Love in 56k – Clémence Godefroy

Les miracles arrivent !

Souvenez-vous, en janvier, j’étais sur une sale série d’abandons et il ne me restait plus que trois romans dans ma PàL. J’ai décidé de sortir celui-ci en pensant très sincèrement qu’il allait rejoindre la pile de ceux que j’allais donner à S.A. William pour garnir sa bibliothèque parce que… Well… une romance ? Dans mon état ? Même écrite par une autrice que j’apprécie, je ne pariais pas un euro dessus.

Et pourtant !

J’ai dévoré ce bouquin en une demi-journée. Je l’ai commencé le matin au réveil, j’ai lu la moitié, j’ai sorti Loki, j’ai petit-déjeuner puis j’ai terminé dans la foulée en ressentant une sincère envie de savoir comment ça allait se terminer, comment Erica allait gérer ses dilemmes, quel serait le message final. Pourtant, on est sur de la tranche de vie lycéenne voire sur une romance donc on ne peut pas dire que ça soit particulièrement dramatique ou bourré d’action. N’empêche… La magie a opéré. Et je dis merci, merci à l’autrice d’avoir écrit ce livre qui est finalement arrivé entre mes mains au moment où j’en avais le plus besoin.

De quoi ça parle ?
L’histoire se déroule durant l’année scolaire 1997 – 1998. Erica est en année junior au lycée et est décidée à ce que tout se passe bien. Elle a de bonnes notes, elle passe d’excellents moments avec ses deux meilleures amies… Et a même un crush sur Scott Peterson bien qu’elle soit trop timide pour lui parler !

N’empêche, le lycée, ce n’est pas facile. Heureusement, Erica aime lire et elle découvre une nouvelle série : les Sorciers de Bellwood dont elle dévore les deux premiers volumes. Dur dur d’attendre la suite prévue pour fin décembre ! C’est là qu’elle découvre les joies d’un Internet encore balbutiant : forums de discussion et surtout, sites de fanfiction…

Littérature de l’imaginaire et fanfiction.
Erica, fan de littérature, se passionne pour les Sorciers de Bellwood et découvre le monde des forums, de la fanfiction, à une époque où Internet se coupe encore quand on décroche le téléphone. Je me suis immédiatement attachée à cette protagoniste parce que je me suis reconnue en elle. J’ai connu Internet quand la chose était déjà stabilisée mais je devais négocier des heures d’accès à l’ordinateur, je passais mon temps à réfléchir à ce que j’allais écrire sur mon skyblog, à ce que j’allais poster sur le forum One Piece où j’échangeais avec les fans… C’était important pour moi, central dans ma vie car j’avais trouvé un endroit où on comprenait que j’aime les mangas et où on ne me jugeait pas pour ça. Erica m’a ramenée en arrière, je me suis identifiée à elle, reconnue en elle et ça m’a fait du bien. Je la comprenais, tout simplement, et c’est rare de trouver une protagoniste qui résonne autant en moi.

De plus, il est évident que les Sorciers de Bellwood est une sorte de pastiche de Harry Potter. Les clins d’œil sont nombreux et justement, d’une part j’ai apprécié que l’autrice invente sa propre saga et d’autre part, même si J. K. Rowling m’a énormément déçue en tant que personne, je ne peux pas nier l’influence et l’importance que cette saga a eu sur moi, sur ma construction en tant que personne au sens large et en tant que lectrice. La nostalgie est le sentiment qui a dominé toute ma lecture de Love in 56k, une nostalgie agréable, comme un cocon douillet.

Ce roman prouve à lui seul qu’il est important d’écrire sur ce qu’on connait, de mettre toujours un peu de soi dans ses romans car c’est ce qui donne les meilleurs textes. La prof de littérature d’Erica le rappelle d’ailleurs et c’est une opinion que je partage. Love in 56K est un excellent exemple pour le prouver.

Une romance ?
Je n’aime pas les romances en général pour tout un tas de raisons. Ici, pourtant, je trouve que la façon dont l’autrice en parle est saine et mignonne. Elle ne banalise pas des comportements problématiques, elle pointe du doigt les éventuels dangers, ce qui cloche, et montre des adolescentes qui ne laissent rien passer, qui se respectent malgré leur crush. C’est le genre de vision positive que j’ai envie de croiser plus souvent dans les romans. C’est sans doute aussi pour cela que je n’ai pas été gênée par cette romance, sans compter qu’elle ne domine pas l’histoire. L’intrigue et le propos sont surtout centrés sur Erica et son crush sur Scott n’est qu’une partie de sa vie, il ne prend pas toute la place dans ses priorités. On trouve un très bon équilibre dans la narration.

La conclusion de l’ombre :
Love in 56k est une tranche de vie lycéenne qui a su me toucher non seulement par son personnage principal en qui je me suis beaucoup reconnue mais aussi par la nostalgie qu’elle a fait naître chez moi. J’ai adoré découvrir une héroïne qui partage mes centres d’intérêt et la manière dont Clémence Godefroy en parle montre bien que c’est aussi son cas. Ce roman est traversé par une intelligence et une sensibilité que je n’aurais pas soupçonné au moment de l’ouvrir. Ça a été une excellente surprise et je vous le recommande très chaudement ! D’autant qu’il est actuellement en promotion au prix de 10 euros, ce serait dommage de manquer le coche.

Autres avis : pas chez les blogpotes.

Informations éditoriales :
Love in 56K par Clémence Godefroy. Éditeur : le Chat Noir. Illustration de couverture par Cécile Guillot. Prix : 10 euros, profitez de la promo !!

Les abandons de l’Ombre : Les tribulations d’Esther Parmentier, La fureur des siècles, Nos destins sombres.

Souvenez-vous… J’ai commencé l’année 2023 avec une série d’abandons (pas moins de sept à la suite !) qui a certes drastiquement réduit ma PàL mais aussi mené à bien des réflexions chez moi. J’écris ce billet début février même si vous devriez le lire à la fin du mois de mars pour cause de planification. J’ai décidé de vous parler de certains titres qui rencontrent un succès quasiment unanime chez tout le monde… Sauf moi. Erf.


Les tribulations d’Esther Parmentier est une série à succès dite jeunesse et d’urban fantasy, écrite par l’autrice française Maelle Dessard et publiée chez Rageot. On y suit donc, comme le titre l’indique, Esther Parmentier qui est une jeune femme disons… casse-pied, pour rester polie, et qui se retrouve embarquée dans une enquête pour meurtre aux côtés d’un vampire détective.

Je ne peux pas en dire beaucoup plus parce que j’ai assez rapidement abandonné cette lecture. Dés les premières lignes, j’ai trouvé l’héroïne pénible à se plaindre sans arrêt. Elle a provoqué chez moi un sentiment immédiat de rejet mais je serais bien en peine d’en expliquer consciemment la raison avec davantage de détails. Ce sont des choses qui arrivent d’autant que parfois, dans la vie, on rencontre quelqu’un qu’on déteste tout de suite sans s’expliquer pourquoi. Pour ne rien arranger, la narration est à la première personne et dans ces cas-là, quand on n’accroche pas au personnage principal, ça devient difficile d’être indulgent avec la façon dont elle s’exprime. Par extension, le style d’écriture qui m’a crispé.

Je suis tout de même allée suffisamment loin pour trouver la mise en place de l’enquête et de la rencontre avec le vampire tirée par les cheveux et leur première interaction plus qu’agaçante. J’ai tellement roulé des yeux que j’en ai eu mal à la tête. Je pense que ce roman, je l’aurais probablement mieux aimé il y a cinq ou dix ans, quand j’étais encore dans un trip urban fantasy / bit-lit mais ce n’est plus le cas et je me rends compte que je suis de plus en plus dure avec les livres de ce genre-là, sans doute d’une façon injuste pour les textes concernés. Je vous invite donc à découvrir les avis plus enthousiastes des blogpotes, référencés ci-dessous.

