Trêve estivale (et au-delà ?)

Le blog a fêté en mai sa sixième année d’existence et c’était peut-être celle de trop.

D’abord parce que depuis quelques mois, j’ai beaucoup de difficultés à lire. Je me suis donc tournée vers des genres que je ne lis pas habituellement, ce qui m’a apporté un surprenant plaisir mais pas l’envie d’en parler d’autant que peu parmi vous sont intéressés par ce type de livres (mes quelques tentatives n’ont pas été très fructueuses).

Ensuite, j’ai de moins en moins envie de partager mon opinion sur mes lectures ou de construire des réflexions approfondies. Déjà parce que pour beaucoup de textes, il n’y a pas tellement à dire d’original ou d’intéressant mais aussi parce que c’est chronophage et je n’en retire plus réellement de plaisir, ce qui est problématique.

De plus, j’avais créé ce blog au départ pour échanger avec d’autres passionné·es de lecture et les échanges sont de moins en moins nombreux sur WordPress. Par échange, j’entends des discussions autour d’une lecture, des commentaires construits, pas juste un passage rapide ou un petit like. C’est sympa mais quel intérêt hormis celui des statistiques ? Les chiffres, ça ne m’a jamais intéressé, on peut leur faire tout dire et rien dire à la fois. Je me sens lassée quand je sais dire d’avance sur quelle chronique je vais avoir des réactions et lesquelles passeront inaperçues, à croire qu’il est plus intéressant de découvrir un roman sur lequel on sait déjà tout que des textes un peu plus confidentiels… 

Par comparaison, à quelques exceptions, ces échanges ont davantage lieu sur Instagram ce qui me donne bien plus envie d’alimenter ce réseau. Évidemment, on n’y trouve pas le même type de contenu que sur un blog, que ce soit en terme de développement ou de réflexion, mais ça me convient actuellement. 

En outre, ma vie professionnelle va prendre un nouveau tournant puisque je quitte mon métier actuel afin de me reconvertir. En quoi ? Je suis toujours en questionnement et actuellement en attente d’un retour sur un emploi auquel j’ai postulé (croisez les doigts pour moi 🙂 ) donc l’avenir reste à écrire. Je sais juste que l’enseignement, c’est terminé pour moi. Cette année a aussi été celle de trop et j’en ai pas mal souffert sur un plan psychologique. Je me sens vidée. J’ai besoin de prendre du recul, de me recentrer sur qui je suis aujourd’hui, à quelques jours de mes trente ans, et sur ce que je veux pour l’avenir.  

Plein de changements en perspective, comme vous pouvez le constater. 

J’ai donc décidé de mettre le blog en pause durant l’été et de voir à la rentrée si l’envie de reprendre est là ou non. En attendant, je continuerai d’alimenter mon compte Instagram et Babelio avec de très courts avis, quand l’envie sera là. Et à passer sur vos articles de temps en temps quand la motivation m’y poussera. 

Je vous souhaite de passer un bel été, prenez soin de vous et à bientôt ❤

Miranda – Nina Gorlier

« Sur un terrain désolé, comme à l’écart du monde, s’érige une maison. Une vieille bâtisse inquiétante. Pour la seule occupante des lieux, Miranda, cette demeure représente tout ce qu’elle a toujours connu. Fantasque et romanesque, rêveuse et réservée, l’adolescente tue le temps et sa solitude.
Jusqu’au jour où d’autres arrivants prennent possession de la maison… Cette famille laisse la jeune fille dans un désintérêt relatif – à l’exception d’Allen, le fils du couple Stanford. Malgré l’indifférence du nouveau venu, Miranda sent éclore en elle des sentiments inconnus, aussi volcaniques qu’obsédants.
Mais entre Allen et elle s’érigent le poids du passé, la méfiance d’une rivale et la présence d’un monstre qui rôde sans cesse autour d’elle. Peu importe : pour écrire l’histoire dont elle rêve et tromper sa solitude, Miranda est prête à tout… »

Miranda est une novella fantastique parue il y a un an dans la collection f. nigripes des éditions du Chat Noir dont je suis assidument chaque publication (tout comme les Une Heure Lumière du Bélial parce que j’adore décidément le format nouvelle / novella). Narrée à la première personne, elle propose de suivre Miranda qui hante la maison où elle a vécu. Même si ce n’est pas explicitement dévoilé, on comprend rapidement que Miranda est un fantôme et on imagine qu’elle a du vivre un drame. On ignorera lequel jusqu’à la toute fin.

Les familles défilent dans la bâtisse jusqu’à l’arrivée des Stanford. Miranda s’éprend alors d’Allen, leur unique fils, poète et parolier de chanson qui est contraint de suivre des études de droit. Évidemment, Allen a une petite amie et très vite, les choses deviennent compliquées pour la fantôme, d’autant qu’un monstre rôde en bas des escaliers…

J’ai particulièrement été sensible au personnage de Miranda pour laquelle j’ai ressenti énormément d’empathie. Même si son comportement n’est pas acceptable (on peut dire qu’elle harcèle Allen et ne respecte à aucun moment son intimité puisqu’elle le regarde dormir, le touche dans son sommeil et l’observe dans son bain, notamment) j’ai eu envie de lui trouver des excuses parce qu’elle me faisait de la peine. Je me suis investie émotionnellement avec elle, ce qui est la marque d’un texte réussi pour moi.

Les 118 pages se lisent rapidement et se tournent avec intérêt. À aucun moment je n’ai ressenti de longueur, le rythme est bon et le texte bien écrit. Les thèmes abordés le sont d’une manière subtile si bien qu’on n’a pas l’impression que l’histoire a été écrite pour eux mais plutôt qu’eux se sont instillés dans l’histoire, ce que j’apprécie tout particulièrement.

La conclusion de l’ombre :
J’ai lu Miranda d’une traite lors d’une soirée pluvieuse et je ne le regrette pas. Il s’agit d’une novella fantastique avec quelques éléments de gothique plutôt réussie dans l’ensemble, bien rythmée et dérangeante comme je les aime. Un texte très recommandable !

