitulée Ouverture, qui évoque le gothique à l’écran, le gothique ailleurs dans le monde et enfin l’influence des autrices anglo-saxonnes sur la littérature francophone.

La principale source de ma frustration après ma lecture c’est qu’en peu de pages, Cécile Guillot aborde énormément de thèmes différents sans forcément créer systématiquement des liens entre eux ou les approfondir. Elle dit elle-même à la fin de la partie sur le gothique dans le monde qu’il faudrait y consacrer un ouvrage entier et j’espère qu’elle le fera tout comme il y aurait matière à écrire un ouvrage sur chacune des questions que j’ai pu me poser, comme les liens entre les genres par exemple. Bref, le présent essai est davantage une introduction au genre gothique « classique ». Il est tout indiqué pour quelqu’un qui souhaite découvrir le mouvement gothique, avec des parties historiques bien documentées dans lesquelles on ressent toute la passion qu’a Cécile Guillot pour ce genre. Malheureusement -et c’est propre à moi- j’en attendais davantage. J’espérais plus de réflexions sur la façon dont le gothique vit aujourd’hui, peut-être un parallèle avec tout ce qui est « bit-lit » puisqu’elle évoque la figure du vampire notamment en parlant d’Anne Rice. D’ailleurs quand elle aborde la Maison de la nuit, Cécile Guillot titre « un YA entre bit-lit et gothique » mais l’un ne serait-il pas la version moderne de l’autre ? Pas de façon systématique toutefois on retrouve des caractéristiques du gothique dans beaucoup de sagas bit-lit. J’aurais aimé que la question soit posée directement pour pousser le lectorat à s’interroger ou que Cécile se fende d’une tentative de réponse (ce qu’elle a fait quand on a débattu ensemble après ma lecture ceci dit).

Mais surtout, j’espérais qu’une plus grande place serait laissée à la production francophone, encore plus dans un ouvrage publié aux éditions du Chat Noir qui est quand même spécialisé là-dedans et qui a quelques belles plumes du genre ou approchant dans son catalogue. Cela aurait rendu l’essai presque avant-gardiste puisqu’à ma connaissance, c’est un sujet assez peu exploité dans les réflexions sur les genres de l’imaginaire. Et c’est dommage parce que cette littérature a eu une énorme influence sur beaucoup de lecteur.ices de ma génération -dont moi je l’avoue.

La conclusion de l’ombre :
Cet essai sur la littérature gothique est une bonne porte d’entrée dans le genre d’un point de vue historique. Cécile Guillot offre un travail de synthèse soigné et très bien référencé qui permettra à son lectorat de pousser plus loin s’il le souhaite. Malheureusement, à mon goût, l’essai convient davantage à une personne qui débute en gothique qu’à quelqu’un qui a déjà des notions et qui chercherait un ouvrage plus moderne ou même davantage centré sur la production francophone. D’un autre côté, le sous-titre de l’essai est assez clair et si j’avais connecté deux neurones au moment de le lire, j’aurais su à quoi m’attendre. Cela ne m’a pas empêché de noter quelques titres intrigants dont les romans de Daphné du Maurier.

D’autres avis : Zoé prend la plumeLullastories – vous ?

Informations éditoriales :
Dames de rêves, dames d’ombres écrit par Cécile Guillot. Éditeur : le Chat Noir. Illustration de couverture : Mina M. Prix : 14.90 euros.

RÉFLEXION – Et si on pensait à remercier les traducteur.ices ?

Mais d’où ça sort, cette évidence ?

FLASHBACK !

Il y a quelques jours, j’ai lu dans les commentaires d’une chronique qu’un traducteur se manifestait pour souligner que si la personne avait tant aimé le style de l’auteur (ce qu’elle disait dans son billet) elle pourrait peut-être penser à citer le nom du traducteur grâce à qui elle le lisait en français. Logique, jusqu’ici. Une remarque qui pourrait paraître anodine… Mais qui m’a amenée à me questionner et à me rendre compte que moi-même, je ne le fais pas toujours.

cest-honteux-bohort(ce gif est tiré de Kaamelott, les images appartiennent à son auteur)

Cette constatation… m’a inspiré une certaine honte parce que j’en ai lu, des œuvres traduites. À mes débuts en tant que lectrice, je ne lisais même QUE ÇA parce que je ne lisais que les titres d’une certaine maison d’édition qui dominait le marché de la bit-lit à l’époque… Pourtant, je n’ai jamais pensé ne fut-ce qu’une seconde à regarder le nom de la personne qui traduisait ces textes, comme si tous.tes les auteur.ices du monde écrivaient ell.eux-mêmes de base dans toutes les langues. Je ne m’y intéresse que depuis quelques mois en partie grâce au Bélial parce que je suis l’un de leurs traducteurs sur Twitter (un certain Pierre-Paul Durastanti pour ne pas le citer) et que j’ai été impressionnée par le travail de Michelle Charrier sur Terra Ignota.

Il a quand même fallu attendre 2022 pour que je conscientise que, quand même, ce serait bien de penser à renseigner cette personne systématiquement puisque sans elle et bien, je n’aurais pas accès à une quantité phénoménale de livres. Notez, j’aurais probablement bougé mes fesses pour m’obliger à lire en anglais (chose que je ne fais pas par pure flemme, je l’avoue) MAIS ce n’est pas le propos ici. D’autant que si ça fonctionne pour les romans de langue anglaise, c’est autre chose pour tout ce qui est, au hasard, du registre manga… Et on parle encore moins des traducteur.ices dans ce milieu, j’ai l’impression. En tout cas, je n’en entends jamais parler (donc n’hésitez pas si vous avez des filons sur ce sujet, ça m’intéresse).

Bref, si je vous écris ce court petit billet, c’est parce qu’à l’exception de certains blogs, cette information est régulièrement oubliée aussi chez beaucoup et je suis certaine que ce n’est pas par malveillance. Comme moi, la plupart n’y pensent pas forcément… Alors je pointe l’évidence, j’enfonce une porte ouverte mais nous devons, nous qui ne lisons qu’en français, énormément aux traducteur.ices, autant qu’aux maisons d’édition. Pensons à les citer quand on écrit une chronique et à souligner la qualité de leur travail (et pas toujours quand cette qualité est mauvaise ! Parce que là, bizarrement, on n’oublie jamais le.a traducteur.ice…).

Note : cette réflexion s’applique aussi aux illustrateur.ices.

Alors merci à toutes les personnes dont c’est le métier et qui nous permettent de découvrir des œuvres de partout dans le monde.
Et pardon pour l’oubli jusqu’ici.
Promis, ça ne se reproduira plus.

Et vous, vous pensiez aux traducteur.ices jusqu’ici ? 

Les grandes oubliées, pourquoi l’Histoire a effacé les femmes – Titiou Lecoq

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Avant-propos – un peu d’histoire de l’Ombre.
J’ai commencé à m’intéresser à la question du rapport entre l’Histoire et les femmes il y a trois ans d’ici, en entamant ma carrière d’enseignante car je donnais un cours sur les acquis sociaux et leur histoire. Au fil de mes recherches, je suis tombée sur le documentaire «
les femmes machines » dont je gardais un vague souvenir de mes années dans le secondaire. Il s’agit d’un film documentaire racontant les trois mois de grève des femmes de la FN Herstal en 1966. Dans les écoles liégeoises et surtout celle où j’étais alors (à Herstal) c’était courant de montrer ce film au cours de morale (devenu citoyenneté) et d’en discuter.

