Les Aînés, Livre I : Les cycles corrompus – Serenya Howell

Voilà bien longtemps que je m’étais éloignée de la fantasy dite classique, avec des dragons, un univers à l’ambiance moyenâgeuse, ses guerres, sa crasse, bref… J’étais un peu lassée de toujours lire la même chose donc je n’en lisais tout simplement plus, préférant la SF. Pourtant, le résumé du premier tome des Aînés (ainsi que la sublime couverture et les recommandations enthousiastes de Maylee, stagiaire Livr’S à la Foire du livre de Bruxelles) a su attirer mon attention et me faire me dire… Pourquoi pas ? J’ai rarement eu autant raison de suivre mon instinct car ce livre a été un tel coup de cœur que j’ai immédiatement commandé les deux autres, sans même attendre de recroiser la maison d’édition en salon.

De quoi ça parle ?
L’histoire se déroule dans un monde imaginaire qui, selon les légendes, a été créé par la dragonne Vie qui a donné naissance à sept autres dragons / divinités qui ensuite engendrèrent les Hommes (dans la dernière partie du livre on apprendra la vérité / réalité sur tout ça). Un partenariat nait entre ces dragons immortels et les humains : à chaque Cycle, ils choisissent un Maître dont la personnalité déteint sur eux (et vice versa) afin de gouverner le plus justement possible. Mais… Parce qu’il y a un « mais » chaque dragon va par paire et qui dit Vie, dit forcément Mort. Ainsi, Asroth est surnommé « le Maudit » car, il y a bien longtemps, il a entamé une guerre fratricide avec les autres dragons dans laquelle il a mêlé les humains. Les nombreuses Mues n’y changent rien, chacun de ses Maîtres finit par sombrer dans la folie. Jusqu’au jour où arrive le tour de Dënorh. Lui aussi espérait servir un autre Aîné et essaie d’abord de renier son funeste Destin. Pourtant, loin d’imposer sa domination, Asroth semble curieux face à cet esprit atypique et essaie de le convaincre de se rallier à sa guerre là où Dënorh veut plutôt l’empêcher de sévir.

Très vite, on comprend toute la force destructrice que peuvent avoir des préjugés…

Le roman est divisé en trois parties. La première est écrite principalement du point de vue de Dënorh qui va être lié à Asroth. La seconde est écrite du point de vue d’Aymerick, son ami à la Tour et retrace une partie des évènements qu’on a lu précédemment pour en donner une autre interprétation et comprendre certaines choses qui nous échappaient jusque là. Je reste vague sur celle-ci afin de ne divulgâcher aucun élément d’intrigue. Enfin, la dernière partie est un bonus à l’histoire en elle-même dont l’épilogue se situe à la fin de la partie d’Aymerick car elle raconte la genèse des Aînés, pour quelle raison ils se sont liés aux humains, pourquoi certaines restrictions ont été mises en place, etc. Ce sont des informations que les protagonistes ne possèderont a priori jamais car d’un Cycle à l’autre, les Aînés perdent petit à petit la mémoire. Cela permet simplement de mieux comprendre l’origine du conflit entre eux. J’ai plutôt apprécié posséder ces informations même si j’ai eu plus de mal à rentrer dedans que pour Dënorh et Aymerick.

Un univers soigné.
Le cycle des Aînés est la preuve qu’il n’y a pas besoin de faire compliqué pour proposer un world-building intéressant. Une carte, présente en début d’ouvrage, nous dessine la géographie de sept royaumes dont on ne parlera pas tant que cela. Ils servent, dans ce tome, surtout de décor à la fuite de Dënorh depuis la Tour et seront surtout pertinents dans la dernière partie qui n’est pas directement liée à l’histoire principale. C’est dans cette fameuse Tour que se déroule la majorité de l’intrigue, ce qui permet au lecteur de découvrir ce qu’est l’Appel, l’organisation de ce système de Maître et Aîné, les prérogatives du Conseil, etc. Ces détails sont habilement amenés par de brefs extraits tantôt de chroniques, tantôt de journaux intimes, tantôt de lettres, entre deux chapitres. Si j’ai parfois eu envie de les sauter pour découvrir ce qui allait arriver aux protagonistes, je n’ai pas regretté d’avoir résisté à la tentation car toutes les informations sont intéressantes et ouvrent des pistes de réflexion. C’est un procédé narratif qui me plait parce qu’il n’alourdit pas la narration et rend l’univers plus vivant.

Cet univers en lui-même ne réinvente pas la fantasy mais on ne le lui demande pas. J’ai surtout apprécié la façon dont l’autrice soigne les détails, distille de ci de là des informations qu’elle réutilisera probablement plus tard ou qui finissent par avoir une importance surprenante en nous permettant de faire des liens. Il y a derrière ce texte une belle maîtrise narrative qui m’a enchantée.