D’autres avis : Zoé prend la plumeLes tribulations de Miss Chatterton – vous ?

Informations éditoriales :
Miranda par Nina Gorlier. Éditeur : les éditions du Chat Noir. Illustration de couverture : Mina M. Prix : 12 euros.

Encrer l’avenir – énergies (anthologie)

Chaque année, Livr’S Éditions publie les nouvelles gagnantes du concours organisé par l’Université de Mons et son musé à destination des jeunes auteur·ices qui n’ont pas encore été publiés à ce jour, raison pour laquelle le recueil apparait dans la collection Jeunes Encres de la maison d’édition. Cette année, le thème était « énergies » et a été exploité brillamment par cinq autrices débutantes.

Au fil de l’eau – Eulalie Borsus
Henri et Gabrielle passent de nombreuses années à construire un moulin pour vivre en autarcie énergétique dans un monde où existe l’énergie quantique dont tout le monde se sert. Pour cela et peut-être parce que Gabrielle est muette, ils récoltent des brimades, des moqueries, et se replient de plus en plus sur eux-mêmes. Quand ZêtaCorp obtient le monopole sur l’énergie quantique et que les prix augmentent, les villageois comprennent soudain les motivations d’Henri et Gabrielle et essaient de profiter de leur électricité pour charger leurs batteries.

Cette nouvelle parle avec justesse de l’accès à l’énergie et de notre dépendance à la technologie. Elle rappelle l’importance de prendre son temps dans notre monde hyper connecté qui ne cesse de nous imposer la productivité.

Prismatique – Léa Dumont
Cléo est un poisson bioluminescent qui vit dans un bassin. Un jour, elle est enlevée par Eluna, une humaine qui a envie d’avoir un poisson luminescent domestique. Son monde est chamboulé par cette petite fille qui lui explique à quoi ressemble la surface en promenant Cléo dans un seau. La nouvelle s’étire sur sept années durant lesquelles une épidémie se déclare chez les poissons bioluminescents qui fournissent de la lumière à l’humanité. Du coup, le gouvernement impose des règles de plus en plus strictes à leur égard au point qu’Eluna doit finalement relâcher Cléo au risque de s’attirer des ennuis.

Cette nouvelle alterne les points de vue de Cléo et d’Eluna. Elle parle de notre exploitation des animaux et de la manière dont l’humanité se mêle toujours de « régler » les problèmes biologiques dont elle est le plus souvent à l’origine.

Étincelle – Lhéa Mittenaere
Felix travaille depuis un an pour le gouvernement, un peu contre son gré car il doit se ternir à carreau. Il a assisté à l’assassinat de son meilleur ami par les autorités alors qu’ensemble, ils avaient contourné la loi de restriction sur l’électricité pour jouer à des jeux-vidéos. Lucie débarque dans sa vie pour lui raconter l’histoire tragique de sa propre sœur, laissée de côté par la société car elle coûtait trop cher en énergie. Ils décident alors d’agir…

Cette nouvelle glaçante évoque sans concession un monde hélas pas si lointain où le gouvernement glisse petit à petit dans une forme de totalitarisme sous prétexte d’économiser une énergie de plus en plus rare, de plus en plus chère, au point de sélectionner qui a le droit de vivre ou mourir. Glaçant.

Les chiens sont-ils liquides ? – Louise Beckers
Lilalou est une adolescente privilégiée qui vit dans un quartier (ou une ville ?) entouré par un Mur qui la protège des désagréments de l’extérieur. On la suit dans une tranche de sa vie où elle essaie de participer à un concours de nouvelles sur le thème de « l’énergie » pour lequel elle n’a pourtant pas l’inspiration.

De manière subtile, l’autrice place dans son texte bien des réflexions sur la discrimination ordinaire, le dédain envers le malheur des autres, l’égoïsme parfaitement humain qui révolte le lecteur alors qu’il les a sûrement partagé au moins une fois, sans même y penser consciemment. Louise Beckers peint un monde en souffrance où l’esprit des gens est détourné de ce qui importe vraiment par de nombreux stimuli, des gens qui n’ont plus d’esprit critique et qui sont presque soulagés de ne pas devoir se questionner.

Le titre en témoigne d’ailleurs, c’est une question idiote en plus d’être potentiellement un gaspillage de ressource (son chien est mécanique) et son attention se focalise dessus au lieu des vrais problèmes sociaux auxquelles elle pense de manière très superficielle, étalant ainsi le lavage de cerveau dont elle est victime.

Encore un texte assez glaçant au point de vue original et très prometteur pour la suite si l’autrice continue d’écrire.

Le threenergy – Maëva Decorte
Alizée est la fille adoptive de Hector, l’homme chargé d’entretenir le ThreEnergy. Il s’agit d’un dispositif supposé permettre à une partie de l’humanité de survivre après l’Effondrement, une technologie conçue par « Monsieur Hope ». Hector a découvert que cette technologie n’a rien d’un sauvetage et essaie de mettre le reste du monde au courant mais il est assassiné. Alizée reprend le flambeau.

On peut résumer cette nouvelle en une phrase, extraite du texte : « les humains les plus dangereux sont parfois ceux convaincus de faire le bien ». Je ne peux pas en dire davantage sans dévoiler le twist final qui était un peu convenu pour le lectorat habitué à la dystopie mais n’en est pas moins dénué d’intérêt ni de pertinence.

La conclusion de l’ombre :
Encrer l’avenir – énergies est un recueil de jeunes plumes d’une grande qualité qui se propose d’aborder à travers cinq textes très différents la question de l’énergie et de son impact sur notre société moderne. Pour un prix tout à fait modique (12 euros) on a ici non seulement un matériel pédagogique incroyable mais aussi une porte ouverte sur de nombreuses réflexions tristement d’actualité.

D’autres avis : pas chez les blogpotes mais j’espère que ça vous donnera envie !

Informations éditoriales :
Encrer l’avenir – énergies. Nouvelles écrites par différentes autrices renseignées dans la chronique. Éditeur : Livr’S Editions. Illustration de couverture et illustrations intérieures par Charlotte Langohr. Prix : 12 euros au format papier.

