Les abandons de l’Ombre : Les tribulations d’Esther Parmentier, La fureur des siècles, Nos destins sombres.

Souvenez-vous… J’ai commencé l’année 2023 avec une série d’abandons (pas moins de sept à la suite !) qui a certes drastiquement réduit ma PàL mais aussi mené à bien des réflexions chez moi. J’écris ce billet début février même si vous devriez le lire à la fin du mois de mars pour cause de planification. J’ai décidé de vous parler de certains titres qui rencontrent un succès quasiment unanime chez tout le monde… Sauf moi. Erf.


Les tribulations d’Esther Parmentier est une série à succès dite jeunesse et d’urban fantasy, écrite par l’autrice française Maelle Dessard et publiée chez Rageot. On y suit donc, comme le titre l’indique, Esther Parmentier qui est une jeune femme disons… casse-pied, pour rester polie, et qui se retrouve embarquée dans une enquête pour meurtre aux côtés d’un vampire détective.

Je ne peux pas en dire beaucoup plus parce que j’ai assez rapidement abandonné cette lecture. Dés les premières lignes, j’ai trouvé l’héroïne pénible à se plaindre sans arrêt. Elle a provoqué chez moi un sentiment immédiat de rejet mais je serais bien en peine d’en expliquer consciemment la raison avec davantage de détails. Ce sont des choses qui arrivent d’autant que parfois, dans la vie, on rencontre quelqu’un qu’on déteste tout de suite sans s’expliquer pourquoi. Pour ne rien arranger, la narration est à la première personne et dans ces cas-là, quand on n’accroche pas au personnage principal, ça devient difficile d’être indulgent avec la façon dont elle s’exprime. Par extension, le style d’écriture qui m’a crispé.

Je suis tout de même allée suffisamment loin pour trouver la mise en place de l’enquête et de la rencontre avec le vampire tirée par les cheveux et leur première interaction plus qu’agaçante. J’ai tellement roulé des yeux que j’en ai eu mal à la tête. Je pense que ce roman, je l’aurais probablement mieux aimé il y a cinq ou dix ans, quand j’étais encore dans un trip urban fantasy / bit-lit mais ce n’est plus le cas et je me rends compte que je suis de plus en plus dure avec les livres de ce genre-là, sans doute d’une façon injuste pour les textes concernés. Je vous invite donc à découvrir les avis plus enthousiastes des blogpotes, référencés ci-dessous.

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J’ai lu énormément de romans de cet auteur et si j’ai commencé par une trilogie qui a été un énorme coup de cœur, je n’ai plus vraiment réussi à m’emballer autant pour un de ses romans par la suite. J’espérais que celui-ci changerait la donne puisqu’il prend place dans une époque qui me plait mais ce ne fut malheureusement pas le cas.

L’histoire se déroule en 1515, en Europe. Léonard de Vinci a inventé une machine capable de détraquer l’espace et le temps à certains endroits, ce qui permet au roi François Ier de régner en maître sur l’Europe. Alors que le monarque français est sur le point d’attaquer la couronne des Habsbourg, le condottiere Sforza intervient, désireux de se venger de la prise du milanais qui a eu lieu des années plus tôt…

Tout commençait bien. J’ai accroché tout de suite au ton très verbeux du récit, dans l’ambiance des chroniques qu’on pouvait lire jadis. Puis les points de vue ont commencé à s’alterner entre la compagnie de mercenaires qui travaille pour Sforza et Léonard de Vinci (quoi que toujours d’une façon rapportée par le narrateur qui l’aurait par chance rencontré plus tard) mais la partie sur le grand génie était clairement très en dessous question intérêt. Puis finalement, arrivée à la moitié, j’ai senti mon intérêt décliner et j’ai un jour refermé le livre sans avoir envie de le rouvrir, ni de savoir ce qui arriverait aux protagonistes.

Cela s’explique aussi par deux éléments dont je n’ai pas encore parlé : d’abord le personnage de Reginus, qui est aussi le narrateur, est très pénible dans sa naïveté et sa candeur, très manichéen aussi au départ. J’ai eu envie de lui coller des claques plus d’une fois et je n’étais pas trop d’humeur. Ensuite, je ne suis pas parvenue à suspendre ma crédibilité pour tout ce qui concerne la Furia. Il m’a manqué des explications claires et cohérentes autour de ce phénomène, les lois qui le régissent, etc. Peut-être qu’elles arrivaient plus loin dans le roman mais je n’en ai pas vu trace à la moitié et ça m’a lassée parce que je ne parvenais pas à croire, du coup, aux évènements racontés. Enfin, vous le savez, j’ai beaucoup de mal avec la thématique de « voyage dans le temps » ou d’époques qui se croisent et ont une incidence l’une sur l’autre. J’ai pensé que Johan Heliot réussirait à me faire passer outre cette réticence, mais non. Dommage, à nouveau…

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Je savais très bien en achetant ce roman que ce serait quitte ou double mais j’avais d’une part adoré la nouvelle de l’auteur dans l’anthologie 9 et, d’autre part, c’était son premier roman alors j’ai voulu le soutenir, tout simplement. Sans compter que le concept m’intéressait.

Orphée se réveille au royaume des morts et y retrouve sa conscience presque un an après son décès. La banshee Cassidy doit l’aider à passer de l’autre côté mais Orphée ne l’entend pas de cette oreille parce qu’il a laissé derrière lui son petit ami Isidore, qui souffre de sa mort et a des pensées suicidaires. L’histoire se déroule à la Nouvelle-Orléans, on touche au culte de la Santa Muerte et à un certain mystère qui plane autour de la mort d’Orphée, dont ce dernier ne se rappelle pas.

Honnêtement, ça partait bien mais j’ai d’abord tiqué sur la narration. Aiden Martin a choisi de l’alterner, chaque fois à la première personne mais du point de vue d’Orphée puis de celui d’Isidore. Au sein de cette narration, les deux personnages s’adressent directement au lecteur avec des parenthèses et des plaisanteries, ce qui m’a sorti de l’histoire. C’est un procédé narratif que j’appréciais avant et que j’ai même utilisé parfois dans ma propre duologie d’urban fantasy mais la sauce n’a pas pris ici.

Ensuite, je dois avouer qu’Orphée est agaçant. Évidemment, sa situation n’est pas très agréable et je ne réagirais pas mieux à sa place mais je ne suis pas parvenue à éprouver de l’empathie pour lui, au contraire d’Isidore. S’il n’y avait eu que sa narration à lui, je pense que j’aurais lu le roman en entier mais une fois à la moitié, j’ai passé des pages pour simplement aller directement à la fin, curieuse de savoir s’il réussirait à passer à autre chose et si ma théorie était juste. Je dois avouer qu’après avoir lu la fin en question… J’ai été déçue tellement c’est attendu, déçue d’avoir tout simplement raison. J’ai gagné le pari avec moi-même et j’aurais préféré le contraire. Je dois vraiment arrêter d’acheter ce type de roman, je ne les apprécie plus à leur juste valeur.

Dernière chose et non des moindres, la mise en page. Le roman est très épais, trop pour que le Chat Noir puisse conserver sa mise en page habituelle sans sortir une trop grosse brique qui poserait des soucis d’envois postaux. Au lieu de couper le roman en deux (et c’est vrai que je ne vois pas où ils auraient pu le faire) ils ont décidé de réduire la taille de la police d’écriture au sein du livre. Le problème, c’est que c’est beaucoup trop petit pour mes yeux et je n’ai pas de soucis de vue donc je n’ose pas imaginer pour d’autres dont ce serait le cas. Même si je comprends ce choix, je ne le trouve pas optimal pour le confort de lecture et si je m’en étais rendue compte avant de l’acheter, je l’aurais probablement pris d’abord en numérique.

D’autres avis : pas chez les blogpotes.

