Les énigmes de l’aube #1 premier souffle – Thomas C. Durand

10
Premier souffle
est le premier tome de la saga fantasy les énigmes de l’aube écrite par l’auteur français Thomas C. Durand. Publié chez ActuSF pour la rentrée de l’imaginaire 2020, vous trouverez ce roman partout en librairie au prix de 19.90 euros.
Je remercie Jérôme et les éditions ActuSF pour ce service presse.

De quoi ça parle ?
Anyelle a une dizaine d’années et possède un sacré don : celui de renforcer la magie des autres. Il lui faut d’urgence apprendre à le maîtriser sauf que les écoles de magie sont théoriquement interdites aux filles… Alors quand, en plus, la fille est pauvre, vous imaginez bien…

Avant-propos
Je me lançais dans cette lecture un brin à reculons et ce pour plusieurs raisons. Déjà, la couverture ne m’inspirait rien de particulier, pas plus que le titre. L’ensemble me renvoyait à un énième roman de fantasy comme il en existe tant, probablement avec une quête initiatique, une élue, une prophétie, la totale quoi. Pourtant, en lisant le résumé, j’ai été intriguée par cette seule phrase : Bonjour, c’est ici pour apprendre la magie ? Elle dégageait une candeur et un certain humour qui a titillé quelque chose en moi. J’adore ce type de roman, vous le savez, j’ai déjà eu l’occasion de l’évoquer notamment via le travail d’Audrey Alwett. Pourtant, j’ai toujours peur de tomber sur un.e auteurice peu subtil.e qui ne réussirait même pas à me tirer un sourire. Chance j’ai eu, ce n’est pas le cas avec ce roman !

Humour, calembours et jeux de mots.
L’élément le plus remarquable de Premier souffle, selon moi, c’est la plume de l’auteur et la façon dont il use de l’humour tout au long du texte. Cet humour se traduit par des calembours parfois subtils, des jeux de mots mais aussi des situations absurdes renforcées par la candeur d’Anyelle, ce qui me rappelle l’excellent Dolorine à l’école d’Ariel Holzl. On a également droit à des notes de bas de pages pour expliquer certaines notions ou ajouter un commentaire cocasse sur l’un ou l’autre détail, ce que j’ai beaucoup aimé. Thomas C. Durand parvient à tourner en ridicule l’administration scolaire, le corps professoral et les camarades de classe d’Anyelle sans donner un sentiment de trop. Il m’a rappelé Pratchett ainsi que le travail d’écriture de grands noms comme Pen of Chaos ou JBX, chacun dans son domaine. J’adore quand c’est bien réalisé et aucun doute, c’est le cas ici.

Une critique sociale : une fille dans un monde masculin.
Pourtant, tout n’est pas que blague et sourire dans Premier souffle puisque l’auteur peint une critique sociale assez acerbe, notamment au niveau de l’intégration des femmes. Anyelle n’a que dix ans mais doit déjà subir le sexisme. Seule la puissance de son don lui permet d’entrer à l’école de magie où elle est mise à l’écart par la plupart de ses camarades masculins et de ses professeurs. Les exceptions se comptent sur les doigts d’une main et très souvent quand la question se pose du « pourquoi une fille n’apprendrait pas la magie ? » les réponses varient de : mais leur cerveau n’est pas conçu pour ça voyons à c’est comme ça et c’est tout. Cette thématique imprègne vraiment tout le roman et est plutôt bien gérée par l’auteur même si son parti pris humoristique fait souvent tomber les personnages masculins dans la caricature, à deux exceptions notables : Naxu et Ferigas.

Naxu est le dernier de la classe, le redoublant dans une école où, normalement, on ne redouble pas. Mis de côté par ses camarades à cause de son don d’anti-magie (vous pensez bien, quelle horreur !), il va venir en aide à Anyelle un jour et les deux vont se lier d’amitié. Le caractère affirmé de la jeune fille va permettre à Naxu de s’affirmer lui aussi, de prendre conscience de sa valeur. J’ai été touchée par leur relation d’amitié sincère comme l’est en général celle des enfants. Quant à Ferigas, il s’agit du seul professeur qui ne traite pas Anyelle comme un boulet ou pire, comme une fille. Il tente de l’aider, pour une raison qui reste obscure au lecteur même si on devine qu’il y a peut être anguille sous roche. Il incarne la figure du mentor un peu rude mais bienveillant au fond qui va permettre à Anyelle de trouver sa voie et de s’y engager.