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J’ai lu énormément de romans de cet auteur et si j’ai commencé par une trilogie qui a été un énorme coup de cœur, je n’ai plus vraiment réussi à m’emballer autant pour un de ses romans par la suite. J’espérais que celui-ci changerait la donne puisqu’il prend place dans une époque qui me plait mais ce ne fut malheureusement pas le cas.

L’histoire se déroule en 1515, en Europe. Léonard de Vinci a inventé une machine capable de détraquer l’espace et le temps à certains endroits, ce qui permet au roi François Ier de régner en maître sur l’Europe. Alors que le monarque français est sur le point d’attaquer la couronne des Habsbourg, le condottiere Sforza intervient, désireux de se venger de la prise du milanais qui a eu lieu des années plus tôt…

Tout commençait bien. J’ai accroché tout de suite au ton très verbeux du récit, dans l’ambiance des chroniques qu’on pouvait lire jadis. Puis les points de vue ont commencé à s’alterner entre la compagnie de mercenaires qui travaille pour Sforza et Léonard de Vinci (quoi que toujours d’une façon rapportée par le narrateur qui l’aurait par chance rencontré plus tard) mais la partie sur le grand génie était clairement très en dessous question intérêt. Puis finalement, arrivée à la moitié, j’ai senti mon intérêt décliner et j’ai un jour refermé le livre sans avoir envie de le rouvrir, ni de savoir ce qui arriverait aux protagonistes.

Cela s’explique aussi par deux éléments dont je n’ai pas encore parlé : d’abord le personnage de Reginus, qui est aussi le narrateur, est très pénible dans sa naïveté et sa candeur, très manichéen aussi au départ. J’ai eu envie de lui coller des claques plus d’une fois et je n’étais pas trop d’humeur. Ensuite, je ne suis pas parvenue à suspendre ma crédibilité pour tout ce qui concerne la Furia. Il m’a manqué des explications claires et cohérentes autour de ce phénomène, les lois qui le régissent, etc. Peut-être qu’elles arrivaient plus loin dans le roman mais je n’en ai pas vu trace à la moitié et ça m’a lassée parce que je ne parvenais pas à croire, du coup, aux évènements racontés. Enfin, vous le savez, j’ai beaucoup de mal avec la thématique de « voyage dans le temps » ou d’époques qui se croisent et ont une incidence l’une sur l’autre. J’ai pensé que Johan Heliot réussirait à me faire passer outre cette réticence, mais non. Dommage, à nouveau…

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Je savais très bien en achetant ce roman que ce serait quitte ou double mais j’avais d’une part adoré la nouvelle de l’auteur dans l’anthologie 9 et, d’autre part, c’était son premier roman alors j’ai voulu le soutenir, tout simplement. Sans compter que le concept m’intéressait.

Orphée se réveille au royaume des morts et y retrouve sa conscience presque un an après son décès. La banshee Cassidy doit l’aider à passer de l’autre côté mais Orphée ne l’entend pas de cette oreille parce qu’il a laissé derrière lui son petit ami Isidore, qui souffre de sa mort et a des pensées suicidaires. L’histoire se déroule à la Nouvelle-Orléans, on touche au culte de la Santa Muerte et à un certain mystère qui plane autour de la mort d’Orphée, dont ce dernier ne se rappelle pas.

Honnêtement, ça partait bien mais j’ai d’abord tiqué sur la narration. Aiden Martin a choisi de l’alterner, chaque fois à la première personne mais du point de vue d’Orphée puis de celui d’Isidore. Au sein de cette narration, les deux personnages s’adressent directement au lecteur avec des parenthèses et des plaisanteries, ce qui m’a sorti de l’histoire. C’est un procédé narratif que j’appréciais avant et que j’ai même utilisé parfois dans ma propre duologie d’urban fantasy mais la sauce n’a pas pris ici.

Ensuite, je dois avouer qu’Orphée est agaçant. Évidemment, sa situation n’est pas très agréable et je ne réagirais pas mieux à sa place mais je ne suis pas parvenue à éprouver de l’empathie pour lui, au contraire d’Isidore. S’il n’y avait eu que sa narration à lui, je pense que j’aurais lu le roman en entier mais une fois à la moitié, j’ai passé des pages pour simplement aller directement à la fin, curieuse de savoir s’il réussirait à passer à autre chose et si ma théorie était juste. Je dois avouer qu’après avoir lu la fin en question… J’ai été déçue tellement c’est attendu, déçue d’avoir tout simplement raison. J’ai gagné le pari avec moi-même et j’aurais préféré le contraire. Je dois vraiment arrêter d’acheter ce type de roman, je ne les apprécie plus à leur juste valeur.

Dernière chose et non des moindres, la mise en page. Le roman est très épais, trop pour que le Chat Noir puisse conserver sa mise en page habituelle sans sortir une trop grosse brique qui poserait des soucis d’envois postaux. Au lieu de couper le roman en deux (et c’est vrai que je ne vois pas où ils auraient pu le faire) ils ont décidé de réduire la taille de la police d’écriture au sein du livre. Le problème, c’est que c’est beaucoup trop petit pour mes yeux et je n’ai pas de soucis de vue donc je n’ose pas imaginer pour d’autres dont ce serait le cas. Même si je comprends ce choix, je ne le trouve pas optimal pour le confort de lecture et si je m’en étais rendue compte avant de l’acheter, je l’aurais probablement pris d’abord en numérique.

D’autres avis : pas chez les blogpotes.

Quelles conclusions en tirer ? 
Elle est double et rejoint en partie celle de mon précédent billet sur les abandons. Déjà, mes goûts évoluent et j’apprécie plus difficilement l’urban fantasy, peu importe son cadre, car j’en ai trop lu et ses codes me sortent par les yeux. Je dois donc arrêter de me laisser avoir par ce genre littéraire et accepter qu’il ne me convient plus.

Ensuite, je dois éviter d’acheter un roman juste parce que j’ai eu une bonne expérience avec son auteur (sauf si c’est Ada Palmer ->). J’ai déjà eu ce sentiment plus tôt cette année après ma lecture de Thomas le Rimeur d’Ellen Kushner et ça se vérifie ici avec Johan Heliot, avec qui je n’en suis pourtant pas à ma première désillusion. Oui, il y a des auteur·ices que j’adore ou que j’ai adoré lire une fois, mais cela ne signifie pas qu’ils proposeront à chaque fois des livres faits pour moi. Autre exemple l’année dernière : j’ai lu Widjigo d’Estelle Faye chez Albin Michel Imaginaire et je n’ai pas du tout accroché à son livre. Si ça n’avait pas été son roman, je ne l’aurais même pas acheté de base… Alors au lieu du nom d’un·e auteur·ice, je dois plutôt me baser sur le contenu car au fond, c’est ce qui importe vraiment.

Et vous, est-ce que vous avez abandonné un livre récemment ?

Jolies Mary – Gwendolyn Kiste

En avril 2022 soit il y a presque un an paraissait aux éditions du Chat Noir Jolies Mary, une novella écrite par Gwendolyn Kiste qui est également l’autrice d’autres textes dont deux ont été traduits dans cette maison d’édition : Filles de Rouille et Plumes et Ciguë. On la retrouve aussi au sein de l’anthologie 9 où elle signait ma nouvelle préférée.