Quelles conclusions en tirer ? 
Elle est double et rejoint en partie celle de mon précédent billet sur les abandons. Déjà, mes goûts évoluent et j’apprécie plus difficilement l’urban fantasy, peu importe son cadre, car j’en ai trop lu et ses codes me sortent par les yeux. Je dois donc arrêter de me laisser avoir par ce genre littéraire et accepter qu’il ne me convient plus.

Ensuite, je dois éviter d’acheter un roman juste parce que j’ai eu une bonne expérience avec son auteur (sauf si c’est Ada Palmer ->). J’ai déjà eu ce sentiment plus tôt cette année après ma lecture de Thomas le Rimeur d’Ellen Kushner et ça se vérifie ici avec Johan Heliot, avec qui je n’en suis pourtant pas à ma première désillusion. Oui, il y a des auteur·ices que j’adore ou que j’ai adoré lire une fois, mais cela ne signifie pas qu’ils proposeront à chaque fois des livres faits pour moi. Autre exemple l’année dernière : j’ai lu Widjigo d’Estelle Faye chez Albin Michel Imaginaire et je n’ai pas du tout accroché à son livre. Si ça n’avait pas été son roman, je ne l’aurais même pas acheté de base… Alors au lieu du nom d’un·e auteur·ice, je dois plutôt me baser sur le contenu car au fond, c’est ce qui importe vraiment.

Et vous, est-ce que vous avez abandonné un livre récemment ?

Les Enfants de la Terreur – Johan Heliot

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Il n’est pas rare pour moi de lire les romans de Johan Heliot dont j’apprécie beaucoup le talent pour l’uchronie. À  mes yeux cet auteur est une référence dans le domaine si bien que je fonce sur ses publications adultes (parfois jeunesses mais moins) sans une once d’hésitation. Alors quand l’Atalante a annoncé une nouvelle parution qui allait se dérouler durant la Révolution française avec le Marquis de Sade en personnage principal, j’ai tout de suite été emballée puisque je me suis passionnée par les récits du monsieur durant ma scolarité. Imaginez moi, ado, avec Justine ou les malheurs de la vertu dans mon sac… Je me sentais trop rebelle.

Bref, sur le papier, les Enfants de la Terreur avait tout pour me plaire. Hélas…

J’ai commencé sa lecture à un moment inadéquat si bien qu’au bout d’une cinquantaine de pages, j’ai refermé le livre sans trop savoir où le ranger. Le remettre dans ma PàL ? Le condamner à la caisse des dons sans autre forme de procès ? Le ranger dans ma bibliothèque en trichant un peu parce que bon, c’est Johan Heliot quand même ? Finalement, plusieurs chroniques sont sorties peu après et m’ont convaincues de lui redonner une chance sans trop tarder. Cette fois-ci, je suis allée au bout et si dans l’ensemble, j’ai plutôt apprécié, je me dois de nuancer.

Quelques éléments de contexte :
Qui dit uchronie dit forcément lien avec l’Histoire mais aussi point de divergence. Dans Les enfants de la Terreur, Johan Heliot choisit de laisser Robespierre en vie. Il n’est donc pas assassiné en 1794, ce qui lui permet d’ancrer ses idées et son gouvernement pendant plusieurs années. La France s’étend sur un plan militaire, elle devient conquérante avec à la tête de son armée un certain Napoléon Bonaparte, pendant que son peuple vit dans la misère… Une misère qui pousse à certaines extrémités.

Johan Heliot décrit une société qui fonctionne en économie de guerre, où les jeunes valides sont envoyés au front, laissant les enfants et les femmes se débrouiller pour trouver de quoi survivre. Toute critique envers le régime peut mener à une arrestation arbitraire, toute personne doit pouvoir présenter ses papiers de citoyen au risque d’être également arrêté et les premières victimes sont bien entendu les enfants des rues.

L’ambiance se veut résolument sombre et dure. L’auteur dépeint avec brio toute la noirceur humaine et victimise un peuple pressé jusqu’à la dernière goutte de son sang. Un tel roman, avec de tels propos et une telle mise en scène d’un gouvernement excessif ne me semble pas anodin dans le paysage actuel de la France et même de l’Europe…

Je ne me permettrais pas d’aborder la question de la qualité de l’uchronie ici dans le sens où j’ai des bases concernant la Révolution française mais ce n’est pas une période sur laquelle je peux me targuer d’une quelconque spécialité. D’autres l’ont fait mieux que moi et je vous ai mis les liens de leurs chroniques à la fin de ce billet. Je n’ai donc pas en main les clés pour juger de la plausibilité du concept ou de l’idée. En lisant le roman, je peux toutefois dire que la construction paraît solide et qu’on sent le passé d’historien de l’auteur, qui a même été, si je ne me trompe pas, enseignant dans cette matière.

Un duo improbable :
L’intrigue s’étend sur une certaine période de temps et partage principalement sa narration entre deux personnages. D’un côté, le fameux Sade qui se fait appeler citoyen Louis et a tourné le dos à son passé sulfureux après bien des années en prison. Il a troqué les plaisirs charnels contre ceux d’une bonne table même si sa relative pauvreté l’empêche d’assouvir toutes ses envies. Il s’est rangé et vend sa plume aux journaux pour faire vivre sa petite famille recomposée.

Dans l’ensemble, la manière dont Johan Heliot s’est réapproprié ce personnage est plaisante et intéressante. On constate l’évolution de cet homme qui s’écarte de l’image du libertin excessif pour se concentrer sur celle d’homme de lettres, une facette généralement moins connue de lui. Il a su me toucher par son humanité, dans ses bons comme ses mauvais côtés.

L’autre personnage principal est Geneviève, une ancienne espionne royale qui s’est exilée en Angleterre avant la Révolution. Geneviève est aussi le Chevalier d’Éon, elle change de genre à plusieurs reprises et semble souffrir d’un trouble dissociatif de l’identité, quoi qu’elle soit en quelque sorte capable de dialoguer avec cette facette masculine d’elle-même. Je dis elle mais le personnage historique semble plutôt être né masculin et avoir un goût pour le travestissement. En réalité, son identité de genre est qualifiée d’énigme historique et je comprends que ça ait attiré l’attention de l’auteur. Si l’idée ne manque pas d’intérêt, j’ai trouvé l’exécution maladroite car Geneviève en devient presque caricaturale et me suis régulièrement ennuyée dans les chapitres de son point de vue.

Il arrive à la narration de prêter une voix de manière ponctuelle à l’un ou l’autre enfant afin de donner plus d’épaisseur au mystère de leur disparition mais aussi de matérialiser concrètement la misère qui est la leur. Forcément, ces chapitres se veulent touchants. Mais…

Une exécution maladroite :
On arrive ici au premier point qui fâche : si j’ai compris les intentions de l’auteur, elles ne sont pas passées dans l’exécution. L’intrigue du roman (chercher les enfants disparus) m’a semblé prétexte à un discours plus politique dans son sous-texte et à une réflexion philosophico-sociale via le personnage, notamment, de Sade. Si bien que je n’ai rien ressenti lorsque le plan du Comité est mis à exécution alors qu’il est terrible. Il m’a manqué l’émotion nécessaire pour être horrifiée. Sans parler de la fin qui manque clairement d’envergure. Il y a, à mon goût, un chapitre ou deux de trop.

Ce n’est pas la première fois que je rencontre ce problème avec l’auteur. En fait, il est même récurent à chaque fois qu’il s’essaie à l’exercice du one-shot et je m’en suis rendue compte en relisant d’anciens billets pour compléter celui-ci. Il me semble donc assez clair que je préfère lire Johan Heliot au format série, quand il a davantage le temps d’étaler ses bonnes idées et n’est pas contraint à tout faire tenir en un seul tome, sacrifiant ainsi ses personnages à l’exécution de son univers ou au message qu’il tient à faire passer.