Une mélodie pour les fantômes – Erica Waters

Il y a quelques mois, j’avais lu le premier roman d’Erica Waters intitulé Une rivière furieuse et également publié par les éditions du Chat Noir. J’avais beaucoup apprécié la narration que je jugeais efficace, la représentation lesbienne ainsi que le féminisme assez revendicateur mais d’une manière que je trouvais intelligente. Je m’attendais donc à retrouver une recette semblable ici et si ça n’a pas été entièrement le cas, on peut dire que l’imagination d’Erica Waters me convient décidément bien.

De quoi ça parle ?
Shady Grove a perdu son père il y a quelques années. Musicien, il lui a transmis sa passion pour le bluegrass et lui a appris à jouer du violon. Lui-même possédait un instrument assez spécial, une relique familiale capable de conjurer les esprits. Hélas, le violon a fini au fond du lac quand son père est décédé dans un accident de voiture…

Depuis, la mère de Shady s’est remariée avec Jim et les tensions entre Jesse (le frère de Shady) et leur beau-père ne font qu’empirer. Alors quand on retrouve Jim le crâne défoncé au marteau, la police n’attend pas très longtemps pour arrêter Jesse. Shady va devoir retrouver le violon paternel pour tenter d’innocenter son frère…

Deuil et secrets de famille.
Le deuil est le thème central de ce roman puisqu’on le retrouve tout au long de l’intrigue, que ce soit celui que Shady Grove doit faire de son père ou d’autres dont je ne vais pas parler pour éviter de divulgâcher des morceaux d’intrigue. On constate que chaque personne réagit à sa façon face à la mort et que ça n’a pas toujours du sens, ce qui ne signifie pas que ce n’est pas légitime.

Je trouve que la thématique du deuil est vraiment bien abordée, en tout cas elle m’a parlé et a eu des échos avec mes propres expériences en la matière. Je me suis donc immédiatement attachée à Shady et suivi son histoire avec intérêt. C’est plutôt rare je trouve qu’une autrice réussisse à aborder avec une telle justesse des thèmes aussi difficiles que celui-là.

L’autre grand thème de ce roman, c’est le secret ou plus précisément, les secrets de famille qui pourrissent parfois sur plusieurs générations quand on refuse de communiquer, quand le ressentiment prend une trop grande place au point qu’on en vient à se penser maudit. S’il y a une leçon à tirer de ce roman, c’est bien que les secrets ont la force qu’on leur donne et qu’en parler, c’est déjà les affaiblir, reprendre le contrôle. À méditer…

Musique et sentiments.
La musique tient également une place importante dans le roman et pas uniquement à cause de l’instrument qui permet d’appeler les fantômes. Shady joue du bluegrass dans un groupe avec Sarah, sa meilleure amie dont elle est amoureuse et Orlando, son meilleur ami. Quand ils participent à une scène ouverte, elle découvre Cedar et sa sœur Rose et tombe sous le charme de leur musique. Elle aimerait tous les rassembler au sein d’un groupe mais les vieilles jalousies et les anciennes relations ne vont pas lui faciliter la tâche.

Outre les drames qui passent dans la vie de Shady, Une mélodie pour les fantômes n’oublie pas que sa protagoniste est une adolescente et qu’elle ressent des émotions très fortes, d’amour comme d’amitié, que l’autrice traite avec justesse et sans les laisser prendre toute la place au sein du roman. C’est en général quelque chose que je reproche aux textes classés en young-adult et que je n’ai pas retrouvé ici, ce dont je me réjouis. De plus, Erica Waters donne dans la représentation lesbienne et bisexuelle, ce qui n’est pas si courant que cela je trouve. C’est aussi ce qui m’avait plu dans son précédent roman.

La conclusion de l’ombre :
Une mélodie pour les fantômes est un thriller fantastique qui a tout pour lui. En exploitant avec brio les thèmes du deuil et des secrets de famille, Erica Waters propose une protagoniste principale crédible et touchante qu’on suit au sein d’un page-turner très efficace. L’ambiance étouffante et moite de la Floride se marie étonnamment bien avec les fantômes qui hantent Shady Grove, le tout sur fond de bluegrass. J’ai dévoré ce roman en un week-end et je le recommande donc avec enthousiasme.

D’autres avis : pas chez les blogpotes.

Informations éditoriales :
Une mélodie pour les fantômes d’Erica Waters. Traduction : Cécile Guillot. Éditeur : éditions du Chat Noir. Illustration de couverture : Mina M. Prix : 19.90 euros au format papier.

À l’ombre des bulles #3 { les vieux fourneaux }

Voilà des années que je vois cette BD chez Kazabulles en me demandant pourquoi tout le monde en fait tout un pataquès. Je ne saurais pas trop expliquer pour quelle raison, justement début de cette année, j’ai décidé de me lancer à la découverte de ce titre. L’envie d’explorer d’autres formats, d’autres genres d’histoire, et j’ai bien fait parce que les sept tomes lus jusqu’à maintenant ont été de vrais régals !

De quoi ça parle ?
Antoine, Emile et Pierrot sont amis d’enfance. Aujourd’hui, ils sont septuagénaires et ont toute une vie derrière eux mais aussi devant ! Certains ont fondé une famille, d’autres fait le tour du monde ou encore se sont battus pour les causes sociales. Entre passé et présent, la BD raconte des morceaux de leur vie, des petits drames du quotidien, des histoires un peu dingues, et aborde avec juste ce qu’il faut d’humour la folie de notre époque.

Je ne connaissais pas encore le travail de Lupano même si j’ai vu plusieurs de ses BDs sur les réseaux ou dans les rayons, encensées et mises en avant. Je comprends pour qui vu l’intelligence du scénario des Vieux Fourneaux et la façon dont il parvient avec habileté à mêler engagement politique avec humour tout en créant des personnages attachants. Dans le premier tome, Antoine vient de perdre son épouse et apprend que celle-ci l’a trompé il y a des années avec leur patron. Il décide donc de partir en Toscane, armé d’un fusil, pour venger son honneur en tuant Garan-Servier. C’est l’occasion d’un road trip où Emile, Pierrot et la petite fille d’Antoine, Sophie, enceinte jusqu’aux yeux, essaient de l’arrêter. Comme quoi, il n’y a pas d’âge pour les crimes passionnels !