Ce n’est donc pas la première fois que je lis cette autrice et je commence à relever un certain schéma dont nous reparlerons plus loin. Mais qu’en est-il de Jolies Mary ?

Et bien c’est une histoire de fantômes et plus précisément, de Maries (au pluriel !). Elles sont cinq, cinq Mary issues du folklore américain, mortes et conscientes, obligées de se nourrir de la terreur des humains pour survivre.

La narratrice de cette histoire est Resurrection Mary, surnommée Rhee, une jeune femme qui aurait été percutée par une voiture alors qu’elle revenait d’un bal, dans les années 20. Notre narratrice n’a aucun souvenir de tout cela, on la rencontre alors qu’elle se nourrit de gens sur « sa » portion de route et, petit à petit, on découvre sa vie, le bien vivant David dont elle est amoureuse depuis des années, le manoir où elle est enfermée avec ses quatre sœurs de cœur, le passage du temps aléatoire… Ainsi que la situation problématique dans laquelle se trouvent les fantômes puisque trois d’entre elles semblent être oubliées des humains et avoir de plus en plus de mal à être vues et donc à se nourrir. Pour ne rien arranger, une voix masculine menaçante semble vouloir s’emparer des Mary…

Comme c’était déjà le cas dans ses deux autres romans, Gwendolyn Kiste met en scène un groupe de femmes malmené par un ou plusieurs hommes (ou une société patriarcale) et qui devront s’unir pour parvenir à s’en sortir, à lutter. Quand on a déjà lu l’autrice, le schéma narratif ne recèle aucune surprise mais n’en reste pas moins efficace. Les pages se tournent toutes seules et je la préfère décidément au format court.

L’autre intérêt de cette novella étant de faire découvrir des légendes méconnues du grand public. Je n’avais jamais entendu parler de Mistress Mary et de son jardin vénéneux, de Mary Mack condamnée à fabriquer son propre cercueil pour l’éternité ou encore Mari Lwyd qui est une légende galloise autour d’un crâne de jument… La fin de l’ouvrage contient d’ailleurs les chansons / comptines dont sont inspirées les Mary et j’ai trouvé l’idée intéressante.

La conclusion de l’ombre :
Si vous aimez les histoires de fantôme et les légendes urbaines, alors il est probable que vous passerez un chouette moment avec Jolies Mary. Cette novella embarque son lecteur au sein d’une sororité de fantômes qui vont se battre pour survivre et briser un cycle où la mort n’est pas une fin en soi. J’ai été touchée par les tourments de Rhee et apprécié découvrir ce texte recommandable.

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Informations éditoriales :
Jolies Mary par Gwendolyn Kiste. Traduction par Cécile Guillot. Illustration de couverture par Mina M. Éditeur : le Chat Noir dans la collection f. nigripes. Prix au format papier : 12 euros.

Les abandons de l’Ombre : Les oubliés de l’Amas, Sombre Tilly et les Errantes.

L’année 2023 n’a pas commencé sous les meilleures auspices car elle compte déjà trois abandons même si, heureusement, il y a aussi eu de belles lectures. C’était donc l’heure de réécrire un nouvel article sur mes abandons afin de vous expliquer ce que je n’ai pas aimé dans ces livres et ce qui, potentiellement, pourrait vous plaire à vous.


J’ai reçu ce roman dans le cadre de la masse critique Babelio. Je l’avais demandé parce qu’il venait de recevoir le prix des Utopiales et que je m’y rendais (enfin que je devais encore m’y rendre, à ce moment-là), j’étais donc curieuse de retenter l’aventure avec cette autrice que tout le monde encense puisque je n’avais lu que Rouille et que ça ne m’avait pas plu. Ce n’est donc pas la première fois que je lis un roman de Floriane Soulas et même si je le regrette, je pense que je ne suis tout simplement pas son public. Son style et sa maturité ont clairement évolué depuis Rouille mais cela ne me suffit pas, encore moins dans un roman de science-fiction où je commence déjà à avoir lu un certain nombre de pépites et d’auteur·ices costaud·es.

D’emblée, j’ai trouvé la mise en place bien trop longue pour ce qu’il y avait à raconter. Si j’avais lu ce roman il y a quelques années, avant d’en découvrir d’autres de hard sf ou plus ambitieux, sans doute l’aurais-je apprécié mais ici ce n’est pas le cas. Quand je vois à quel point les auteurices actuel·les sont doués pour faire briller la SF en format court, j’ai du mal à comprendre l’intérêt de s’étaler sur autant de pages pour « ne rien dire ». C’est longuet sans raison et le personnage de Kat n’a pas su me toucher, aucun des personnages présentés jusqu’au moment où je me suis arrêtée, d’ailleurs. Je suis restée extérieure au récit, ce qui est dommage.

L’univers proposé n’est pas dénué d’intérêt ni de mystère, notamment pour ce qui concerne Jupiter. Là où je me suis arrêtée, l’action se déroulait toujours sur l’Amas, près de la planète Jupiter, et l’ambiance résolument sombre, sale, assez désespérée à la limite de la dystopie a achevé de me perdre. C’est tout personnel mais ce n’est plus du tout quelque chose que j’ai envie de lire et cet aspect ne se ressentait pas trop dans le résumé. D’ailleurs, en parlant de résumé, celui présent sur le site de l’éditeur ne correspond pas à celui dans le dos du roman, qui est bien plus complet, ce qui est quand même surprenant car ça ne renvoie pas du tout la même ambiance. Dommage !

Bref, j’ai pour principe de ne pas me forcer à lire un roman quand il m’ennuie et malheureusement, c’est le sentiment qui domine la première centaine de pages. Je suis dans un état de fatigue qui fait que je me sens de toute façon incapable de m’« obliger » à finir donc je déclare forfait -d’ailleurs on ne devrait jamais être contraint de finir un livre, SP ou pas. Peut-être que cela devient meilleur après et je rate sûrement quelque chose vu que tout le monde semble avoir adoré ce livre mais tant pis pour moi. Je vais en faire don à la bibliothèque du village afin de lui offrir une nouvelle vie et que ce service presse ne soit perdu ni pour l’éditeur, ni pour l’autrice à qui je souhaite une bonne continuation dans son aventure littéraire.

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J’ai acheté ce roman aux début octobre 2022 et je voulais le lire pour Halloween mais il est finalement resté dans ma Pàl quelques mois de plus. On y suit Matilda, une sorcière qui n’a rien de gentille et qui utilise sa magie pour faire souffrir les gens qu’elle n’apprécie pas. Dans cet univers, chaque fois qu’on se sert la magie pour faire le mal, on récolte une marque sur la peau du visage mais Matilda connait un sortilège pour invisibiliser ces marques même si elles restent à vif et lui causent de la souffrance. On rencontre donc un personnage plutôt désagréable envers qui on a du mal à ressentir de l’empathie. J’apprécie pourtant de suivre ce genre d’anti-héros car cela permet d’offrir un point de vue différent de ce dont on a l’habitude et peut apporter une certaine richesse au sein d’un récit. Ç’aurait pu être intéressant et original.

Mais…

J’ai arrêté ce livre au bout d’une centaine de pages car j’ai assez vite compris où l’autrice nous emmenait et j’ai senti venir le twist final de très loin. Par acquis de conscience, j’ai été lire la fin et il s’avère que j’avais entièrement raison. En général je suis le genre de lectrice qu’on arrive à manipuler facilement donc imaginez ma surprise quand toutes mes hypothèses se sont avérées vraies… De plus, l’ambiance tourne assez rapidement à la teenage romance mièvre. Comme par hasard, Matilda rencontre un garçon qui, comme par hasard, pratique également la magie et a comme par hasard deviné qu’elle était une sorcière, et lui, vous comprenez, il aimerait bien qu’on lui apprenne quelques trucs aussi parce qu’il ne descend pas d’une lignée… Bref, je dois manquer de foi en l’être humain mais je l’ai trouvé trop louche parce que trop gentil et compréhensif dés le départ.