La conclusion de l’ombre :
Sur un plan formel, Johan Heliot n’a rien à se reprocher avec ce roman. Malheureusement, pour moi, les ingrédients sont maladroitement mixés et si Les enfants de la Terreur garde un intérêt principalement pour la réécriture du personnage de Sade et son devenir (quoi que la fin, encore une fois…), il n’a pas l’envergure d’une Trilogie du Soleil qui avait beaucoup plus à raconter avec des personnages bien plus solides. J’en ressors mitigée, probablement parce que j’en attendais trop en me basant sur les autres titres de l’auteur en matière d’uchronie. Le texte n’en reste pas moins recommandable dans la mesure où le concept, les idées et le message vous intéressent plus que les protagonistes.

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Mes autres lectures de l’auteur : Grand Siècle #1, Grand Siècle #2, Grand Siècle #3, Lena Wilder #1, Reconquérants, Frankenstein 1918, La Trilogie de la Lune #1, La Trilogie de la Lune #2, La Trilogie de la Lune #3, L’imparfé #1.

Informations éditoriales :
Les Enfants de la Terreur par Johan Heliot. Éditeur : l’Atalante. Illustration de couverture : Dorian Danielsen. Prix au format papier : 19.90 euros.

L’imparfé #1 le royaume qui perdait ses couleurs – Johan Heliot

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Le royaume qui perdait ses couleurs
est le premier tome d’une saga fantasy jeunesse intitulée l’imparfé et écrite par l’auteur français Johan Heliot. Publié chez Gulfstream, vous trouverez ce roman au prix de 13.90 euros.
Je remercie l’éditeur d’avoir offert cet epub dans le cadre du #PLIB2020 !

De quoi ça parle ?
Tindal a treize ans et va pouvoir partir à la capitale afin de suivre son entrainement de guerrier. Hélas ! Une erreur administrative le contraint à rejoindre à la place l’école des fées pour apprendre la magie. C’est le début d’un grand bouleversement…

Un parfum d’égalité entre les genres.
Il me semble très important, surtout au sein d’un roman jeunesse, d’aborder des thématiques sociales fortes qui permettront au lectorat cible de réfléchir sur certains sujets et de se construire en tant qu’individu. Le génie de Johan Heliot a été de reprendre les codes assez communs à la fantasy (surtout la fantasy jeunesse) et d’y évoque l’émancipation, pas juste féminine d’ailleurs puisqu’elle concerne autant les filles que les garçons. Pourquoi une fille n’aurait-elle pas le droit de devenir guerrière ? Et pourquoi un garçon ne peut-il pas devenir une fée ?

Au début du roman, le personnage de Tindal, treize ans, est mortifié d’apprendre qu’il va devoir suivre des cours à l’école des fées. Il a toujours rêvé de devenir un guerrier légendaire, à l’instar de ses idoles dont les portraits ornent les murs de sa chambre. Pourtant, à mesure que le récit avance, Tindal se rend compte que ce n’est pas lui qui veut fondamentalement devenir un guerrier -en plus il n’en a ni la carrure ni le caractère- mais bien la société à travers l’influence de son propre père. C’est « comme ça » que doit être un garçon afin d’honorer à sa famille. Sauf qu’en discutant avec une fée, Tindal comprend que ce n’est peut-être pas tout à fait vrai, qu’on l’influence. Que veut-il, lui ? Le génie de l’auteur tient ici qu’il n’impose pas une façon de considérer les choses de la part des adultes mais laisse le jeune héros mener son propre cheminement réflexif, l’air de rien, au milieu de toute une action qui s’enchaîne sans temps morts.

Du coup, au départ du livre et de l’intrigue, les personnages et l’univers paraissent très manichéen, ancrés dans une société sexiste avec des réflexions qui hérisseront le poil de certain(e)s. Si je n’avais pas été prévenue grâce à la chronique de Miss Chatterton, j’aurais probablement été de ceux-là et peut-être même laissé le roman de côté. Ç’aurait été très dommage vu le bon divertissement qu’il m’a offert.

Un univers simple mais efficace.
Dans le monde typé médiéval inventé par Johan Heliot, les enfants âgés de treize ans doivent tous partir à la capitale afin de suivre un certain entrainement. Pour les garçons, c’est l’école militaire au terme de laquelle les meilleurs pourront intégrer l’armée. Pour les filles, c’est l’école des fées au terme de laquelle, idem, les meilleures pourront devenir des apprenties et apprendre à maîtriser la magie des couleurs.

Parce que oui, dans ce monde, la magie passe à travers les couleurs qu’elle aspire pour créer des sorts divers et variés, en fonction des affinités de chacune. La menace qui pèse sur le royaume est justement celle du Sombre, un personnage énigmatique qui rend tout gris, la nature comme les gens, créant des « grisâtres » sorte de zombies animés qu’il contrôle et qui composent son armée. Son but semble tenir à la simple destruction, pour le plaisir de dominer. Visiblement il n’a pas pensé à l’après mais bon, les grands méchants y songent rarement !

Des inspirations flagrantes
Outre l’angle intéressant visant à aborder le droit de chacun à être qui / ce qu’il ou elle veut ainsi qu’une forme d’égalité des chances, ce premier tome de l’Imparfé reste assez classique avec des inspirations flagrantes. J’ai régulièrement effectué des parallèles avec des histoires devenues des schémas dans l’imaginaire tel que Harry Potter ou même Star Wars (surtout Star Wars en fait notamment autour de l’histoire familiale). C’est parfait pour le public novice à qui est destiné ce roman mais les révélations ainsi que les retournements de situation paraitront un peu gros / déjà-vu pour un lecteur plus aguerri qui a déjà consommé beaucoup de pop culture.

Une lecture fraiche et sans prise de tête.
Cela n’empêche pas ce texte d’être agréable à découvrir même si on se doute du dénouement, que les éléments s’enchaînent par moment un peu vite et avec une facilité qui pêche souvent quand on est confronté à un roman destiné à un public plus jeune. Je l’ai lu en prenant une certaine distance, j’avais juste envie de me vider la tête et l’Imparfé a parfaitement rempli son rôle à ce niveau.

La conclusion de l’ombre :
Le premier tome de l’Imparfé pose les bases d’une saga sympathique à destination d’un public en fin d’enfance / début d’adolescence. Très bonne porte d’entrée en fantasy pour les plus jeunes, le roman paraîtra sans surprise à un public plus aguerri en matière de SFFF et de pop culture. Ce qui ne l’empêche pas de constituer un divertissement très agréable et parfaitement recommandable.

D’autres avis : Les tribulations de Miss ChattertonLes lectures de Sophie – vous ?

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La Trilogie de la Lune #3 La lune vous salue bien – Johan Heliot (3/3)

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La lune vous salue bien
est le troisième tome de la Trilogie de la Lune écrit par l’auteur français Johan Heliot. Réédité chez Mnémos en intégrale prestige à la fin de l’année 2019, vous trouverez ce bel objet au prix de 30 euros partout en librairie.
Je remercie Nathalie, Estelle et les éditions Mnémos pour ce service presse.

Rappelez-vous, je vous ai déjà parlé des deux tomes précédents : la lune seule le sait et la lune n’est pas pour nous.

Ce volume se déroule dans les années 1950. Les américains ont débarqué en sauveurs pour aider l’Europe et ont ramené une forme de lumière après les Années Sombres, grâce à un système de miroirs. Boris Van, agent du secret français, va devoir mener une mission aux États-Unis après un passage par l’Afrique. Son but ? Comprendre ce qui se trame dans les hautes strates américaines et peut-être empêcher un désastre.

Contrairement aux volumes précédents, La lune vous salue bien est écrit à la première personne, du point de vue de Boris, à l’exception des débuts de chapitres qui sont toujours du point de vue d’un autre protagoniste, afin de comprendre davantage les enjeux de l’intrigue. Ce changement marque un certain dépaysement mais n’est pas dénué d’intérêt puisque ça aide à rendre le texte un peu plus immersif. Pas suffisamment pour moi, hélas (je vais y revenir) mais tout de même.

