L’Interdépendance #3 la dernière Emperox – John Scalzi

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La dernière Emperox
est le troisième et dernier tome de la trilogie space-opera l’Interdépendance écrite par l’auteur américain John Scalzi. Publié chez l’Atalante, vous trouverez ce roman au format papier au prix de 21.90 euros.
Je remercie Emma et les éditions l’Atalante pour ce service presse numérique.

Souvenez-vous ! Je vous ai déjà évoqué le premier tome (l’effondrement de l’Empire) ainsi que le second (les flammes de l’Empire).

De quoi ça parle ?
Les courants du Flux vont s’effondrer à très court terme, c’est une évidence. Que faire, quand toute la société semble condamnée, à l’exception des habitants du Bout qui vivent sur la seule planète habitable ? Quelles décisions prendre, en tant qu’Emperox, pour sauver le plus grand nombre de gens sur le long terme ? Et comment affronter Nadashe Nohamapetan, qui s’obstine à lui mettre des bâtons dans les roues ?

Dans ma chronique du premier tome, je vous ai évoqué dans le détail l’univers développé par Scalzi. Dans celle du second tome, je me suis arrêtée sur le rôle des femmes et sur les personnages féminins vraiment bien menés de l’auteur, qui confirme une tendance que j’aime beaucoup chez lui à savoir créer des sociétés égalitaires sur la question des genres, non pas pour éliminer cette problématique mais pour montrer que si tout le monde avait un peu de bon sens, elle n’aurait pas lieu d’être. Dans ce tome-ci, je vais davantage me concentrer sur les différentes manières qu’ont les décideurs politiques de réagir à la « fin du monde » avant de vous récapituler à qui se destine (ou non !) cette saga. Passez donc directement à la fin si vous souhaitez éviter tout divulgâchage.

Un conflit idéologique
Pour que vous compreniez bien les enjeux, je vais devoir effectuer un petit rappel sur les bases de l’univers. L’Interdépendance est un peu comme un empire humain qui s’étend sur plusieurs systèmes, reliés entre eux par les courants du Flux. En les empruntant, il est possible de se rendre d’un endroit à l’autre en plus ou moins de temps. Ces systèmes prennent place soit sur des planètes hostiles (la vie s’effectue donc en sous-sol artificiel) soit dans des stations spatiales de grande envergure. Chaque système est relié à une famille noble et chacune de ces familles dispose d’un monopole, par exemple sur la culture des agrumes, de certains légumes, la construction des vaisseaux spatiaux, etc. Ce monopole permet au commerce de prospérer et aux échanges entre les systèmes de s’opérer. De plus, une paix relative existe car faire la guerre à un système signifie perdre ce qu’il a à offrir dans les échanges commerciaux…

Maintenant, prenez cette situation et appliquez-la à la problématique du roman : que faire quand les courants qui relient ces différents systèmes vont s’effondrer à très court terme ? En théorie, abolir les monopoles, permettre à tout le monde de cultiver ce dont il aura besoin en cessant de modifier génétiquement les graines pour qu’elles deviennent stériles au bout de la x ième génération si jamais les agriculteurs concernés ne paient pas. Sauf que l’abolition des monopoles signifie que le système économique dans son ensemble doit être repensé…

Et c’est là que Scalzi met en scène toute l’étendue de la bêtise humaine tout en traitant une thématique malheureusement très actuelle au sein de notre société : le pouvoir de l’argent au-delà de toute raison. En effet, on peut s’interroger à quoi bon s’accrocher à son argent quand la société est sur le point de s’effondrer ? La monnaie n’a de valeur que dans le système de l’Interdépendance, pas au-delà… Au fond, ce sont des données numériques, rien de plus. À travers le personnage de Nadashe, notamment, l’auteur permet de mettre en scène des commerçants dans l’ensemble cupides mais surtout, prêts à sauver leur peau au détriment de celle des gens dont ils ont la charge. C’est en jouant sur leur peur de perdre leur statut social, leur importance toute relative, que Nadashe parvient à intriguer politiquement et à grimper les échelons du pouvoir, malgré son exil et son statut de fugitive. Coincé dans son esprit, le lecteur assiste au déroulement de son raisonnement qui peut se résumer en : on ne sauvera de toute façon pas tout le monde alors sauvons les riches. Si le fond (on ne sauvera pas tout le monde) est correct, la suite en revanche…