J’aurais sans doute bien plus apprécié ce titre si je n’en avais pas déjà lu cinquante du même genre. Je n’ai rien à redire sur le concept ou sur la manière d’écrire de l’autrice, ce n’est simplement pas un roman qui est fait pour moi.

D’autres avis : pas chez les blogpotes.


Encore un roman fantastique mais cette fois, avec une histoire de fantômes ! On suit le quotidien de trois filles : Suzanne, Anne-Lise et Saskia qui vivent toutes dans le même immeuble et vont commencer à voir / entendre / rêver des choses vraiment bizarres. Le début du roman est consacré à présenter chacune des jeunes femmes au sortir de l’adolescence et d’expliquer leurs petits problèmes : Suzanne est une gameuse qui rêve de devenir une influenceuse célèbre mais son père ne la soutient pas du tout. Elle est toujours en deuil de sa mère et finit par quitter le domicile familial pour habiter dans l’immeuble qui appartient à la famille d’Anne-Lise car elle connait son petit frère, qui est un de ses fans. Anne-Lise est une jeune femme très religieuse qui a perdu la foi en l’institution de l’église après avoir constaté de près l’inaction de ses parents et proches contre un prêtre de leurs amis, accusé de pédophilie. Elle est donc en pleine crise existentielle. Enfin, Saskia est une artiste venue d’Estonie pour terminer son master en art à Paris et elle vient d’être rejetée par un grand galeriste, ce qu’elle vit très mal.

Des trois, c’est Saskia que j’ai préféré car c’est la seule que j’ai trouvée crédible et intéressante. Les deux autres filles me paraissaient excessives et lassantes… Quand les interventions surnaturelles commencent à se produire, c’est celle de Saskia qui est finalement la plus inquiétante et la mieux maîtrisée. J’ai arrêté le roman à la moitié en me rendant compte que je ne ressentais aucune envie de connaître la fin. Je me fichais totalement de ce qui allait arriver à ces personnages… Sans compter que les délires mystico-religieux, j’ai eu ma dose et même s’il y a de bonnes idées, elles n’ont tout simplement pas fonctionnées sur moi. Dommage !

D’autres avis : pas chez les blogpotes.

Quelles conclusions en tirer ?
Hormis que trouver des récits satisfaisants devient de plus en plus difficile, je ne sais pas trop…

Plus sérieusement, je pense que je suis en train de vivre le deuil d’une « ancienne moi » qui adorait ce genre d’histoire, qui en écrivait même et qui aurait aimé retrouver ce plaisir d’en lire. Le souci c’est que je ne suis plus cette personne et que je dois l’accepter. Mes centres d’intérêt évoluent, j’ai lu beaucoup trop de récits de ce type pour encore y trouver une surprise ou de l’intérêt (même si ça peut arriver comme avec Une rivière furieuse) et je décroche donc facilement.

Je dois aussi arrêter d’acheter des pavés (sauf si c’est Ada Palmer qui les écrit) parce que les livres trop épais me découragent, me demandent une énergie mentale que je n’ai pas pour le moment. Cela aussi, je dois apprendre à l’accepter.

Et vous, est-ce que vous avez abandonné un livre récemment ?

Une rivière furieuse – Erica Waters

De quoi ça parle ?
Quelque part dans une petite ville américaine, Rochelle disparait. Sa sœur, Natasha, décide de mener l’enquête car elle juge que la police ne s’occupe pas bien de l’affaire. En désespoir de cause, Natasha va voir Della, une sorcière, espérant recevoir son aide. Mais Della a ses propres problèmes à gérer : sa mère, devenue un monstre aquatique, est probablement derrière cette série de disparition dont Rochelle n’est qu’une des victimes…

Natasha et sa sœur Rochelle sont des enfants adoptées par une famille blanche et riche. Natasha souffre d’accès colériques et est en pleine tourmente vu ce qui arrive à son aînée. Elle est persuadée que Jake Carr, le petit ami de Rochelle et accessoirement star locale du country est responsable de sa disparition. En creusant, elle va découvrir de nombreux secrets sur sa sœur qui vont mettre à mal ses certitudes. La suivre dans sa tourmente et dans l’évolution de l’intrigue est passionnant car elle fait de mauvais choix ou du moins des choix discutables pour parvenir à découvrir la vérité. On entrevoit déjà que le roman porte bien son titre car au-delà du sens strict qui devient évident dans le dernier tiers du roman, l’aspect fureur avec tout ce que ça implique est très bien incarné en Natasha.

Della, de son côté, doit s’occuper seule de sa mère car son père est présenté comme faible, alcoolique et démissionnaire face à l’état de sa femme. Elle appartient à une famille de sorciers qui vit pauvrement de petites potions préparées à la demande de personnes qui souhaitent de venger d’un conjoint infidèle et est contrainte d’enfermer sa mère dans une prison désaffectée pour que celle-ci n’agresse personne quand, la nuit, elle se transforme en sirène monstrueuse. Le poids sur ses épaules est énorme tout comme la culpabilité et la solitude. On ne peut s’empêcher d’éprouver une certaine empathie à son encontre malgré son caractère plutôt rude.

Une narration efficace.
Le roman est écrit à la première personne et composé de deux narrations qui s’alternent : celle de Natasha et celle de Della. Cela permet au lecteur d’être au plus près des émotions de ces deux adolescentes en crise qui doivent gérer des problèmes d’adultes. Pour moi, la grande force du roman se situe justement dans ce choix narratif commun au genre young adult et dans les personnages dépeints. Les deux filles ont leur personnalité propre et le style d’Erica Waters le retranscrit bien, s’adaptant à l’une comme à l’autre sans jamais les confondre. C’est le plus gros point fort du roman à mes yeux d’autant que l’intrigue en elle-même reste assez classique (ce qui ne signifie pas qu’elle soit inintéressante pour autant).

Du féminisme et de la romance.
L’originalité se trouve aussi dans le ton résolument féministe du roman et dans cette romance entre les deux héroïnes qui change dans le genre young adult ou même de manière générale. J’ai assez peu l’occasion de lire un roman de l’imaginaire où l’héroïne est lesbienne assumée, encore moins où ce thème ne devient pas du coup le centre de l’intrigue. Cela ne signifie pas qu’il n’en existe pas, juste qu’ils ne doivent pas être très bien mis en avant sans quoi je n’aurais pas autant de difficultés à trouver un autre titre du même genre dans ma mémoire… Je suis une fervente partisane de l’inclusion par la banalisation, un peu comme dans les romans de John Scalzi ou d’Ellen Kushner car même si la lutte importe, c’est en normalisant ces relations qu’on cessera, je pense, de les stigmatiser inutilement. Qu’on partage ou non mon avis, c’était à mes yeux la grande force d’Une rivière furieuse même si, à mon goût, cette romance sort un peu de nulle part et que j’ai eu du mal à y croire. Mais bon, j’ai régulièrement ce sentiment dans les romances donc c’est plutôt que cet aspect d’une intrigue m’intéresse / me convainc assez peu de manière générale.

Ce roman ne me laissera pas un souvenir impérissable toutefois j’ai eu envie d’en parler pour son parti-pris très girl power et pour la dernière page qui m’a marquée par son discours assez désabusé sur les hommes et la nature humaine de manière générale. Certain·es le lui reprocheront peut-être mais comme je suis assez proche de cet état d’esprit, j’ai surtout été heureuse de lire un texte qui assume jusqu’au bout et tranche dans le vif.

