Fantasy & Histoire(s) – actes du colloque des Imaginales 2018 sous la direction d’Anne Besson

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Fantasy & Histoire(s)
est un ouvrage scientifique sous la direction de la chercheuse universitaire Anne Besson. Publié chez ActuSF, vous le trouverez au prix de 24.90 euros au format papier.
Je remercie Jérôme et les Éditions ActuSF pour ce service presse.

Je parle assez peu de livres non-fiction sur le blog, je pense même qu’il s’agit du premier auquel je consacre un article entier. Il faut dire qu’il le vaut bien puisqu’il reprend les actes du premier colloque universitaire organisé lors du festival des Imaginales en 2018. Ce colloque était entièrement consacré au genre de la fantasy et aux rapports que celui-ci entretient avec l’Histoire. Croyez-moi, cette thématique est aussi vaste que plurielle. J’ai immédiatement été intéressée par cet ouvrage puisque l’année dernière, étant en stage en maison d’édition, je n’ai pu suivre aucune conférence alors que je suis passionnée par l’Histoire. Bref, tout ça pour dire que j’ai enfin pu rattraper mon retard et je ne remercierais jamais suffisamment ActuSF pour cette opportunité.

Quel beau travail, d’ailleurs ! L’objet livre est soigné, la couverture épurée mais évocatrice. L’intérieur est mis en page de manière à ce que la lecture soit agréable, l’interligne donne un sentiment aéré au texte, la division en différentes parties est aussi bien réfléchie. Bref, autant sur la forme que sur le fond, Fantasy & Histoire(s) est un petit bijou théorique à avoir chez soi pour tous les fans du genre.

Précision avant de nous lancer: Il est assez délicat de « chroniquer » cet ouvrage si bien que ce billet prendra davantage la forme d’une présentation et de quelques réflexions qui me sont venues durant ma lecture. Les articles suivis d’un « ♥ » sont ceux qui m’ont vraiment passionnée.

L’avant-propos présente le pourquoi de cet ouvrage et la préface d’Anne Besson apporte deux idées intéressantes. Déjà, l’utilisation du terme « histoire-fiction » pour qualifier le genre fantasy qui me parait d’une grande justesse et que j’ai très envie d’utiliser désormais même si j’ai conscience des problèmes de référencement que ça pourrait poser mais bon. C’est comme écrire autrice au lieu d’auteure, soit on choisit de s’engager avec la bonne féminisation du mot, soit on se contente du « e » et jamais rien ne change. D’ailleurs une bonne fois pour toute à ce sujet, lisez l’article édifiant d’Audrey Alwett.

Ensuite, une petite remarque pertinente de Mme Besson :

« (…) Ainsi, alors même qu’il s’agit d’un genre intensément nostalgique, tourné vers le passé et souvent soupçonné de s’y complaire, la fantasy accompagne les transformations du regard que nos sociétés portent sur le monde, et la façon dont elles relisent leur propre mémoire. »

Voilà, je pose ça là et je vous laisse y réfléchir.
Nous entrons dans le vif du sujet avec une table ronde animée par Stéphanie Nicot, avec Fabien Cerutti, Jean-Laurent Del Soccorro, Estelle Faye, Jean-Philippe Jaworski et Johan Heliot. On en apprend plus sur les différents textes des auteurs (sur ce que les auteurs pensent des complots politiques aussi, clin d’œil à Fabien Cerutti qui m’a fait mourir de rire sur sa remarque) et sur les raisons de leur choix d’un fond historique pour leur intrigue. C’est l’occasion de placer une belle citation d’Estelle Faye, qui m’a marquée :

« (…) me documenter sur la fin des empires m’a permis de me rendre compte qu’aussi bloquée que paraisse une situation, aussi puissant que paraisse un pouvoir, il y a toujours un moment où il finit par s’effondrer et en général d’une manière qu’il n’attendait absolument pas ; et ça, pour moi, c’est énormément porteur d’espoir. C’est cet espoir-là que j’essaie de partager avec mes lecteurs, face à ceux qui pensent que, dans le monde d’aujourd’hui, on ne peut plus rien faire, que s’engager, ça ne sert plus à rien ou qu’essayer simplement de faire une petite différence, c’est perdu d’avance.»