Je me suis alors souvenue que ma grande-tante avait été une de ces femmes machines, elle l’avait déjà évoqué sans que je ne comprenne vraiment de quoi il s’agissait (normal, j’étais jeune !). J’ai alors regardé ce reportage, vraiment regardé, une fois adulte et j’ai été enfin capable de prendre conscience de l’ampleur du combat qu’elles avaient mené. De là, j’ai commencé à lire, à me renseigner, à me passionner sur le sujet et entretenir une sorte de devoir de mémoire personnel.

Puis je me suis rendue compte que pendant mes cours d’Histoire, personne ne m’avait parlé de ces femmes. La pièce est tombée un peu plus tard, ça n’a pas été immédiat. Ni à l’école primaire, ni secondaire, pas même à l’Université… Alors que cette grève n’était pas du tout un épisode anodin dans le combat pour les acquis sociaux… Par contre, les révoltes des ouvriers (au masculin) ça…

Je me suis donc demandée pourquoi.
Et le hasard a voulu que Titiou Lecoq lise visiblement dans mes pensées puisqu’elle a publié peu de temps après un livre qui répond très spécifiquement à cette question.

De quoi s’agit-il ?
Les grandes oubliées
est un ouvrage didactique qui vise à expliquer de quelle manière et pour quelle(s) raison(s) les femmes ont été effacées de l’Histoire. Titiou Lecoq commence son voyage à la Préhistoire où elle explique comment cette période lui a été enseignée. Je dois avouer que son histoire a eu un fort écho en moi puisque je me rappelle très bien qu’au moins deux années complètes ont été consacrées à la Préhistoire où, finalement, j’ai appris que les hommes chassaient, que les femmes cueillaient, et… voilà. Rien de plus. Pourtant, c’est une période historique bien plus riche qu’il n’y parait et également plus intéressante que ce que mon souvenir me laissait croire.

C’est l’occasion de relever le premier grand point fort de ce livre : Titiou Lecoq ne fait pas que transmettre, elle vulgarise avec brio et dynamisme en recoupant sa propre expérience scolaire avec ses lectures récentes. Elle ne culpabilise pas non plus l’ignorance des gens, préférant remettre en question la manière dont l’enseignement est dispensé. Cela rend l’ouvrage aisé à lire et surtout, vivant.

Il faut toutefois bien avoir à l’esprit qu’en un peu plus de trois cents pages, il est difficile de se montrer pleinement exhaustive. Titiou Lecoq ne pouvait décemment pas parler de tout (qui le pourrait ?). J’ai lu quelques retours qui trouvaient dommage qu’elle n’ait pas évoqué les salons littéraires tenus par les bourgeoises et même moi je me suis dit que quand même, elle aurait pu avoir un mot pour les femmes machines… Toutefois, force m’est d’admettre que le travail effectué par elle est déjà énorme, déjà de grande qualité et qu’il a surtout le mérite d’ouvrir la porte aux suivant.es.x si pas de créer des intérêts ou des vocations. J’aurais adoré lire ce livre à l’Université parce que j’aurais très probablement écrit mon mémoire sur ce thème, même si j’ai pu y évoquer le mot autrice et l’invisibilisation des femmes dans l’histoire littéraire. C’était déjà pas mal, quoi que mon jury n’ait pas jugé bon de m’en parler après ma présentation…

J’ai précédemment parlé de vulgarisation et de dynamisme, cela passe par un ton familier et des adresses à son lectorat. Personnellement, ça m’a permis de davantage m’immerger et me sentir concernée mais je sais que cela peut rebuter certaines personnes qui ont une préférence pour les essais au sens plus classique du terme -et qui ont tendance à m’ennuyer, d’où le fait que j’en lis peu mais de plus en plus depuis l’année dernière car la nouvelle génération d’essayistes semble avoir compris mon problème.

Revenons à nos grandes oubliées ! L’autrice revisite les grandes périodes historiques, rappelant qu’il y a eu des reines en France au début du Moyen-Âge, que de nombreux métiers étaient en réalité également accessibles aux femmes (des peinteresses, des chevaleresses mais aussi des bâtisseuses de cathédrale ! ) et que la conception masculiniste de notre Histoire est en réalité une construction consciente et non pas strictement sociale, comme on pourrait le croire. La genrification des métiers, l’effacement de certains mots du dictionnaire de l’Académie française (pour plus d’informations à ce sujet je vous renvoie sur mon billet au sujet de l’importance d’utiliser le mot autrice) jusqu’au vol pur et simple des œuvres féminines par des hommes qui n’ont été que récemment remises en question.

Le cas de Catherine Bernard, un exemple parmi tant d’autres :
À cet égard, j’ai retenu plus particulièrement un exemple que je tenais à vous partager parce qu’il est particulièrement évocateur du propos du livre et qu’il marquera probablement autant votre esprit que le mien. Il s’agit de Catherine Bernard, une dame de théâtre au talent reconnu puisqu’elle touchait une pension de Louis XIV. Elle décède en 1712 et quelques années plus tard, Voltaire fait jouer une pièce intitulée Brutus… qui ressemble étrangement à celle de l’autrice, qui porte d’ailleurs le même titre. Pas de chance, certains critiques s’en rappellent ! Pour se défendre, Voltaire dit que de toute manière, ce n’est pas Catherine Bernard qui a écrit Brutus mais un certain Fontenelle. Il ne nie même pas le plagiat mais vous pensez bien qu’il ne va pas admettre avoir plagié une femme… À cause de cela, quand il doit rédiger la notice au sujet de Catherine Bernard dans sa fameuse encyclopédie, il la qualifie comme « auteur de quelques pièces de théâtre, conjointement avec le célèbre Bernard de Fontenelle, qui a fait presque tout le Brutus. » Bernard de Fontenelle qui, au fil du temps, devient son cousin, et comme c’est son cousin, ça fait d’elle la nièce d’un certain Corneille…

Voici donc comment on réécrit l’Histoire, même l’Histoire littéraire. Et si mon exemple en est tiré parce que je suis particulièrement sensible aux questions théâtrales, j’aurais également pu évoquer la façon dont les femmes sont gommées des conflits armés et révolutions diverses alors qu’elles ont fait leur part. Tout cela aussi, Titiou Lecoq en parle à travers ses 17 chapitres auxquels s’ajoute une conclusion.

Réécrire l’Histoire, mode d’emploi :
Mais comment est-ce possible, vous demanderez-vous ? Les raisons sont multiples et l’une d’elle est une croyance profondément ancrée depuis l’Antiquité que la femme est en réalité un homme raté, dont l’anatomie n’est pas sortie parce que l’enfant avait eu froid dans le ventre de sa mère (grosso modo). Puis, aux premières Modernités, avec la propagation de la dissection, les scientifiques affirment désormais que l’homme et la femme sont deux espèces différentes… Et comme l’homme est plus grand, plus fort, qu’il a un crâne plus grand, il est forcément supérieur à la femme.

La société s’inscrit ainsi dans une conception résolument binaire, ce qui explique notamment pourquoi beaucoup de gens ont énormément de mal à accepter les concepts de non-binarité ou d’intersexe. Et qui explique aussi pourquoi il a été nécessaire de systématiquement se battre pour obtenir le moindre droit, comme celui de voter, de disposer de son propre corps (notamment sur la question de l’avortement) et j’en passe. Un combat qu’il faut continuer à mener tous les jours et face auxquels certains se sentent menacés alors qu’il s’agit bien de conquérir le droit, pour la femme, d’être considérée comme un être égal. Notez également que des combats pour les droits de la femme, il y en a à travers l’Histoire qui se parsème de victoires mais surtout de reculs en la matière. Titiou Lecoq montre que rien n’est jamais définitivement acquis et que nous devons bien prendre garde à cela.