Dans cette uchronie, les États-Unis sont venus aider l’Europe après les évènements du volume 2, ce qui a permis une forme d’américanisation très présente pendant tout le roman. Comme Johan Heliot choisit d’écrire du point de vue de Boris, on prend conscience des nombreux mots anglais qui ont envahis le vocabulaire de tous les jours et qui sont écris phonétiquement dans le texte (nouillorque, bloudjine, etc.) Ce choix donne une saveur particulière à la narration, une couleur locale plutôt forte. Impossible de louper l’influence américaine sur la société européenne. L’écho est d’autant plus fort pour nous en tant que lecteur.

L’époque et le lieu permettent de développer les thématiques du patriotisme exacerbé, de la manipulation de masse par les médias télévisuels, de la force qu’a l’aura d’une star sur son public mais aussi des expériences secrètes aux conséquences terribles, rendues possibles par la mondialisation et l’interdépendance des pays. On retrouve là un sujet cher à l’auteur puisqu’il l’évoque de manière régulière dans ses œuvres. À mesure que l’intrigue avance, le lecteur prend conscience de quelle manière se construit une élection présidentielle, du poids des apparences, des enjeux du support privé, etc. Comme à chaque fois, Johan Heliot frappe fort avec ces thématiques malheureusement toujours actuelles.

Mais… Et c’est là que le bât blesse, c’est que ce tome supposé être un polar / roman d’espionnage se transforme justement un peu trop en pamphlet politique engagé à mon goût. Si j’ai aimé l’épilogue résolument cynique, j’ai ressenti plusieurs longueurs dans les échanges et explications entre les différents personnages. Je devais parfois résister à la tentation de passer des pages, la faute à des scènes d’exposition qui duraient trop longtemps pour se terminer presque chaque fois sur une explosion de violence avec un goût de « tout ça pour ça ». Pourtant, il y a de bonnes idées comme la manière dont le gouvernement américain a exploité les écrivains pour se développer (coucou, ça vous rappelle quelque chose les amis français ?), la tentation du contrôle de masse sur l’agressivité pour empêcher les guerres, la mince frontière entre sauveur et tyran… Franchement, oui, il y a un fond cohérent et riche. Sauf que la manière de présenter les idées manquait de rythme et de subtilité à mon goût.

Dans son souci de fidélité historique, Johan Heliot parle évidemment du racisme, à travers le personnage noir de Lothair qui, au final, n’a pas de réel poids et s’oublie assez vite. Quand je dis qu’il en parle… Disons qu’il le montre vaguement sans aller plus loin. Je sais que ce n’était pas le propos du livre mais quand même, il y a ici un manque de mise en contexte. Il montre aussi une image assez peu flatteuse des femmes. Cette fois-ci, elles sont complètement absentes à l’exception de Lolita (décrite comme une fille facile et montrée comme objet du désir lubrique d’un peu tout le monde) et… Et c’est tout en fait, je n’ai même pas envie de considérer Jayne comme un personnage représentatif. Nous sommes d’accord, c’est cohérent avec l’époque, je pense que c’est ce que l’auteur voulait montrer, mais ça en devient un peu lassant et c’est précisément pour toutes ces raisons que ce tome est celui qui m’a le moins séduit des trois. Mais je m’en doutais un peu quand j’ai découvert l’époque où il se déroulait. Ce n’est pas un contexte historique que j’apprécie et j’en ai un peu ma claque des histoires politiques. Du coup, la sauce n’a pas pris.

Sans compter que la Lune en elle-même, les Sélénites et les Ishkiss sont plutôt absents de ce roman. Le titre prend sens littéralement à la toute dernière ligne. On apprend que le peuple lunaire s’est mis en route dans l’espace à la recherche d’un nouvel endroit où vivre et qu’il a laissé derrière lui ceux qui n’avaient pas envie de les accompagner en les déposant au passage sur Mars. Ce sont ces gens, des jeunes pour la plupart, qui vont intervenir dans la politique américaine pour tenter de trouver une solution à leur déchéance programmée (ouais parce que c’est un peu la galère sur la planète rouge en terme de ressources). L’auteur raconte donc les conséquences de tout ce qui a pu arriver avant mais je pense sincèrement qu’il aurait pu s’arrêter au tome précédent sans que, sur un plan personnel, je ressente un manque quelconque.

Mais ce n’est pas parce que ça n’a pas fonctionné avec moi que le roman en devient mauvais pour la cause. Au contraire ! Johan Heliot continue de défendre sa place de maestro ès uchronie. On sent qu’il connait son sujet à fond et qu’il le traite avec la minutie de l’historien. Il réfléchit soigneusement sur la manière d’adapter ses thématiques au genre du roman et s’en sort plus qu’honorablement. Ses choix ne manquent pas de justesse ou d’intelligence et sur un plan formel, ce roman est bon. Il ne colle juste pas à mes goûts et à ce que j’attendais de cette trilogie.

Ma découverte de la Trilogie de la Lune s’achève donc sur une note mitigée mais je continue à recommander la lecture de cet ouvrage et des autres titres de l’auteur, en particulier Grand Siècle (au risque de radoter), que je considère comme une réussite totale.

Pour résumer, La lune vous salue bien n’a pas su me séduire tout simplement parce que le roman ne correspond pas à mes goûts. Il se déroule dans les années 1950 et s’appuie sur la thématique principale de la manipulation médiatique. Construit comme un polar et même comme un roman d’espionnage, il contient trop de scènes d’exposition pour vraiment me plaire en plus du racisme / sexisme typique de l’époque qui m’agace au plus haut point. Si ça n’a pas fonctionné avec moi, cela n’empêche pas La lune vous salue bien d’être un texte de qualité qui confirme Johan Heliot comme maître de l’uchronie.

La Trilogie de la Lune #2 la lune n’est pas pour nous – Johan Heliot (2/3)

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La lune n’est pas pour nous
est le second tome de la Trilogie de la Lune écrit par l’auteur français Johan Heliot. Réédité chez Mnémos en intégrale prestige à la fin de l’année 2019, vous trouverez ce bel objet au prix de 30 euros partout en librairie.
Je remercie Nathalie, Estelle et les éditions Mnémos pour ce service presse.

L’histoire de ce tome commence en 1933 soit une cinquantaine d’années après les évènements racontés dans La lune seule le sait dont je vous ai déjà parlé précédemment. Suite à la chute de l’Empire, une Guerre Totale s’est déroulée, gagnée par Hitler qui en profite pour assoir la domination allemande et développer son idéologie aryenne. Il ne fait pas bon vivre sur Terre et cela exacerbe la rancœur des Terriens envers les Sélénites au sujet desquels la rumeur raconte qu’ils vivent plus que confortablement et ne souffrent pas de la faim.

Le lecteur est invité à suivre plusieurs protagonistes dont certain qu’il a déjà pu rencontrer dans le premier volume, à savoir Isidore (souvenez-vous de ce journaliste ami de Jules Verne !) et Jaume, le commissaire zélé qui approche de la retraite et ne rêve que de partir au soleil avec son épouse. Jaume connait d’ailleurs une évolution très intéressante et j’ai presque eu le sentiment de côtoyer un autre personnage tant il me plaisait dans ce volume et m’exaspérait dans le précédent.
À eux s’ajoutent Léo, un cambrioleur qui n’a décidément pas beaucoup de chance dans sa vie ainsi que des hauts dignitaires du parti nazi. Je parle évidemment de Himmler, Goebbels et bien entendu, Hitler en personne. À mon sens, il s’agit ici d’un choix plutôt osé de la part de l’auteur et j’ai ressenti un certain malaise à la lecture de ces chapitres. On a tellement ancré en nous l’horreur de la seconde guerre mondiale que suivre des figures aussi importantes, qui ont commis des actes aussi affreux dans notre réalité et en arriver à ressentir par moment une forme d’intérêt et de compassion pour eux, c’est malaisant. Johan Heliot les humanise, ce qui n’est pas un mal en soi car après tout ils étaient humains, ils avaient aussi leurs émotions et leurs tourments, mais je pense que je n’étais pas préparée à être confrontée à quelque chose comme cela. Qu’on se comprenne bien : à aucun moment l’auteur ne fait l’apologie de l’idéologie nazie, au contraire. C’est juste qu’il nous oblige à voir que ces gens, qu’on qualifie de monstres, étaient aussi humains que n’importe qui. Et à les côtoyer.

