L’Interdépendance #3 la dernière Emperox – John Scalzi

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La dernière Emperox
est le troisième et dernier tome de la trilogie space-opera l’Interdépendance écrite par l’auteur américain John Scalzi. Publié chez l’Atalante, vous trouverez ce roman au format papier au prix de 21.90 euros.
Je remercie Emma et les éditions l’Atalante pour ce service presse numérique.

Souvenez-vous ! Je vous ai déjà évoqué le premier tome (l’effondrement de l’Empire) ainsi que le second (les flammes de l’Empire).

De quoi ça parle ?
Les courants du Flux vont s’effondrer à très court terme, c’est une évidence. Que faire, quand toute la société semble condamnée, à l’exception des habitants du Bout qui vivent sur la seule planète habitable ? Quelles décisions prendre, en tant qu’Emperox, pour sauver le plus grand nombre de gens sur le long terme ? Et comment affronter Nadashe Nohamapetan, qui s’obstine à lui mettre des bâtons dans les roues ?

Dans ma chronique du premier tome, je vous ai évoqué dans le détail l’univers développé par Scalzi. Dans celle du second tome, je me suis arrêtée sur le rôle des femmes et sur les personnages féminins vraiment bien menés de l’auteur, qui confirme une tendance que j’aime beaucoup chez lui à savoir créer des sociétés égalitaires sur la question des genres, non pas pour éliminer cette problématique mais pour montrer que si tout le monde avait un peu de bon sens, elle n’aurait pas lieu d’être. Dans ce tome-ci, je vais davantage me concentrer sur les différentes manières qu’ont les décideurs politiques de réagir à la « fin du monde » avant de vous récapituler à qui se destine (ou non !) cette saga. Passez donc directement à la fin si vous souhaitez éviter tout divulgâchage.

Un conflit idéologique
Pour que vous compreniez bien les enjeux, je vais devoir effectuer un petit rappel sur les bases de l’univers. L’Interdépendance est un peu comme un empire humain qui s’étend sur plusieurs systèmes, reliés entre eux par les courants du Flux. En les empruntant, il est possible de se rendre d’un endroit à l’autre en plus ou moins de temps. Ces systèmes prennent place soit sur des planètes hostiles (la vie s’effectue donc en sous-sol artificiel) soit dans des stations spatiales de grande envergure. Chaque système est relié à une famille noble et chacune de ces familles dispose d’un monopole, par exemple sur la culture des agrumes, de certains légumes, la construction des vaisseaux spatiaux, etc. Ce monopole permet au commerce de prospérer et aux échanges entre les systèmes de s’opérer. De plus, une paix relative existe car faire la guerre à un système signifie perdre ce qu’il a à offrir dans les échanges commerciaux…

Maintenant, prenez cette situation et appliquez-la à la problématique du roman : que faire quand les courants qui relient ces différents systèmes vont s’effondrer à très court terme ? En théorie, abolir les monopoles, permettre à tout le monde de cultiver ce dont il aura besoin en cessant de modifier génétiquement les graines pour qu’elles deviennent stériles au bout de la x ième génération si jamais les agriculteurs concernés ne paient pas. Sauf que l’abolition des monopoles signifie que le système économique dans son ensemble doit être repensé…

Et c’est là que Scalzi met en scène toute l’étendue de la bêtise humaine tout en traitant une thématique malheureusement très actuelle au sein de notre société : le pouvoir de l’argent au-delà de toute raison. En effet, on peut s’interroger à quoi bon s’accrocher à son argent quand la société est sur le point de s’effondrer ? La monnaie n’a de valeur que dans le système de l’Interdépendance, pas au-delà… Au fond, ce sont des données numériques, rien de plus. À travers le personnage de Nadashe, notamment, l’auteur permet de mettre en scène des commerçants dans l’ensemble cupides mais surtout, prêts à sauver leur peau au détriment de celle des gens dont ils ont la charge. C’est en jouant sur leur peur de perdre leur statut social, leur importance toute relative, que Nadashe parvient à intriguer politiquement et à grimper les échelons du pouvoir, malgré son exil et son statut de fugitive. Coincé dans son esprit, le lecteur assiste au déroulement de son raisonnement qui peut se résumer en : on ne sauvera de toute façon pas tout le monde alors sauvons les riches. Si le fond (on ne sauvera pas tout le monde) est correct, la suite en revanche…

Sauver tout le monde, c’est ce que l’Emperox Griselda II aimerait réussir à faire mais cela la confronte à de nombreuses problématiques. Avec Marce, son responsable scientifique et son amant, ils réfléchissent au meilleur moyen d’agir tout en ayant conscience que c’est sans espoir. Ce qui ne les empêche pas de s’accrocher parce qu’essayer, c’est toujours mieux que de ne rien faire. Griselda aimerait réussir à transférer la population de tous les systèmes jusqu’au Bout mais agir ainsi reviendrait à condamner l’humanité sur le moyen / long terme au lieu du court terme puisque le Bout devrait soudain subvenir aux besoins de milliards d’individus. La planète n’y survivrait tout simplement pas. On voit donc ici la matérialisation de l’expression « l’enfer est pavé de bonnes intentions ».

La situation semble sans issue et prendra un tournant assez surprenant via un évènement bien particulier que je n’ai pas vu venir ni que je n’aurai cru possible. Rassurez-vous, pas de solution miracle, non… Mais bien un dénouement qui tient la route et ne manque pas d’intelligence. Une surprise à la Scalzi, grosso modo.

À qui recommander cette saga ?
L’Interdépendance est une trilogie qui ravira les fans de l’auteur qui se reconnaissent dans son humour et dans l’intelligence de ses propos… Mais pas que ! À l’instar du Vieil Homme et la Guerre, Scalzi propose du space-opera accessible qui est une très bonne porte d’entrée dans son univers mais aussi dans ce genre littéraire de manière plus générale. D’autant que, contrairement à sa première saga susnommée, il n’y a pas de focalisation sur l’aspect militaire, ce qui, je le sais, rebutait certaines personnes. C’est donc vraiment l’idéal pour se familiariser avec la plume de l’auteur ! Il faut aussi apprécier croiser des personnages féminins forts et intéressants car les voix féminines sont majoritaires dans le roman et ne manquent pas de dynamisme. Une vraie belle réussite sur tous les points.

La conclusion de l’ombre :
Avec l’Interdépendance, Scalzi reste fidèle à lui-même et aux qualités que j’apprécie retrouver chez lui. Son humour est parfaitement dosé, ses personnages sont subtilement construits et tous très attachants à leur manière (#TeamKiva). Le propos d’ensemble est d’une fine intelligence et l’action reste au rendez-vous pour proposer un page-turner efficace dont on se souviendra. Je recommande très chaudement cette trilogie !

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La fin de tout – John Scalzi

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La fin de tout
est le sixième et dernier volume de la série de space-opera le Vieil Homme et la Guerre écrit par l’auteur américain John Scalzi. Publié par l’Atalante vous trouverez ce grand format au prix de 23.90 euros.
Je remercie Emma et les éditions l’Atalante pour ce service presse numérique.

De quoi ça parle ?
Souvenez-vous, je vous ai déjà parlé de cette saga : Le Vieil Homme et la Guerre (1) – Les Brigades fantômes (2) – La dernière colonie (3) – Zoé (4) – Humanité divisée (5).
La mystérieuse organisation qui s’occupe de monter l’Union Coloniale contre le Conclave se révèle enfin et a un nom : l’Équilibre. À travers quatre nouvelles, l’auteur conclut la saga commencée avec John Perry il y a six tomes, une saga qui a largement dépassé son protagoniste d’origine…

4 nouvelles et une réécriture alternative.
Ce dernier tome est plutôt un recueil qu’un roman puisque, à l’instar d’Humanité divisée, Scalzi choisit de continuer l’exploration de son univers à travers des aventures séparées, quoi que liées les unes aux autres, en changeant chaque fois de personnage principal. Le texte le plus marquant reste pour moi le tout premier, intitulé La vie de l’esprit. Cette nouvelle raconte de quelle manière Rafe Daquin est devenu « un cerveau en boîte » (littéralement..) après avoir été capturé par l’Équilibre, la fameuse organisation de l’ombre qui cherche à détruire le Conclave ainsi que l’Union Coloniale par d’habiles jeux de manipulation. Rédigée à la première personne, cette nouvelle s’adresse par moment directement au lecteur car Scalzi prend le parti de permettre à Rafe de raconter son histoire comme s’il le faisait dans la diégèse du roman, afin d’informer, afin de sensibiliser aux évènements. J’aime bien l’idée.