Et cela passe par l’éducation. J’ai été profondément choquée par le contenu des programmes d’Histoire en France, qui ont soi-disant été revus mais le manuel publié en 2019 chez Hachette ne consacre que 16 pages sur 277 aux femmes… SEIZE PAGES.
Cela pousse à réfléchir.
En tant qu’enseignante, je suis plus déterminée que jamais à consacrer une séquence complète à la question dans mes cours de français et j’ai déjà transmis les références de ce livre à ma collègue qui donne Histoire afin qu’elle puisse s’en servir. Je le suis d’autant plus que le livre de Titiou Lecoq m’a montré à quel point l’école a entretenu chez moi des préconceptions fausses et m’a inculquée une vision masculiniste du monde, au point de ne même pas me demander pourquoi il n’y avait pas de femmes chevaliers et de me satisfaire de l’évidence selon laquelle « je suis chanceuse de vivre dans un monde aussi évolué, progressiste et égalitaire »
Alors que… Non.
Je sais que j’ai déjà eu cette pensée quasiment en l’état. La lecture de ce livre m’a permis de mettre des mots sur un malaise insidieux et je ne pourrais jamais assez remercier son autrice pour cela.

La conclusion de l’ombre :
Je vous recommande chaudement la lecture de ce livre, que vous soyez ou non passionné.es.x par l’Histoire ou la reconnaissance féminine. Cet ouvrage dynamique et didactique est très accessible et bien référencé. L’autrice remonte le fil de notre Histoire pour mettre en avant ce qui en a été gommé et permettre de réfléchir sur notre éducation et nos préconceptions, tout en proposant des pistes de solution. Je vais me pencher sur ses publications antérieures et probablement reparler d’elle bientôt sur le blog.

D’autres avis : Pages versicoloresThe unamed bookshelfAu milieu des livresÔ Grimoire22h05 rue des dames – vous ?

Informations éditoriales :
Les grandes oubliées, écrit par l’autrice Titiou Lecoq. Éditeur : l’Iconoclaste. Prix : 20.90 euros.

Une histoire de genres : guide pour comprendre et défendre les transidentités – Lexie

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Une histoire de genres est un livre écrit par l’autrice Lexie qui possède également un compte Instagram (Agressively_trans) sur lequel elle évoque avec pédagogie les problématiques autour des transidentités. Ce livre est édité par Marabout et vous le trouverez partout en librairie au prix de 19.90 euros.

J’ai découvert ce livre sur le blog Ma Lecturothèque (que je remercie chaleureusement au passage ! ) et je l’ai aussitôt acheté car c’est un sujet qui m’intéresse beaucoup. Je me considère comme une alliée mais je me suis rendue compte qu’on ne trouvait pas si facilement des informations claires et justes sur le sujet complexe qu’est la transidentité (ou que sont LES transidentités). Il me semblait donc légitime de me référer à un livre écrit par une personne trans, qui sait donc de quoi elle parle, et qui a effectué un vrai travail de recherche et de synthèse sur le sujet, ne se limitant donc pas à une autobiographie ou un témoignage. Je souhaitais apprendre, découvrir et surtout, réfléchir sur mes constructions socio-culturelles.

Ce livre est parfait pour cela ! Il se divise en sept chapitres qui se répartissent ainsi :

Le premier explique ce qu’est « être trans » en insistant sur le fait que le genre n’est pas quelque chose de biologique. C’est culturel et social, à la différence du sexe. Ce sont des principes souvent mélangés et j’avoue que je les mélangeais moi-même avant. C’est aussi là que l’autrice explique qu’il n’y a pas une transidentité mais DES transidentités, et qu’on ne doit pas se focaliser sur la binarité masculin / féminin pour les comprendre. Cela paraît évident mais je me suis rendue compte que je m’y référais souvent malgré tout et quand je discute avec des personnes qui ne comprennent pas le fait d’être genderfluid, par exemple, c’est souvent ce qui coince puisque nous sommes élevé.es.x dans une société qui nous inculque de base la binarité.

Le second chapitre s’axe sur l’importance du vocabulaire et des mots. En tant qu’enseignante en français et communication, je suis sincèrement persuadée du pouvoir des mots et du fait qu’on nie une réalité en refusant de la qualifier, de la reconnaître avec un vocabulaire adéquat et surtout, choisi par les personnes concernées par cette réalité ! Parce que oui, s’il y a bien une chose qui transparait dans ce livre, c’est qu’on demande rarement (si pas jamais) l’avis des personnes trans pour décider de leur vie. C’est encore plus développé dans le chapitre suivant…

Le troisième chapitre parle du coming-out et des transitions, autant sur un plan social, biologique que juridique en expliquant comment cela se passe en France de manière très concrète et en démontant des idées reçues selon lesquelles transitionner passe forcément par une opération chirurgicale. Je dois avouer que, dans mon esprit, c’était le cas et ça m’a surprise d’apprendre le contraire. De plus, l’autrice explique aussi que quand des politiques votent des lois qui concernent les personnes trans ou se mettent d’accord sur les procédures à imposer pour réussir à changer de prénom, de genre sur leur carte d’identité, etc. c’est toujours décidé par des personnes cis qui sont rarement spécialistes du sujet, et ça passe donc par toute une série d’étapes humiliantes et déshumanisantes.

Le quatrième chapitre parle de transphobie, de son aspect volontaire ou pas, de la manière d’aider dans ces cas là, il sert aussi à définir le rôle des allié.es.x dans ces situations. J’y ai appris énormément et je me suis rendue compte que, parfois, malgré moi, j’avais des pensées qui sont en réalité transphobes alors que je ne le suis pas du tout. J’ai du faire une petite pause après la lecture de ce chapitre pour prendre le temps d’y réfléchir et je fais attention depuis à me corriger consciemment si ça se produit.

Le cinquième chapitre évoque la transidentité à travers le monde. L’autrice prend divers exemples sur tous les continents et montre non seulement que la transidentité est quelque chose d’ancien (on retrouve des traces d’autres genres que les binaires masculin / féminin à travers l’histoire, jusqu’en 4000 ACN) mais aussi de culturel, qui a finalement chez nous été influencé par le principe dominant de la binarité. C’était très intéressant, j’étais loin de me douter que ce principe remontait à si loin et avait été si répandu dans d’autres sociétés. Comme j’aime beaucoup l’Histoire, forcément, ce chapitre m’a parlé.

Le sixième chapitre parle des luttes que la communauté trans doit mener et pour quelle raison elle y est contrainte. Ce chapitre évoque également le fait que, régulièrement, la défense des droits des personnes trans rejoint, par exemple, celle pour les droits des femmes car une femme transgenre est confrontée à une double discrimination… Idem pour une personne racisée. Cela paraît évident quand on en parle mais je dois avouer qu’en tant que femme blanche, je n’y avais pas vraiment pensé de manière concrète. Cela m’a chamboulé mais dans le bon sens du terme !

Et enfin, le septième chapitre parle de la manière dont les personnes trans sont représentées dans les médias et dans la fiction. Lexie met en avant le fait que, régulièrement, les articles de presse sont écrits par des personnes cisgenres qui n’ont pas l’ouverture d’esprit nécessaire pour traiter correctement les faits liés à la communauté ni même le vocabulaire adéquat. Elle donne pour cela divers exemples, celui qui m’a le plus marqué étant le suicide d’une personne transgenre qui a été qualifié dans certains médias comme « un homme en robe »…. Sans déconner.
Idem pour la fiction, les films mettant en scène des personnes transgenres (déjà peu courants) ne sont quasiment jamais réalisés par des personnes trans et les personnages trans ne sont pas joués par des acteur/ices/x trans à UNE SEULE exception… C’est interpellant et cela s’applique aussi pour d’autres communautés. Je vis probablement dans le monde merveilleux des bisounours mais ça me semblerait pourtant logique de laisser la main aux personnes concernées pour parler de leur vie, de leur quotidien, au lieu d’extrapoler ce qu’on ne connait pas. On rejoint ici un peu les débats qu’il y a parfois autour du concept de sensitivity readers, que je trouve pourtant très pertinent de mon côté.

