Quitter les Monts d’Automne – Émilie Querbalec

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Quitter les Monts d’Automne
est un one-shot de science-fiction écrit par l’autrice française Émilie Querbalec. Publié par Albin Michel Imaginaire, vous trouverez ce roman partout en librairie à partir du 2 septembre 2020 pour la rentrée littéraire.
Je remercie chaleureusement Gilles Dumay et Albin Michel Imaginaire pour l’envoi de ce service presse numérique.

De quoi ça parle ?
Kaori nous raconte son histoire qui commence en 13111 sur la planète Tasai. Kaori est la dernière descendante d’une ligne de conteuses. Malheureusement, elle n’a pas été frappée par le Ravissement et ne possède donc pas le don du Dit. Devenue danseuse, elle hérite à la mort de sa grand-mère d’un rouleau calligraphié. Tabou ultime dans cette société où l’écriture est passible de mort ! Kaori va alors entamer une quête de ses origines qui l’emmènera loin, très loin, dans le temps et l’espace.

Un univers riche où prime la transmission orale.
C’est ce premier point qui a d’abord attiré mon attention en lisant la quatrième de couverture puisqu’on y dépeint une société d’inspiration japonaise (je vais y revenir plus bas) où tout se transmet à l’oral, l’écrit étant frappé d’interdit. En tant que lectrice et qu’autrice, c’est un concept qui me parle et m’intrigue forcément puisque j’en suis venue à imaginer ma propre existence sans trace écrite. Prenez quelques minutes pour vous plier à l’exercice, c’est plutôt effrayant.

Sur Tasai, il existe des lignées de conteurs et conteuses, des personnes gratifiées d’un Don (qu’on appelle le Dit) suite à un Ravissement. Ces gens sont capables de raconter des histoires issues du Flux. Le Flux, c’est… compliqué. Une sorte de force supérieure, presque divinisée sur Tasai, qui est partout et régit d’une certaine manière les existences de tous à travers sa police spéciale de moines, pour ne citer qu’eux. Notez que je schématise très grossièrement ici pour éviter de divulgâcher.

Appartenir à l’une de ces prestigieuses lignées de conteurs ne garanti en aucun cas qu’on sera touché par le Dit : à son grand désespoir, Kaori, l’héroïne, n’a pas connu le Ravissement et doit se rabattre sur l’art de la danse qu’elle apprend à maîtriser à force de patience et de travail. Cela lui vaudra la possibilité de rejoindre une troupe prestigieuse à la mort de sa grand-mère, qu’elle servait jusque là lors de ses représentations.

Au moment du décès susmentionné, Kaori va découvrir dans les affaires de sa grand-mère un drôle de cylindre contenant… des écrits. Elle sera tentée de les détruire mais le cylindre lui parle avec la voix familière de la défunte, lui assurant que si l’objet ne s’est pas détruit à son contact, alors il lui est bien destiné. Forte de ce mystère, la jeune fille va entreprendre un voyage jusqu’à Pavané -la capitale du coin- pour retrouver un ami de sa grand-mère qui, elle l’espère, sera capable de l’éclairer. Évidemment, tout ne va pas se passer aussi simplement…

Une inspiration japonaise dans un univers science-fictif.
L’univers développé par Émilie Querbalec fleure bon le Japon, que ce soit sur son contenu ou son esthétique. Les Monts d’Automne ne sont pas sans rappeler le pays du Soleil Levant en mettant en scène des traditions et tabous qu’on peut retrouver (pour partie au moins avec certitude) dans l’Histoire nippone préindustrielle. Ça a d’ailleurs constitué ma première surprise puisque je m’attendais à lire un texte de science-fiction (avec tout ce que ça implique comme attentes pour une novice dans le genre comme moi) pour me retrouver, au départ, dans un monde très nippo-traditionnel. L’aspect technologique, vaisseaux spatiaux etc. arrive petit à petit, à mesure que Kaori quitte justement les Monts d’Automne pour la capitale avant de s’éloigner définitivement de sa planète d’origine. L’autrice prend son temps pour installer l’ambiance et apporte cette science-fiction par petites touches. Ainsi, Émilie Querbalec accompagne son lecteur dans la transition avec, je dois dire, un certain brio. Cela fait de son roman une très bonne porte d’entrée pour les novices qui aimeraient s’initier à ce genre mais craignent de se perdre. Quitter les Monts d’Automne peut donc être qualifié de texte initiatique, dans tous les sens du terme.