Une BD drôle et engagée.
Ce voyage sera l’occasion d’évoquer le passé, les engagements syndicalistes d’Antoine mais aussi de s’interroger sur la raison qui pousse une jeune femme enceinte à revenir s’installer dans le fin fond de la campagne pour reprendre le théâtre itinérant de sa grand-mère, quittant le confort de la ville et un travail prometteur, le tout sans l’ombre d’un père à l’horizon.

Ce tome propose une histoire complète, comme chacun des suivants, avec un fil conducteur qui permet d’éclaircir certains mystères antérieurs. On peut donc s’arrêter quand on veut, ce qui est appréciable mais pourquoi aurait-on envie de s’arrêter, vu la qualité de l’histoire ? Grande question.

Dans les volumes suivants, on évoque la désertification des campagnes en terme d’emploi, le capitalisme, les engagements anarchistes, la façon dont on considère la vieillesse, les personnes âgées mais aussi les femmes enceintes, la manière dont tout le monde a toujours un avis sur tout, les engagements écologiques, etc. Je reste assez générale à dessein car à tous ces éléments se mêlent aussi des aventures du passé qui reviennent dans le présent, pour notre plus grand bonheur !

Pour ne rien gâcher, le dessin de Paul Cauuet est soigné, j’ai tout de suite accroché à sa manière de caractériser les trois comparses et de donner vie au cadre de l’histoire.

L’adaptation en film
Je n’ai rien contre le cinéma français mais force est de constater que ces dernières années, il ne brille pas toujours par sa finesse ou sa qualité. Quand j’ai appris qu’il y avait eu une adaptation cinématographique de la BD, j’ai hésité à la regarder mais mon libraire m’a assuré qu’elle valait le coup. Je lui ai donc fait confiance et je rejoins son avis : c’est une pépite ! Le premier film reprend les deux premiers tomes et parvient à l’adapter à l’écran en restant fidèle au matériel d’origine tout en s’octroyant quelques libertés dues au format qui ne gâchent rien. J’ai passé un excellent moment devant ce film que je vous recommande avec enthousiasme.

La conclusion de l’ombre :
J’ai eu un énorme coup de cœur pour cette série de BD, toujours en cours, qui a su me faire sourire dans une période où ce n’était pas gagné. Je me sens proche des personnages et j’adore découvrir les éléments parfois farfelus de leur existence. C’est touchant, sincère, drôle aussi, bref un indispensable.

Informations éditoriales :
Les vieux fourneaux, série en cours de 7 tomes. Scénario : Wilfrid Lupano. Dessin : Paul Cauuet. Couleur : Jérôme Maffre. Éditeur : Dargaud. Prix : 13 euros par tome.

Les Aînés, Livre III : Le cyclé brisé – Serenya Howell

Le cycle brisé est le dernier tome de la trilogie des Aînés et quel tome ! Il se déroule plus de trois cents ans après le premier livre sur Dënorh et permet de faire le lien entre les deux volumes précédents, offrant une conclusion magistrale à la série.

Une conclusion pourtant douloureuse, comme nous allons le voir.

Attention, cet article contient des éléments de divulgâchage de l’intrigue et des tomes précédents. 

De quoi ça parle ?
Pour rappel, dans le premier tome, on découvrait de quelle manière Asroth revenait à la Tour et comment Dënorh mettait fin aux Guerres des Cieux. Dans le second, qui se passait chronologiquement avant, on rencontrait la terrible Talyä et on prenait connaissance de sa véritable histoire ainsi que de son plan secret : celui de mettre un terme aux Cycles, notamment à ceux d’Asroth, pensant ainsi sauver le monde. Pour cela, elle avait entreprit d’affaiblir les représentants de sa lignée pour qu’à terme, plus personne n’entende l’Appel.

Le cycle brisé est le résultat de ce plan car malgré les efforts de Leÿsha, impossible de trouver un nouveau Maître à Asroth ce qui plonge petit à petit la dragonne de Vie dans une profonde dépression teintée d’éclats colériques. Son Maître en souffre évidemment, perdant petit à petit la raison, et c’est d’abord sa narration à lui que nous suivons.

Un dernier tome plus sombre.
Cela peut paraître surprenant quand on sait que les deux précédents se déroulaient dans une période de guerre assez violente et pourtant j’ai trouvé le Cycle brisé plus lourd sur un plan psychologique et plus désenchanté dans l’ensemble. Quand Asroth parvient enfin à trouver un nouveau Maître, il s’agit d’une enfant esclave des Pointes prénommée Myä dont il se tient assez éloigné, pour une raison qui restera obscure longtemps. La vie de cette enfant n’est déjà pas rose et elle ne va pas s’améliorer en devenant Maître d’Asroth puisque le Général des Pointes va l’enfermer dans une chambre sous prétexte de la protéger, lui interdisant de sortir pour qu’elle ne se fasse pas repérer par Leÿsha, lui montant la tête comme quoi il en va de sa survie. Ce n’est que le jour où elle a ses premières règles et que le Général essaie de la violer -sans doute pour la mettre enceinte et perpétuer la lignée d’Asroth- qu’elle se décide à s’enfuir. Commence alors une longue traque dans un monde sur le déclin…

Parce que oui, la disparition de Mort couplée à la paix fait que les humains vivent bien plus longtemps. La démographie explose alors que les terres ne sont plus capables de fournir suffisamment de nourriture. Une maladie mystérieuse fait même son apparition, commençant à décimer la population, et c’est presque heureux vu l’état des Sept Royaumes. Parallèlement à ces problèmes, Leÿsha perd petit à petit la raison et fait régner la terreur. Quand elle comprend qu’Asroth a éclot sans qu’elle ne s’en aperçoive, elle se met à le traquer pour le retrouver et elle se persuade que son nouveau Maître l’a forcément monté contre elle, incapable d’accepter que Mort souhaite se tenir à l’écart.