Ce roman est coupé en parties, chaque partie correspond à une année qui s’étend entre 1933 et 1937. En tant que lectrice, j’ai mis un moment à suivre correctement l’intrigue et à comprendre les liens tissés par l’auteur. Johan Heliot prend son temps, ce qui plaira à certains et peut-être moins à ceux qui, comme moi, aiment que ça bouge tout le temps. L’auteur en profite pour traiter de nombreuses thématiques et la principale d’entre elles reste bien entendu la propagande. Mais ce n’est pas celle qui m’a le plus marquée puisque l’auteur pousse le culot encore plus loin en interrogeant notre perception même du réel. Je m’explique : Jaume, à nouveau sous couverture, entre en possession d’un manuscrit écrit par l’auteur allemand Hanns Heinz Ewers (personnage historique, j’ai vérifié) qui raconte une autre version de la guerre… La nôtre, celle de notre monde à nous ! Il y décrit un univers où les Sélénites ne sont jamais entrés en contact avec les humains, où le parti nazi a lancé son plan d’extermination des juifs (il découvre du même coup l’existence de camps) et où ce sont les alliés qui ont remporté la guerre. La mise en contact avec ce manuscrit va radicalement changer les convictions de Jaume. Là où Johan Heliot est absolument génial, c’est qu’il joue avec sa propre uchronie au point que le lecteur en vient à se demander s’il n’évolue pas lui-même au quotidien dans le roman d’un auteur venu d’ailleurs. J’ai adoré ce concept et la façon dont ce manuscrit poussait les protagonistes à réfléchir au-delà de ce qu’on essaie de leur faire croire via la propagande. Cela montre également le redoutable pouvoir des livres, des fois qu’on l’oublie (et beaucoup ont tendance à l’oublier).

Johan Heliot pourrait s’arrêter là, il en aurait assez fait. Mais non ! Avec ce roman, il touche désormais à la science-fiction puisqu’il développe dans son uchronie une technologie avancée pour l’époque, plus que ce qu’elle ne devrait, et s’accapare également à une forme de mutation dans la fusion entre un humain et un sélénite. Léo est, à mon sens, une sorte de figure super-héroïque moderne avec des pouvoirs mutants qui lui permettent d’accomplir les exploits les plus fous, jusqu’à défier la mort. La ville de Germania est également dépeinte comme une ville futuriste qui m’a un peu évoqué Metropolis de Fritz Lang. Ce n’est pas spécialement surprenant puisque dans ce volume, c’est le cinéma qui dame le pion à la littérature et le lecteur va avoir le plaisir de croiser énormément d’acteurs et d’actrices de l’époque qui ont dans l’histoire un rôle purement figuratif mais ont le mérite d’être là pour renforcer l’effet réel. Léo lui-même va se faire passer pour un acteur et un festival de cinéma organisé à Germania deviendra le théâtre du dénouement de l’intrigue de ce tome.

Mais voilà, si ce roman est divertissant et déborde de références culturelles qu’on s’amuse à traquer, je l’ai trouvé par moment un peu longuet. Il faut vraiment attendre le dernier tiers (si pas quart) pour que les évènements s’accélèrent et qu’il devienne difficile de lâcher sa lecture. On ne peut pas nier la qualité de ce texte, rien que par la manière magistrale qu’a Johan Heliot de jouer avec l’Histoire, mais sur le plan du pur divertissement, certains auront peut-être un goût de trop peu.

Pour résumer, La lune n’est pas pour nous est une suite à la hauteur de La lune seule le sait. L’histoire se déroule cinquante ans après et voir fleurir une Germania victorieuse de la Guerre Totale avec, à sa tête, un Hitler plus glaçant que jamais. Johan Heliot n’a rien perdu de sa maestria quand il s’agit de jouer avec l’Histoire et la culture, parfois au détriment du rythme de l’intrigue. Je m’en vais de ce pas découvrir le troisième -et dernier- tome de cette superbe intégrale prestige dont je vous recommande la lecture !

La Trilogie de la Lune #1 la lune seule le sait – Johan Heliot (1/3)

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La Lune seule le sait
est le premier tome de la Trilogie de la Lune écrite par l’auteur français Johan Heliot. Publié chez Mnémos au début du millénaire (donc en 2000 pour ceux qui ne suivent pas) ces trois volumes ont été réédités dans une intégrale prestige en décembre 2019 par le même éditeur. Vous trouverez cette intégrale au prix de 30 euros.

J’ai longuement hésité pour finalement choisir de couper cette chronique en trois parties, une par roman. Je vous parle donc bien ici d’une intégrale prestige reçue en service presse mais avec trois articles pour le prix d’un. Je tiens au passage à remercier chaleureusement Nathalie, Estelle et les éditions Mnémos pour ce service presse.

Avant de commencer, un mot sur l’objet constitué d’une belle couverture cartonnée, d’une reliure en tissu et d’un signet. L’intérieur est plutôt sobre mais le papier de bonne qualité. L’intégrale vaut largement son prix que je trouve même démocratique face à la qualité de ce qu’on a dans les mains. Un parfait cadeau à offrir à tous les collectionneurs ! Forcément, un bel objet comme celui-là est encombrant et ne conviendra pas aux lecteurs des transports en commun, à moins qu’ils ne disposent d’un sac avec suffisamment de place. Mais ça vaut quand même le coup.

France, toute fin du 19e siècle, sous le règne de Napoléon III. Jules Verne part enquêter sur la Lune pour le compte de son vieil ami surnommé le banni de Guernesey (Oui, Victor Hugo quoi), chef de file d’une révolution qui gronde de plus en plus au sein de l’Empire. Jules Verne est chargé de retrouver Louise Michel, envoyée au bagne lunaire des années auparavant suite à quoi elle a perdu le contact avec Hugo, son ami, qui conçoit pour son sort une vive inquiétude. Parallèlement à ses aventures, le lecteur découvre une série d’intermèdes du point de vue du préfet de police Andrieux. Ce dernier confie à l’inspecteur principal Jaume la mission de surveiller Jules Verne, qu’il soupçonne de préparer un mauvais coup pour les comptes des révolutionnaires (à raison en quelque sorte). Jaume doit donc utiliser ses talents particuliers dans l’art du déguisement pour s’embarquer dans une nef cosmique et ce, incognito. Comme couverture, Jules Verne entre dans la peau d’un journaliste. Il se présente en tant que lui-même mais prétend être là pour le compte d’un journal. Cela lui permet de se lier avec d’autres journalistes, personnages secondaires non dénués d’intérêt, à savoir Isidore Bautrelet du Petit Parisien et son photographe Ernest.

La lune seule le sait est un roman surprenant et difficile à classer. Lorsqu’on découvre la préface d’Étienne Barillier, on apprend avec surprise que l’auteur ignorait tout du genre steampunk avant de poser les premières lignes de son roman qui s’inscrit pourtant comme un précurseur. Avant de me lancer dans des explications plus précises, je dois d’abord vous dire que La lune seule le sait est une uchronie dont le point de divergence avec notre Histoire se situe en 1889. En effet, cette année-là, lors de l’Exposition Universelle, un vaisseau ishkiss a débarqué aux yeux de tous en changeant radicalement la face du monde. L’humanité apprend donc que la vie existe en dehors de leur planète mais cela va plus loin: les Ishkiss disposent d’une technologie avancée, basée sur le vivant, qui va permettre à l’Empereur de survivre plus longtemps qu’il ne le devrait et donc assoir son régime politique au-delà de ce que notre propre Histoire raconte. On évolue alors de l’uchronie vers la science-fiction.