On entre ensuite dans la première partie de l’ouvrage, intitulée « Pensées de l’histoire en fantasy » et qui comprend les conférences suivantes:
– Viviane Bergue, « Primhistoire, temporalité cyclique et chronologie linéaire : le temps de la Fantasy »
– Maureen Attali, « Du mythe à la fantasy. Enjeux historiographiques de la réécriture contemporaine de l’Énéide dans Lavinia d’Ursula K. Le Guin »
– Isabelle Pantin, « L’histoire au miroir de la légende dans l’œuvre de Tolkien »
– Noémie Budin, « Les Fées historiques, entre Histoire et fiction »
– Joanna Pavlevski-Malingre, « Une fée dans l’Histoire, Mélusine à la croisée des genres : chroniques historiques légendaires, roman historique merveilleux, fantasy historique »

Je n’ai rien de transcendant à dire au sujet de cette partie-ci. Les chercheuses évoquent la manière dont se construit l’Histoire au sein des diégèses, aux parallèles qui existent avec notre propre façon d’écrire cette histoire et comment on peut y ajouter des éléments surnaturels tout en gardant l’aspect crédible. En gros hein, il y a davantage que ça. J’avais déjà pas mal réfléchi sur le sujet dans le cadre de mes études donc je n’ai rien appris de vraiment neuf. Ce qui n’enlève rien à l’intérêt de ces articles !

La seconde partie s’intitule « des univers inscrits dans le temps ». Elle contient les articles suivants :
– Florian Besson, « Sortir des Moyen Âge imaginaires : le rythme historique de la fantasy médiévaliste »
– Laura Muller-Thoma et Marie-Lucie Bougon, « Le pouvoir des mots : les personnages de conteurs et de bardes, ou comment la parole façonne la réalité » ♥
– Ewa Drab, « La (re)création de l’histoire dans la littérature fantasy d’expression polonaise »
– Marc Rolland, « E.R. Eddison et son inscription dans l’Histoire »
– Silène Edgar « L’Histoire dans l’histoire : chasse aux sorcières, contestation sociale et anti-fascisme dans Harry Potter » ♥

C’est la partie qui m’a le plus enthousiasmée car elle contient des articles passionnants qui font réfléchir notamment sur la figure du barde, la transmission orale et le moment charnière où on passe à l’écrit, la façon dont l’auteur se projette dans sa diégèse avec des personnages qui racontent eux-mêmes une histoire et évidemment, l’article qui parle des références politiques et morales placées par Rowling dans Harry Potter. J’ai lu cette partie quasiment d’une traite.

On arrive à la troisième partie, qui a un titre très accrocheur « la fantasy, revanche des oubliés de l’Histoire ? » mais qui, finalement, est surtout intéressante pour l’article consacré aux races orcs.
– William Blanc, « Progressisme ou Barbarie ? Les Orques dans l’histoire des univers de fantasy » ♥
– Caroline Duvezin-Caubet, « The Empire Writes Back : uchronie et steampunk postcolonial »
– Justine Breton, « “When you look at me, do you see a hero ?” : Game of Thrones ou la fantasy des évincés de l’histoire »

Enfin, dernière partie la plus enthousiasmante pour moi puisque intitulée « Histoire et imaginaire en jeu » (vu que je suis rôliste textuelle depuis plus de dix ans, tout ça) qui m’a surtout intéressée pour l’article sur Pirates des Caraïbes, ayant eu du mal à rentrer dans les deux derniers. La partie contient les articles suivants:
– Olivier Caïra, « Histoire et fantasy dans Pirates des Caraïbes »
– Laurent Di Filippo, « La mise en scène ludique de l’Histoire : l’époque viking comme cadre de jeu pour Advanced Dungeons and Dragons »
– Audrey Tuaillon-Demesy, « L’expérience ludique de l’histoire. L’exemple des combats en reconstitution historique »

L’ouvrage se termine sur une présentation des chercheurs ayant participé à la rédaction des articles du colloque.

Ce que je retiens de cette lecture? Avant tout une impression positive de voir que la fantasy gagne de plus en plus ses lettres de noblesse auprès des universitaires, même si la route reste longue. J’ai moi-même fait mes études et rédigé mon mémoire sur des sujets liés et ça me donne un vrai espoir pour l’évolution des études littéraires qui ont encore dix ans de retard sur beaucoup de sujets. Sans compter que j’ai découvert plusieurs textes très intéressants que je ne connaissais absolument pas et ça n’a pas fait du bien à la taille de ma wishlist.

Est-ce que je conseille pour autant cet ouvrage à tout le monde? Et bien oui ! Si réfléchir sur la fantasy vous intéresse, chaque article est accessible, peu importe votre degré de familiarité avec les textes universitaires. Les chercheurs écrivent dans un vocabulaire clair sans utiliser de tournures tarabiscotées. N’attendez plus !

6 réflexions sur “Fantasy & Histoire(s) – actes du colloque des Imaginales 2018 sous la direction d’Anne Besson

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  4. J’aime bien ce genre d’ouvrages sur la fantasy en plus 😀 bon, je vais éviter d’acheter un 22e bouquin ce mois-ci, je vais quand même attendre un peu… 😅 mais merci d’en avoir parlé du coup ^^

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