Un psaume pour les recyclés sauvages – Becky Chambers

C’est cette semaine que sort en librairie (le 15 septembre très exactement) une novella de Becky Chambers intitulée « Un psaume pour les recyclés sauvages ». J’ai la chance d’avoir lu tout ce qui a été traduit de l’autrice en français jusqu’ici et on retrouve une constante dans ses textes : une science-fiction positive, résolument tournée vers l’humain, des questions sociales, culturelles, et évidemment de l’inclusion. Si ses romans m’ont paru un peu longuet, c’est la seconde novella que je lis et qui me touche profondément. Après « Apprendre, si par bonheur » je vous propose de m’arrêter quelques instants sur ce texte qui s’ouvre avec la dédicace suivante : « À vous qui avez besoin de souffler. »

Quelques mots simples qui résument merveilleusement ce titre.

De quoi ça parle ?
Il y a des siècles, les robots ont accédé à la conscience et décidé de se retirer de l’humanité. Ils sont donc tout simplement parti ailleurs, au point de devenir des légendes. Dex, moine de thé, vit son existence comme tout membre de son ordre mais commence à ressentir un inexplicable malaise. Iel décide donc de s’éloigner de la ville et des villages alentours dans le but de trouver des grillons et d’en écouter le chant (ce qui est bien sûr un prétexte à sa quête d’un sens à sa vie). Dans son périple, iel va croiser la route d’Omphale, un robot venu prendre des nouvelles de l’humanité…

Une science-fiction optimiste…
Panga est un monde sur lequel il y a « presque » eu une catastrophe mais où l’humanité est parvenue à se rattraper juste à temps. La société décrite frôle l’utopie par sa bienveillance généralisée, son retour à la nature et son éloignement des folies industrielles bien qu’une certaine technologie continue d’exister. En quelques pages, Becky Chambers parvient à peindre un monde crédible (pour qui a un peu plus d’optimisme que moi dans sa vie, ce qui ne m’a pas empêché de vouloir y croire) duquel la souffrance personnelle n’est pas exclue, ce qui participe justement à le rendre cohérent. C’est d’ailleurs la raison d’être d’un moine de thé qui parcourt les villes et les villages pour offrir une oreille, du réconfort et une tasse de thé aux gens qui ont besoin d’aide, de lâcher prise, de vider leur sac. J’ai trouvé ce simple concept très inspiré et je regrette qu’il n’existe pas par chez moi !

… et philosophique
À partir du moment où Dex rencontre Omphale, la novella prend une tournure plus philosophique. Omphale possède des archives datées au sujet des humains, il ignore beaucoup de choses à leur sujet tout comme Dex n’en sait pas beaucoup sur les robots. C’est ainsi un choc des cultures qui se joue et donnera lieu à quelques scènes touchantes mais aussi à des réflexions intéressantes qui déboucheront à un questionnement au sujet des buts dans la vie. C’est quelque chose qu’on entend souvent dans notre société, il existe une véritable incitation à avoir « un but », à se montrer « utile » au point de culpabiliser les personnes qui ne sont pas « exceptionnelles » ou qui ne se démarquent pas. Cela me touche beaucoup à titre personnel car j’en ai longtemps souffert (je ne sais pas pourquoi je parle au passé ->) du coup, j’ai noté une phrase qui m’a chamboulée, adressée à Dex par Omphale : « Tu n’as pas besoin de justifier ni de mériter ton existence, tu as le droit de te laisser vivre. »

On peut y voir de la philosophie de comptoir mais je trouve important qu’il existe des textes véhiculant de tels messages dans le paysage littéraire, encore plus dans la littérature de l’imaginaire qui a justement souvent tendance à mettre en scène des aventures exceptionnelles et épiques avec des personnages de grande envergure. Je grossis un peu le trait mais à ma connaissance, les romans de Becky Chambers sont assez uniques en leur genre.

La conclusion de l’ombre :
Un psaume pour les recyclés sauvages est une novella plutôt contemplative et réflexive qui invite tout en douceur à la réflexion sur le sens de (notre) la vie. En une petite centaine de pages, Becky Chambers peint un monde presque utopique et développe une relation intéressante entre un·e moine et un robot qui lui permet d’aborder l’une de ses thématiques récurrentes à savoir le respect des différences culturelles ainsi que la richesse qu’elles apportent aux individus. Une réussite que je recommande vivement.