La technologie ishkiss est basée sur le vivant (leurs vaisseaux sont vivants, on utilise des animalcules pour respirer sur la lune, des insectoïdes pour se déplacer) mais n’est plus suffisante pour leur permettre de continuer leurs voyages. En effet, les nefs se meurent. Ils sont donc venus quémander l’aide du seul peuple, à leur connaissance, apte à maîtriser les technologies mécaniques. La fusion des savoirs va permettre l’élaboration de nombreuses technologies comme les trottoirs mécaniques, des canons électriques, des dirigeables, bref de grandes évolutions. Je ne suis pas certaine que j’y aurai spontanément apposé le terme steampunk car à mon sens, la technologie décrite par Johan Heliot ne me semble pas basée sur la vapeur mais plutôt sur des évolutions à la fois mécaniques, biologiques et électriques. Toutefois ce serait chipoter et je suis trop loin des connaissances de notre maître serpent pour vraiment me le permettre sans risquer de me tromper. Je me contente donc ici de vous partager une réflexion personnelle.
Voilà pour le genre du livre en lui-même.

Les Ishkiss sont des êtres mystérieux qui se dissimulent d’abord sous des espèces de scaphandres. On apprend plus tard dans le roman de quoi ils sont réellement constitués mais je tais ici le détail. Sachez simplement qu’ils ont besoin de tout un appareillage pour survivre dans notre atmosphère, raison pour laquelle ils se sont installés sur la Lune. L’Empire développe sur cet astre une base dite Cyrano où on exile les opposants politiques. On les fait travailler sur place à l’édification d’infrastructures à visées conquérantes car Napoléon ne compte pas se limiter à la Terre. Imaginez donc vu l’époque, on parle déjà de conquête spatiale à grande échelle ! Ainsi, au début du roman, le premier vaisseau d’une armada qui doit en compter cinq cents vient d’être terminé et Jules Verne le découvre à cette occasion.

Jules Verne est donc le principal protagoniste de l’histoire. À travers ses yeux d’écrivain novateur pour son époque, le lecteur découvre la réalisation de certains fantasmes qu’il a pu avoir dans ses romans. Pour ma part, je n’ai que très peu lu cet auteur, ne goûtant pas à son style trop didactique. J’ai donc loupé une partie des références qui raviront les fans mais cela n’a pas été gênant pour comprendre ni apprécier le contenu de ce roman. Johan Heliot s’amuse beaucoup à imaginer, à innover et cela se sent dans ses descriptions très visuelles de tout ce que découvre Verne. Ses articles s’intercalent d’ailleurs à certains moments du récit, ce qui permet de couper des scènes et d’éviter que le texte contienne trop de longueurs. Honnêtement, il y en a à certains moments mais quand j’ai découvert dans la préface qu’il s’agissait du premier roman de l’auteur, j’ai été soufflée par sa qualité. On sent que Johan Heliot est un érudit passionné par l’Histoire mais aussi (et surtout) par l’Histoire littéraire. Ce texte est, à mon sens, un hommage aux gens de lettres et un hommage maîtrisé.

La Lune seule le sait est donc une uchronie très référencée mais elle narre également une enquête et un combat pour la liberté. Fidèle à ses habitudes, l’auteur se sert de son intrigue pour évoquer des opinions politiques qui passent pour révolutionnaires dans l’époque où se déroule son histoire. Ici, il s’agit de renverser la tyrannie du pouvoir napoléonien et d’opter pour un autre modèle. Modèle qui sera représenté par les ishkiss, une société que j’ai ressentie comme la concrétisation d’une utopie communiste et qui, aux yeux des protagonistes de cette histoire, démontre qu’un tel régime est possible contrairement à ce qu’on affirme sur Terre.

Vous l’aurez compris, il s’agit d’un premier tome déjà très dense et qui aurait pu se suffire à lui-même puisque l’enquête se résout totalement à son terme et que, sans l’épilogue, Johan Heliot aurait pu en rester là sans frustrer personne. Même avec l’épilogue d’ailleurs. À voir si la suite sera celle de trop ou non.

Globalement, j’ai passé un agréable moment de lecture même si ce premier volume n’est pas à la hauteur de la claque ressentie à la lecture de Grand Siècle. J’y ai trouvé quelques longueurs et un manichéisme parfois dérangeant. Pour l’exemple, les agents de l’Empire sont représentés comme des personnes monstrueuses, folles pour certaines, sans compassion ni pitié. Le trait est trop gros, on a du mal à y croire et cela manque un peu de subtilité. Je pense toutefois qu’il s’agit d’une volonté de l’auteur afin d’ajouter un clin d’œil supplémentaire à destination des feuilletonistes de l’époque qui avaient le même genre d’habitudes avec leurs propres personnages dans les romans policiers. Mais je ne suis pas dans sa tête , je me contente donc d’extrapoler.

Pour résumer, la Lune seule le sait, premier tome d’une trilogie rééditée en intégrale prestige, est un premier roman bluffant d’une exceptionnelle qualité. Novateur pour son époque (l’air de rien, déjà vingt ans depuis la première publication !) Johan Heliot pose les bases d’une uchronie de science-fiction qui trouve son origine à la toute fin du 19e siècle. Texte très référencé et parsemé de personnages historiques autant que de personnalités littéraires, la Lune seule le sait ravira les plus érudits, les adeptes des feuilletonistes du 19e siècle et les fans de Jules Verne. Ceux qui sont peu sensibles à ces sujets risquent par contre de passer à côté de la richesse du texte et de n’y voir qu’une simple enquête dans un univers un peu original, ce qui serait dommage. Je vous recommande la découverte mais sachez à quoi vous attendre !

Frankenstein 1918 – Johan Heliot

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Frankenstein 1918
est un one-shot dans la veine de l’uchronie proposé par l’auteur français Johan Heliot. Publié chez l’Atalante dans sa collection La Dentelle du Cygne, vous trouverez ce roman au prix de 16.90 euros.
Ceci est ma treizième lecture dans le cadre du Printemps de l’Imaginaire francophone.

Frankenstein 1918 est une uchronie qui part du principe suivant: et si la première guerre mondiale ne s’était pas terminée en 1918 mais avait duré jusque bien plus tard ? Les Anglais, en mauvaise posture, décident de lancer l’opération Frankenstein sous la direction secrète de Churchill. Son but? Créer des soldats à partir de la chair de ceux morts au front, afin d’envoyer des bataillons entiers de « non-nés » capables de résister aux assauts des prussiens, sans ressentir ni la peur, ni la douleur. Parmi eux, on retrouve Victor ou 15-007, premier « frankie » à avoir survécu au processus.

L’histoire se construit à travers une série de témoignages scripturaux retrouvés dans des carnets par un historien. Celui de Victor, au moment où sa conscience et son intelligence lui reviennent totalement au point qu’il éprouve le besoin d’écrire ce qu’il a vécu. Celui de Churchill également, avec ses « mémoires secrets » (non c’est pas une faute 🙂 ) et enfin Edmond Laroche-Voisin, le fameux historien passionné qui va découvrir cette histoire par le plus grand des hasards et décider d’en faire son sujet de thèse. C’est lui qui va compiler et traduire les carnets tout en y ajoutant des passages plus personnels. Parce qu’Edmond va devoir enquêter, en compagnie d’Isabelle, pour combler les trous de l’Histoire. Pour cela, il va se rendre dans les ruines radioactives d’une Londres bombardée et détruite.

Je ne suis pas forcément une adepte de ce type de narration mais je trouve que Johan Heliot réussit très bien son coup ici. Ce n’est pas Edmond qui va publier l’histoire mais sa fille, en ajoutant un avertissement aux lecteurs. À plusieurs reprises, l’historien insiste sur le fait qu’il a retravaillé le texte. Ce choix justifie l’aspect romancé de certaines scènes des carnets qui, autrement, paraitraient trop factices, ainsi que les ellipses parfois de plusieurs années. Sur un plan personnel, ça a freiné ma lecture mais je sais que beaucoup de lecteurs ne sont pas dérangés par ce type de narration puis ça a au moins le mérite d’être original.