Être privé de son corps et menacé d’enfermement dans un vide perpétuel en cas de refus d’obéissance n’a rien d’une partie de plaisir. À l’instar des autres protagonistes proposés par l’auteur au fil de cette saga, je n’ai eu aucun mal à m’attacher à Rafe, à compatir à sa situation, à me sentir concernée par ses mésaventures. L’auteur a vraiment le chic pour proposer des personnages sympathiques et il le montre encore une fois avec cette nouvelle qui pose le personnage qu’on retrouvera tout au long de ce tome, quoi que plus en tant que narrateur.

Cette nouvelle, c’est aussi l’occasion de balancer au lecture explications et révélations. Le procédé manque un peu de subtilité mais reste efficace, en tout cas si on apprécie la façon de travailler de l’auteur (ce qui est mon cas).

Le second texte se déroule de nouveau au Conclave et s’intitule Cette union fantôme. C’est l’occasion de retrouver Hafte Sorvalh, la conseillère du Général Gau et donc la seconde personne la plus puissante au sein de ce système politique. Ce texte permet de mettre en scène les difficultés rencontrées par le Conclave qui est en train de se déliter grâce aux actions sournoises d’Équilibre. Je dois avouer avoir été très surprise par la façon dont va se dérouler cette partie de l’histoire et la décision finale du Général. J’ai trouvé l’ensemble assez fort sur un plan symbolique et n’ait pas pu m’empêcher d’être touchée par tout ce qui se déroulait au sein du texte. L’avantage d’opter pour un choix narratif aux multiples points de vue c’est que, tout en restant dans une narration à la première personne, Scalzi parvient à donner à son lecteur les informations nécessaires à sa bonne compréhension de l’univers et des enjeux, sans ôter l’aspect émotionnel. Une belle réussite et l’apogée de la montée en puissance de La fin de tout puisque le texte suivant va un brin faire retomber la sauce, je trouve.

Dans Résister au temps, on suit cette fois un groupe de soldats des forces de défense coloniale sous la direction du lieutenant Heather Lee que le lecteur connait déjà grâce aux tomes précédents. À travers les cinq parties contenues dans la nouvelle, Scalzi montre de quelle manière les différentes colonies commencent à se rebeller contre l’Union Coloniale et les conséquences que cela a à une échelle plutôt humaine. Ce groupe de soldat est sympathique à suivre même s’ils sont composés d’archétypes pas toujours subtils. Cette nouvelle n’est pas inutile pour l’intrigue toutefois je l’ai trouvée moins passionnante, moins remarquable, que les autres ou même la suivante. 

Enfin, comme de juste ou presque, La fin de tout se terminer par L’union ou le néant qui est le quatrième texte. Cette fois, on retrouve Harry Wilson aux commandes de la narration, protagoniste principal d’Humanité divisée dont j’ai déjà pu parler sur le blog. Je ne vais pas trop m’attarder sur ce dernier texte puisqu’il contient toutes les révélations et dénouements de la saga, ce serait dommage de divulgâcher. Je ne sais pas trop quoi penser du choix final, une partie de moi s’est dit tout ça pour ça ? Et une autre se contentait très bien de cette fin ouverte, porteuse d’espoir en l’avenir. Je crois que c’est le genre de message dont on a tous besoin en ce moment…

Et voilà, quatre nouvelles. C’est donc la fin ? Pas totalement puisque Scalzi propose à la fin du volume une version alternative de la toute première nouvelle, avec des points de vue complètement différents, qui permettent de donner un éclairage nouveau au contenu qu’on a pu lire. Il y explique également en guise de préface qu’il a écrit presque 40k mots (donc l’équivalent d’un roman court…) qui n’ont pas été retenus dans la version finale de La fin de tout et qu’il garde ces mots dans un dossier au cas où ça serait utile, comme ça l’est ici à ses yeux. J’ai apprécié de découvrir cette version alternative mais je préfère quand même largement la première !

Scalzi, fidèle à lui-même.
Si vous aimez l’auteur alors vous aimerez probablement vous plonger dans cette saga puisqu’on y retrouve tous les ingrédients qui font la force de ce géant du space-opéra militaire : des personnages savoureux et variés, une bonne dose de tolérance, de la baston comme on aime, du bon et grand spectacle qui ne sert pas de poudre aux yeux pour cacher une faiblesse de fond, ça non… Parce qu’en plus d’être un très bon divertissement, la saga du Vieil Homme et la Guerre permet aussi une métaphore de la politique américaine (à l’époque de son écriture, je pense qu’on peut y voir un lien avec les tendances dites impérialistes des États-Unis) et ses conséquences possibles / probables. La politique, l’idéal démocratique, tout ça s’épanouit en filigrane d’une intrigue prenante où l’humour à la Scalzi est perpétuellement présent. 

En bref, ne vous attendez pas à être fondamentalement surpris ou chamboulé dans vos habitudes avec l’auteur, encore moins sur cette saga qui est, si je ne me trompe pas, sa toute première. En revanche, si vous aimez son travail, il ne faut pas hésiter à vous tourner vers cette série car c’est très clairement une valeur sûre. Je suis ravie de ma découverte !

À qui recommander ce cycle ?
Le Vieil Homme et la Guerre est une saga qui se veut très accessible, même (et surtout ?) aux novices en matière de space opera. C’est, à mon sens, une assez bonne porte d’entrée qui peut donc être conseillée au plus grand nombre de lecteurs, à partir du moment où ceux-ci ne sont pas réfractaires à l’humour (scalzien donc très bien dosé), à la chose militaire ni aux intrigues politiques. 

Petite coup de gueule (ou remarque ?) pour conclure :
Je suis un peu surprise par l’absence de tomaison sur cette saga et je dois avouer que je ne comprends pas ce choix éditorial. On est assez clairement sur un cycle logique dont l’intrigue se suit et la bonne compréhension de ce qu’on lit dépend des histoires précédentes. Certes, on peut éventuellement se passer des 4 premiers volumes (enfin trois et demi pour les puristes qui ne considèrent pas Zoé comme un roman à part entière) quand on se lance dans Humanité Divisée car les évènements y sont rappelés mais on y perd tellement à ne pas rencontrer John Perry ! Je sais que, commercialement, une saga se vend moins mais c’est dommage quand même de ne pas avoir donné un ordre de lecture clairement accessible au futur lecteur dés la couverture du tome. J’ai du vérifier sur Internet le bon ordre pour ne pas me tromper au moment de continuer ma lecture puisque je les avais tous dans ma liseuse, alors je me mets à la place d’un lecteur qui voit un de ces livres en librairie et tombe dans le panneau, si je puis dire… Certains ont du grincer des dents. D’autant qu’une mention de tomaison existe bien sur la version poche chez Bragelonne… Et que l’Atalante référence ces six romans sur son site sous la même série, celle du Vieil Homme et la Guerre. Donc voilà, pourquoi ne pas mettre une tomaison sur les grands formats ? Un début de réponse serait que cette mention ne semble pas exister en VO, du moins sur les couvertures que j’ai pu voir. Du coup, l’éditeur a probablement voulu respecter le choix de l’éditeur américain ou de l’auteur. Toutefois, je persiste à dire que ce n’est pas très judicieux. J’ai lu plusieurs commentaires qui le déploraient un peu plus vivement que moi et ça m’a paru pertinent de le souligner. Cela n’enlève rien à la qualité de la saga ni à ma reconnaissance infinie envers l’Atalante pour avoir traduit cet auteur extraordinaire.
Mais quand même, c’était pas votre meilleur choix éditorial. 

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Humanité divisée – John Scalzi

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Humanité divisée est le cinquième opus de la saga Le vieil homme et la guerre écrite par l’auteur américain John Scalzi. Publié par l’Atalante, vous trouverez ce texte partout en librairie au prix de 25.90 euros en grand format.
Je remercie Emma et les éditions l’Atalante pour ce service presse.

Souvenez-vous, je vous ai déjà parlé de cette saga : Le Vieil Homme et la Guerre (1) – Les Brigades fantômes (2) – La dernière colonie (3) – Zoé (4).

De quoi ça parle ?
Grâce à John Perry, la Terre sait désormais que l’Union Coloniale se sert d’elle depuis deux siècles en la maintenant dans un état technologiquement arriéré, ce qui ne leur plait pas du tout. Scandalisés, les gouvernements terriens envisagent de se rapprocher du Conclave, l’ennemi de l’Union, privant ainsi définitivement ces derniers de leurs précieuses ressources humaines…

Une suite par épisodes.
Contrairement aux quatre opus précédents, Humanité divisée se compose de treize épisodes ainsi que de deux nouvelles indépendantes, présentes à la fin. Dans les remerciements de l’auteur, on peut lire qu’il s’est cassé la tête pour que ces épisodes puissent être lus de manière indépendante en formant quand même un roman cohérent. Hélas, selon moi, ce n’est pas vraiment possible puisqu’il s’agit d’aventures reliées entre elles par des personnages identiques ainsi qu’une intrigue sous-jacente claire et dans la ligne directe de ce qui a eu lieu précédemment : qui donc essaie d’attiser les tensions entre les deux camps en faisant soigneusement porter le chapeau à l’autre ? Je préfère donc considérer ce texte comme un roman au découpage particulier que comme un recueil de nouvelles.