Sauver tout le monde, c’est ce que l’Emperox Griselda II aimerait réussir à faire mais cela la confronte à de nombreuses problématiques. Avec Marce, son responsable scientifique et son amant, ils réfléchissent au meilleur moyen d’agir tout en ayant conscience que c’est sans espoir. Ce qui ne les empêche pas de s’accrocher parce qu’essayer, c’est toujours mieux que de ne rien faire. Griselda aimerait réussir à transférer la population de tous les systèmes jusqu’au Bout mais agir ainsi reviendrait à condamner l’humanité sur le moyen / long terme au lieu du court terme puisque le Bout devrait soudain subvenir aux besoins de milliards d’individus. La planète n’y survivrait tout simplement pas. On voit donc ici la matérialisation de l’expression « l’enfer est pavé de bonnes intentions ».

La situation semble sans issue et prendra un tournant assez surprenant via un évènement bien particulier que je n’ai pas vu venir ni que je n’aurai cru possible. Rassurez-vous, pas de solution miracle, non… Mais bien un dénouement qui tient la route et ne manque pas d’intelligence. Une surprise à la Scalzi, grosso modo.

À qui recommander cette saga ?
L’Interdépendance est une trilogie qui ravira les fans de l’auteur qui se reconnaissent dans son humour et dans l’intelligence de ses propos… Mais pas que ! À l’instar du Vieil Homme et la Guerre, Scalzi propose du space-opera accessible qui est une très bonne porte d’entrée dans son univers mais aussi dans ce genre littéraire de manière plus générale. D’autant que, contrairement à sa première saga susnommée, il n’y a pas de focalisation sur l’aspect militaire, ce qui, je le sais, rebutait certaines personnes. C’est donc vraiment l’idéal pour se familiariser avec la plume de l’auteur ! Il faut aussi apprécier croiser des personnages féminins forts et intéressants car les voix féminines sont majoritaires dans le roman et ne manquent pas de dynamisme. Une vraie belle réussite sur tous les points.

La conclusion de l’ombre :
Avec l’Interdépendance, Scalzi reste fidèle à lui-même et aux qualités que j’apprécie retrouver chez lui. Son humour est parfaitement dosé, ses personnages sont subtilement construits et tous très attachants à leur manière (#TeamKiva). Le propos d’ensemble est d’une fine intelligence et l’action reste au rendez-vous pour proposer un page-turner efficace dont on se souviendra. Je recommande très chaudement cette trilogie !

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20 réflexions sur “L’Interdépendance #3 la dernière Emperox – John Scalzi

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    • Je comprends ! Mais il faut se dire que dans ce prix il y a aussi la traduction qui est rémunérée, les droits de l’auteur qui est quand même assez fameux donc doit négocier en conséquence, le travail éditorial, la couverture, etc. On oublie souvent tout ce qu’il y a derrière le prix d’un livre…
      Toutefois c’est vrai qu’il faut pouvoir les sortir, ce n’est pas toujours simple. J’espère que le 3e tome sera à la hauteur de vos attentes du coup 🙂

      • Terminé ce jour, j’ai été déçu… j’avais pourtant vraiment apprécié les deux premiers.
        L’intrigue est faible, Kiva Lagos est juste insupportable, la fin est vite expédiée… si j’avais gardé mon ticket de caisse je serais aller le rendre 😀

      • Ah c’est drôle j’ai l’avis totalement inverse toutefois tu n’es pas la première personne à me dire ça. Vraiment dommage que tu aies passé un mauvais moment j’en suis désolée 😦

  6. J’ai pris grand plaisir à lire ton article, car comme toujours j’aime beaucoup ta façon d’écrire et même quand il s’agit d’ouvrages que je ne lirai pas, d’autant plus quand c’est le dernier tome d’une saga, j’ai toujours un intérêt à te lire.