Et c’est finalement l’éternel problème qui soutient cette trilogie : Asroth et Leÿsha sont apparus du Néant, à l’origine. La Mort et la Vie. Très vite, Asroth a compris qu’il serait celui qui causerait forcément la fin de Leÿsha et, l’aimant trop pour l’accepter, a préféré s’en tenir éloigné, raison pour laquelle Leÿsha commença à se créer d’autres compagnons pour palier à ce vide dans son cœur. Quand on y pense, cette saga des Aînés a l’amour pour thème principal, l’amour et ses souffrances. Pas au sens romantique du terme mais au sens familial. Asroth aime trop Leÿsha pour accepter de souffrir en la perdant, donc il s’empêche d’être heureux pendant toute son existence et ses nombreux Cycles en restant avec elle. Leÿsha aime trop Asroth pour accepter ou même essayer de comprendre sa décision de se tenir loin et intrigue donc tout au long de ses Cycles pour essayer de le ramener à elle.

Et au fond, ni l’un ni l’autre n’adopte la bonne attitude.

D’un autre côté, c’est une situation où il n’y a pas de vraie « bonne réponse » ou de vraie « bonne attitude » mais ça nous invite à réfléchir sur le fait que nous disparaitrons tous un jour ou l’autre alors ne vaut-il pas mieux profiter au maximum des moments à partager ? Aimer, c’est accepter de souffrir et souffrir, c’est l’essence de la vie, une vie sans souffrance n’a pas de saveur. Si Asroth l’avait accepté, les choses n’auraient jamais été aussi loin. Tout comme si Leÿsha avait eu des notions de base de respect du consentement, d’ailleurs…

Et c’est ce que j’aime dans cette trilogie. Tout n’est pas blanc ou noir. Ces dragons qui sont perçus comme des divinités par les hommes n’ont rien de parfait, ce sont même leurs faiblesses qui ont engendré l’existence de l’humanité et elle n’en est que le miroir. Du coup, quand Asroth affirme que les Hommes sont la cause de leurs problèmes, ça prête à sourire (jaune). Les Hommes sont des victimes collatérales et la pauvre Mÿa n’en sera qu’une de plus.

Un final douloureux.
La manière dont Selenya Howell choisit de terminer sa trilogie est assez désenchantée et pourtant, elle laisse une lueur d’espoir dans cet éternel recommencement que sont les notions de Mort et de Vie qui s’attirent pour mieux se repousser. Il y a un côté très vain à tout ceci, bien sûr, sous-entendant que l’Histoire n’est qu’un éternel recommencement (d’ailleurs il suffit de voir les sous-titres des tomes qui contiennent le mot « cycle »…) mais au fond, on s’en réjouit car on espère sans doute un peu naïvement que la prochaine fois se passera mieux pour eux. La fin est en quelque sorte ouverte, libre d’interprétation, d’une manière qui reste très satisfaisante car l’autrice a répondu à toutes les questions, a bien exploité son univers comme ses personnages et quand on prend du recul, on constate une construction narrative soignée et bien ficelée sur l’ensemble de la trilogie.

La conclusion de l’ombre :
La trilogie des Aînés a été pour moi un enchantement à découvrir et ce sur chacun des trois tomes. Pourtant, ils sont tous assez différents que ce soit par leur époque, leur protagoniste principal ou tout simplement leur ton / l’ambiance globale. Rien n’est à jeter dans les Aînés mais je retiendrais surtout le soin apporté au développement psychologique des différents protagonistes et la façon dont l’autrice est parvenue à rester toujours nuancée, sans jamais tomber dans le manichéisme. Ainsi, Serenya Howell se place largement à la hauteur des meilleures autrices de fantasy francophone en proposant une trilogie qui souffle un vent de nouveauté sur ce genre qui en a grandement besoin, rappelant qu’il n’y a pas besoin de chercher bien loin les séries de qualité.

D’autres avis : pas chez les blogpotes.

Informations éditoriales :
Les aînés, tome 3 le cycle brisé par Serenya Howell. Éditeur : Plume Blanche. Illustration de couverture : Coliandre. Prix au format papier : 18 euros.

À l’ombre du Japon #61 { Library Wars – Love & War }

Library Wars – Love & War est l’adaptation au format manga des quatre light novels intitulées Toshokan Senso en version originale et traduit en Library Wars chez nous, écrites par Hiro Arikawa. Le manga a été dessiné par Kiiro Yumi dont ce serait apparemment la seule série, en tout cas sous ce pseudo. Elle a été publiée en français par Glénat même si les tomes ne sont plus tous disponibles à l’achat en neuf (heureusement qu’une amie me les a prêtés…) et que les spin-off ne semblent pas avoir été publiés par l’éditeur.

De quoi ça parle ?
L’histoire se déroule dans un Japon alternatif dans lequel la liberté d’expression est menacée par l’entrée en vigueur d’une politique de censure via la loi d’amélioration des médias. Le but de cette loi est d’empêcher la publication de tout contenu jugé néfaste pour le public ou pouvant inspirer des sentiments négatifs. Les bibliothèques vont se dresser contre cette loi et créer une force armée pour les défendre, le corps des bibliothèques.

L’action prend place 31 ans après la mise en application de cette loi. On suit Iku Kasahara, qui rejoint le corps des bibliothèques contre l’avis de ses parents afin de retrouver un homme qui, quand elle était au lycée, s’est dressé devant elle contre des agents du comité d’amélioration des médias afin de défendre un livre qu’elle voulait acheter. Le problème, c’est qu’elle ne connait pas son nom et a oublié son visage…

J’associe régulièrement dans mon esprit le shojo à la romance tout en sachant que c’est une erreur. Cela ne m’empêche pas d’entretenir à mon insu certains préjugés, aussi quand j’ai vu ce titre dans la bibliothèque d’une amie, bien qu’intriguée par le concept, je n’étais pas du tout certaine d’accrocher… Grossière erreur car ce manga a beaucoup de qualités.