Ce que je retire de ce livre :
Et bien, énormément de choses ! J’en ai cité quelques unes à travers ma présentation mais c’est loin d’être complet tant cette lecture a été très riche. Je compte d’ailleurs relire l’ouvrage plusieurs fois à l’avenir, afin de m’en imprégner, de surligner des passages qui me semblent importants et d’effectuer un travail plus poussé sur moi et mes conceptions. Je ressors vraiment enthousiasmée de cette lecture parce qu’elle m’a humainement enrichie.

De plus, j’y ai appris l’existence d’une terminaison neutre. Depuis quelques temps, j’utilise l’écriture inclusive mais je restais sur l’expression du masculin et du féminin. La particule x désigne le genre neutre, pour les personnes non-binaires, et j’ai décidé de l’utiliser également même si la transition risque de prendre un peu de temps.

J’ai aussi conscientisé et accepté que, même en me pensant ouverte d’esprit et tolérante, je véhiculais des stéréotypes ou des modèles de pensée problématiques, comme par exemple le fait que je me demande toujours quel était le sexe biologique de départ de la personne trans, alors que ça n’a aucun intérêt de le savoir. Il faut se concentrer sur le genre dans lequel la personne s’identifie, point final. Le reste ne me regarde pas. Ce sont des exemples parmi d’autres mais c’est ainsi qu’on avance, petit pas par petit pas.

Je pourrais continuer longtemps à parler de ce que ce livre m’a apporté et appris mais je pense vous en avoir donné un aperçu suffisamment fidèle et enthousiasmé pour que vous ayez envie de sauter le pas de sa découverte par vous-même. C’est d’autant plus important que la transphobie est partout : les médias, les réseaux sociaux, parfois même dans la littérature… L’idée de ce livre, c’est de pouvoir s’éduquer, s’éveiller et comprendre. Ce livre se veut accessible à tous.te : les personnes trans, les allié.es.x, les simples curieux.ses.x, n’hésitez pas !

FOCUS sur… Arcane, un chef-d’œuvre d’animation.

Bonjour tout le monde !

Je n’écris d’habitude pas sur les séries que je regarde mais je vais faire une exception pour le chef d’œuvre qu’est Arcane.

(les images présentent cet article sont la propriété de RIOT et ne servent qu’à illustrer mon propos.)

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Avant-propos : RIOT et moi.
Il me parait important de poser un peu le contexte. Je joue à League of Legends depuis 2011 / 2012 soit une petite dizaine d’années, presque depuis le début du jeu. Avec WoW (que j’ai fini par arrêter), c’est le jeu qui m’a tenu le plus longtemps sur la durée et sur lequel je suis devenue une hardcore gameuse (que je ne suis plus aujourd’hui parce que vie d’adulte, tout ça…). Il y a une époque où je jouais tous les jours jusque tard dans la nuit, à enchaîner les parties en équipe avec une bande d’amis. De bons souvenirs.

Donc même si le jeu n’est pas parfait, que j’y ai eu des hauts et des bas, on peut dire que je suis passionnée. Il n’y a pas que le jeu en lui-même qui a su captiver mon intérêt mais aussi tout le lore créé autour, toutes les histoires des différents personnages, les évènements thématiques organisés, bref les bonus créés par RIOT qui va jusqu’à monter des groupes de musique virtuels (KDA, Pentakill, True Damage), élaborer des clips vidéos, des cinématiques, des cérémonies d’ouverture de folie aussi pour les championnats du monde… League of Legends n’a jamais été « juste » un jeu. C’est un univers complet, bien plus qu’il n’y parait et quoi qu’en disent ses détracteurs.

Mais il y manquait quelque chose. Quelque chose que j’attendais personnellement depuis des années.

Le film. Ou, dans ce cas-ci, la série.

Au départ, quand Arcane a été annoncé, je ne savais pas trop quoi penser. La bande-annonce et les premières images promettaient sur le plan visuel mais j’avoue n’avoir aucune grosse affinité avec les personnages de Piltover (à l’exception d’Orianna qui n’est pas présente ici) et de Zaun. Je trouvais Jinx cool, j’ai toujours bien aimé la voir apparaître dans un clip ou l’autre (l’inoubliable chanson Get Jinxed par exemple qui apparait en clin d’oeil dans la série) mais ça n’allait pas plus loin. J’étais donc impatiente… et un peu déçue aussi de ne pas voir mes personnages favoris mis en avant. Surtout que j’étais persuadée que les premières à avoir droit à leur série, ce seraient forcément d’abord Lux puis Ashe.

Mais j’avais confiance en RIOT malgré tout, parce qu’ils ont toujours fait les choses bien.
Même comme ça, je n’étais pas prête.
Définitivement pas prête pour la claque astronomique que je me suis prise avec le visionnage de ces trois parties. Et c’est la raison pour laquelle je vous en parle sur le blog.

Arcane, de quoi ça parle ?
À Piltover, la cité du progrès, un jeune chercheur découvre une nouvelle source d’énergie mêlant magie et technologie, qu’il souhaite exploiter pour aider les habitants alors que son vieux mentor craint que des esprits mal intentionnés ne s’en servent comme d’une arme. Parallèlement, dans les bas fonds de la ville, Vi et sa sœur Powder survivent comme elles peuvent alors que l’ombre de Silco s’étend sur elles…

Des personnages forts.
Arcane a été divisé et diffusé en trois parties contenant chacune trois épisodes. La première partie se concentre sur la jeunesse des personnages, que ce soit Vi, Powder, Ekko, Jayce, Viktor, Caitlyn… L’histoire passe d’un personnage à l’autre, permettant ainsi de comprendre facilement les enjeux mais également les grandes disparités sociales qui existent entre le haut et le bas de Piltover.

Vi et Powder sont sœurs, elles ont perdu leurs parents dans un raid des forces de l’ordre de Piltover et ont été recueillies par Vander, qui maintient l’ordre dans les bas fonds. Vi est l’aînée, elle sait user de ses poings pour défendre sa cadette, qui préfère inventer des gadgets qu’elle espère réussir à faire fonctionner un jour.

Ekko est un jeune orphelin passionné de mécanique qui travaille dans une petite boutique des bas fonds de la cité. Il est ami avec Vi et Powder.

Jayce est le fils d’industriels qui fabriquent des marteaux. Il est fasciné par la magie depuis l’enfance car un arcaniste a sauvé la vie de sa mère. Il est persuadé qu’on peut allier technologie et magie et mène des recherches dans ce sens.

Caitlyn est fille d’une famille influente du Conseil de Piltover et amie de Jayce. Elle est très douée au tir et veut entrer dans les forces de l’ordre, malgré la désapprobation de sa mère.

Enfin, Viktor est un jeune homme malade et handicapé physiquement qui vient de la basse cité et a décidé de s’en extirper. Il a rencontré Heimerdinger, membre du conseil, qui a été impressionné par son intelligence et sa force de caractère, au point d’en faire son assistant. Viktor va s’intéresser aux recherches de Jayce et l’aider dans celles-ci. Ils vont devenir amis.

