La Millième Nuit – Alastair Reynolds

J’ai toujours des difficultés à résumer mon sentiment sur une novella de hard-sf car j’estime manquer de vocabulaire pour lui rendre hommage -surtout dans le cas où, comme ici, j’ai beaucoup apprécié. J’ai souvent assez peur de lire des textes de ce type parce que je crains de passer à côté, ayant besoin de suivre des personnages intéressants pour me plonger dans une histoire. Et oui, un bon world building ne suffit pas à tout le monde ! Heureusement, avec la Millième Nuit, toutes mes attentes ont été comblées. Revenons donc dessus…

Un sense of wonder à souligner.
Si l’histoire est écrite à la première personne et se concentre sur un personnage en particulier, la première chose à souligner est l’incroyable world building proposé par Alastair Reynolds. Le personnage que l’on suit est membre de la lignée Gentiane, qui est issue d’une femme qui s’est elle-même clonée en mille exemplaires mais de façon à créer des variations d’elle-même plutôt qu’identiquement un même individu.

Les membres de cette lignée passent des milliers si pas des millions d’années à voyager à travers toute la galaxie avant de se retrouver à intervalles régulières pour une période de milles nuits. Chaque nuit, un fil est partagé qui reprend une sorte de montage vidéo / résumé de leurs découvertes, de leurs aventures. Certains sont évidemment plus intéressants que d’autres et l’apothéose a lieu lors de la Millième Nuit où le fil gagnant est désigné. Ce sera à ce fameux gagnant d’organiser la Millième Nuit suivante.

Ainsi, en une bonne centaine de pages, Alastair Reynolds développe non seulement une forme de civilisation complexe mais en esquisse également d’autres non seulement grâce à ces voyages mais aussi à un fameux Grand Œuvre dont on sait au départ peu de choses mais qui implique bien d’autres mondes, comme on le découvrira à mesure que l’intrigue avance. J’ai eu ici le même sentiment qu’avec un titre comme Opexx et le mot vertigineux colle très bien à l’ensemble.

Mais de quoi ça parle ?
C’est bien beau un univers captivant mais l’intrigue dans tout cela ? Elle se déroule durant l’un des moments de retrouvailles. On suit Campion, narrateur à la première personne, chargé d’organiser la Millième Nuit. Purslane, une membre de sa lignée -avec qui il entretient une relation quasiment monogame assez mal vue par les autres- vient le trouver pour lui annoncer qu’elle a relevé une incohérence dans le fil d’un de leurs camarades qui affirmait se trouver à un certain endroit alors que c’était impossible si on se basait sur le propre fil de Campion. Comme il est interdit de mentir dans son fil, tous deux sont assez choqués et inquiets. Ils décident d’enquêter et ce qu’ils vont découvrir ira au-delà de leur imagination…

Des enjeux exceptionnels.
La force d’Alastair Reynolds est de proposer différents niveaux d’enjeux et de ne pas se contenter de ceux à l’échelle de la galaxie. Il y a évidemment tout ce qui concerne Campion et Purslane sur un plan personnel -rien que dans la façon dont ils sont obligés de vivre leur relation et les pressions sociales qu’ils subissent- mais il y a aussi dans cette novella toute une réflexion sur la puissance de la communication, sur ce que ce simple mot peut représenter pour la création d’un empire galactique non pas forcément au sens conquérant du terme mais simplement au sens de partage des connaissances et d’ambition à l’échelle d’une vie. À nouveau, l’adjectif vertigineux se prête bien à qualifier les enjeux de ce texte d’une grande richesse, des enjeux que je ne vais évidemment pas vous dévoiler ici afin de ne pas vous gâcher les découvertes finales.

La conclusion de l’ombre :
La Millième Nuit est une novella de hard-sf qui mêle de manière très satisfaisante une construction d’univers ambitieuse à des personnages qui ne se réduisent pas à leur fonction dans le récit. Le rythme narratif est maîtrisé et les interrogations sur les notions de communication ont évidemment su m’intéresser. C’était mon premier texte de cet auteur mais je doute que ça soit le dernier !

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Informations éditoriales :
La Millième Nuit, écrit par Alastair Reynolds. Traduction de l’anglais par Laurent Queyssi. Éditeur : Le Bélial. Couverture : Aurélien Police. Prix au format papier : 10,9 euros.

18 réflexions sur “La Millième Nuit – Alastair Reynolds

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  3. Rassure-toi, tu en parles très bien.
    On sent tout le plaisir que tu as eu dans cette lecture aussi bien pour le fond que la forme. Ayant les mêmes craintes quant à une hard sf trop abstraite et sans narration me voilà rassurée ☺️

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