La conclusion de l’ombre :
Une rivière furieuse est un one-shot fantastico-horrifique mettant en scène deux adolescentes qui se débattent avec des problèmes d’adultes en plus de soucis magiques. C’est un bon divertissement qui plaira au lectorat young adult en quête d’inclusivité (ce qui est mon cas pour au moins la deuxième partie de l’intitulé) et d’un one-shot à suspens efficace. Si l’intrigue ne révolutionne pas le genre, je retiendrais ce roman surtout pour son propos militant féministe et son ton désabusé sur la question de l’égalité qui a le mérite d’être, à mon sens, assumé et bien trop réel encore de nos jours.

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Informations éditoriales :
Une rivière furieuse par Erica Waters. Traduction : Cécile Guillot. Éditeur : le Chat Noir. Illustration de couverture : Mina M. Prix au format papier : 19.90 euros.

Le Respir – Saintclair HJ

La thanatophilie est l’adjectif utilisé pour qualifier un amour et une fascination pour la mort, à ne pas confondre avec la nécrophilie qui est un attrait sexuel pour les cadavres. Étrange entrée en matière, pensez-vous ? Pas du tout cas l’amour de la mort est bien le cœur du texte qui nous occupe ici…

Le Respir est une novella gothique se déroule à Paris durant les années 2019 et 2020. Le lecteur est invité à suivre Pierre, un adolescent souffrant de mutisme qui s’exprime par langue des signes mais également à l’écrit. C’est son journal que nous lisons, journal qu’il rédige dans une langue soutenue teintée de poésie macabre qui a su me séduire. C’est à mes yeux une des grandes forces du texte mais j’ai conscience que cela peut-être un frein aux yeux d’autres personnes qui trouveront ces effets de style « inutiles ». La poésie des mots ne l’est jamais pour moi mais les goûts et les couleurs… Bref.

Pierre souffre de tendances suicidaires, il est résolu à mourir toutefois il repousse sans arrêt le moment, encore plus quand il remarque que le remplaçant de son professeur décédé ne respire pas. Nait alors une obsession qui l’amènera, avec son amie Claire, à remonter une piste datant du XIXe siècle… Car Mr Aubespin est forcément plus vieux qu’il n’y parait, non ?

Le Respir coche toutes les cases de ce qu’on attend pour un texte gothique. On a un cadre sombre avec de nombreuses scènes se déroulant dans un cimetière ou dans les catacombes -une ambiance très maîtrisée. On a un personnage en détresse souffrant de névroses psychiatriques qui est obsédé, passionné, par son professeur au point d’embrouiller le lecteur entre réalité et fantasme. On a également une créature surnaturelle mystérieuse qui a quand même le bon goût de s’éloigner des attentes habituelles en la matière.

En ce sens, on pourrait qualifier le Respir de classique mais il est en même temps assez moderne dans son contexte et dans l’exploitation des névroses comme des maux de notre époque. J’ai d’ailleurs apprécié la manière dont est abordé le mutisme au quotidien, surtout à travers les difficultés qu’a Pierre à communiquer. Imaginez que ses propres parents n’ont jamais pris le temps d’apprendre la langue des signes et que vous deviez leur parler en tapant sur un portable dont ils lisent l’écran en diagonale dans le meilleur des cas ? Dans le même ordre d’idée, comment vous défendre d’une accusation ou d’une agression sans aucune voix pour argumenter ? Car bonne chance pour qu’un agresseur accepte de se poser et de lire un message… Plus d’une fois, les échanges sociaux de Pierre ont fait naitre en moi une frustration et m’ont poussé à réfléchir sur le sujet, bien que ce ne soit pas la thématique centrale de la novella.

Le texte recèle certaines surprises (dont la fin) et est traversé par un spleen digne de Baudelaire en personne. C’est quelque chose qui fonctionne très bien sur moi, surtout lorsque c’est maîtrisé et je trouve que l’auteur s’en sort plus que bien ici.

La conclusion de l’ombre :
Le Respir est typiquement le genre de novella qui serait devenue mon texte préféré durant mon adolescence car non seulement il coche toutes les cases du genre gothique mais parvient à les exploiter d’une façon intéressante avec une plume travaillée au vocabulaire soutenu et des passions vivaces. J’ai été absorbée par ma lecture au point de la dévorer d’une traite alors si vous aimez ce genre littéraire, n’hésitez pas à vous lancer dans sa découverte.

D’autres avis : Maude ElytherMoonlight Symphony – vous ?

S4F3 : 18e lecture
Informations éditoriales :
Le Respir par Saintclair HJ. Éditeur : Le Chat Noir. Illustration de couverture par Marcela Bolivar. Prix au format papier : 12 euros.

Les Chroniques Homérides (trilogie) – Alison Germain

Connaissez-vous les Chroniques Homérides ? Il s’agit d’une trilogie d’urban fantasy inspirée par la mythologie grecque et écrite par l’autrice française Alison Germain. Son nom ne vous dit peut-être rien comme ça mais il est plus probable que vous la connaissiez sous son pseudo de booktubeuse : Lili Bouquine.

Le premier tome de sa série est sorti en octobre 2017 et je me rappelle très bien de son avant première aux Halliennales où elle a du en dédicacer une bonne centaine sur sa journée. Si vous suivez un peu, vous savez qu’Alison est aussi une amie et lui voir une telle réussite m’a vraiment fait plaisir. Surtout que ce premier tome était également son tout premier roman ! Que de pression.

J’avais chroniqué un peu plus dans le détail le tome 1 intitulé le Souffle de Midas ainsi que le suivant, l’Ultime Oracle. Mon achat et ma lecture du troisième volume, la Marque de Cronos, est l’occasion pour moi de vous présenter la série dans son ensemble mais aussi de vous partager une petite réflexion sur la manière dont les auteur·ices peuvent évoluer au fil d’une saga.

Les chroniques Homérides, en quelques mots :
Louise est anglaise et étudiante en lettres. En rentrant chez elle un soir, elle entend une femme hurler dans un parc et décide de lui porter secours. Elle assiste à ses derniers instants et va hériter de son don : celui de transformer ce qu’elle touche en or (le fameux souffle de Midas du titre). Sa vie va alors totalement basculer. Louise va découvrir qu’il existe toute une société de gens appelés Homérides qui possèdent des fragments de pouvoirs divins, cachés en eux par les dieux de l’Olympe au moment où la foi des hommes a commencé à faiblir. Une société qui, évidemment, court un danger.

Un pitch on ne peut plus classique, toutefois on ne rappellera jamais assez que classique ne signifie pas mauvais ou ennuyeux. Il est clair que cette trilogie respecte les codes de l’urban fantasy mais parvient à se démarquer sur deux points. D’une part, son univers et d’autre part, ses personnages. Personnellement, quand je lis de l’urban fantasy, je cherche surtout des protagonistes intéressants à suivre et avec lesquels je vais avoir envie de vivre des aventures, pour lesquels je vais m’inquiéter, trembler, dont je vais me soucier. Je veux m’investir émotionnellement dans ma lecture et c’est ce qui est arrivé ici.