Frankenstein 1918 est donc une uchronie mais c’est surtout une réflexion sur la guerre, sur la condition humaine et, plus important encore, sur le devoir de mémoire. D’ailleurs, le roman se termine sur ces quelques mots qui se suffisent à eux-mêmes: « (…) n’oubliez jamais le sacrifice des générations qui vous ont précédé et rappelez-vous les leçons d’Histoire car c’est le seul moyen d’éviter de répéter les erreurs de vos aînés. »

Ces réflexions arrivent à travers celles des personnages et de leurs actions qui sont nombreuses, souvent brutales. Les choix de Churchill, par exemple, mettront le lecteur mal à l’aise. Peut-on vraiment tout accepter au nom du plus grand bien? Chacun y va de son opinion et Johan Heliot rappelle ainsi que rien n’est jamais blanc ou noir. Et qu’il est facile de juger d’un œil extérieur quand on ne se salit pas les mains. D’ailleurs, c’est un peu ce que j’ai fait à la fin pour tout ce qui concerne Isabelle !

Pour résumer, Johan Heliot affirme avec Frankenstein 1918 son statut de maître ès uchronie. C’est un plaidoyer vibrant en faveur du devoir de mémoire accompagné d’une réflexion intelligente sur la condition humaine. Ses clins d’œil aux personnages historiques et à ceux de la littérature populaire anglaise plairont aux adeptes du genre. Le récit, construit comme un assemblage de témoignages à des fins de publication scientifique, marque par son parti pris esthétique qui ne plaira pas à tout le monde mais qui a le mérite d’oser quelque chose d’inhabituel. J’ai passé un bon moment avec ce texte que je recommande à ceux qui aiment l’uchronie ainsi que la période « Grande Guerre ».

Reconquérants – Johan Heliot

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Reconquérants
est un one-shot uchronique écrit par l’auteur français Johan Heliot. Publié chez Mnémos dans la collection Hélios, le roman est disponible au prix de 9.90 euros.
Je remercie les éditions Mnémos pour ce service presse !
Ce livre entre dans le cadre du challenge S4F3 organisé par Albédo.

Reconquérants est une uchronie qui prend place dans un univers très connoté Rome antique. La diégèse du roman se constitue autour de ce principe: pour fuir une Rome sur le déclin après l’assassinat de César, des colons ont découvert l’Amérique et y ont bâti une nouvelle cité sur les valeurs de la République, une cité nommée Libertas. 1500 ans plus tard, les descendants de ces colons désirent reconquérir l’ancien continent, sans exposer très clairement les raisons de ce projet. Ou plutôt, en donnant des explications qui feront froncer les sourcils du lecteur suspicieux, qui y verra immédiatement (et à raison) anguille sous roche. Dans cette histoire, nous suivons principalement Geron, enrôlé à moitié de force dans l’armée, qui va être confronté aux merveilles de l’ancien monde et découvrir de sombres secrets.

La première chose à relever dans ce roman, c’est le génie de l’auteur. Comme j’en ai déjà parlé dans mes chroniques sur Grand Siècle (tome 1tome 2), je trouve que Johan Heliot est un auteur phare en matière d’uchronie. On sent le passionné d’histoire, son érudition transparait clairement et cela lui permet de jouer très habilement avec les différents éléments historiques pour les assembler et créer une réalité alternative cohérente. Pour immerger son lecteur, il utilise un vocabulaire soutenu et adapté à l’époque, sans dédaigner les termes latins issus du langage militaire, politique ou même les unités de mesure. Ces détails m’ont séduite, parce qu’ils dénotent un soin particulier apporté au contexte, ce que j’apprécie.

Là où ça coince un peu, c’est du côté de la narration. Pendant la première partie du roman, le narrateur est extérieur et ça manque de dialogue. Normal, ça pose le contexte mais du coup, j’ai eu un peu de mal à m’immerger dedans d’autant que je trouve la mise en page du livre assez serrée dans la version poche. Ensuite, on retrouve des extraits d’un carnet de voyage tenu par Geron, sans pour autant que ces parties soient mises en italique pour bien marquer la rupture. Enfin, plus on avance dans la dernière partie et plus on alterne entre la première et la troisième personne, mais sans respecter l’idée que ce soit le héros qui tienne un journal ou du moins, on n’en a plus du tout l’impression vu la manière dont il est rédigé. Cet aspect un peu brouillon de la narration m’a, au départ, fait passer à côté de l’histoire et si ça n’avait pas été un service presse, je n’aurai pas continué jusqu’au bout. Mal m’en aurait pris !

Parce que oui, malgré ce détail gênant, Reconquérants est un bon livre à l’intrigue soignée et d’une grande richesse. Si la plupart des personnages tiennent un rôle secondaire et sont davantage des fonctions, j’ai apprécié Ekin, la fille du Prince Rouge. Sa relation avec Geron est intéressante, ainsi que tout ce qui se passe autour d’eux. Si certains éléments perdront les lecteurs peu attentifs, ce livre vaut la peine qu’on s’accroche plus loin que la première impression.

Pour résumer, Reconquérants est un roman one-shot qui marque par l’originalité de son univers et le traitement de son uchronie plus que par ses personnages ou son intrigue très classique. Certains éléments sont parfois trop rapides et quelques descriptions trop longues, il n’en reste pas moins que je salue la performance et l’imagination de Johan Heliot qui signe un texte pas parfait, mais disposant de certaines qualités qui raviront les fans du genre.

Lena Wilder #1 Sauvage – Johan Heliot

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Sauvage est le premier tome du diptyque Lena Wilder écrit par l’auteur français Johan Heliot (dont je vous ai déjà parlé pour sa saga Grand Siècle). Publié chez Lynks Éditions, vous trouverez facilement ce tome urban fantasy young adult partout en librairie au prix de 16.90 euros. Je tiens à remercier l’éditeur pour ce service presse !

Lena Wilder, c’est l’histoire de… Lena Wilder donc, narratrice à la première personne qui a passé sa vie à fuir aux côtés de sa mère. Qui ou quoi? Des hommes mystérieux appelés les Démarcheurs dont elle ne sait pas grand chose. Les deux femmes ne restent jamais plus de six mois au même endroit et Lena en a plus que marre. Sa mère et elle arrivent, au début du roman, dans la petite ville d’Arkhoon où tout va changer radicalement dans leur quotidien. Et pas uniquement à cause du voisinage…

Comme je l’ai précisé, il s’agit d’un roman young adult doublé par un livre type urban fantasy (même si on peut chipoter sur le terme dans ce cas-ci), autant dire de moins en moins mon type de lecture. Si ça n’avait pas été écrit par Johan Heliot, je ne pense pas que j’aurai posé les yeux sur ce roman, pourtant, j’ai été agréablement surprise par cette découverte. Après, très honnêtement, je n’ai trouvé aucune similitude (même pas de style) entre ce livre et les autres que j’ai pu lire de l’auteur, ce qui était assez perturbant en soi. Cela n’enlève rien au côté sympa du roman ! Évidemment, l’amourette entre Lena et Gerry m’a un peu saoulée parce que je la trouve trop rapide et trop peu crédible (comme souvent) mais il n’y a que cet élément, en plus de certaines facilités scénaristiques (dont je ne dresse pas la liste pour éviter de vous spoiler l’intrigue), qui m’a vraiment posé problème. Et en soi, pour ce genre littéraire, il se contente de respecter les codes donc ce sera un point positif pour beaucoup de lecteurs. C’est simplement que moi, en tant que lectrice, je n’apprécie plus spécialement.