Particulier signifie ici intéressant et inédit pour moi. J’ai vraiment apprécié cet aspect épisodique qui ponctue la lecture par beaucoup d’action et élimine les éventuelles longueurs qu’on peut trouver au sein d’un roman et que j’ai pu ressentir, par exemple, dans les Brigades fantômes. Scalzi a du ruser pour maintenir l’intérêt de chaque partie et il a, selon moi, très bien réussi son coup tout en maîtrisant les codes de la nouvelle puisque chaque aventure se termine au sein de son épisode mais les conséquences qu’elle induit sont reprises par la suite.

Je précise par contre qu’il est possible (toujours selon moi) de lire Humanité divisée sans avoir découvert les quatre opus précédents. D’une part parce que le personnage principal n’est plus le même et d’autre part parce que le texte contient suffisamment d’éléments de contexte pour qu’un lecteur novice ne soit pas perdu. Toutefois, vu l’intérêt des romans de Scalzi, je vous recommande quand même de lire les autres.

Une galerie de personnages intéressants.
Il n’est plus à prouver que Scalzi a un don pour construire des personnages auxquels on s’attache même si, quand on prend du recul, on se rend compte qu’ils ne sont pas fondamentalement originaux. Étrange paradoxe, je sais ! Pourtant, ça fonctionne sans problème -en tout cas sur moi. Dans ce roman, plusieurs figures se détachent contrairement aux opus précédents qui se focalisaient sur un seul protagoniste, avec une narration à la première personne (sauf pour les Brigades Fantômes). Ni Zoé ni John Perry ne sont au programme mais bien Harry Wilson, qui est présent dans quasiment tous les épisodes et endosse plus ou moins le rôle de « héros » d’Humanité divisée. Soldat des forces de l’union coloniale, le lecteur l’aura déjà rencontré dans le premier tome du vieil homme et la guerre puisqu’il a quitté la Terre en même temps que John Perry et est l’un des trois rescapés de leur équipe des Vieux Cons. Il a rejoint la section scientifique / technique des FDC et n’est plus à proprement parler en service actif sur le front. Cela ne l’empêche pas d’avoir conservé toutes ses particularités de soldat génétiquement amélioré et de savoir s’en servir.

Harry Wilson a beau être un personnage attachant, on ressent tout de même une patte très américaine autour de lui et du reste des protagonistes. Il incarne un archétype du soldat dévoué mais qui n’en a pas perdu son cerveau pour autant. Il est capable de se montrer critique envers l’institution qui l’emploie et fait de son mieux pour assurer ce qu’on attend de lui. Je me suis immédiatement intéressée à ses aventures et à ce qu’il avait à proposer, presque autant que pour John Perry. Toutefois, cet aspect peut gêner (ou au contraire, attirer) certains lecteurs donc je me dois de le préciser.

Un world-building qui continue de s’étoffer.
Même si on reste sur un fond classique (l’opposition entre deux puissances d’envergure pour le contrôle de territoires spatiaux ou plus simplement, leur suprématie dans l’ensemble) je trouve que la façon dont Scalzi développe son univers est cohérente, intéressante et surtout, accessible à celleux qui n’ont pas l’habitude de ce type de littérature. Certains ont qualifié ce tome d’inutile et inintéressant, ce n’est pas mon cas. Les évènements d’Humanité divisée prennent place directement après la fin du tome 3 (ou 4 si vous considérez Zoé comme un 4 plutôt qu’un 3.5) quand John Perry apprend à la Terre que l’Union Coloniale la maintient dans l’ignorance d’énormément d’éléments concernant l’espace afin de s’en servir comme vivier pour peupler ses colonies et renforcer son armée. Humanité divisée nous montre les conséquences concrètes de cette action sur divers plans (et surtout le diplomatique) mais introduit aussi un troisième camps dont on se doute de l’existence depuis quelques temps, sans avoir toutefois de réelles preuves de son implication. Autre qu’en partant du principe que chaque camps dit la vérité sur son innocence, bien entendu… C’est là aussi tout le génie de Scalzi qui continue de jouer avec son lecteur tout en lui donnant l’impression de porter une jolie auréole au-dessus de sa tête. J’adore !

Humanité divisée explore aussi un nouveau volet : celui de la diplomatie. Le coup porté par Perry à l’Union Coloniale oblige cette dernière à revoir sa politique d’image de marque, si j’ose dire, et le texte se concentre d’ailleurs sur une équipe diplomatique que Wilson rejoint un peu malgré lui pour ses compétences de technicien. C’est l’occasion de rencontrer plusieurs nouveaux peuples extraterrestres, de se familiariser avec d’autres coutumes, de vivre une aventure improbable avec un chien (cet épisode m’a tellement fait rire !) et bien d’autres encore, je vous laisse les surprises. On pourrait craindre l’absence de batailles spatiales ou de tragique mais rassurez-vous, ce n’est pas le cas du tout, particulièrement dans l’épisode final.

Deux nouvelles bonus.
Petit mot sur les deux nouvelles qu’on trouve à la fin : la diplomatie en trois rounds et Hafte Sorvalh déguste un churro et s’entretient  avec la jeunesse d’aujourd’hui. La première remet en scène Harry Wilson quelques mois avant les évènements d’Humanité divisée où on lui demande de se battre contre le représentant d’un peuple avec qui l’Union Coloniale est en pourparlers et qui sont très intéressés par l’aspect militaire de l’UC. C’est un texte sympathique à lire, une aventure divertissante mais sans plus. Le véritable intérêt de ces suppléments réside selon moi dans la seconde nouvelle où on retrouve une ambassadrice du Conclave (qu’on a eu l’occasion de croiser au fil des épisodes) Hafte Sorvalh. C’est une Lalan, un peuple qui ressemble un peu à de gros reptiles de trois mètres en mode humanoïde. Lors de ses voyages sur Terre, elle s’est découverte une passion pour les churros et c’est en allant en manger qu’elle rencontre un groupe d’enfants en sortie scolaire, ce qui donne lieu à un échange assez touchant entre les enfants et elle. J’ai surtout apprécié les propos de tolérance et d’ouverture qui transparaissaient dans le texte même si, à nouveau, ce n’est rien de fondamentalement original. Mais ça ne m’a pas empêchée d’être touchée.

La conclusion de l’ombre : 
Humanité divisée est un roman construit en treize épisodes + deux nouvelles bonus et qui s’inscrit dans la lignée directe des évènements de la saga Le vieil homme et la guerre. Scalzi alterne cette fois entre plusieurs protagonistes et le format épisodique permet de maintenir tout du long l’intérêt du lecteur grâce à un enchainement d’action bien maitrisé. Scalzi reste fidèle à lui-même et met son talent au service du lecteur qui, probablement habitué et fan à ce stade, sera ravi de retrouver tout ce qui constitue un bon roman de cet auteur devenu incontournable : des personnages attachants, de l’action, un background solide, de l’humour bien dosé. Vous ne serez pas renversé : Scalzi continue d’écrire du Scalzi. Mais, personnellement, c’est bien ce qui me pousse à continuer à le lire.

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Maki

Zoé – John Scalzi

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Zoé
est le quatrième volume de la saga du Vieil Homme et la Guerre écrite par l’auteur américain John Scalzi. Édité chez l’Atalante, vous trouverez ce roman au prix de 19.90 euros.
Je remercie Emma et les éditions l’Atalante pour ce service presse.

Souvenez-vous, je vous ai déjà parlé de cette saga : Le Vieil Homme et la Guerre (1) – Les Brigades fantômes (2) – La dernière colonie (3).

De quoi ça parle ?
Zoé raconte les évènements qui se déroulent dans La dernière colonie dont je vous ai parlé il y a quelques jours… du point de vue de Zoé, adolescente adoptée par John et Jane Perry à la fin des Brigades fantômes, fille de Charles Boutin et enfant précieuse aux yeux du peuple Obins.

En règle générale, je dois avouer ne pas apprécier plus que ça les textes qui offrent un autre point de vue sur des évènements que je connais déjà. Je préfère que l’auteur opte pour une narration alternée au sein du même volume. Alors quand j’ai compris que Zoé n’avançait pas du tout l’intrigue, j’ai freiné des quatre fers et failli ne pas le lire bien qu’à certains moments, lors de ma lecture de La dernière colonie, je trouvais cela dommage que Scalzi s’en tienne à John Perry car Zoé vit pas mal d’aventures de son côté et on n’en a qu’un très bref aperçu lorsqu’elle en discute avec ses parents. J’avais donc un petit goût de trop peu, c’est vrai. Au point de relire la même histoire d’un autre point de vue moins de trois jours après avoir terminé le tome précédent ?