Une exploitation réussie de la mythologie grecque :
Hormis Percy Jackson (uniquement vu en film), je n’ai pas en mémoire de saga littéraire d’urban fantasy récente qui s’inspire de la mythologie grecque. Je dois cependant avouer que je ne suis pas spécialiste du genre et que j’ai pu en louper…. Bref ! On sent que l’autrice aime la Grèce (elle y a voyagé), sa culture et sa mythologie, qu’elle réutilise plutôt habilement pour offrir un univers original qui s’étoffe à mesure de l’avancée des tomes. Pour moi qui ai fait des études dites de culture classique durant mes secondaires (le lycée pour les français), c’était un vrai régal de pouvoir chercher toutes les références, de croiser certaines divinités, de comparer les légendes originelles à ce que l’autrice en a fait… Clairement, la lecture des Chroniques Homérides avait un côté ludique pour moi qui devrait plaire à toutes les personnes qui s’y connaissent un peu en la matière, sans pour autant laisser les autres sur le bord de la route.

Des personnages attachants :
Louise est sans conteste le personnage principal et une jeune femme très agréable à suivre. Je me suis sentie proche d’elle, déjà par ses références culturelles mais aussi par son caractère. Elle sonne vrai et n’a rien d’une super-héroïne qui gère tout, toute seule. Ses émotions sont sa force (quoi qu’en disent certains) et son bon cœur ne la rend pas stupide pour autant ni inconséquente, comme cela arrive souvent. Sauf peut-être au tout début quand elle se dit que c’est une bonne idée d’aller toute seule dans un parc la nuit après avoir entendu une femme hurler en espérant lui porter secours, mais bon. Il fallait bien un déclencheur à l’histoire !

Pour ne rien gâcher, l’autrice ajoute à partir du second tome des chapitres d’autres points de vue, également à la première personne, ce qui permet d’enrichir l’intrigue et de densifier les évènements qui s’enchainent de plus en plus vite -sans pour autant que ça soit trop rapide. Je me suis rapidement attachée aux protagonistes de cette histoire, ce qui est quand même fondamental dans ce type de récit. Au rang des autres personnages principaux, on retrouve Ellie, la dernière Pythie d’Apollon, une jeune fille attachante qui porte un lourd fardeau. Dans le tome 3, c’est Marshall, le frère de Louise, qui partage la narration et devient un personnage central après avoir été handicapé par Néoclès dans le tome précédent. Jeune homme dans la fleur de l’âge, se retrouver aveugle du jour au lendemain est un coup dur pour lui et la manière dont Alison traite ce protagoniste ainsi que ses émotions m’a plu.

Une évolution de style à saluer :
Alison Germain a commencé à écrire cette histoire il y a neuf ans et elle la publiait sur Wattpad. J’ai donc connu Louise à ses débuts et je me réjouissais déjà de l’accompagnement éditorial des éditions du Chat Noir sur le premier tome, comme je l’avais mentionné dans son billet car on sentait déjà une grosse évolution littéraire. Il restait des maladresses, des à-coups, des transitions mal exécutées mais on en trouve généralement dans tous les premiers romans -les miens en tête. Entre 2012 et aujourd’hui, presque dix années se sont écoulées et c’est un laps de temps extrêmement long pour un·e auteur·ice. Personnellement, j’observe déjà des changements radicaux chez moi dans mes goûts et ma façon d’écrire sur six mois alors on aurait pu craindre le pire pour les Chroniques Homérides… Comme, par exemple, que l’autrice s’en lasse et ne parvienne pas à achever sa trilogie ou qu’elle la bâcle pour dire d’y mettre un point final (comment ça tout le monde n’est pas comme moi ? Mais !).

Ce n’est pas le cas, je vous rassure. Si je trouvais le premier tome un peu trop orienté sur la romance naissante avec Angus et la mise en place parfois maladroite, les défauts relevés avaient déjà été gommés dans le suivant qui offrait un développement narratif plus sombre, avec davantage d’enjeux. L’autrice continue sur cette voie avec ce dernier volume qui parvient à se concentrer sur ce qui importe vraiment dans l’histoire, sans laisser d’éventuels hormones tout gâcher et ça, c’est beau ! Parce que cette fin de saga, honnêtement, me satisfait et c’est assez rare pour être soulignée.

Pourquoi je vous parle de tout ça ? Parce que ce changement implique que tout qui se lancera dans la lecture des Chroniques Homérides sentira cette différence de qualité et devra passer par un premier tome porteur des défauts qu’on s’imagine voir dans un premier roman pour découvrir deux suites beaucoup plus enthousiasmantes. J’ai trouvé l’exercice intéressant car il m’a permis de constater de manière claire l’évolution d’une autrice au fil du temps, ce sur quoi on ne s’arrête pas toujours. Ainsi, si vous avez lu le premier volume sans aller plus loin, je vous encourage à jeter un œil à la suite car vous risqueriez d’avoir une bonne surprise.

À qui recommander cette série ?
-Aux personnes qui aiment la mythologie grecque.
-Aux personnes qui aiment l’urban fantasy.
-Aux personnes qui n’ont pas forcément besoin d’une romance omniprésente pour aimer une histoire.
-Aux personnes qui souhaitent découvrir une autrice française prometteuse et soutenir une petite structure éditoriale.

La conclusion de l’ombre :
Je ne pense pas que j’aurais lu cette série si Alison n’avait pas été une amie mais, en toute honnêteté, je ne regrette pas un instant de l’avoir fait car c’est un chouette divertissement qu’on aimerait d’ailleurs voir adapté en série télévisée. Ça aurait de la gueule ! Voilà une belle première aventure éditoriale qui s’achève.

D’autres avis : pas dans mon cercle de blogo mais manifestez-vous si je vous ai loupé.

Informations éditoriales :
Les Chroniques Homérides (3 tomes) par Alison Germain. Éditeur : Le Chat Noir. Couverture : Miesis. Prix à l’unité : 19.90 euros.

Chronique de trois abandons successifs (ou presque !)

Il y a des périodes où, malheureusement, s’enchainent les lectures décevantes même quand on se tourne vers des valeurs sûres. En règle générale, je n’écris pas à leur sujet mais je vais faire une exception puisque j’ai quand même abandonné deux UHL presque coup sur coup et terminé une novella publiée au Chat Noir en me forçant. Ça valait bien un petit billet d’autant qu’il en fallait un pour valider la dernière lecture pour le Winter Short Stories of SFFF…

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Quand on décide de compléter une collection littéraire, il est certain qu’on n’appréciera pas tous les ouvrages publiés en son sein de la même manière. Il me reste encore peu d’UHL à lire et si je ne les ai pas encore lus, c’est pour une raison : souvent parce que le résumé ne m’attirait pas tant que ça. Pourtant, je tiens à essayer et c’est ainsi que je me suis lancée dans la lecture d’Helstrid de Christian Léourier.

Il faut savoir que, jusqu’ici, j’ai apprécié les quelques textes courts lus chez l’auteur. Je partais donc avec confiance et j’ai rapidement déchanté en me rendant compte que le personnage principal provoquait chez moi un fort sentiment de rejet. J’ignore à quoi cela est du mais la manière dont l’I.A. Anne-Marie est mise en scène m’a également fait ressentir un malaise. N’étant pas capable de passer outre, j’ai tout simplement laissé le livre de côté. Parfois, ça ne sert à rien de s’acharner et j’ai appris à dire stop.

J’insiste : je ne remets pas en cause les qualités de l’auteur. Juste, je n’ai pas accroché…

D’autres avis : Le dragon galactiqueLes critiques de YuyineNevertwhere – L’épaule d’Orion – Les lectures de Xapur – Le culte d’Apophis – Les lectures du maki – La bibliothèque d’Aelinel – Au pays des cave trolls – Lorhkan et les mauvais genres – 233°C – L’ours inculte – vous ?