Je vais commencer par évoquer l’univers. L’action se passe en Amérique, une Amérique profonde ambiance trou perdu avec une mentalité très en retard sur l’égalité, le racisme, etc. L’ambiance est bien décrite par l’auteur, on s’imagine sans problème notre environnement, on sent presque la poussière se coller sur une mince pellicule de sueur. L’auteur incorpore une mythologie assez novatrice et à la fois classique. Il évoque le mythe du loup-garou à l’ancienne: pas de transformation en véritable loup, plutôt une forme hybride qui prend le pas sur celle humaine, le tout avec des explications scientifiques et de vrais concepts comme l’atavisme. J’ai trouvé ça original et plutôt intéressant, ça sort du garou des romans habituels. Je ne vais pas trop en révéler sur les théories évoquées dans le livre, pour ne pas spoiler, mais ça change.

On sent que l’auteur a pas mal réfléchi sur la question et il en profite pour aborder des thèmes plutôt classiques comme la tolérance, le danger de la haine, de l’extrémisme et du rejet, l’importance du vivre ensemble. Il ne révolutionne pas le genre mais je trouve que, face à notre actualité, ce n’est pas plus mal de rappeler certains principes fondamentaux comme ceux-là.

Le personnage de Lena ressemble à celui de n’importe quelle adolescente avec une touche supplémentaire de maturité puisqu’elle n’a pas le même type de préoccupations que la plupart des filles de son âge. La faute à son manque de sociabilité: pas facile de se faire des copines quand on déménage sans arrêt ! Je ne me suis pas particulièrement attachée à elle, mais je ne l’ai pas détestée non plus. Par contre, pour les garçons et surtout pour Gerry, c’est une autre histoire… Heureusement, même si j’ai trouvé que leur relation allait très (trop) vite, Lena ne devient pas une poupée enamourée qui ne pense qu’à son « mec ». Elle garde le sens des priorités, elle se débrouille sans forcément compter sur lui et c’est plutôt agréable. Les autres personnages ne m’ont pas forcément marqués, ils remplissent leur rôle sans laisser une trace réellement indélébile sur le lecteur. Et cela s’explique quand, une fois à la fin, on se rend compte que tout le livre est raconté par Lena, littéralement. Elle est en train de l’écrire. Du coup, ça « excuse » les passages parfois trop rapides et le manque de profondeur de certains protagonistes. Disons que ça reste cohérent avec le style narratif choisi par l’auteur, qui nous offre une écriture dynamique et prenante.

L’intrigue en elle-même reste assez classique mais on n’attend pas forcément de chaque roman qu’il révolutionne son genre littéraire. J’ai tout de même trouvé dommage que la fin soit si précipitée. J’ai eu un sentiment un peu de bâclé, ça aurait mérité quelques pages supplémentaires et davantage de suspens, parce qu’on s’y attend vraiment.

Pour résumer, si le premier carnet de Lena Wilder ne propose pas de grosses surprises scénaristiques et pousse parfois à grimacer face à la force de l’héroïne (qui n’a que 18 ans…), il reste néanmoins agréable à lire. Les 302 pages se tournent facilement et on se surprend à être embarqué dans l’histoire. Ce roman se lit vite et remplit efficacement son rôle de bon divertissement. Il plaira beaucoup aux lecteurs adeptes du Young Adult et des univers surnaturels, qui ont envie d’une héroïne moins nunuche que la moyenne dans ce genre littéraire. J’ai passé un agréable moment avec Lena Wilder qui est une lecture détente, sans prise de tête, et je suis quand même curieuse de découvrir le second tome.

Grand Siècle #2 l’envol du soleil – Johan Heliot

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L’envol du soleil
est le second tome de la trilogie Grand Siècle écrite par l’auteur français Johan Heliot. Disponible depuis mai 2018 au prix de 19 euros en papier (et 8.99 en numérique) il s’agit d’une uchronie de science-fiction se déroulant au XVIIe siècle.
Pour rappel, j’ai déjà chroniqué le premier tome.
Je tiens à remercier chaleureusement les éditions Mnémos pour ce service presse !

Dans ce second tome, nous retrouvons la fratrie Caron qui prend de plus en plus de place dans le récit, chacun des frères et sœurs continuant leur bout de chemin. Les deux jeunes, Marie et Martin, évoluent en personnages bien présents et la nouvelle génération Caron n’est pas en reste. Le roi Louis reste un protagoniste du roman, quoi qu’un peu plus en retrait que sur le tome 1 et le Pape Rouge continue ses intrigues depuis le Vatican. Je meurs d’envie de vous détailler tous les moments de l’intrigue et je me retiens à grand peine en vertu de ma politique anti-spoil. Sachez toutefois que j’ai lu ce roman en deux jours (commencé mardi matin et terminé mercredi midi) tant il m’a passionnée.

On y retrouve tous les éléments appréciés dans le premier tome. L’univers est fascinant et continue de se développer en allant plus loin dans le détail mais aussi dans la noirceur. Tout de même, au risque de radoter: il fallait oser implanter de la science-fiction sous le règne de Louis XIV ! J’en ai un peu discuté avec l’auteur aux Imaginales et je me suis rendue compte qu’il avait raison en affirmant que cette période est assez boudée. Hormis les Lames du Cardinal, un ouvrage SFFF vous vient-il dans le 16e ou 17e siècle français? Si oui, n’hésitez pas à me donner les titres dans les commentaires, parce que ça m’intéresse.
La technologie basée sur les flux éthériques prend de plus en plus de place, au point qu’elle devient un écho presque semblable à la société que nous connaissons au 20e siècle. Johan Heliot en vient à traiter des thématiques actuelles de manière plutôt ingénieuse, comme le comportement des foules face à la télévision (renommée luxovision pour l’occasion) et surtout, les sacrifices consentis à l’évolution technologique. On ne peut que trouver un écho affreusement actuel, contemporain, dans la peinture offerte par Johan Heliot de cette société alternative. Je trouve sa démarche vraiment brillante.

Le style de l’auteur est toujours aussi bon. Il maîtrise son action et le roman ne souffre, à mon sens, d’aucune longueur. Je le trouve même plus dynamique que le premier ! Petit reproche, par contre: il se déroule sur plusieurs années, entre dix et quinze ans si mes calculs sont justes et on s’y perd parfois un peu sur les bonds temporels effectués. Si on devine la date approximative et le passage du temps, j’aurai préféré que chaque chapitre soit daté plus précisément et de manière systématique. C’est un détail mais j’ai dû m’arrêter une fois ou deux pour chercher les indices temporels et les rappeler à ma mémoire. Cela ne m’a pas gâché ma lecture mais c’est parce que je l’ai lu presque d’une traite. Pour celui qui le découvrira autrement, ce détail pourrait gêner. Oui, on sent que j’ai un peu lutté pour trouver quelque chose de négatif à dire?

J’ai particulièrement apprécié l’évolution des personnages. Johan Heliot parvient à non seulement offrir une intrigue prenante, accessible tout en restant complexe, mais ne néglige jamais la psychologie de ses protagonistes. Ainsi, Louis reste fascinant à découvrir et Estienne tout autant. D’ailleurs, la fin… Je ne m’y attendais absolument pas ! Un vrai coup d’éclat. J’ai aussi appris à apprécier Martin et Pierre qui ne se lasse jamais de m’étonner. Les personnages féminins ne sont pas en reste et je suis très curieuse de voir si Jeannette aura un rôle aussi central que celui de sa tante dans le troisième tome. Petite mention aux figures historiques qui continuent de parsemer le récit et deviennent des protagonistes secondaires amusants à suivre, surtout quand on les compare à ce qu’ils ont vraiment été (ou ce que l’Histoire nous a rapporté à son sujet). Transformer La Fontaine en présentateur… Franchement ! Épique.

Pour résumer, l’Envol du Soleil n’a pas à rougir en comparaison de son tome 1. L’auteur reste constant dans la qualité qu’il nous propose, que ça soit au niveau de l’intrigue, de l’univers ou des personnages. Son écriture, dynamique avec quelques touches d’un style plus ancien (notamment à travers l’utilisation de certains verbes), nous offre une immersion complète dans cette uchronie fascinante que je recommande très chaudement. J’ai adoré !