Et bien… Oui.
Et sans le moindre regret, finalement ! Comme quoi, tout arrive.

Quand Scalzi s’essaie au young adult.
Ça y est, je l’ai dit. Oui, Zoé est un roman young-adult selon moi puisqu’il colle aux codes (fluctuants, certes) du genre et je ne me fie pas (que) à l’âge de la protagoniste pour cela. Certes, c’est souvent un argument qui revient mais, personnellement, il ne me convient pas. Il suffit de prendre pour exemple des romans très sombres et durs avec des enfants en guise de héros (je pense à Je suis ton ombre, ce n’est pas le seul) pour s’en convaincre. Toutefois, Zoé affronte bien les tourments de l’adolescence qui sont en partie au coeur de ce texte : les premiers émois amoureux (erk.), un déménagement qui l’oblige à tourner le dos à tout ce qu’elle connait, la nécessité de nouer de nouvelles amitiés, sa quête identitaire, diviser qui elle est de ce qu’elle est, etc. Ce sont des tropes communs au genre même si le roman de Scalzi ne s’y cantonne pas. Alors sachez-le, si ce sont des sujets qui ne vous intéressent pas, ne lisez pas Zoé. Ça va vous saouler. Et si vous aimez seulement le young-adult, ne lisez pas Zoé non plus car ce texte ne peut pas se découvrir en dehors de la saga principale. C’est un complément, pas un roman à part.

Zoé, une adolescente pas comme les autres.
Zoé n’est pas une ado ordinaire : elle est la fille de Charles Boutin, celui qui a permis au peuple Obins d’accéder à la conscience. Du coup, elle vit avec deux Obins depuis l’enfance, Pirouette et Cacahuète (quand t’es enfant, tu nommes les gens comme tu peux, surtout les extra-terrestres, jugez pas) qui la protègent comme un trésor national. Ils enregistrent leurs moments en sa compagnie pour diffuser ces images au reste de leur nation, qui apprend alors à vivre, à utiliser cette conscience qu’ils désiraient avec ardeur sans trop savoir quoi en faire maintenant qu’ils l’ont.

L’intérêt du roman Zoé est surtout, à mon sens, d’en apprendre davantage sur les Obins dont on nous parle depuis deux tomes. On connait bien mieux leur genèse, leurs habitudes, on cerne les enjeux autour de Zoé et les comportements étranges de Pirouette et Cacahouète. On en a un aperçu dans La dernière colonie toutefois, à ce niveau, il est clair que ce roman apporte un complément important pour tout qui s’intéresse à l’univers du Vieil Homme et la Guerre. Il permet aussi -enfin- de poser la question qui me trotte en tête depuis deux tomes à savoir : mais pourquoi ça ne choque personne qu’une ado ait le pouvoir de manipuler un peuple entier au point qu’ils acceptent limite de se suicider pour ses beaux yeux ? Une chance, toute la fin du roman permet une évolution et une grosse prise de conscience, qui s’accompagne chez Zoé d’un gain de maturité. Pas du luxe.

Un must-read, vraiment ?
Mais voilà… On ne va pas se mentir, hormis pour satisfaire une curiosité bien légitime sur la façon précise dont Zoé a rencontré le Général Gau (j’avoue, je me suis décidée à lire le roman juste pour ça au départ) et comment elle a réussi à ramener une arme Consue sur Roanoke en sauvant les fesses de la colonie… Ce texte reste dispensable. Dispensable dans le sens qu’il n’apporte aucune nouvelle information fondamentale à l’intrigue. C’est davantage un complément, un tome 3 bis qu’un véritable tome 4. Ce qui ne m’a pas empêché d’apprécier ma lecture. Zoé est un chouette divertissement si l’aspect adolescent ne vous rechigne pas et si les Obins vous intéressent. Dans le cas contraire, je pense que vous pouvez sans trop de soucis passer directement au tome 5. Toutefois, j’attends sa lecture pour l’affirmer à 100% (encore quelques jours de suspens.)

La conclusion de l’ombre :
Zoé est le quatrième tome de la saga du Vieil Homme et la Guerre. Le roman raconte à l’identique les évènements de La dernière colonie, du point de vue de Zoé (comme son titre l’indique) ce qui permet de combler certains trous du volume précédent. Des trous somme toute facultatifs, on ne va pas se mentir. Toutefois, le texte ne manque pas d’intérêt pour tout fan de l’univers du Vieil Homme et la Guerre et tout qui a envie de mieux comprendre le peuple Obins. Ça a été, pour moi, une chouette lecture que je ne regrette pas. En avant pour la suite !

D’autres avis : Le chien critique – vous ? (manifestez-vous en commentaire si je vous ai oublié !)

La dernière colonie – John Scalzi

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La dernière colonie
est le troisième tome de la saga du Vieil Homme et la Guerre écrite par l’auteur américain John Scalzi. Publié par l’Atalante, vous trouverez ce roman au prix de 19.90 euros.
Je remercie Emma et les éditions l’Atalante pour ce service presse numérique.

Souvenez-vous, je vous ai déjà parlé de cette saga : Le Vieil Homme et la Guerre (1) – Les Brigades fantômes (2).

De quoi ça parle ?
John vit une existence tranquille sur Huckleberry aux côtés de Jane (revenue à la vie civile dans le tome précédent) et de Zoé, leur fille adoptive. Tout se passe pour le mieux, rien de plus grave à régler que des problèmes de chèvre. Enfin… jusqu’à ce qu’un officiel des Forces de Défense Coloniale débarque pour leur proposer de superviser l’installation d’une nouvelle colonie. Il y a bien entendu anguille sous roche puisque cette colonie est un pied de nez au Conclave, avec tout ce que ça implique sur un plan politique. John et Jane vont devoir se montrer à la hauteur s’ils veulent sauver ces 2500 âmes qui n’ont rien demandé à personne et sont pourtant utilisées par les FDC comme des pions dans une bataille bien plus grande. Dommage qu’ils s’en rendent compte si tard.

De la guerre ouverte à la colonisation.
Dans le Vieil Homme et la Guerre, Scalzi posait les bases d’un univers développé ensuite de façon plus subtile dans les Brigades fantômes -je vous invite à lire mes deux chroniques pour obtenir les détails. On se trouvait clairement dans une SF au parfum militaire, avec tout ce que cela implique sur l’ambiance, les combats, la violence, les horreurs de la guerre. La situation évolue avec ce troisième opus. John et sa femme, Jane, vivent tranquillement sur une planète où lui règle les conflits de voisinage pendant qu’elle est shérif. Ils acceptent de laisser cela derrière eux pour aider à l’implantation de la colonie Roanoke, avant de se rendre compte qu’on se sert d’eux.

Pendant une bonne moitié du roman, le lecteur découvre le quotidien tranquille du couple puis la manière dont s’implante une colonie sur une planète. On est dans le calme, la discussion, les explications facilement accessibles au lecteur novice. C’est une ambiance totalement différente de ce à quoi nous a habitué Scalzi dans cette saga (ou de manière générale) mais ce n’est pas dénué d’intérêt pour autant car tout est présenté d’une manière intéressante. Je n’ai, a aucun moment, eu le sentiment de me noyer sous les informations ni n’ai vu mon intérêt décliner. Que du contraire, je suis arrivée à la fin du roman sans l’avoir vu passer.

Un univers qui se développe.
Avec toute la maîtrise qu’on lui connait, Scalzi continue de développer cet univers en le complexifiant. Dans la dernière colonie, il oppose le Conclave à l’Union Coloniale. Le Conclave est une organisation entre plusieurs espèces qui prône une forme d’entente et d’entraide pour ne laisser personne sur le carreau lors de la découverte de l’univers infini. Sur le papier, l’idée ne manque pas d’intérêt et est portée par le Général Gau, un personnage honorable à la personnalité vraiment intéressante.

Même si un peu de plus quatre cents espèces ont accepté de les rejoindre, d’autres refusent en craignant pour leur souveraineté. C’est le cas de l’humanité (ouais tu l’avais pas vu venir hein), représentée par l’UC, qui veut même aller plus loin que ça en annihilant le Conclave. C’est ce but qui est poursuivi dans ce tome, à travers l’implantation de Roanoke puisque le Conclave a interdit à toute espèce qui n’y appartient pas de coloniser une nouvelle planète. Ce privilège leur appartient et ils espèrent créer des colonies mixtes afin de favoriser la collaboration entre les espèces. Si une espèce désobéit, le Général Gau se rend sur place, offre à la colonie de se rendre et si ceux-ci refusent de « trahir » leur nation, il les détruit tous jusqu’au dernier -et seulement dans ce cas. L’homme se montre très diplomate, serein. Je lui ai trouvé un côté général sage asiatique qui n’hésite pas au moment d’agir mais qui respecte ses adversaires et accepte ses propres défaites. J’espère vraiment qu’il réapparaitra dans les prochains romans.