Des personnages nuancés et réussis
En premier lieu, des personnages attachants, complexes et bien campés qui évoluent de manière cohérente au sein de l’histoire. Évidemment, le fameux prince charmant de Kasahara n’est autre que son instructeur, le lieutenant Dojo, mais elle ne s’en souvient pas et lui a beaucoup changé sur ces cinq années. Durant plusieurs tomes, le qui pro quo va demeurer. Une relation explosive commence entre eux où il la pousse dans ses retranchements pour l’aider à travailler sur ses faiblesses car si Kasahara est très douée pour se battre, elle l’est moins pour réfléchir et utiliser ses facultés mentales de manière générale, ce qui a le don d’énerver Dojo… D’autres personnages gravitent également autour d’eux comme le lieutenant Komaki qui essaie de rapprocher Dojo et Kasahara, est d’un naturel jovial et entretient une relation particulière avec une jeune fille malentendante  ou encore Hikaru Tezuka, premier de la classe typique qui est agacé par le comportement désinvolte de Kasahara et ne lui voue que du mépris au début du manga. Ils forment à eux quatre l’équipe Dojo qui va devoir intervenir sur plusieurs affaires liées à la censure, ce qui permettra d’exploiter la pluralité de cette thématique.

Et c’est la véritable force du manga qui parvient à allier tranche de vie, romance et enjeux politico-sociaux très forts sans que l’un ne pâtisse face à l’autre. Pour cette raison, j’ai apprécié suivre l’évolution de la relation entre Dojo et Kasahara mais aussi entre les différents personnages secondaires qui ne manquent pas d’intérêt. Je n’ai d’ailleurs pas cité la colocataire d’Iku, Asako Shibasaki, qui est un personnage que j’ai adoré pour sa force de caractère qui dissimule des failles très humaines. Elle m’a beaucoup impressionnée et touchée.

Une réflexion autour de la censure.
Library Wars a beau se passer dans un contexte d’anticipation (et frôler la dystopie parfois), son propos est très actuel et pousse à la réflexion : à quel point une œuvre de fiction peut-elle influencer quelqu’un, dans le bon comme dans le mauvais sens ? Peut-on ou devrait-on tout lire sans personne pour nous prévenir du contenu ? Qu’est-ce que l’emploi de certains mots au lieu d’autres peut bien changer à nos vies ? La censure peut-elle amener une forme de paix sociale ? Comment lutter contre elle ? Quelles sont les limites de la liberté d’expression ? Sont-elles acceptables ? Que de thématiques passionnantes et riches d’autant que tout n’est pas tout noir ou tout blanc, même au sein des anti censures. Tout le monde n’est pas d’accord sur la manière de lutter, faut-il ou non utiliser des armes, etc. du coup les messages sont aussi nombreux qu’intéressants.

L’avantage c’est que la série est terminée sur quinze tomes, on sait donc où on va et l’intrigue a été correctement rythmée. Il n’y a pas de longueurs ni de rush, le projet a été dés le départ correctement découpé à partir du scénario de la light novel. Je ne peux pas témoigner de la fidélité d’adaptation mais en tout cas, le manga vaut largement le détour.

La conclusion de l’ombre :
Même si Glénat ne semble pas pressé de réimprimer Library Wars, c’est une œuvre à découvrir qui parlera aux amoureux des livres qu’ils soient ou non engagés. Outre l’aspect politique et social, Library Wars propose aussi des personnages attachants qui évoluent tout au long des quinze tomes et face auxquels on ne peut rester indifférent·es. J’ai pris énormément de plaisir à découvrir leur évolution personnelle comme professionnelle et j’espère que vous aurez l’occasion de vous y pencher vous aussi.

D’autres avis : les blablas de Tachan – vous ?

Informations éditoriales :
Library Wars : Love and Wars. Scénario original par Hiro Arakawa. Dessin par Kiiro Yumi. Éditeur : Glénat. Traduction par (pas trouvé). Prix par tome : 6.99 euros.

Les Aînés, Livre II : Le cycle honni – Serenya Howell

Je vous ai récemment évoqué le premier volume de cette trilogie en des termes très élogieux. Je vous détaillais, dans ma chronique, les bases de l’univers ainsi que les raisons qui en ont fait un coup de cœur. Comme je l’avais expliqué, je me suis jetée sur la suite sans attendre avec un enthousiasme que je n’avais plus ressenti depuis très longtemps. Voici ce que j’en ai pensé !

De quoi ça parle ?
Ce second tome se déroule plusieurs siècles avant le premier et nous permet de découvrir les détails du règne de Talyä dite « la Furie » celle qui écrivit son nom en lettres de sang dans l’Histoire aux côtés d’Asroth. On la connaissait jusqu’ici à travers des références issues des extraits de journaux ou d’histoires qu’on avait pu glaner dans le volume précédent, entre les chapitres ou dans les craintes de Dënorh quant à son futur puisqu’il voulait éviter de tourner comme elle. Serenya Howell nous permet d’apprendre la vérité et quelle vérité…

Il peut sembler surprenant de lire un roman dont, somme toute, on connait déjà la fin mais l’autrice prouve ici que c’est le voyage plus que la destination qui compte d’autant que le troisième tome (que je lis à l’heure où je rédige cette chronique) permet la jonction entre les deux autres. À partir du moment où on a intégré, en tant que lecteur, le fait qu’un Cycle se termine invariablement par le décès du Maître et que l’histoire se déroule avant le Cycle qu’on a déjà connu, et qu’en prime on a reçu pas mal d’informations sur le Cycle en question, on pourrait penser que l’intérêt serait amoindri toutefois ce n’est heureusement pas le cas.

