À dos de crocodile est une novella hard sf écrite par l’auteur australien Greg Egan. Il s’agit du 30e texte à paraître dans la collection Une Heure Lumière du Bélial, traduit ici par Francis Lustman. Vous le trouverez dans toutes les bonnes librairies au prix de 8.90 euros au format papier ou directement sur le site de l’éditeur si le cœur vous en dit.
Décidément, on aura beaucoup parlé de Greg Egan cette année sur le blog ! Qui l’eut cru ? Au risque de radoter, j’étais très frileuse à la perspective de me lancer dans la lecture de ce géant de la hard-sf. Comme l’a déjà précisé Apophis, les textes de l’auteur sont inégaux en terme d’accessibilité et j’ai jusqu’ici eu la chance de tomber sur ceux à ma portée, raison pour laquelle je me fais un devoir de les chroniquer. J’espère ainsi que d’autres oseront sauter le pas et se prendront une claque.
Je précise avant d’aller plus loin que cette novella s’inscrit dans un cycle composé en tout de 3 textes courts et d’un roman. Je ne peux pas en dire davantage puisqu’ils n’ont pas encore été traduits, je l’ai appris en lisant les chroniques des blogpotes. Toutefois, il semble qu’À dos de crocodile soit compréhensible sans la lecture du reste. Peut-être est-ce le texte d’introduction ?
Du sense of wonder vertigineux…
Une des craintes / critiques que j’entends le plus souvent au sujet du format court consiste à affirmer que sur si peu de pages, il n’est pas possible de développer un univers digne d’intérêt. Dans À dos de crocodile, Greg Egan prouve le contraire avec maestria puisqu’en une nonantaine de pages, il construit un concept très solide qui donne très clairement le vertige.
Les personnages principaux se nomment Leila et Jasim. Ils vivent au sein de l’Amalgame, une sorte de méga civilisation qui regroupe plusieurs espèces (dont l’humaine ?). Au sein de cette société, il semble possible de vivre plusieurs milliers d’années, à moins que ça ne soit une caractéristique propre à l’espèce à laquelle appartiennent Leila et Jasim, espèce qui n’a pas toujours une forme incarnée, d’ailleurs. Cet aspect reste flou ou plutôt, libre d’interprétation. À moins qu’il ne soit développé dans les autres textes de l’auteur au sein de cet univers ? Apophis vous en parlera mieux que moi.
Toujours est-il qu’à côté de l’Amalgame, on trouve les Indifférents. Il s’agit d’un peuple dont on ne sait rien, pas même s’ils existent réellement. On suppose qu’ils vivent dans un certain espace puisque quand on y envoie une sonde pour tenter un contact, celle-ci est renvoyée immédiatement, sans sa mémoire. Le mystère autour d’eux est donc total.
Leïla et Jasim ont partagé plus de dix mille années de vie commune et envisagent de mourir. Sauf qu’avant, Leïla souhaite percer le mystère autour des Indifférents, ou du moins essayer. Commence alors pour le couple de très longues recherches. Quand je dis longues, ça se chiffre à nouveau en plusieurs centaines et même milliers d’années qu’ils vont passer tantôt conscients, tantôt en voyage d’un point à l’autre de leur espace galactique pour tenter de réaliser ce fameux contact.
Je ne vais pas mentir, il y a parfois eu des aspects techniques qui me sont restés totalement obscurs. Je comprenais les mots utilisés mais pas ce qu’ils représentaient ni leur sens réel. Toutefois, ça reste assez négligeable face à tous les thèmes abordés.
De la hard-sf ?
En règle générale, quand on parle de hard-sf, on s’attend à tomber sur un texte où les personnages sont peu développés au profit d’un concept scientifique bien précis. Ce n’est pas le cas ici et ça a été pour moi une belle surprise. Leïla et Jasim forment un couple en paix avec eux-mêmes et l’idée de mourir, qui se lance dans une dernière aventure pour ne pas avoir de regrets. Une aventure à laquelle ils réfléchissent, un but qui leur tombe dessus presque par accident et qui va finalement les occuper très longtemps. La poursuite de ce but ne se fait pas sans heurts puisque le couple ne verra pas toujours les choses de la même manière, ce qui entachera leur harmonie. Finalement, en essayant de communiquer avec les Indifférents, ils vont entacher leur propre communication. Les significations possibles de tout cela sont multiples et méritent qu’on y réfléchisse encore une fois le livre reposé.
Tout comme le choix final de l’auteur, qui consiste finalement à ne pas répondre clairement à la grande interrogation d’À dos de crocodile : qui sont les Indifférents ? Et quelle est la signification de ces « mille spectacles » vus par Leïla ? Pourquoi par elle et pas par Jasim ou celui qui a décidé de les suivre ensuite ? On ne peut qu’imaginer d’hypothétiques réponses et, sur un plan personnel, j’apprécie les textes qui me donnent envie de réfléchir sur eux, d’échafauder des théories, des textes qui restent même après la dernière page tournée.
La conclusion de l’ombre :
Si À dos de crocodile reste un Egan accessible, il est certain que le commun des mortels ou les non-initiés à la hard-sf n’en comprendront pas tous les aspects techniques. Cela ne les empêchera pas de s’émerveiller (normalement !) devant le sense of wonder extraordinaire mit en place par l’auteur australien ni d’être touché par Leïla et Jasim. Une hard-sf où le psychologique a sa place, je dis oui !
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Bien aimé aussi. Y’a deux trois passages un peu perché mais on passe facilement dessus tant le reste est superbe, aussi vertigineux qu’émouvant.
Je suis bien d’accord avec toi !
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Parfait! Voilà une chronique rassurante pour les frileux de hard SF comme moi. Si l’émerveillement reste à la clé de toute façon, c’est parfait.
C’est bien pour ça que j’ai tenu à l’écrire ! Je sais qu’on est plusieurs dans le cas alors si je peux rassurer… Bonne lecture ^-^
Un des meilleurs opus de la collection pour ceux qui aiment la Hard SF.
Oui mais pas uniquement. J’ai du mal avec la hard sf, pourtant ici c’est bien passé ! Je l’ai trouvé assez accessible.
Je tenais à dire que ça faisait longtemps que je n’avais pas vu l’expression « sense of wonder ».
Et aussi concernant « nonentaine », justement la semaine dernière je tentais d’expliquer que ça avait bien plus de sens que « quatre-vingt dix » à ma responsable mais elle voulait rien entendre parce que « moi c’est ce qu’on m’a appris à l’école », j’ai cru devenir fou !
Hahaha j’avoue que je prends un malin plaisir à l’écrire pour voir le pourcentage de lecteurices français/es qui réagiront :p et en effet ça a plus de sens mais bon..
Hélas on n’a pas si souvent l’occasion d’utiliser cette expression 😦
Moi je réagis toujours à ça au fond de moi car je me dis que les belges ont mieux géré ma langue que les français 🤣
Il est dans ma PAL, je suis hyper en retard dans mes lectures mais j’ai hâte de le découvrir. Je connaissais peu l’auteur mais comme toi les quelques textes courts que j’ai lu de lui m’ont convaincu !
Y’a pas de retard voyons, tu lis encore quand tu en as envie 😉 J’espère que tu aimeras celui-ci aussi, je croise les doigts !
(merci pour le lien)
Pour moi il s’agit bel et bien du texte d’introduction. Sinon, une des autres nouvelles (Gloire) a été traduite et est dispo sous forme électronique. Et pour ce qui est des réponses sur les Indifférents, elles se trouvent dans le roman Incandescence 😉
Avec plaisir 🙂 Merci pour ton commentaire ! C’est bon à savoir.
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