Sur base de cette succincte explication, vous imaginez sans peine les enjeux, les retournements de situation, les informations dissimulées par les autorités et nos pauvres protagonistes qui doivent se débrouiller tant bien que mal… avec l’aide bienvenue de Pirouette et Cacahouète, deux Obins qui ne quittent pas Zoé d’une semelle. Je ne vais pas approfondir afin d’éviter de vous divulgâcher des pans importants de l’intrigue. Toutefois, sachez que ça bouge, que ça trahit, que ça réfléchit, que ça se tape dessus -juste un peu moins que dans les tomes d’avant concernant ce dernier point.

John Perry, un narrateur attachant.
Le personnage de John Perry me plait beaucoup et j’avais été déçue d’en changer dans les Brigades fantômes bien que je comprenne l’intérêt sur un plan scénaristique. Ça permettait de mieux comprendre la problématique des forces spéciales, de leur presque humanité, un thème qui revient ici. John, quant à lui, incarne l’humanité dans ce qu’elle a de plus compliqué. Il tient a sa famille, ne manque pas d’honneur, sait se servir de son cerveau et affronte les difficultés avec aplomb. J’aime ses traits d’humour et j’éprouve énormément de sympathie à son égard si bien que j’ai dévoré ce roman sans m’en rendre compte, prise que j’étais dans sa psyché, dans son quotidien, dans ses difficultés.

La conclusion de l’ombre :
Pour résumer, la dernière colonie est une réussite de plus au palmarès de Scalzi et cela n’a rien d’étonnant quand on connait un peu la bibliographie de l’auteur. Ce roman quitte l’aspect purement militaire des deux autres opus pour se concentrer sur la politique et la colonisation, sans manquer d’action pour autant. Les nouveaux personnages proposés se révèlent très intéressants, j’ai personnellement hâte de les retrouver. Quant au narrateur, John Perry, c’est un vrai plaisir de le suivre aux commandes de cette aventure. Je ne vais pas attendre trop longtemps avant de me plonger dans le quatrième volume… Et je vous recommande évidemment la saga tout comme l’auteur de manière générale.

D’autres avis : je pense que le titre est trop « ancien » pour la blogo car je n’en ai pas trouvé.

Les Brigades fantômes – John Scalzi

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Les Brigades fantômes est un roman de space-opera écrit par l’auteur américain John Scalzi. Publié chez l’Atalante, vous trouverez ce texte au prix de 19.9 euros.
Je remercie Emma et les éditions l’Atalante pour ce service presse !

De quoi ça parle ?
Jared Dirac parlait à soixante secondes, marchait à deux minutes et prenait une navette pour le centre d’entraînement des Brigades fantômes à une heure dix. Jared a été créé sur base du code génétique d’un traitre afin d’y incorporer un enregistrement de son esprit, ce dans l’espoir d’empêcher la destruction de l’humanité. Une expérience ratée, voilà ce qu’est Jared. Mais l’est-il vraiment ?

Une suite ?
Les Brigades fantômes prend place dans le même univers que le Vieil Homme et la Guerre dont je vous ai déjà parlé il y a un long moment maintenant. Chronologiquement, il fait même suite aux évènements sur Corail et on y retrouve certains personnages comme Jane Sagan. Toutefois, il est possible de lire ce tome de manière totalement indépendante bien que je recommande la lecture dans l’ordre de parution pour mieux appréhender l’histoire. Scalzi réutilise son univers déjà présenté en le rendant accessible à un lecteur novice. D’autant qu’ici, il se concentre surtout sur les Brigades fantômes, une unité mystérieuse qui apparaît dans le premier tome sans que le lecteur n’en sache beaucoup à son sujet en dehors des rumeurs qui courent. Il propose aussi des personnages nouveaux (hormis Jane mais ce qu’on sait d’elle dans le premier volume n’est pas forcément utile ici). Il s’agit donc bien d’une suite mais d’une vraie suite indépendante.

Une mise en place trop longue.
Le problème c’est que, pour quelqu’un qui connait déjà l’univers, la mise en place paraît un peu longue et redondante avec un schéma narratif propre à l’auteur qu’on connait déjà. Certes, le lecteur est confronté à de nouvelles informations. Il apprend ce que sont les Brigades fantômes, comment se passe leur entraînement, comment ils se familiarisent avec l’humanité, leur mission de la défendre, etc. Tout cela prend un bon premier tiers du roman et donne lieu à moult questionnements philosophiques assez intéressants. Hélas, il me manquait cette petite étincelle en plus, ce peps qui m’avait séduite dans le premier volume à travers le personnage de John Perry et sa narration à la première personne. Dans les Brigades fantômes, Scalzi préfère partir sur une narration chorale en multipliant les points de vue, un peu comme dans l’Interdépendance. Le système n’est pas mauvais en soi et l’auteur, fidèle à lui-même, le maîtrise très bien. Hélas ce n’est pas ce que j’attendais de la part de cette série, j’ai donc éprouvé une déception toute personnelle. D’autant que Jared est moins intéressant que John, du moins jusqu’à la fin du roman où le texte prend toute sa puissance.

Un univers qui s’étend.
Dans le Vieil homme et la guerre, le lecteur a l’occasion de se familiariser avec l’existence de plusieurs races extra-terrestres et d’en affronter une sur Corail via les aventures de John Perry. Dans ce tome, Scalzi développe davantage deux autres races, les Éneshans et les Obins, qui prennent une grande place dans ce texte. Les premiers sont de type insectoïde et vivent dans une société matriarcale basée sur une élection dans différentes tribus. Depuis un moment, la même tribu garde le pouvoir et maintient la paix en épousant un représentant d’une autre tribu. Pour rester reine, la matriarche doit obligatoirement avoir une fille à sacrer dans les deux ans. Scalzi gère très bien la mise en place et le passage sur la planète des Éneshans a de quoi retourner les tripes en plus de poser la question qui fâche : jusqu’où peut-on aller pour le plus grand bien?

Autre peuple d’importance dans les Brigades fantômes : les Obins. Il s’agit d’une race créée par les Consus, une espèce largement supérieure à toutes les autres qui ont tranquillement mené leur petite expérience en dotant les Obins d’une conscience mais pas d’une âme. Ils existent, ils parlent, ils échangent sauf qu’il manque quelque chose de fondamental et c’est ce que notre traitre se propose de leur offrir en échange d’une aide  pour faire tomber l’Union Coloniale (UC). Une idée passionnante qui ouvre un champ réflexif assez large…

Des thèmes puissants.
Les Brigades fantômes parle d’abord de génétique en évoquant les questions morales que cela implique. Les membres de cette brigade ne sont pas des « vrais-nés ». On les fabrique sur base du code génétique des engagés morts avant d’avoir 75 ans et dont on ne peut donc pas réimplanter la conscience comme on l’a vu dans le Vieil Homme et la Guerre. Ils naissent avec un esprit vierge et évoluent en groupe le temps de se former, d’apprendre, de se développer. Un processus qui ne prend pas tellement de temps d’ailleurs à l’échelle d’une vie. Mais surtout, on expérimente beaucoup sur eux comme on l’apprend quand Jared rencontre une nouvelle race « humaine » adaptée à la vie dans l’espace, qui n’a d’humaine que le nom en réalité. En tant que lecteur, on ne peut pas s’empêcher de se poser des questions sur l’éthique et de ressentir une gêne à laquelle on ne se confronte jamais directement puisque, fidèle à lui-même, Scalzi ne tombe pas dans le pamphlet engagé. Il met en scène le débat via son intrigue, subtil, et nous laisse tirer nos propres conclusions.

Scalzi s’interroge donc sur l’éthique mais aussi sur l’âme, le libre arbitre ou encore la manière dont on se repose sur les nouvelles technologies. Je pense vous avoir évoqué les Amicerveaux dans ma chronique précédente, sorte de super ordinateur implanté chez les humains au sein de l’armée qui permettent des performances supérieures sauf que… Imaginons qu’Amicerveau cesse de fonctionner ? On peut sans problème effectuer un parallèle avec une problématique centrale au sein de nos sociétés modernes.