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Et ça a été la même chose avec le second UHL : La Chose (justement…) qui est pourtant un texte important dans le paysage de la SF, un texte qui date de 1938 et a été traduit par Pierre-Paul Durastanti dans la présente édition. Hélas, dés le début, je me suis ennuyée. Les personnages manquent de consistance, si bien que je ne suis pas parvenue à me sentir concernée par eux et donc l’ambiance horrifique n’a pas du tout fonctionné puisque je me fichais de ce qui pouvait leur arriver. Une fois à la moitié, j’ai lu en diagonale jusqu’à la fin, par curiosité puisqu’il s’agit d’un monument. Si j’ai bien aimé ce qu’elle ouvre comme perspectives, cela ne va pas plus loin.

D’autres avis : L’épaule d’OrionAlbédo – Le culte d’Apophis – Au Pays des Cave Trolls – Le post-it sfff – Lorhkan – vous ?

Du coup, me voilà bien embêtée avec le challenge de l’amie Trollesse puisque je stagne sans rien valider. Ainsi, quand j’ai reçu Quand vient le dégel de Jayson Robert Ducharme aux éditions du Chat Noir (traduit par Cécile Guillot), j’en ai profité et me suis fait violence pour aller au bout des 96 pages.

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Il faut savoir que la novella s’ouvre sur une note de l’auteur qui explique avoir écrit son texte en réponse à l’appropriation culturelle de la fameuse forêt du suicide au Japon, qu’il qualifie de fascination morbide à usage commercial. Il voulait, dit-il, apporter sa propre pierre à l’édifice contre cette appropriation sauf qu’il le fait en… écrivant une fiction sur le sujet à usage commercial ? J’ai du passer à côté de quelque chose dans sa logique.

Son texte raconte l’histoire d’Eleanor qui se rend dans la forêt Adrienne (inspirée de celle d’Aokigahara) à la recherche de son fils de dix-sept ans qui a des pensées suicidaires. Je ne peux pas vraiment en dire plus sans dévoiler le nœud de l’intrigue et le retournement de situation qui permet de comprendre ce qui paraissait, de prime abord, être des incohérences. L’ambiance n’a pourtant, une fois de plus, pas fonctionné sur moi d’autant que je ne me suis pas attachée au personnage d’Eleanor qui a des préoccupations très éloignées des miennes. La fin a aussi été relativement décevante, pourtant il y avait de chouettes idées. Mettons ça sur mon côté macabre…

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Je dois avouer que je suis un peu saoulée par ces abandons multiples, j’ai donc décidé de faire une pause dans le format court pour me réfugier dans une valeur sûre avec l’Alphabet des créateurs d’Ada Palmer.

Et vous, des déceptions récemment ?

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Avancée du challenge : 38 textes lus.
Bonus : Lire un texte qui fait peur.

Dames de rêves, dames d’ombres : la littérature gothique féminine anglo-saxonne du XXème siècle à nos jours – Cécile Guillot

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Voilà une éternité (hop tout de suite j’exagère) que j’entendais parler de ce projet mené par Cécile Guillot, fondatrice et éditrice des éditions du Chat Noir : écrire un essai sur la littérature gothique. J’attendais sa réalisation avec impatience car le genre littéraire gothique a eu une forte influence sur moi durant mes études universitaires et même en tant qu’autrice, quoi que je m’en sois depuis éloignée par lassitude envers ses thématiques répétitives et la romance omniprésente qui a tendance à, aujourd’hui, m’ennuyer.

Il n’empêche que je ne pouvais pas manquer la sortie de l’ouvrage dont il sera question aujourd’hui. Sans y aller par quatre chemins : si j’ai apprécié ma lecture, j’en ressors également frustrée et c’est en partie ma faute puisque je n’ai pas lu correctement le sous-titre ni même la quatrième de couverture. J’ai foncé dedans en m’attendant à quelque chose de précis mais qui n’était pas ce que la maison d’édition annonçait de base. Ma faute, donc.

L’essai comporte trois parties réparties sur 136 pages, ce qui est assez peu d’autant que la mise en page est plutôt aérée et comporte des images ainsi que des sauts de page réguliers. Cela rend toutefois la lecture fluide et confortable. J’ai aussi regretté -tant qu’on parle de mise en page- que le Chat Noir n’ait pas apporté à cet essai le même soin esthétique qu’à ses autres ouvrages à ce niveau. Les citations issues de diverses œuvres, par exemple, se perdent au milieu du reste du texte en étant signalées uniquement par des guillemets et ne sont même pas mises en italiques ou écrites dans une taille de police plus petite. C’est un détail mais c’est dommage.

Trois parties, donc, disais-je. La première se consacre au gothique dans la littérature dite féminine et romantique. Cécile Guillot a choisi d’aborder les différentes thématiques du genre à travers le portrait de diverses autrices (Daphné du Maurier, Victoria Holt ou encore V.C. Andrews) ce qui est une bonne idée même si, sur un plan personnel, j’aurais préféré l’inverse : traiter des caractéristiques du genre et de leur évolution en donnant divers exemples à travers l’histoire littéraire. Encore une fois, c’est propre à moi.

La seconde partie aborde le gothique dans la littérature fantastique ou dite d’horreur (c’est inscrit tel quel). Je trouve le titre un brin tendancieux, il me donne personnellement l’impression que fantastique = horreur alors que ce n’est pas le cas (que quelqu’un ranime Apophis !) même si j’ai conscience qu’il s’agit d’une maladresse. L’éditrice du Chat Noir est bien placée pour savoir que ces deux genres ne se mélangent pas systématiquement et quand j’en ai discuté avec elle, elle me l’a encore réaffirmé. Ce chapitre est l’occasion pour Cécile Guillot d’aborder d’autres autrices comme Angela Carter, Shirley Jackson, Susan Hill ou encore Anne Rice, toujours en suivant le modèle précédent.

J’ai appris beaucoup de choses dans ces deux parties, déjà des noms des grandes figures féminines de cette littérature. En cela, l’ouvrage apporte une pierre à l’édifice du devoir de mémoire sur les femmes en littérature dont je parlais justement dans ma chronique sur les Grandes Oubliées de l’Histoire.

Cécile Guillot consacre également un chapitre à la question du young adult gothique et la façon dont ce genre renouvelle le gothique féminin de nos jours. C’est un chapitre relativement court qui aborde l’évolution de la représentation féminine dans la littérature mais aussi de la représentation tout court au sens plus large (communauté LGBTQIA+, handicap, etc.) qui a une place fondamentale dans le champ littéraire de l’imaginaire et aurait pu donner lieu à une analyse plus poussée. Vous me direz, ce n’est pas le sujet premier de l’ouvrage toutefois la porte a été ouverte… Ici, l’autrice choisit de s’arrêter particulièrement sur une œuvre en particulier : La Maison de la nuit, que je n’ai pas lue donc sur laquelle je ne peux pas dire grand chose. Arrive ensuite une conclusion assez courte et succincte qui n’en est pas vraiment une puisqu’il reste encore une troisième partie, intitulée Ouverture, qui évoque le gothique à l’écran, le gothique ailleurs dans le monde et enfin l’influence des autrices anglo-saxonnes sur la littérature francophone.