À mesure que l’histoire se déploie, l’aspect japonisant recule sur l’esthétique purement visuelle pour apparaître davantage dans les échanges philosophiques mais également sur les passages érotisés par l’autrice qui ont lieu à certains endroits du texte. Notez que ces moments ont une utilisé et je n’ai, personnellement, jamais eu le sentiment de tomber dans le voyeurisme vulgaire.

Kaori, une héroïne assez passive.
Émilie Querbalec opte pour une narration à la première personne avec une vraie maîtrise de son style d’écriture. Ce que je lis souvent comme reproche pour ce type de choix narratif, c’est la familiarité régulièrement induite dans le style littéraire de l’auteur qui s’appauvrit, comme s’il n’était pas possible de narrer des évènements depuis l’esprit d’un personnage sans tomber dans cette facilité. Qu’on se comprenne : certaines histoires le justifient par leur personnage principal, mais pas toutes. Dans Quitter les Monts d’Automne, la question ne se pose pas puisqu’on comprend, une fois à la fin, que Kaori écrit son histoire après coup, après avoir eu accès à une forme d’éducation et de développement personnel. Cela justifie l’attention portée à l’ambiance, aux décors, l’embellissement de certaines scènes aussi puisque l’autrice dépeint finalement une mémoire avec ses travers. J’ai trouvé cette façon d’opérer vraiment brillante et agréable à suivre en tant que lectrice et ce même quand Kaori en elle-même manque un peu d’intérêt face aux personnages intrigants avec lesquels elle interagit durant son périple.

L’héroïne reste globalement plutôt en retrait pour un roman qui se veut initiatique. Elle agit à quelques reprises mais subi beaucoup les évènements. Cela implique des passages qui souffrent de quelques longueurs, notamment sur la dernière partie et ce à l’exception de la conclusion qui se révèle aussi intéressante qu’enthousiasmante.

La conclusion de l’ombre :
Quitter les Monts d’Automne est un récit initiatique qui fleure bon le Japon, autant sur son esthétique visuelle que sur sa philosophie et ses passages érotiques. Dans une narration à la première personne, le lecteur est invité à suivre Kaori dans un monde où l’écrit est un tabou passible de mort. Ce texte est une belle réussite que je recommande chaudement, même et surtout (mais pas que) aux novices du genre science-fiction puisqu’il se veut également initiatique à ce niveau.

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29 réflexions sur “Quitter les Monts d’Automne – Émilie Querbalec

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    • Haha je suis ravie de cette nouvelle ! En sf faut commander Scalzi aussi et euh plus ou moins tout le catalogue sf de l’atalante :3 le belial fait aussi des romans très bons. Si tu veux une petite sélection n’hésites pas à me mp sur Twitter je me ferais un plaisir de t’aiguiller en fonction du style et du public 🙂

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  12. Merci pour cette chronique, le rapport à l’écriture et et aux conteurs me fait penser à la culture celte et Bretonne. En tant que breton et pratiquant d’arts martiaux japonais, je dois avouer que ce livre m’intéresse énormément !
    Surtout que je suis moi-même auteur et conteur a mes heures perdues. Il n’y a plus qu’à attendre quelques jours 😉

    • Bonjour Olivier, merci pour ce commentaire ! Vu votre profil je ne peux que vous conseiller de toute urgence la découverte de ce roman qui sortira dans quelques jours. J’espère qu’il sera pour vous une aussi bonne lecture que pour moi 🙂

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