La conclusion de l’ombre :
Les Brigades fantômes est un roman qui s’inscrit dans le cycle du Vieil Homme et la Guerre mais peut se lire de manière indépendante. Avec celui-ci, John Scalzi explore diverses thématiques comme l’éthique autour des manipulations génétiques, l’importance du libre arbitre ou le poids des technologies dans nos vies. Si ce texte est parfaitement recommandable et à la hauteur de son auteur, il souffre quand même de quelques longueurs et d’un personnage principal moins intéressant que John Perry, du moins pendant une bonne partie du roman. Il reste toutefois indispensable au cycle que je vais m’empresser de continuer à découvrir !

D’autres avis : Lutin82le chien critiqueAu bazar des mots.

L’Interdépendance #2 les Flammes de l’empire – John Scalzi

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Les Flammes de l’empire
est le second tome de la saga l’Interdépendance écrite par l’auteur américain qu’on ne présente plus : John Scalzi. Publié par l’Atalante, vous trouverez ce texte au prix de 21.9 euros au format papier et 9.99 en numérique.
Je remercie Emma et les éditions l’Atalante pour ce service presse !

De quoi ça parle?
Souvenez-vous, je vous ai déjà chroniqué le premier tome il y a un an.
L’Interdépendance existe grâce au Flux et à ses courants qui permettent de relier plusieurs colonies humaines entre elles. Hélas, le début du règne de Griselda II est marqué par l’effondrement, c’est-à-dire que ces couloirs commencent à disparaître. Ce qui n’était qu’une théorie terrifiante émise par le Comte de Claremont devient réalité et ça cause le chaos dans tout l’Empire. Mais… et si les tunnels effondrés depuis des siècles commençaient à réapparaître, ouvrant une voie vers quelque chose d’autre ?

Un récit haletant.
Il devient presque ridicule de le préciser tant Scalzi n’a plus rien à prouver mais ce nouveau tome de l’Interdépendance est haletant, sans aucun temps mort au point que je l’ai lu presque d’une traite alors que je frôlais la panne de lecture juste avant. Une guérison miraculeuse ! L’intrigue se poursuit où nous l’avions laissé à la fin du premier volume : Cardenia continue à jouer son rôle d’Emperox et prend une décision radicale pour faire accepter à tous, rapidement, la réalité de l’effondrement histoire d’essayer de limiter la casse en vies humaines. Marce enchaîne les tournées de conférence auprès des différentes communautés scientifiques pour les convaincre de sa théorie et les pousser à réfléchir à des solutions, donc à se sortir les doigts quoi. Kiva Lagos démantèle petit à petit les affaires de la maison Nohamapetan au Central, comme l’Emperox lui a ordonné, découvrant ainsi pas mal d’irrégularités pas très jolies. Quant à Nadashe, elle croupit en prison… Mais peut-être pas pour aussi longtemps qu’elle le devrait. Cette narration chorale à la troisième personne qui passe d’un point de vue à l’autre est maîtrisée avec une redoutable efficacité. Les retournements de situation s’enchaînent d’une manière crédible et Scalzi n’oublie pas de réutiliser des éléments à peine évoqués dans le premier volume avec la maestria qu’on lui connaît. Rien de neuf sous le soleil, donc.

Les femmes à l’honneur.
Je l’avais déjà souligné dans ma chronique du premier tome mais John Scalzi propose une galerie de personnages féminins forts et intéressants qui jouent un rôle central sans avoir besoin d’un homme pour les sauver. Pour autant, il ne tombe pas dans l’excès inverse qu’on constate parfois dans ce genre de cas. Le sexisme n’existe tout simplement pas dans l’Interdépendance. La preuve, le terme « Emperox » qui désigne le dirigeant et est de genre neutre ! Que Griselda / Cardenia soit une femme ne change rien dans la manière dont on la considère et l’homophobie est une notion qui n’existe même pas dans cet univers, au passage. C’est un élément qui revient souvent chez l’auteur, cette volonté de transcender les questions de genre pour montrer qu’on ne devrait pas y attacher tant d’importance. C’était notamment le cas, si vous vous souvenez, dans Les enfermés où le héros (ou l’héroïne ?) n’est jamais défini(e) comme homme ou femme. Un exemple à suivre.

Nous retrouvons donc les personnages du premier tome. Griselda doit prendre des décisions osées pour sauver l’Interdépendance et qui, ironiquement, consisteront à en détruire l’essence. On sent que même si elle a été parachutée à ce poste un peu par accident, elle évolue et prend ses responsabilités sans pour autant laisser ses doutes ou sa fragilité derrière elle. Elle échange régulièrement avec les enregistrements numériques de Rachela, la première Emperox et de son père, décédé au début du premier tome. J’aime beaucoup cette idée qui est exploitée intelligemment par l’auteur puisque ce n’est pas une technologie répandue, du tout. Elle est coûteuse et dangereuse à sa manière, comme on le verra.

Kiva Lagos est toujours de la partie, pour mon plus grand plaisir alors que je la trouvais un peu agaçante dans le premier volume. Qu’on se comprenne : elle est toujours aussi brute de décoffrage mais clairement plus attachante et sympathique avec ses réparties, son franc-parler, sa décomplexion et sa violence. Les coups de poing qui se perdent font du bien, même de loin ! Quant à Nadashe, elle a tout perdu après avoir raté son coup d’état et elle croupit dans une prison où elle risque de se faire rapidement assassiner à coup de petite cuiller (mais si.). J’ai trouvé les chapitres de son point de vue plutôt intéressants et la preuve que même la reine des connasses peut-être un personnage fascinant, intelligent, nuancé. Côté nouvelles têtes, on peut noter l’Archevêque Korbijn (qui, sauf erreur de ma part, n’apparaissait pas avant) qui dirige l’Église, rien que ça mais aussi Maître Fundapellonan (c’est vrai que c’est galère à écrire !) qui ne manque pas d’intérêt, encore plus dans sa relation avec Kiva.

Marce est le seul homme à avoir droit à des chapitres de son point de vue. Rappelez-vous, il avait quitté le Bout pour apporter les résultats des recherches partenelles à l’Emperox et Cardenia lui avait demandé de rester à ses côtés, le condamnant à ne jamais retourner au Bout et à abandonner tout espoir de revoir sa famille puisque ce courant a été le premier à s’effondrer. On le trouve blasé de ces nombreuses conférences et de ce public toujours réfractaire à ses idées. Pourtant, une femme scientifique (encore une !), Roynold, va donner un coup de pied dans la fourmilière en réexaminant ces données et en nuançant sa théorie. Cela donnera lieu à un voyage vers Dalasysla…

Redécouvrir le passé et la « vérité » historique.
Plusieurs siècles auparavant, un courant s’était déjà effondré sans que personne ne comprenne vraiment le phénomène. L’accès vers Dalasysla avait été perdu pour toujours et en étudiant les données récentes, les deux scientifiques se sont aperçus que le courant s’était temporairement rouvert. Une aubaine qui permet à Marce de partir en expédition et de découvrir une civilisation (enfin… si on peut la qualifier ainsi) totalement différente de ce qu’il connaît au sein de l’Empire. On constate à quel point les humains sont obstinés quand il s’agit de survivre et j’ai trouvé toute cette partie très intéressante, d’autant plus vu ce sur quoi elle débouche. Scalzi en profite pour rappeler que l’Histoire est écrite par les vainqueurs et par ceux qui sont toujours là pour ça. Les informations ramenées de Dalasysla changent complètement la perspective du passé de l’Interdépendance sans que le lecteur ne s’y attende. J’aime beaucoup quand on aborde ces thématiques d’autant que ce genre littéraire s’y prête bien. Encore un bon point pour ce roman !

Un style littéraire assumé, un humour bien dosé.
Scalzi appartient à cette famille d’auteur dont on peut facilement reconnaître le style et surtout, l’humour. Chez moi, il fait mouche à tous les coups et c’est une bouffée d’oxygène en cette période confinée. Il reste donc fidèle à lui-même. C’est ce qui est bien avec lui. Peut-être qu’il ne se renouvelle pas et probablement qu’il ne révolutionne pas le genre du space-opera, mais il est doué dans ce qu’il fait. Il écrit des histoires prenantes avec un style bien à lui qui lui confère une vraie personnalité littéraire. On sait à quoi on s’attend quand on lit du Scalzi, on sait ce qu’on recherche et ce qu’on veut y trouver. Tous ces ingrédients sont présents dans l’Interdépendance et il n’y a rien à demander de plus. J’achète sans hésiter !

La conclusion de l’ombre :
Ce second tome de l’Interdépendance est, selon moi, encore meilleur que le premier. On y retrouve tous les ingrédients d’un bon Scalzi : une intrigue haletante, des personnages attachants, un univers de science-fiction accessible qui n’infantilise pas son lectorat pour la cause et de l’humour bien dosé. J’ai adoré ma lecture qui a été un coup de cœur et j’attends avec grande impatience le tome suivant !