D’autres personnages du jeu sont présents de manière secondaire, avec toute une série d’easter eggs mais je ne vais pas tout vous dévoiler non plus ! Sans compter qu’évidemment, leurs destins et lignes narratives vont se croiser à un moment ou à un autre, ce qui remettra en question leurs préconceptions…

Les personnages sont la première grande force de la série tout comme ils sont celle du jeu League of Legends. Ce ne sont pas simplement des archétypes, ils possèdent une personnalité bien affirmée et subtile. Ici, pas de manichéisme. Au contraire ! Ces personnages vivent tellement que j’ai regardé la série en me passionnant pour Viktor, alors que dans le jeu, il ne m’a jamais intéressé… De même, la série ne se restreint pas à mettre en scène des champions du jeu. Elle créé de nouveaux protagonistes, comme Silco et Vander, qui sont passionnants chacun à leur façon. Même si Silco porte l’étiquette du « méchant », je pense qu’il serait plus judicieux de le qualifier d’antagoniste, et encore… tout dépend du côté duquel on se place.

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Selon moi, c’est l’un des personnages les plus réussis parce qu’il restera ambigu jusqu’à la toute fin, avec d’un côté ses ambitions, la manière brutale dont il tente de concrétiser son objectif mais aussi sa relation avec Jinx. C’était sublime.

Les grandes thématiques :
La série traite de nombreuses thématiques mais on peut en retenir certaines avant les autres. Premièrement, il s’agit de dépeindre une lutte des classes très à propos dans l’époque à laquelle on vit. Elle a ceci de différent que les habitants des bas quartiers se battent plutôt pour obtenir une indépendance de Piltover et donc fonder la nation de Zaun, imaginée par Silco et pour laquelle il va œuvrer durant toute la série.

Deuxièmement, on y parle de développement technologique et on illustre l’adage selon lequel l’enfer est pavé de bonnes intentions. Viktor et Jayce sont jeunes, idéalistes, ils veulent aider les gens, mettre au point des outils pour soutenir les ouvriers dans leurs travaux pénibles, en s’aidant de la technologie Hextech qu’ils développent. Même si Heimerdinger les met en garde sur les risques et sur l’importance d’y aller doucement, ils n’écouteront évidemment pas, encore moins une fois que Piltover sera frontalement menacée par Jinx…

Outre ces éléments, on y parle de relations familiales difficiles, de résilience, on y dépeint une société en souffrance comme on tire une sonnette d’alarme.

Un rythme narratif inégalable.
J’ai parlé des personnages, des thèmes, il me faut donc maintenant parler de la construction narrative et de la manière brillante dont les scénaristes ont agencé les éléments pour permettre aux personnes qui n’ont jamais joué au jeu de s’immerger totalement tout en surprenant les joueurs / fans. Les trois premiers épisodes posent les bases, un peu l’origin story des protagonistes, afin de comprendre où ils en sont une fois que commence l’épisode 4, qui se déroule quelques années après les trois premiers.

Aucune scène d’exposition artificielle, aucun moment qui sonne creux ou faux. Tout est construit d’une manière à ce qu’on ne sente pas passer les 42 minutes de chaque épisode. C’est incroyablement fluide. Les scènes fortes s’enchainent, s’alternent avec des affrontements superbement chorégraphiés. Du génie.

Un visuel impeccable.
Mais ce qu’on retiendra peut-être avant tout ce que j’ai évoqué, c’est l’aspect visuel qui, pour une série télévisée, a son importance. C’est le studio français Fortiche qu’on retrouve à l’animation, studio qui s’occupait déjà notamment des clips KDA. Ils n’en sont pas à leur première collaboration avec RIOT, donc, et pas la dernière j’espère parce qu’ils gèrent tellement que j’en pleurerais de joie.

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Ce n’est pas qu’une question de design des personnages, c’est aussi une ambiance, une finesse dans les décors. Il suffit de voir la dichotomie criante entre Piltover et ce qui deviendra Zaun qui se traduit au niveau des couleurs et des textures mais aussi l’intelligence avec laquelle ont été chorégraphiées certaines scènes de combat, comme celle entre Ekko et Jinx ou entre Vi et Sevika.

Des musiques inoubliables.
Pour compléter l’ensemble, on peut compter sur Imagine Dragon (qui n’en est pas non plus à sa première collaboration avec RIOT, comment oublier Warriors, l’hymne des worlds de 2014 ?) pour signer un générique efficace mais aussi sur de nombreux autres artistes qui apportent une BO électro trash de folie. Je fredonne Enemy depuis trois semaines… J’écoute les musiques en boucle, je crois que ma préférée restera quand même Dirty Little Animals de Bones UK.

Arcane, c’est pour qui ?
Vous vous posez peut-être la question. En tout cas, on me l’a beaucoup posée sur Twitter après que j’ai partagé mon enthousiasme sur les trois premiers épisodes. Beaucoup de gens pensaient qu’il fallait absolument jouer à League of Legends pour apprécier Arcane mais ce n’est pas le cas du tout, au contraire.

Vous aimerez Arcane si vous appréciez l’esthétique steam / cyber punk, si vous aimez l’animation adulte sérieuse, si vous aimez les intrigues solides aux thématiques plurielles et que vous ne craignez pas de finir en PLS à la fin de l’épisode 9 qui m’a foutu une telle claque que je n’en suis toujours pas remise actuellement.

Pour moi, Arcane est une pépite. Un chef-d’œuvre. Je n’ai plus été aussi enthousiaste au sujet d’une série depuis longtemps et la dernière fois, ça devait être Rick et Morty. Autant dire qu’on est sur deux catégories très différentes… Alors n’hésitez pas à laisser sa chance à cette série, elle vaut le coup.

D’autres avis : L’Épaule d’OrionÉvasion Imaginaire – vous ?

Et vous, avez-vous regardé Arcane ? Qu’en avez-vous pensé ?
Est-ce que ça vous tente ? 

RÉFLEXION – s’il vous plait, les maisons d’édition : respectez votre lectorat !

Bonjour tout le monde !

Si vous me suivez sur Twitter, vous ne devriez pas être surpris.e de lire cet article aujourd’hui.

Petite mise en contexte :
Hier matin, j’ai commencé à lire le roman Three Dark Crowns de Kendare Blake chez Léha. Je l’avais acheté en librairie, attirée par le concept et par le fait qu’il y ait trois personnages féminins mis en avant. J’ai lu une centaine de pages avant de voir passer sur Twitter une chronique partagée par la maison d’édition. Dans cette chronique, Le Point explique qu’il s’agit d’un premier tome et que quand on arrive à la fin, on a hâte de lire la suite vu le gros twist.

Avant de m’énerver, j’ai quand même été vérifier sur mon exemplaire s’il n’y avait pas une mention « tome 1 » quelque part qui m’aurait échappée mais non. Rien sur la couverture, rien dans le résumé, rien non plus sur les premières pages ou dans les mentions légales. Par contre, dans la bibliographie de l’autrice fournie par l’éditeur il est bien noté « la série Three Dark Crowns » mais j’estime que c’est gravement insuffisant, comme une information donnée vite fait en espérant que personne ne s’en rende compte… J’ai quand même effectué une seconde vérification parce qu’il s’agissait peut-être de tomes indépendants. J’ai donc été lire le résumé du 2 et… Non, on y retrouve exactement les mêmes personnages, ça semble être une suite totalement directe, comme le sous-entend la chronique partagée par la maison d’édition d’ailleurs.