Les divergences avec le premier tome sur la narration :
Contrairement aux Cycles Corrompus, ce cycle est entièrement écrit à la première personne, sans interchapitre. On suit donc Talyä dés le moment où elle entend l’Appel, son arrivée à la Tour, sa désignation comme Maître d’Asroth, voyant ainsi son monde s’écrouler puis son désir de vengeance quant aux mensonges qui lui ont été racontés. En effet, pendant ses années passées à la Tour, Leÿsha en était venue, par son attitude, à la convaincre qu’elle deviendrait son Maître à elle, ce qui lui permettrait de se venger des exactions de l’Armée d’Obsidienne à l’encontre de sa famille. Et la voilà à la tête de la dite armée ! Il y a de quoi être en colère et se sentir trahie, utilisée. Nous, lecteur, savons que pour Leÿsha, seul compte le retour de son frère à la Tour et qu’elle ne reculera devant rien pour cela. On comprend, dans ce tome, jusqu’où conduit l’amour et les espoirs déçus.

La construction des personnages, surtout sur un plan psychologique, avaient été le plus gros point fort du premier volume et c’est encore le cas ici. Sur plus de quatre cent pages, on suit Talyä dans son évolution et celle-ci dure plus d’un siècle puisque les Maîtres jouissent de davantage de longévité, du moins quand personne ne les tue. Parfois une décennie entière passe entre deux chapitres et cela peut s’avérer déstabilisant mais ce choix permet aussi de se concentrer sur les moments forts de cette vie bien remplie et d’éviter les digressions inutiles. Le récit est donc bien rythmé et jamais ennuyeux.

L’autrice en profite également pour montrer le comportement de cette soi-disant tueuse sanguinaire sous un nouveau jour, rappelant que l’Histoire est écrite par les vainqueurs…

Même si j’ai regretté ne pas avoir de chapitres du point de vue d’Asroth, il est omniprésent dans ce volume et ce qu’on a pu apprendre de lui dans la dernière partie du précédent nous permet, en tant que lecteur, de remettre bien des choses en perspective (et de verser une larme à la dernière page…) ce que je trouve très stimulant. Je me suis sentie investie dans ma lecture comme ça n’avait plus été le cas depuis très longtemps avant cette saga et ça me plait.

Un volume davantage axé sur la guerre et la vengeance.
Talyä et Dënorh sont deux personnalités assez différentes, le ton d’ensemble varie donc d’autant que l’action est principalement axée sur les affrontements avec les autres Aînés et Humains, sur la stratégie et sur l’exploration des Pointes, de son peuple, de ses coutumes. On découvre ainsi un nouvel aspect de l’univers et il est vraiment passionnant. On voit également de quelle manière Talyä change petit à petit les choses, comment elle doit un temps jouer un jeu politique, comment elle réorganise et mène son armée pour qu’elle soit davantage à son image. C’est un élément que j’apprécie beaucoup personnellement et ça fait plaisir de voir un personnage féminin qui soit une guerrière / cheffe de guerre crédible, qui n’en fasse pas trop et qui, surtout, ne soit pas sexualisée. Une belle réussite !

Pour autant, les éléments restent correctement équilibrés dans le sens où les considérations stratégiques n’empiètent pas sur le développement psychologique ni sur l’action de manière générale. L’équilibre est toujours présent et j’apprécie la maîtrise narrative dont fait preuve l’autrice, qui se confirme d’un tome à l’autre.

La conclusion de l’ombre :
Même si ce tome est assez différent du premier et qu’il se passe avant celui-ci, il s’inscrit dans la continuité de l’histoire d’Asroth en apportant un éclairage nouveau à un épisode sombre de son histoire. Talyä, personnage principal et narratrice, est une femme passionnante à suivre et à nouveau, l’autrice fait preuve d’une maîtrise psychologie et narrative remarquable. Le coup de cœur continue et j’espère qu’il en sera de même pour le troisième tome.

D’autres avis : pas chez les blogpotes.

Informations éditoriales :
Les aînés, tome 2 : le cycle honni par Serenya Howell. Éditeur : Plume Blanche. Illustration de couverture : Chane. Prix : 20 euros au format papier.

La dragonne et le drôle – Damien Galisson

Depuis son édition 2023, le festival Trolls et Légendes s’est doté d’un prix littéraire qui a été remis au roman la Dragonne et le Drôle de Damien Galisson dont je n’avais… jamais entendu parler. C’est par le plus grand des hasards que je suis passée devant lui dimanche en fin de journée, profitant d’une accalmie. Le résumé m’a plu et l’auteur aussi par sa sympathie. Me voilà dés le lendemain partie suivre le drôle dans ses mésaventures…

De quoi ça parle ?
Le drôle est un gamin de douze ans qui appartient à un groupe composé de trois autres mercenaires : son frère Rody, mutique et archer admirable. Tanneur, qui doit son surnom à son ancien métier, un guerrier au sang chaud ainsi que Chef, le… chef de la bande. Un jour, alors que le drôle est de corvée de petit bois, il aperçoit une dragonne tomber du ciel, attaquée par des aéronefs. Sa vie va alors changer du tout au tout…

Un texte musical
En feuilletant le roman, j’ai immédiatement été attirée par la mise en page atypique du texte qui m’a rappelé Dead House de Dawn Kurtagich. Voyez plutôt :

Je suis très sensible à la rythmique des phrases, j’adore quand un texte rime, quand il dégage une musique, quand la mise en page participe à l’aspect évocateur de l’ensemble. C’est particulièrement le cas ici et c’est en plus justifié au sein de la diégèse puisque le drôle est un enfant passionné par le chant. Le chant et la poésie tiennent une place importante au sein du roman comme symbole de liberté et d’expression du moi profond.

La narration est écrite à la première personne, c’est le drôle qui s’exprime tout du long, permettant une immersion complète. J’ai adoré suivre cet enfant avec qui la vie n’a pas été tendre et qui écoute son cœur envers et contre tout.