Prise de tête – John Scalzi

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Prise de tête
est un roman policier / science-fiction / uchronie écrit par l’auteur américain John Scalzi. Publié chez l’Atalante, vous trouverez ce texte au prix de 21.9 euros.
Je remercie Emma et les éditions l’Atalante pour ce service presse.

Avant d’aller plus loin, sachez que Prise de tête s’inscrit dans le même univers et dans la continuité des Enfermés, texte dont je vous ai parlé en octobre. Comme souvent dans les sagas policières, les deux volumes peuvent se lire de manière indépendante à condition d’accepter de louper un clin d’œil ou l’autre de temps en temps. Rien de fondamental en soi. Les deux enquêtes sont séparées chronologiquement d’une année. Je vous encourage à jeter un oeil à ma chronique sur les Enfermés pour comprendre le contexte dans lequel Scalzi évolue. En quelques mots : un virus s’est développé au sein de la population humaine, attaquant le cerveau et enfermant des gens dans leur propre corps. La science et la technologie ont du se développer à toute vitesse pour libérer ces enfermés, ainsi sont arrivés les réseaux neuronaux, les transports personnels (cispés) etc. Je parle d’uchronie car on a bien un évènement qui modifie le cours de notre Histoire. Simplement, il a lieu dans notre passé proche.

Prise de tête exploite cette fois-ci le monde du sport si cher aux américains. L’hilketa est une discipline prisée par les haddens où il faut décapiter l’adversaire et marquer un but avec sa tête. Forcément, ça se joue avec des cispés (des robots de transport personnel), pas de panique. La ligue d’hilketa se développe de plus en plus et cherche à exister sur le marché mondial. Pas de chance, pendant un match amical supposé attirer les investisseurs, l’un des joueurs décède vraiment pendant le match. Les agents Shane et Vann vont donc devoir mener l’enquête pour savoir s’il s’agit ou non d’un accident.

Non content de proposer une enquête intéressante, dynamique et bien tournée, John Scalzi exploite surtout de nouvelles thématiques fortes. La fameuse loi qui sucre aux haddens une partie de leurs avantages fiscaux est passée, ce qui change la donne dans le monde des affaires. Les sociétés spécialisées dans la fabrication des cispés vont devoir élargir leur marché pour ne pas déposer le bilan. Arrive alors la perspective que les personnes valides utilisent des cispés en se faisant poser un réseau neuronal, comme s’ils étaient eux aussi victimes du syndrome. Les applications sont nombreuses : robots sexuels, facilités dans les voyages, accès à l’Agora, cet espace en ligne utilisé par les haddens… Ce qui m’a le plus marquée, c’est la manière dont les gens valides (donc qui ne sont pas enfermés dans leur corps) cherchent à s’approprier les technologies développées pour réinsérer les victimes du syndrome dans la société. On en est au point où des gens manifestent devant les stades d’hilketa sous prétexte qu’il est injuste que tous les joueurs soient des haddens (et donc des handicapés, techniquement !). Et oui, désolée, ça m’a choqué. Je pense que le but de Scalzi est de confronter le lecteur à l’absurdité et à l’hypocrisie de notre société et il s’en sort très bien.

Le roman compte 336 pages et on ne les sent pas passer. C’est en partie grâce au duo d’agents du FBI. Scalzi opte pour une narration à la première personne du point de vue de Chris Shane mais sa coéquipière est aussi très présente avec son caractère haut en couleur et très rentre dedans. Un régal. D’ailleurs, j’en profite pour souligner que dans ce volume-ci aussi, l’auteur ne genrifie pas Chris. On ignore toujours s’il s’agit d’une femme ou d’un homme et depuis que ma Troll préférée me l’a fait remarquer, j’ai fait la chasse au pronom pour m’en assurer. Mais non, rien. Quel coup de génie !

Une fois de plus, les dernières pages du roman sont consacrées au développement d’un point important de l’univers. Ici, l’hilketa. Comme pour un article de présentation encyclopédique, Scalzi nous en explique l’origine, les règles, les polémiques et j’ai apprécié que ça apparaisse à la fin plutôt qu’au début.

Je me rends compte que je n’ai pas énormément à dire sur ce roman. Ce n’est pas, fondamentalement, ma série favorite chez Scalzi mais je prends tout de même beaucoup de plaisir à la lire car on retrouve sa personnalité et son style inimitable tout au long du texte. Si je le préfère en space-opera, il s’en sort honorablement dans le genre polar SF uchronique et en profite pour amener une critique subtile de notre société. Ce texte s’adressera en priorité aux lecteurs qui ont envie de le découvrir mais qui ont peur de se lancer en science-fiction spatiale ou, tout simplement, qui n’aiment pas ça.

Pour résumer, Prise de tête est une nouvelle réussite à afficher au palmarès de ce talentueux auteur. John Scalzi propose un polar uchronique dans une société technologiquement un peu plus avancée que la nôtre grâce (ou à cause ?) du virus hadden. Il réutilise un duo d’agents du FBI qui fonctionne merveilleusement bien pour proposer une enquête dans le milieu sportif, enquête dont les rouages et l’intrigue ne manquent pas d’intérêt. Ce page-turner permet de passer un bon moment en compagnie de cet écrivain incontournable dont je vous recommande plus que chaudement la bibliographie complète.

Le Vieil Homme et la Guerre – John Scalzi

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Le Vieil Homme et la Guerre est le premier tome de la saga du même nom écrit par l’auteur américain John Scalzi. Publié chez l’Atalante dans la collection la Dentelle du Cygne, vous trouverez ce roman au prix de 19.90 euros en grand format.
Je remercie Emma et les Éditions l’Atalante pour ce service presse.

John Perry a soixante-quinze ans et vient de s’engager dans les forces de défense coloniale. Il va partir dans l’espace, sans possibilité de revenir un jour sur Terre. De toute façon, rien ne l’y retient alors pourquoi ne pas aider à l’expansion de l’humanité dans l’univers ? John espère aussi (et surtout) que la technologie avancée des colonies lui permettra de retrouver une seconde jeunesse…

J’ai immédiatement été attirée par le postulat de départ et l’idée de suivre un protagoniste du quatrième âge. Pourquoi l’armée recruterait-elle des seniors? C’est la question qu’on se pose tout de suite à la lecture du résumé. Il y a forcement anguille sous roche. Comme le supposent la plupart des protagonistes, ils disposent bien d’une technologie pour les rendre « aptes au combat » quoi que cela puisse signifier. Attirés par la cure de jouvence promise, ils vont un peu déchanter en se rendant compte que ça implique de laisser son vieux corps derrière soi. Commence alors l’entrainement de John et de la bande des Vieux Cons, comme ils s’appellent. Pas des amis depuis toujours, simplement des gens qui se sont rencontrés en chemin et se sont liés d’amitié dans leur nouvelle vie, en l’espace d’une semaine. J’ai rapidement ressenti des affinités entre ces personnages et l’envie qu’ils puissent se retrouver même si Scalzi n’est pas tendre avec ses lecteurs de ce point de vue là. Je vais y revenir.

Comme son titre l’indique, le Vieil Homme et la Guerre est un roman construit autour de la chose militaire. On suit l’entrainement de John, son évolution dans l’armée, leurs missions et leurs implications morales / psychologiques. Si vous avez un problème avec tout ce qui touche à l’armée, alors Le Vieil Homme et la Guerre n’est pas pour vous. Par contre, si ce qui vous rebute en général dans ce genre littéraire c’est que vous craignez de ne rien comprendre, prêtez-y attention ! John est un type lambda comme vous et moi qui était écrivain. Il n’a aucune notion de physique quantique, n’est pas doué en math et débarque dans ce nouveau monde. Quand il apprend des concepts utiles ou importants pour la suite, on le lui explique en langage simple et je trouve que ce roman constitue une parfaite porte ouverte sur le genre space opera car, sans infantiliser son lecteur, Scalzi se montre très accessible. Chapeau.

Comme toujours, l’univers imaginé par l’auteur ne manque pas d’intérêt bien qu’il revête un aspect assez classique sur le fond. Une partie de l’humanité a quitté la Terre pour coloniser l’espace suite à des guerres entre pays. Ces colonies recrutent des soldats sur Terre mais uniquement parmi le quatrième âge -on apprend plus tard pour quelle raison. Dans leur course à la colonisation, l’humanité a rencontré d’autres espèces, d’autres mondes, et est très souvent entrée en guerre avec eux pour obtenir le contrôle d’une planète. Le concept ne révolutionne pas le genre mais ce qui est intéressant, c’est tout ce que Scalzi apporte dans son background. La manière dont il déconstruit nos préjugés (j »ai adoré la scène des photos aliens à l’académie !). Et surtout, ses personnages.