Je précise avant d’aller plus loin que si cette expérience a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase, de nombreuses maisons d’édition comme Mnémos avec notamment Chevauche-Brumes (l’éditeur donne une explication à ce sujet suite au partage de cet article, vous pouvez la lire en cliquant ici), ActuSF avec Rouge Toxic et Rouge Venom qui sont deux tomes liés entre eux sans que ça soit mentionné ou encore Denoël qui est aussi pas mal doué pour ça encore récemment avec Vers Mars qui est la suite de Vers les étoiles avec la même héroïne et tout (cette liste n’est pas complète, j’ai noté les premiers titres qui me viennent à l’esprit) ont contribué à le remplir, ce vase. Mon but ici n’est pas de taper sur Léha (ni sur les autres) mais simplement, d’une part, de vous informer si vous comptiez lire ce roman (enfin cette saga donc…) et d’autre part, de discuter de ce qui est, pour moi, un vrai souci et une grosse rupture de confiance.

Lire en dehors de la blogosphère.
Je pense important de dédier au moins un paragraphe à une petite mise au point, parce que ça n’est pas toujours clair dans tous les esprits. La blogosphère SFFF est un microcosme, un entre-soi où on se connait tous.tes plus ou moins, ne fut-ce que de nom, où on échange régulièrement avec les mêmes personnes quand on lit des romans étiquetés « imaginaire adulte ». On a vite le sentiment que l’univers des lecteur.ices s’y réduit et j’oublie moi-même parfois que ce n’est pas le cas.

En réalité, je pense que plus de 90 si pas 95% du lectorat ne tient pas de blog et n’en lit même pas. Ces personnes achètent leurs romans en librairie et vont les emprunter à la bibliothèque, iels en parlent peut-être autour d’elleux mais c’est tout. Iels ne sont donc pas spécialement au courant de l’actualité littéraire, que ce soit française ou à l’étranger et s’en… moquent en fait. Nous appartenions tous.tes, auparavant, à cette catégorie de lecteur.ice. Personnellement, j’allais à la FNAC de ma ville (Kazabulles n’existait pas encore) je flânais dans le rayon SFFF (qui était surtout bit-lit B. à ce moment-là), je lisais un résumé, j’étais attirée par une couverture, mais je ne cherchais pas de références sur Internet. À la limite, je demandais conseil à la dame responsable du rayon et ça s’arrêtait là. C’est ainsi qu’agit la majorité du lectorat. Donc ce qui est une évidence pour les personnes qui lisent en VO ou qui sont au top de l’actualité littéraire SFFF francophone ne l’est pas pour la plupart des gens.

En voyant un roman sans mention de tomaison, l’innocent.e lecteur.ice pensera logiquement qu’il s’agit d’un volume unique et se fera avoir.

Une pratique malhonnête.
Je juge la pratique malhonnête de la part des maisons d’édition. J’ai conscience qu’une série se vend moins bien auprès du grand public, que c’est un pari du coup plus risqué, sauf que ça ne constitue en rien une excuse. En ce moment, je n’ai pas envie de m’investir dans des séries parce que je trouve davantage mon compte à lire du one-shot, du roman court ou de la novella. C’est mon droit le plus strict. Si j’ai arrêté les SP, c’était pour retrouver le contrôle de mes lectures. Le contrôle total. Avec des pratiques éditoriales comme celles-là, on m’en empêche et ce n’est pas normal. La confiance est déjà rompue à ce moment-là mais il reste encore un argument de poids…

Le budget ! Car oui, l’argent ne s’est toujours pas décidé à pousser sur les arbres (franchement, il abuse !). J’ai dépensé 20 euros pour un roman qui en comptera finalement trois autres sans compter deux novellas, si j’en crois la page de l’autrice. Rien que pour les romans, si le prix se maintient (et vu les problèmes de papier en ce moment, j’ai comme un doute), ça signifie qu’au lieu d’un investissement à 20 euros, je pars a priori sur un investissement à 80 euros ! Ce n’est plus vraiment la même chose et je sais que pour certain.es lecteur.ices, c’est une dépense trop importante qu’iels ne peuvent pas forcément se permettre. Idem pour les bibliothèques ! On m’a fait remarquer sur Twitter que ça arrivait sans arrêt au sein des bibliothèques de commander des romans qui sont en fait des premiers tomes déguisés. On oublie aisément que ces institutions ont des budgets très serrés…

Alors oui, c’est malhonnête et j’en ai marre. Les premières fois où j’ai été confrontée à cette pratique, je n’ai rien dit (rien osé dire, je l’avoue j’ai même parfois défendu les structures concernées en m’obligeant à croire que oui il s’agissait bien de tomes indépendants (NON en fait !!)) parce que ça concernait des auteurs que j’apprécie ou des maisons d’édition que je respectais encore à ce moment-là, avec lesquelles je travaillais. J’ai ressenti un malaise mais je n’avais pas les mots et j’osais moins rentrer dedans. Aujourd’hui, alors que je me suis détachée de ces structures en n’acceptant plus de services presses, je suis redevenue une simple lectrice qui paie ses romans et qui n’a pas envie d’être menée en bateau par une maison d’édition. Une simple lectrice qui se sent, du coup, le droit de dire qu’elle est contrariée.

J’ai payé pour un one-shot. J’ai reçu un premier tome.
Ce n’est pas la même chose. Pas du tout.
Et bien mon argent ira désormais à des maisons d’édition plus éthiques qui ont la décence d’inscrire la tomaison sur leur saga.
Si je n’avais pas acheté ce roman chez un librairie indépendant, j’aurais même été me le faire rembourser.
J’ai conscience que ça ne représente rien pour ces structures mais ça me permet d’être en paix avec moi-même que de prendre cette décision et de m’y tenir. Je n’appelle pas au boycotte, je n’essaie pas de lancer une révolution ou de culpabiliser les personnes qui n’y voient aucun problème. Chacun.e est libre de penser ce qu’iel veut et d’agir comme iel l’entend.

J’espère juste que l’un.e ou l’autre responsable éditoriale passera par ici et qu’iel réfléchira deux minutes sur cette problématique, la prochaine fois qu’on lui proposera de faire passer un tome 1 pour un one-shot.

S’il vous plait, respectez votre lectorat.

Le compte-rendu de l’ombre : les Halliennales 2021

Coucou tout le monde !

Le 2 octobre 2021, je me suis rendue au salon des Halliennales près de Lille, dans le nord de la France. Premier gros salon pour moi depuis la foire du livre de Bruxelles en 2020, qui s’est déroulée une semaine avant le fameux lockdown… Ça valait bien un petit compte-rendu, non ?

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Je ne vous parle quasiment jamais des salons auxquels j’assiste parce que je m’y rends d’abord avec ma casquette d’autrice pour dédicacer mes romans et que je fais en sorte de dissocier le blog de cette activité, pour diverses raisons dont j’ai déjà pu parler. Pourtant, cette double casquette fait partie de moi et en lisant récemment un autre compte-rendu de salon, je me suis dit que ça pouvait peut-être se révéler intéressant de vous parler de ma façon de vivre ce genre d’évènement.

L’ombre en mode autrice.
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Le plus délicat pour moi consiste à gérer mon temps de loisir et de travail. Je viens avant tout pour présenter mes romans et donc être présente sur le stand Livr’S, peu importe la fréquentation du stand ou du salon. Une question de respect vis à vis de mon éditrice. C’est probablement le plus difficile quand on doit se contenter d’attendre un peu d’attention d’un.e lecteur.ice de passage pendant parfois une heure ou deux. Plus le temps passe et plus j’ai du mal à laisser mes fesses collées à ma chaise quand le battement est trop long. Je travaille dessus mais on ne va pas se mentir, ça ne fonctionne pas toujours.
Nous avons évidemment droit à des pauses mais il faut les gérer pour que chaque auteur.ice puisse avoir la sienne et donc ne pas abuser question disparition. J’avoue que je suis une spécialiste du « je reviens dans cinq minutes » qui se transforme en quinze. C’est devenu un running gag avec mon éditrice, qui est quand même la femme la plus patiente du monde (non, elle ne m’a pas contrainte à écrire ça !).