La principale source de ma frustration après ma lecture c’est qu’en peu de pages, Cécile Guillot aborde énormément de thèmes différents sans forcément créer systématiquement des liens entre eux ou les approfondir. Elle dit elle-même à la fin de la partie sur le gothique dans le monde qu’il faudrait y consacrer un ouvrage entier et j’espère qu’elle le fera tout comme il y aurait matière à écrire un ouvrage sur chacune des questions que j’ai pu me poser, comme les liens entre les genres par exemple. Bref, le présent essai est davantage une introduction au genre gothique « classique ». Il est tout indiqué pour quelqu’un qui souhaite découvrir le mouvement gothique, avec des parties historiques bien documentées dans lesquelles on ressent toute la passion qu’a Cécile Guillot pour ce genre. Malheureusement -et c’est propre à moi- j’en attendais davantage. J’espérais plus de réflexions sur la façon dont le gothique vit aujourd’hui, peut-être un parallèle avec tout ce qui est « bit-lit » puisqu’elle évoque la figure du vampire notamment en parlant d’Anne Rice. D’ailleurs quand elle aborde la Maison de la nuit, Cécile Guillot titre « un YA entre bit-lit et gothique » mais l’un ne serait-il pas la version moderne de l’autre ? Pas de façon systématique toutefois on retrouve des caractéristiques du gothique dans beaucoup de sagas bit-lit. J’aurais aimé que la question soit posée directement pour pousser le lectorat à s’interroger ou que Cécile se fende d’une tentative de réponse (ce qu’elle a fait quand on a débattu ensemble après ma lecture ceci dit).

Mais surtout, j’espérais qu’une plus grande place serait laissée à la production francophone, encore plus dans un ouvrage publié aux éditions du Chat Noir qui est quand même spécialisé là-dedans et qui a quelques belles plumes du genre ou approchant dans son catalogue. Cela aurait rendu l’essai presque avant-gardiste puisqu’à ma connaissance, c’est un sujet assez peu exploité dans les réflexions sur les genres de l’imaginaire. Et c’est dommage parce que cette littérature a eu une énorme influence sur beaucoup de lecteur.ices de ma génération -dont moi je l’avoue.

La conclusion de l’ombre :
Cet essai sur la littérature gothique est une bonne porte d’entrée dans le genre d’un point de vue historique. Cécile Guillot offre un travail de synthèse soigné et très bien référencé qui permettra à son lectorat de pousser plus loin s’il le souhaite. Malheureusement, à mon goût, l’essai convient davantage à une personne qui débute en gothique qu’à quelqu’un qui a déjà des notions et qui chercherait un ouvrage plus moderne ou même davantage centré sur la production francophone. D’un autre côté, le sous-titre de l’essai est assez clair et si j’avais connecté deux neurones au moment de le lire, j’aurais su à quoi m’attendre. Cela ne m’a pas empêché de noter quelques titres intrigants dont les romans de Daphné du Maurier.

D’autres avis : Zoé prend la plumeLullastories – vous ?

Informations éditoriales :
Dames de rêves, dames d’ombres écrit par Cécile Guillot. Éditeur : le Chat Noir. Illustration de couverture : Mina M. Prix : 14.90 euros.

Ici se cachent les monstres – Amelinda Bérubé

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Ici se cachent les monstres
est un roman young-adult horrifique écrit par l’autrice canadienne Amelinda Bérubé. Disponible aux éditions du Chat Noir dans la collection Cheshire, vous trouverez ce texte sur leur site Internet au prix de 19.90 euros.

De quoi ça parle ?
Avant toute chose je vous invite à ne PAS lire la quatrième de couverture qui dévoile un élément qui se passe après la moitié du roman. Ce n’est pas, en soi, un trop gros souci mais quand même, ça oriente la lecture.
Skye a seize ans et en a marre de sa sœur, Deirdre, qui fait tout (et surtout le pire) pour attirer l’attention. Leur déménagement à l’autre bout du pays semble être une bonne occasion de tout reprendre de zéro, de se faire de nouveaux amis. Évidemment, Deirdre prend très mal cette volonté qu’a sa sœur de rencontrer d’autres personnes. Alors quand Deirdre disparait, Skye pense d’abord à une fugue avant de se demander s’il n’y aurait pas quelque chose qui se cache dans ces bois…

Une histoire de sœurs.
Comme régulièrement quand Cécile Guillot repère un texte, on retrouve une histoire qui met principalement en scène des personnages féminins et même des sœurs dont la relation est, ici, compliquée. Tant mieux, j’adore !

Voilà des années que Skye protège Deirdre, Deirdre qui est si étrange, qui invente un monde imaginaire où elles sont toutes les deux des Reines et vivent des aventures dangereuses mais passionnantes. Sauf que les rumeurs vont vite et Deirdre devient un souffre douleur qu’il faut protéger des enfants cruels. Skye ira assez loin dans cette démarche. Après leur déménagement, elle estime que les choses doivent changer et que Deirdre doit apprendre à se débrouiller toute seule. Elle cesse donc leurs jeux, rencontre William, Sophie et Kevin, tente de s’inclure socialement tout en gérant les crises de folie de Deirdre qui créé des monstres à partir de morceaux d’os, de bâtons et de boue.

En tant que lectrice, j’ai ressenti beaucoup d’empathie pour Skye, tiraillée entre l’amour qu’elle porte à sa sœur et l’envie de vivre, légitimement, pour elle-même. La relation n’est jamais nommée comme toxique mais on la ressent ainsi à travers les pages. Deirdre apparait comme une petite fille immature et égoïste sauf que rien n’est aussi tranché. La narration à la première personne, du point de vue de Skye, empêche la balance de pencher totalement d’un côté ou de l’autre car rien n’est inscrit dans le marbre. Skye remet sans arrêt les choses en perspective en fonction des évènements et, en cela, j’ai trouvé le choix narratif bien exploité.

Une histoire d’horreur.
N’oublions pas qu’avant d’être un récit de famille ou une histoire de sœurs, Ici se cachent les monstres est un roman à l’ambiance horrifique bien maîtrisée, qui va crescendo à mesure que les trois parties du texte se dévoilent. Les descriptions de l’autrice sont simples et efficaces. Elle n’a besoin d’aucune fioriture pour décrire l’atmosphère qui entoure la forêt toute proche ou l’urgence qui devient de plus en plus prégnante à mesure que les créatures posent des ultimatums à Skye. L’aspect horrifique paraîtra probablement classique à certain.es lecteur.ices adeptes du genre, toutefois classique ne signifie pas mauvais (on ne le rappellera jamais assez) et il est assez rare que je tombe sur des textes d’une telle efficacité.

Une histoire… plurielle.
Ici se cachent les monstres est un page-turner efficace avec des protagonistes principales particulièrement bien réussies mais ce n’est pas son seul atout. En toile de fond, on y évoque aussi le harcèlement scolaire et ses conséquences tout en peignant le portrait d’une famille comme il en existe tant, avec une mère qui travaille trop et un père dépassé par les évènements, une aînée sur qui repose la charge familiale et une cadette en constant besoin d’attention. Le principe parait banal mais c’est justement parce qu’il est à la portée de compréhension de n’importe qui qu’il fonctionne aussi bien, qu’on se prend autant au jeu. De plus, le roman nous oblige à nous confronter à des questions dérangeantes sur les choix que nous ferions et les extrémités auxquelles nous serions prêtes à aller pour protéger quelqu’un de cher. Et c’est en ça qu’il est brillant puisqu’à l’instar de textes comme ceux d’Anya Allyn (traduits chez le même éditeur), il oblige le.a lecteur.ice à considérer la légitimité de ses certitudes et de ses préconceptions. L’autrice bannit le manichéisme de l’équation, ce dont je me réjouis.

La conclusion de l’ombre : 
Ici se cachent les monstres est une one-shot horrifique young adult efficace et nuancé. C’est un roman qui dérange parce que rien n’y est simple, le manichéisme n’y a pas sa place. J’ai adoré me plonger dans ce texte et je le recommande plus que chaudement aux amateur.ices d’horreur.

D’autres avis : pas encore !