Sincèrement, John Perry est un protagoniste très agréable à suivre, l’un de ceux que j’ai préféré découvrir chez l’auteur. Le roman étant écrit à la première personne, on s’y attache très rapidement même si ça enlève une partie de la tension narrative car on se doute que rien de définitif ne va lui arriver. John est un homme touchant aux plaisirs simples, qui accepte son destin et se donne au maximum pour aller au bout de ce qu’on lui demande. Il ne manque pas de courage (à moins que ça ne soit de la folie ?) ni de malice. Il se distingue à quelques reprises et son statut de héros lui octroie une chance parfois insolente. C’est peut-être l’unique reproche que j’ai à formuler envers ce roman mais je l’ai tellement aimé que je lui pardonne assez volontiers. D’autant qu’il s’agit de son premier roman ! Quelle qualité, pour un premier texte, j’en suis soufflée.

La narration s’étale sur plusieurs mois, divisés en parties au sein du roman. D’abord tout ce qui précède l’engagement et l’arrivée sur Phénix, puis tout ce qui touche à l’entrainement et enfin l’aspect militaire à proprement parler. D’un chapitre à l’autre, plusieurs semaines peuvent s’écouler et on apprend parfois la disparition d’un des Vieux Cons dans ce laps de temps. John les raconte sans larmoiements inutiles, il reste factuel et ça renforce l’aspect à la fois terrible et inéluctable de la guerre. Chaque fois, j’ai ressenti un pincement au cœur, m’étant attachée au héros et à ses compagnons. Narration efficace donc et déjà bien maîtrisée.

Pour résumer, le Vieil Homme et la Guerre est pour moi une réussite. Il s’agit du premier roman de John Scalzi qui propose un space opera de qualité, très accessible aux novices dans le genre sans pour autant les prendre inutilement par la main. Dans ce premier volume d’une saga qui en comporte six, le lecteur rencontre John Perry, narrateur attachant qui s’exprime à la première personne et nous dessine les contours de cet univers riche en ouvrant des pistes enthousiasmantes pour la suite. Résolument militaire, comme son titre l’indique, l’aspect humain n’est pourtant pas exclu de l’équation, offrant ainsi une belle richesse au texte. Je recommande donc très chaudement la lecture de ce roman ! Ainsi que de tout texte de Scalzi qui reste une valeur sure.

Les Enfermés – John Scalzi

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Les Enfermés est un one-shot de science-fiction / uchronie / policier écrit par l’auteur américain qu’on ne présente plus, John Scalzi. Publié chez l’Atalante en 2016 dans sa collection la Dentelle du Cygne, vous trouverez ce roman au prix de 21.90 euros.
Je remercie Emma et les Éditions l’Atalante pour ce service presse.

Chris Shane est agent du FBI depuis quelques heures seulement quand une enquête impliquant un haden lui tombe sur le coin de la tête. Avec sa coéquipière, Leslie Vann, il va tenter de résoudre le mystère qui plane autour de cet intégrateur surpris en flagrant délit supposé. Mais peut-être qu’il y bien davantage derrière cette banale affaire de meurtre…

Ce que je retiens principalement des Enfermés, c’est son univers surprenant et très crédible. Il y a vingt-cinq ans, un virus a frappé l’humanité toute entière. Au début, on pensait à une forme de grippe aviaire mais les scientifiques ont vite compris que c’était bien plus grave. Au début du roman, on a droit à une introduction de quelques lignes pour poser le contexte et comprendre l’uchronie proposée par Scalzi. Parce qu’il s’agit bien de cela, finalement, à la différence que le point divergent de l’histoire se situe dans l’Histoire proche au lieu de siècles éloignés comme on trouve souvent dans ce genre littéraire. Après le roman en lui-même, on découvre une cinquante de pages intitulées « Libération » sous forme de documentaire (mais en version scripturale forcément) où les témoignages de plusieurs spécialistes, chercheurs, victimes, etc. s’enchaînent afin de renseigner en profondeur le lecteur sur l’histoire du virus haden. J’ai adoré cette idée même si une partie donnait l’impression de redite avec le contenu du roman. Ce que décrit Scalzi paraît tellement crédible que j’ai du mal à croire que ça ne soit pas réellement arrivé, que ça n’appartiennent pas à notre véritable histoire. Chapeau.

Pour vous donner quelques bases dans l’univers : si certains meurent de ce virus, d’autres finissent enfermés dans leur corps. On les appelle « haden » du nom de la première dame des États-Unis qui a elle aussi contracté le virus à l’époque. Pour cette raison, le Président a investi des sommes colossales dans la recherche afin de trouver un moyen de libérer ces personnes enfermées. Un système a été imaginé par des chercheurs qui sont passées par plusieurs phases (détaillées dans « Libération » ) pour finalement aboutir à la création de robots qu’on appelle des cispés. Ce sont des enveloppes mécaniques contrôlées par l’esprit des hadens enfermés qui réussissent à s’y transférer. Il existe également des intégrateurs, soit des personnes qui ont survécus au virus sans être enfermées mais dont le cerveau a été modifié si bien qu’ils peuvent se synchroniser avec des hadens et les inviter dans leur corps, ce qui peut donner parfois lieu à des dérives. Voilà, vous avez les clés de base pour appréhender l’univers. Je ne sais pas ce qu’il vous faut de plus pour vous mettre l’eau à la bouche?

Les romans en lui-même, titré les Enfermés, raconte la première semaine au FBI de Chris Shane qui ne va pas chômer. Chris est un haden depuis l’enfance et le fils d’une star du basket. Il a été célèbre pour avoir contracté le virus et devenir l’un des premiers à bénéficier d’un cispé. Ils enquêtent au départ sur une agression qui serait peut être un suicide mais des éléments ne collent pas. Plus leur enquête va avancer et plus ils vont mettre à jour un plan assez glaçant. Ce sera l’occasion pour l’auteur d’aborder toute une série de thématiques importantes et d’inviter son lecteur à réfléchir, comme il a pu le faire dans la Controverse de Zara XXIII. Ce qui m’a le plus marquée, ici, c’est la polémique autour des hadens. Une entreprise n’était pas loin de réussir à trouver le moyen de les libérer en parvenant à leur rendre le contrôle de leur corps mais certains hadens s’y refusent et militent contre cette perspective en parlant de génocide envers toute une partie de la population. Ça parait très violent et insensé exprimé ainsi. Au début, j’ai moi-même eu du mal à appréhender leur point de vue mais finalement Scalzi exploite bien notre tendance culturo-centrée. Il la critique de manière intelligente et ça remue. Il faut dire que les hadens disposent d’un réseau appelé Agora où ils peuvent exister comme ils le souhaitent, chacun a son espace privé, peut y inviter d’autres hadens, etc. Faut-il vraiment vivre dans le monde réel pour exister? J’aime beaucoup cette question. D’ailleurs quand on suit le personnage de Chris en tant que lecteur, on s’aperçoit à peine qu’il est « handicapé ». On l’oublie souvent, sauf quand il se bat avec son cispé et qu’il en casse trois ou quatre sur sa première semaine, ou qu’il est confronté à son corps physique. Grâce à la narration à la première personne, on ressent vraiment que tout ça constitue sa normalité, son quotidien, qu’il n’a aucun problème à être un haden. Une belle réussite de la part de Scalzi. Je me permets un ajout après une discussion dans les commentaires avec Célindanaé (qui a aussi chroniqué ce roman d’ailleurs) et comme ça peut vous révéler un élément important, je le dissimule en blanc toutefois sentez vous libre de surligner pour en apprendre plus. Il s’avère que je n’avais pas remarqué mais Scalzi réalise un tour de force en écrivant tout le roman sans jamais préciser le sexe de Chris ! Je suis partie du principe qu’il s’agissait d’un homme (par habitude sans doute) mais il n’utilise jamais de pronom et ses interlocuteurs non plus, pas pour le définir. Du coup, je conserve le « il » mais ça pourrait très bien devenir un « elle ». Je suis bluffée !

Du coup, au milieu de cet univers hyper riche, l’intrigue passe un peu au second plan. Ou plutôt, elle se révèle classique dans son développement et sa résolution. En soi, ce n’est pas forcément un mal mais je n’ai pas eu beaucoup de surprises de ce côté là. De plus, j’ai regretté quelques longueurs sur les explications au sein du texte en lui-même. Ça ne m’a pas gâché ma lecture mais ça me semblait important de le relever.

Pour résumer, les Enfermés est un roman de science-fiction / uchronie / policier à l’univers solide, très engagé et d’une redoutable intelligence. Tout ce à quoi Scalzi nous a habitué, en somme. Si j’ai regretté le côté classique de l’intrigue en elle-même, je me suis régalée avec son contenu et sa narration à forte portée signifiante. Je recommande donc volontiers ce texte, tout comme chaque roman de Scalzi lu jusqu’ici !