Une fantasy difficile à classer
Sur le plan du world building, le roman est intéressant car il propose d’évoquer la figure du dragon tout en se plaçant dans un monde qui semble plus avancé technologiquement que l’habituel Moyen-Âge où ces créatures se retrouvent. C’est toutefois léger et ça ne serait pas évident sans la présence des aéronefs. De plus, l’originalité de l’univers fait que la géographie se compose de plusieurs îles flottantes dont certaines se déplacent, ce qui laisse imaginer tout un monde bien plus vaste dont on ne sait rien et sur lequel le drôle n’a même jamais songé à s’interroger. J’ai apprécié ces petites touches qui permettent de découvrir ces éléments sans pour autant que l’auteur se sente obligé de digresser pour en parler dans le détail. Le rythme narratif est maîtrisé et il en dit juste assez.

La conclusion de l’ombre :
Je ne suis pas du genre à prêter attention aux prix littéraires mais il me semble que ce roman a largement mérité le sien. Il s’agit d’une fantasy originale autant par le fond que par la forme qui laisse la part belle à la chanson, à la poésie, un peu au théâtre et surtout au drôle, un jeune garçon de douze ans plein de sensibilité face auquel on ne peut rester indifférent. J’ai dévoré ce texte en une journée et je le recommande chaudement.

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Informations éditoriales :
La dragonne et le drôle par Damien Galisson. Illustrations par Tom Aureille. Éditeur : Sarbacane. Prix au format papier : 17,5 euros.

Les abandons de l’Ombre : Océanique, Quelqu’un se souviendra de nous, Paulinette faux et paillettes

Les abandons se suivent et ne se ressemblent pas, frappant sans logique de genre ou de public comme on va pouvoir le constater ici… Hélas, dans le lot, on retrouve deux services presses ! Damned.


J’avais découvert l’année dernière le recueil Axiomatique qui avait été un coup de cœur absolu. J’en avais été si impressionnée que j’avais même écrit deux billets à son sujet (partie 1partie 2) afin de pouvoir m’arrêter sur chacune des nouvelles, y réfléchir, en plus de proposer un thread sur Twitter pour accompagner ma découverte. Quand le Bélial a annoncé l’arrivée d’Océanique, je trépignais d’impatience. L’éditeur a eu la gentillesse de me l’envoyer en service presse mais, malheureusement, la magie n’a pas opéré cette fois…

Écoutant les conseils prodigués, j’ai passé la première nouvelle jugée trop ardue pour enchainer directement avec la suite mais le fait est que j’en ai abandonné plusieurs, les jugeant trop longues pour ne rien dire, trop obscures, trop éloignées de ma compréhension. Je suis sans doute un peu limitée ou simplement pas le public. Ce recueil est beaucoup plus « hard sf » que le précédent dans le sens où il laisse moins de place à l’aspect psycho-social qui avait su me toucher dans Axiomatique pour se concentrer davantage sur les sciences, le développement de concepts au détriment de la psychologie ou des émotions. D’après certains blogueurs, ça arrive plus loin vers la seconde moitié mais je n’ai pas ressenti l’envie de persévérer jusque là pour le moment. Toutefois, je l’ai gardé dans ma bibliothèque car j’ai conscience que c’est aussi une affaire d’état d’esprit et que je n’étais pas au mieux de ma forme quand j’ai commencé cette lecture. On verra donc dans quelques mois si la donne change.

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Encore un service presse (merci à Jérôme Vincent qui me l’a confié au format papier à la foire du livre de Bruxelles) et hélas, encore un abandon. Pourtant, je voulais vraiment aimer ce roman car son postulat de départ et la quatrième de couverture me parlaient beaucoup: et si, pour une fois, on se centrait sur les femmes de la mythologie grecque ? Et si on obligeait les dieux à les considérer ? L’aspect sororité, inclusif et moderne m’a attirée mais malheureusement une fois le livre ouvert, c’est l’ennui qui a dominé avant que je ne jette l’éponge presque à la moitié.

En effet, le texte dégage un manichéisme lassant et possède une construction narrative classique au sens scolaire du terme qui n’a pas su attiser mon intérêt. Ça manque de nuances, de profondeur, surtout sur l’aspect psychologique des trois personnages principaux qui m’ont laissé un arrière-goût d’inachevé et même de caricature par moment…

Pour ne rien arranger, le travail éditorial a été bâclé car on retrouve de nombreuses répétitions, plusieurs coquilles et même un passage entier où une narration à la première personne se retrouve parasitée par une autre à la troisième comme si ç’avait été changé en cours de route mais à moitié seulement. Ç’aurait mérité au moins une relecture… Honnêtement -et désolée si ça parait dur de ma part- mais je n’ai pas envie de consacrer du temps à un livre sur lequel apparemment la maison d’édition et / ou l’autrice n’a pas souhaité s’investir davantage vu tous les couacs restants.

Et c’est dommage car je le répète : le principe était prometteur et l’intention plus que louable. On a besoin de livres de ce genre dans le paysage de l’imaginaire francophone. J’espère que la prochaine initiative de ce genre sera davantage soignée.

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Je vous ai déjà parlé de cette autrice pour qui j’ai eu un énorme coup de cœur en lisant le premier tome des Aînés. Chronologiquement, j’ai lu Paulinette avant parce que sur le moment, j’avais envie de lectures courtes, orientée détente. J’étais très hypée par le concept de cette petite faucheuse qui apprend son métier auprès de ses parents, je sentais que ça pourrait bien coller puis j’avais espoir de retrouver une ambiance un peu à la Dolorine à l’école d’Ariel Holzl.

Hélas, si j’ai aimé l’univers, j’ai été rebutée par l’écriture trop enfantine qui sonnait fausse et agressive à cause d’un abus des points d’exclamation. Ça peut paraître surprenant ou un peu bête mais j’avais l’impression que le texte me criait dessus au point que je n’avais plus envie de continuer parce que ça me hérissait. C’est une question de goût personnel mais je suis frustrée parce que j’avais vraiment envie d’aller au bout. En écrivant ce court retour, c’est d’autant plus flagrant vu l’amour inconditionnel que j’ai pour son autre série. Hélas, ce sont des choses qui arrivent… J’ai donc offert le livre à une amie qui l’a énormément apprécié et finalement, c’est tant mieux (pour elle) !

D’autres avis : pas chez les blogpotes.