    La réflexion sur le fait de sauver l’argent alors qu’on sait le monde condamné me fait penser au film Les Fils de l’homme (qui est l’adaptation d’un roman d’ailleurs) où il y a une scène chez un personnage qui collectionne des œuvres d’art alors que l’humanité est condamnée (puisque devenue stérile). Bon ça fait longtemps que je ne l’ai pas revu donc j’ai oublié le propos, mais j’avais trouvé ça particulièrement intéressant 😅

    • Merci 🙂 je pense à toi et à d’autres bibliothécaires quand j’écris ces articles de fin de saga et que je note à quel type de public ça se destine, je me dis que c’est toujours utile !
      Et clairement c’est une réflexion intéressante parce que si on devait vivre une telle situation je suis sûre qu’il y en aurait pour penser à leur argent et à comment conserver leur « statut supérieur » au lieu d’essayer de sauver d’autres gens 🤦‍♀️ ça en dit long sur l’humanité..

  7. Personnellement j’ai eu un gros échec sur ce troisième tome. Je déteste les sujets qui arrivent comme un cheveux dans la soupe, même si ceux ci sont bons.
    Du coup j’ai passé mon tome a lever les yeux au ciel en ayant envie de hurler sur l’auteur parce que je ne les trouvaient vraiment pas bien intégrés à l’ensemble.

    (comme par exemple le passage où d’un coup au détours d’un chapitre qui ne parle pas du tout de ça il se met à nous décrire en quelques paragraphes ce que fait la population générale autre que les noble et l’effet de l’ensemble sur eux. J’avais vraiment l’impression que d’un coup l’auteur c’est dit que ça serait cool qu’on en parle et il l’a intégré au premier endroit ou il l’a pu. => Loupé loupé loupé loupé, bouhhhhhhhh *pas contente*)

    Bref, résultat ce tome ci m’a plus énervé qu’autre chose. Et bien sur ça m’a totalement empêché de voir l’humour ou l’intérêt de l’intrigue (je n’ai même pas cillé à la fin, qui est pourtant totalement dans le genre de fin que j’aime sur le papier, c’est dire)

    PS> Je l’ai chroniqué, mais à l’époque de sa sortie VO, donc bien avant que ça arrive chez nous xD

    • Ah bah j’ai pas du tout ressenti la même chose que toi et je ne suis pas sur la même longueur d’onde dans ce que tu relèves 😅 c’est dommage que tu n’aies pas pu profiter de ce tome du coup !
      J’irai lire ta chronique quand je serai sur l’ordi 🙂

  8. C’est comique, en voyant les couvertures de cette série, je pensais justement qu’il s’agissait d’un space-op plutôt militarisé, ce qui, de fait, m’intéresse peu. Le fait que cette série soit plutôt axée sur les personnages féminins forts me parle beaucoup, bien sûr. Peut-être John Scalzi parviendra-t-il à me concilier avec le space-op ? Il faudrait que je teste le premier tome pour le dire. Merci pour ton avis, en tout cas !

    • Si quelqu’un le peut en tout cas c’est bien lui ! C’est vrai qu’on pourrait penser ça avec les vaisseaux en couverture mais ce ne sont pas des vaisseaux de combat justement. Sauf qu’on ne peut le savoir qu’en lisant. Bref j’espère que tu aimeras ta lecture si tu te lances 😊

  9. Comme toi, j’ai adoré cette trilogie. Heureusement qu’il me reste d’autres titres de l’auteur à lire, je sais que ça sera l’assurance de passer un bon moment.
    J’ai beaucoup aimé la fin de cette trilogie et la scène dans l’église.

    • Tu en as de la chance ! Après je crois qu’il me reste un roman moins connu en fantasy je pense ? Quelque chose comme ça car j’ai vu un titre que je ne connaissais pas dans ma biblio de fin mais faut que je vérifie.
      Oui c’était vraiment une super scène puis l’épilogue était pas mal non plus j’ai super bien visualisé le désappointement 😂

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