Lorsque je suis derrière mes romans, mon plus grand plaisir est de discuter avec des lecteur.ices. Pas forcément les mien.nes, juste des personnes qui s’arrêtent pour poser des questions (sur ce salon on m’a demandé deux fois des conseils éditoriaux par exemple), lire des quatrièmes de couverture, recevoir un conseil en fonction de leurs goûts. C’est ce que je préfère mais je me suis rendue compte que je m’épanouis davantage à vendre et conseiller les romans de mes collègues que les miens. Au point que je passe une partie de mes pauses sur le stand du Chat Noir (le plus souvent) à recommander tel ou tel titre. Tout le monde sait très bien que si je ne suis pas sagement assise, c’est le lieu où on a le plus de chance de me trouver. Cette constatation me fait me demander si je ne devrais pas plutôt participer à ces évènements en tant que « libraire » en soutien aux éditeur.ices et c’est une réflexion très sérieuse sur laquelle je me penche en ce moment.

L’ombre en mode… un peu des deux.
Quand je sors de derrière le stand, je redeviens (juste) Manon / OmbreBones, la lectrice et blogueuse. Pourtant, mes rapports avec les auteur.ices ont une dimension supplémentaire puisque je suis également vue comme une collègue par la plupart. On peut donc discuter de davantage de sujets internes au milieu puisque je possède les connaissances nécessaires pour cela. Avec Estelle Faye, on a par exemple parlé de Gilles Dumay et du très bon travail réalisé par AMI sur son roman. Comme elle en sortait un autre chez Rageot presque en même temps, on a pu échanger sur la manière dont chaque éditeur travaille et j’ai trouvé ça plutôt riche puisque ça m’a permis de comparer avec ma propre expérience.

Être une collègue, même d’une autre maison, permet également de se confier plus honnêtement sur les projets en cours et les sorties à venir, puisqu’on a conscience du devoir de réserve que cela implique tant que rien n’est officiellement annoncé. C’est un de mes plus grands plaisirs (coupables), de savoir ce qui va sortir plus ou moins quand l’année prochaine et de qui. Et non, je ne dirais rien !

Mais surtout, pour moi, un salon du livre, c’est en premier lieu une occasion de revoir des copains et des copines auteur.ices. Le milieu reste petit, on finit tous.tes par se connaître, s’appeler par nos prénoms, avoir des petites blagues entre nous (tellement attristée par l’absence de Monsieur Nyx aux Halliennales, franchement tout se perd !). Évidemment, on n’apprécie pas tout le monde de la même manière mais depuis mon premier salon en 2015 (ça commence à dater…) je reste dans l’ensemble ravie des rencontres et des relations tissées au sein du milieu littéraire. Je me rends compte que ces personnes m’ont manqué durant le confinement, que ce microcosme a laissé un vrai vide qui a été comblé samedi dernier. C’est mon statut d’autrice qui m’a permis d’avoir tout cela et pourtant, aujourd’hui, je ne me sens plus vraiment comme telle et c’est quelque chose qui m’a perturbé durant tout le salon. Je crois que je vis en ce moment une transition d’un statut à un autre (mais lequel ? Mystère…) et que je me cherche encore.

L’ombre en mode 100% lectrice.
Cela étant, j’ai évidemment acheté des romans. Six en tout, ce qui est très raisonnable quand on pense que j’avais pour habitude de repartir avec au moins le double, auparavant.

Eliott et la bibliothèque fabuleuse de Pascaline Nolot chez Rageot.
Les héritiers de Brisaine, tome 1 de David Bry chez Nathan.
À l’ombre du manoir, tome 1 de Lizzie Felton aux éditions du Chat Noir.
Lullaby de Cécile Guillot aux éditions du Chat Noir.
Widjigo d’Estelle Faye chez Albin Michel Imaginaire.
L’arpenteuse de rêves d’Estelle Faye chez Rageot.

Trois jeunesses et trois romans adultes, quatre formats courts et deux romans de taille normale. Vu que j’ai du mal à me motiver à lire, je me suis dit que ce serait une bonne idée de me concentrer sur des textes plus accessibles et qui demandent un moins gros investissement en terme de temps mais aussi sur des auteur.ices qui ont fait leur preuve pour moi et dont j’ai quasi systématiquement aimé les textes. On verra si j’ai eu raison !

D’ailleurs, cela me permet de vous parler d’une autre de mes habitudes de salon. Je ne lis jamais les dédicaces tout de suite. J’attends d’être rentrée chez moi, d’être posée dans ma chambre et juste avant de dormir, j’ouvre chaque livre en prenant le temps de me rappeler la discussion échangée avec l’auteur.ice, puis je lis le mot laissé dans le roman. Certains sont plutôt classiques (c’est très difficile d’être original dans une dédicace !) mais d’autres sont plus personnels, en fonction du degré d’amitié que je partage avec l’auteur.ice concerné.e et ça me fait toujours chaud au cœur.

Par exemple, le premier livre acheté aux Halliennales a été celui de Lizzie Felton parce que je savais que beaucoup de monde allait se ruer dessus et que je ne peux pas me permettre de faire la file pour une dédicace, j’ai donc « triché » en y allant avant l’ouverture officielle. Ce que tout le monde fait, en réalité… C’était sa toute première dédicace dans son nouveau roman, elle ne l’avait même pas encore vu ! Et elle s’est déroulée dans la pénombre vu que les lumières n’étaient pas encore allumées de notre côté de la salle… Toute une aventure ! Lizzie dédicace avec une équerre pour écrire bien droit et faire ça proprement (il y a une histoire assez drôle derrière cette habitude mais si vous la connaissez un peu, elle ne sera pas difficile à deviner :P). Un joli mot touchant avec des cœurs et une mention spéciale comme quoi je possède bien le tout premier Manoir dédicacé. Cela satisfait beaucoup mon côté collectionneuse.

Le mot de la fin… ou presque.
Des anecdotes, il y en a plein et si j’ai évoqué plus particulièrement celles-là, c’est parce que ce sont les plus intéressantes. J’aurais aussi pu (et même du) parler de la gentillesse de Pascaline, du sabotage de Mathieu (qui dresse son terminal à refuser ma carte mais pas de bol, j’ai de la ressource ! #niark), de l’honnêteté de David Bry (vis à vis de son roman jeunesse qui n’était probablement pas fait pour moi MAIS que j’ai quand même acheté parce que cet auteur est trop bien, lisez le !), insister sur l’énergie d’Estelle Faye, glisser un mot sur le succès du talentueux Ariel qui ne pourra décidément jamais aller manger à l’heure sur un salon (mais ce n’est rien à côté de la courageuse Georgia Caldera qui avait toujours une file d’au moins 20 personne pour l’attendre, elle doit avoir le poignet foulé o.o) et qui pourtant prend toujours le temps de discuter et de plaisanter, de l’adorable Céline avec qui on peut parler de tout, d’Estelle (Vagner) la déléguée commerciale officielle des télescopes (ne cherchez pas) mais aussi de Sonia qui a nourri tout le salon à elle toute seule grâce aux dons de ses admirateur.ices, de la jeune Aline qui a (enfin !)  connu son premier vrai gros salon, de mon voisin Bertrand avec qui on rigole toujours pour un millier de raisons… et j’en oublierais encore parce qu’on ne peut pas se rappeler de tout.

Merci à chaque personne qui a contribué à cette belle journée et merci à l’organisation d’avoir permis au salon de se tenir dans de bonnes conditions. 