Une écriture enchanteresse et des personnages nuancés.
Vous le savez depuis le temps, je suis une lectrice très sensible à la musicalité d’un texte, à son rythme et à la qualité des personnages. C’est quelque chose de peu aisé à réussir, surtout dans une narration à la première personne et quand j’avais lu Paulinette de la même autrice, je n’avais pas accroché à l’écriture. Pourtant, ici, Serenya Howell n’a eu besoin que de quelques lignes pour me donner envie de tourner frénétiquement les pages. Je me suis fondue d’abord en Dënorh puis en Aymerick, qui reprend la narration dans la seconde partie du roman puis enfin dans Leÿsha et Asroth puisqu’ils alternent dans la troisième partie.

Cette écriture entre au service de personnages nuancés. L’accent est mis sur la psychologie de chacun d’eux et leur évolution est maîtrisée. Si, au départ, j’ai crains un récit très manichéen (le grand méchant Asroth, le dragon sanguinaire, bouuuuh !) j’ai vite été détrompée. La finesse dans la construction des protagonistes est époustouflante, même sur des personnages secondaires qui semblent plus brutaux ou caricaturaux, on sent qu’il y a autre chose. J’ai adoré suivre Asroth et Dënorh, découvrir leur histoire et la manière dont ils ont, ensemble, changé la leur. Même si j’ai eu un pincement au cœur en refermant ce tome, à aucun moment je n’ai eu une impression de trop peu ou que l’histoire avait été expédiée. Tout était bien là à sa place et c’était merveilleux.

Des thématiques qui me parlent.
Je suis lassée par les ouvrages qui se sentent obligés de s’orienter autour d’un couple ou d’une romance, surtout au détriment de leur univers. Ce n’est pas quelque chose qui me convient et il n’y a rien de tout cela dans ce premier tome. En effet, c’est avant tout une histoire d’amitié et de fraternité dans laquelle je me suis plongée avec ravissement. C’est aussi l’occasion de rappeler que la haine engendre la haine, que les préjugés sont parfois plus dévastateurs que la réalité et qu’on peut mettre fin à un cycle de violence en tendant une main. Je résume ici car je m’en voudrais de divulgâcher certaines informations mais croyez moi quand je vous dis qu’en plus du reste, ce premier tome des Aînés a bien des sujets à aborder…

Parlons du livre objet.
Enfin, pour terminer, je voudrais attirer votre attention d’abord sur la magnifique couverture de Chane pour laquelle Plume Blanche a décidé de mettre quelques écailles en surbrillance, ce qui rend extrêmement bien. De plus, pour le prix de 20 euros, vous obtenez un ouvrage d’un peu plus de 600 pages même si on ne le dirait pas de prime abord, avec un papier qui parait de bonne qualité, des interchapitres parfois avec des dessins et en tout cas des en-têtes, et trois parties d’une histoire qui, chez un éditeur moins scrupuleux, auraient constitué trois tomes et non un seul. C’est plutôt appréciable, surtout quand on voit les prix pratiqués actuellement dans beaucoup de grosses structures et certains choix éditoriaux malheureux ailleurs. Ma découverte de cette maison d’édition continue donc sur une note plutôt positive et c’est tant mieux !

La conclusion de l’ombre :
Serenya Howell insuffle quelque chose de nouveau et de rafraichissant à la fantasy par la qualité de ses personnages, la finesse de leur développement psychologique, son écriture poétique et le dynamisme de son intrigue. Tous les ingrédients sont présents pour offrir un ouvrage d’une grande qualité qui a été pour moi un coup de cœur comme je n’en avais plus eu depuis longtemps. J’ai d’ailleurs commandé les deux tomes suivants sur le site de l’éditeur, chose que je ne fais jamais (j’attends en général de les croiser en salon) ce qui en dit long sur mon enthousiasme. Je vous encourage ardemment à lire cette passionnante série ! Je ne manquerais pas de vous écrire un retour sur la suite en espérant que mon enthousiasme restera intact.

D’autres avis : Les fantasy d’AmandaL’imaginaerum de Symphonie – vous ?

Informations éditoriales :
Les Aînés, Livre I : Les cycles corrompus par Serenya Howell. Éditeur : Plume Blanche. Illustration de couverture : Chane. Prix : 20 euros au format papier.
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12 réflexions sur “Les Aînés, Livre I : Les cycles corrompus – Serenya Howell

  1. Pingback: Les Aînés, Livre II : Le cycle honni – Serenya Howell | OmbreBones

  2. En voyant la couverture, j’ai tout de suite pensé à la couverture d’Eragon. Mais non, rien à voir ! Cela fait aussi un moment que je lis moins de fantasy, mais ce livre me fait bien envie. Et reprendre avec des dragons, c’est d’autant plus motivant. Merci pour la découverte !

    • Tout le plaisir est pour moi ! C’est vrai qu’on a tendance à associer les dragons à Eragon, spontanément, mais c’est vrai que ce roman n’a pas grand chose en commun hormis ces créatures. J’espère que tu prendras autant de plaisir que moi à le découvrir 🙂

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