Je remercie Emma et les éditions l’Atalante pour ce service presse.

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S4F3 : 17e lecture

Informations éditoriales :
Un psaume pour les recyclés sauvages par Becky Chambers. Traduction : Marie Surgers. Éditeur : L’Atalante. Illustration de couverture : Feifei Ruan. Prix au format papier : 12,90 euros.

39 réflexions sur “Un psaume pour les recyclés sauvages – Becky Chambers

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  12. Une autrice qu’il me tarde de découvrir! J’en entends vraiment beaucoup de bien!!
    Et la réflexion sur « lavoir un but, une utilité » m’a fait penser à une citation, tirée d’une chanson que j’aime beaucoup! Je te la partage: « Qu’est-ce qu’être utile en ce monde nécessaire ? Être serviteur de l’inutile. » 🙂

      • Oui, plus je le vois passer et plus je me dis qu’il faut que je le lise! Et commencer par une novella pour découvrir l’autrice, ça me parait pas mal aussi! 🙂
        Pour la chanson, je ne pense pas qu’on puisse la trouver quelque part. C’est un groupe d’amis qui ont juste fait quelques chansons ensemble , plus pour le plaisir que dans le but de vraiment percer je pense. Je les ai sur un cd gravé, je suis même pas sur qu’un « vrai » album existe! Je ne me souviens même plus du nom de leur groupe pour te dire. :-/ XD Pourtant, c’était vraiment top..Certaines citations m’ont vraiment marquées, comme celle que je t’ai citée ! 🙂

      • Je te conseille apprendre si par bonheur en premier alors, c’est vraiment à mes yeux son meilleur texte 🥰

        Oh je vois ! Je resterais dans le mystère alors, c’est sympa aussi ! Merci du partage :3

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  15. Je suis justement en train de préparer de nouvelles commandes, cette recommandation tombe à point nommé (je ne te cites pas les ouvrages que j’ai mis en panier par ta faute, mais comme d’hab, il y en plusieurs, notamment du Ellen Kushner).

  16. Merci pour ton avis!! De la SF positive, voilà peut-être bien ce qu’il me faut 🙂
    Totalement hors sujet, j’ai terminé Trop semblable à l’éclair. Je suis contente d’avoir découvert le titre mais j’ai détesté (oups). Mon avis est assez proche de celui de L’Ours inculte mais je crois que ce qui m’a vraiment bloqué c’est de trouver les personnages, leurs réactions et dialogues très peu naturels. Sinon, l’univers est super intéressant et j’aurais vraiment voulu aimer ce livre, mais vu le nombre de fois où j’ai levé les yeux au ciel je ne pense pas me lancer dans la suite…

    • On a toujours besoin de sf positive 😁
      C’est dommage mais je comprends ! Il y a un côté très littérature classique qui est assumé et donne du coup cette impression sur les dialogues ou les réactions, moi qui adore forcément je n’ai eu aucun problème à me mettre dedans mais c’est quitte ou double, on le voit sur la blogo 😅 tu as raison de ne pas persévérer si tu n’as pas accroché, consacre ton temps à des livres qui te plairont 😊

  17. Pingback: Un psaume pour les recyclés sauvages [Histoires de moine et de robot .1], Becky CHAMBERS – Le nocher des livres

  18. Il fera partie de mes lectures, un jour, c’est sûr. Cela dit, je ne vais pas me précipiter; je suis en train de lire L’espace d’un an et pfff, pfff, oui, c’est longuet ^^
    Cela dit j’aime bcp la douceur de ses personnages, leur immense variété extraordinaire, et sa manière de nous plonger dans des mondes SF de manière très fluide, bourrés de petits détails.
    Bref, à lire, mais au bon moment; quand j’aurai besoin de souffler 🙂

    • Oui l’espace d’un an et la trilogie Voyageur en fait, c’est chouette mais longuet. Par contre ses novellas (Apprendre, si par bonheur et celle-ci) sont bien mieux au niveau du rythme du coup elle garde le meilleur. J’aurais plutôt tendance à conseiller de la découvrir sur ce format d’ailleurs ^^

      Bref, je lirais ton avis avec plaisir quand tu te lanceras !

      • Je suis totalement d’accord avec toi, et j’ai également préféré Apprendre si par bonheur, pour sa concision; comme si tous les ingrédients étaient moins dilués et donc beaucoup plus intenses.

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