Et voilà, on arrive à la fin de ce billet un peu décousu. Je ne sais pas trop ce que je cherche à raconter au milieu de toutes ces réflexions. Je crois que je souhaite surtout partager avec vous un petit pan de ma vie autrice / lectrice. J’espère que cela vous plaira et s’il y a des choses que vous souhaitez savoir en plus, n’hésitez pas à me poser la question !

#ProjetOmbre : clap de fin anticipé

Logo ProjetOmbre
Bonjour à toutes et à tous !

Si vous me suivez sur Twitter, cet article ne devrait pas être une grande surprise pour vous. Le 18 mai dernier, je réalisais un sondage au sujet du #ProjetOmbre pour prendre un peu la température face à un potentiel arrêt anticipé du challenge et j’ai été confrontée à beaucoup de bienveillance et de compréhension autour de cette question. Merci pour ça ♥

Je pense qu’il est important de vous expliquer un peu mon cheminement de pensée sur le sujet. Donc installez-vous, prenez un petit thé, on va causer.

Quand j’ai repris le #ProjetMaki pour sa seconde édition, je savais plus ou moins à quoi je m’attaquais : un challenge littéraire d’envergure, avec une cinquantaine de participants, à animer toute l’année pour maintenir l’intérêt. J’étais motivée et pleine de bonnes intentions, sincèrement. J’avais envie d’aller au bout de l’aventure.

Mais.

Déjà, je me suis rendue compte qu’il y a plusieurs degrés de « savoir » et que même quand « on sait » une fois qu’on se confronte à la réalité, on tombe de haut. De plus, entre temps, mon rapport au blog a évolué. J’en ai un peu parlé dans mon dernier bilan mensuel et je compte en reparler plus tard une fois mon dernier service presse lu. En quelques mots : je me suis rendue compte que je me mettais trop de pression pour publier un quota d’articles par semaine, que je lisais en me demandant ce que je pourrais écrire sur tel livre ou tel autre et j’en ai eu ma claque. Ce n’est pas un rapport comme celui-là que je veux avoir avec la lecture. Je veux retrouver ce plaisir simple de lire tel livre parce que j’en ai envie et pas parce qu’il vient de sortir. De relire des romans ou des mangas et ne pas juste me concentrer sur la découverte des nouveautés. De laisser de côté un livre pendant deux ou trois jours si je n’ai pas le temps / l’envie de l’ouvrir sans pour autant commencer à paniquer en me demandant ce que je vais bien pouvoir écrire sur mon blog.

Ces réflexions m’ont mené à une diminution de mes articles mais aussi de ma présence sur les réseaux sociaux. Parce que la pression, je me la mettais là aussi : je dois publier pour dire ce que je lis, ce que je fais, pour échanger avec les autres… Sauf que, pourquoi ? C’est la question que je me suis posée. Pourquoi « je dois » ? Est-ce que j’en ai seulement envie ?
De là, j’ai mis mon compte Instagram en pause, je traine sur Twitter quand j’en ai envie et si je n’ai rien à dire, je ne me contrains pas à poster des trucs « pour faire du like ». Je précise que j’avais déjà entamé ce processus il y a des mois et que je n’ai jamais été du genre à étaler ma vie (sauf ma vie littéraire) sur les réseaux. Donc peut-être que la plupart d’entre vous n’ont rien remarqué et finalement, tant mieux. Bref, avec cette nouvelle façon de considérer ma pratique du blogging, il est difficile de s’improviser community manager sur un challenge littéraire, encore moins sur une aussi longue période de temps. J’ai beaucoup de respect et d’admiration pour les personnes qui s’en sortent là-dessus parce que c’est chronophage et que c’est un aspect qui, personnellement, ne m’intéresse pas vraiment. Et j’en ai marre de me contraindre à faire des choses qui ne m’intéressent pas vraiment sur mon temps libre, parce que je le fais assez au boulot.

Du coup, avec moins de rappel, d’animation etc. de ma part, forcément, le  rythme du challenge a beaucoup ralenti pour la plupart des participant/es à quelques notables exceptions. Vous me direz, s’il y a toujours des personnes actives, pourquoi arrêter ? Et bien peut-être par égoïsme mais je l’assume. Je ne pense pas que mon bien-être doive passer au second plan car ce blog est un hobby, pas mon travail. Je ne me sens plus apte, aujourd’hui, à porter correctement ce challenge jusqu’au bout. De plus, je considère que ce serait un manque de respect envers les participant/es que de faire les choses à moitié ou par-dessus la jambe. Mon principe, c’est de faire bien ou de m’abstenir. C’est peut-être radical mais voilà… Je préfère offrir une belle fin à ce challenge, remplir les attentes (au moins en partie) des participant/es et des éditeur/ices qui ont offert des lots, puis passer à autre chose pour me libérer l’esprit de ces contraintes.

Je vous annonce donc officiellement que le challenge prendra fin le 30 juin 2021.

Pourquoi le 30 juin ? Déjà parce que ça fait six mois tout pile donc c’est plutôt bien. Puis parce que les challenges estivaux vont commencer et cela libèrera du temps pour celleux qui souhaitent y participer. Ce qui ne sera pas mon cas car je me suis aussi rendue compte que les challenges littéraires ont du mal à m’accrocher sur le long terme, que ce soit le Printemps de l’Imaginaire Francophone ou encore le S4F3 même si, l’année où l’amie Lutine postait presque toutes les semaines (ou mois ?) un récapitulatif, je réussissais à bien m’accrocher et m’investir car il y avait un gros aspect ludique. Toutefois, ça demande un temps monstrueux ! Et j’ai beaucoup d’admiration pour elle d’y être ainsi arrivée.

Sachez qu’une personne s’est déjà montrée potentiellement intéressée pour la reprise du challenge mais sur un autre format. Mon expérience aura au moins servi de leçon et de matériel pour une réflexion à ce sujet. Je pense qu’il faudra le revoir en profondeur en terme de durée et d’animation afin que ça soit plus gérable pour tout le monde : la personne qui l’organise comme les lecteurs. D’autant que j’ai reçu plusieurs remarques très pertinentes sur le sujet de lecteurices qui ne participaient pas justement parce qu’un an c’est trop long et trop chronophage.
Toutefois, si l’idée d’animer ce challenge vous tente aussi, n’hésitez pas à vous manifester. Après tout, on pensait déjà de base le faire voyager chaque année d’un blog à l’autre alors ce serait l’occasion.

Voilà où j’en suis actuellement et le pourquoi du comment de ma décision. Je trouvais important de me montrer transparente envers toutes les personnes qui ont pris la peine de participer, à un moment ou à un autre, mais aussi d’expliquer en détail ma réflexion parce que ça pourrait être utile à quelqu’un qui envisagerait de se lancer dans cette grande aventure qu’est l’organisation d’un challenge littéraire.

Sur un aspect plus pratique :
-Les lectures compteront jusqu’au 30 juin 2021 à minuit.
-Vous aurez jusqu’au 7 juillet 2021 à minuit pour renseigner vos chroniques. Si elles ne sont toujours pas publiées à cette date, vous pourrez remplir le formulaire avec les bonnes infos et me poster par la suite votre lien dans l’article récapitulatif pour que je l’ajoute. Le formulaire disparaîtra le 8 juillet 2021 au matin.
-L’article récapitulatif final sera publié le 9 juillet 2021, y seront également annoncés les gagnant/es du tirage au sort ! Ces personnes devront me contacter pour choisir leur lot parmi ceux offerts par les maisons d’édition et elles le recevront au plus tôt dans la foulée.

Voilà tout ce que j’avais à dire sur le sujet !
Merci de m’avoir lue jusqu’ici et surtout, prenez soin de vous ♥