Outre ces deux personnages, l’homme central dans la vie d’Anyelle est bien évidemment Elliort, son père, qui a le don d’antibûcheron (donc qui fait repousser les arbres). Ce don ainsi que ce personnage permettent d’aborder une autre thématique plutôt actuelle et à la mode en ce moment : l’écologie. À plus d’une reprise, l’auteur ajoute des notes au sujet de la Nature avec une majuscule et celles-ci ne manquent pas d’intelligence. Pour en revenir à Elliort, il est un peu le père rêvé, idéalisé, bourru lui aussi pour aller de paire avec sa stature mais qui a à cœur le bien de sa fille et ne va pas hésiter à tenir tête à ces magiciens qui prétendent qu’elle ne peut pas apprendre la magie à cause de son sexe. Sa désinvolture face à certaines situations participe à l’effet comique d’ensemble et leur relation familiale ne manque pas de douceur.

Les relations que noue l’héroïne avec ces hommes sont bien exploitées, subtiles et diversifiées. Cela n’empêche pas Anyelle d’exister par elle-même ou d’affronter les difficultés liées à sa scolarité : harcèlement, mise à l’écart, corps enseignant absent ce qui implique forcément qu’elle ne s’en sort pas par elle-même dans ses études… Anyelle doit s’affirmer face à un système ancien, rétrograde et souvent assez stupide. J’y ai vu une métaphore de notre système éducatif actuel qui, malgré la bonne volonté de certains professeurs (dont j’aime à croire que je fais partie) patine parce qu’il existe un gouffre entre les acquis qu’on attend des élèves et les moyens mis en place pour y parvenir. Je n’ai eu aucun mal à me sentir concernée par ce que racontait l’auteur et à trouver cela important.

Un univers riche et surprenant…
D’autant que son histoire prend place dans un univers d’une grande richesse. Il a pensé à tout ! Chaque lieu a son identité propre, chaque professeur aussi, chaque don, chaque école, chaque matière, il y a même un jeu officiel du monde magique. Il serait aisé d’effectuer un parallèle avec le travail de J.K. Rowling mais selon moi, Thomas C. Durand reprend plutôt les éléments standards de ce type d’histoire fantasy, sans les modifier mais en les rendant intéressant par tous les détails qu’il invente autour. Je dois donc dire que oui, sur le fond, nous sommes bien en face d’une fantasy classique qui respecte les codes habituels du genre en s’en détachant seulement par l’originalité de la mise en place.

… qui cache une absence d’intrigue.
C’est là que le bât blesse. Si on veut se montrer honnête, Premier souffle n’a pas vraiment d’intrigue et se pose comme un tome d’introduction à l’univers et aux différents protagonistes. Oui, l’ensemble ne manque pas de richesse mais en refermant le roman, j’ai surtout eu le sentiment d’une visite guidée plus qu’autre chose. Je ne dis pas qu’il ne se passe rien, ce serait mentir, mais l’ensemble reste très mineur et plutôt léger. Cela n’amoindrit pas mon plaisir de lecture mais pourrait rebuter ceux qui en attendent davantage. On imagine bien, vu certaines insistances, que le don d’Anyelle va être convoité et provoquer quelques catastrophes (en plus de celles qui ont déjà pu arriver) mais l’auteur n’esquisse même pas vraiment l’ombre d’un antagoniste sérieux quelque part. On a bien une mention à une peut-être prophétique mais elle est également tournée en ridicule, du coup le lecteur n’a rien en main. Je me demande vers quoi s’orientera le second tome !

La conclusion de l’ombre : 
Premier souffle est le premier tome d’une saga de fantasy humoristique qui remplit bien son rôle. L’auteur maîtrise sa plume et la richesse de son univers pour embarquer son lecteur dans un voyage où il ne cessera de sourire, voir de rire franchement parfois. Anyelle, l’héroïne, doit se faire une place dans un monde magique où les femmes sont usuellement exclues ce qui permet une double critique sociale à base de sexisme et de problèmes scolaires encore actuels, sans oublier une mention écologique. Pas de doutes, j’ai passé un bon moment avec ce texte même si j’ai regretté qu’il manque d’ambition dans son intrigue. À voir pour la suite, que je ne vais pas manquer de lire !

D’autres avis : Sometimes a bookbulle de livreFantasy à la carteL’ours inculteCœur d’encre 595

20 réflexions sur “Les énigmes de l’aube #1 premier souffle – Thomas C. Durand

  1. Est-ce que la temporalité de ce livre est une année scolaire ?
    La thématique principale m’a l’air bien, mais j’ai un peu de mal avec l’absence de fil conducteur si c’est annoncé comme une saga en non comme des tomes compagnons.

  2. Pingback: [Chronique fantasy] Les énigmes de l’aube. Tome 1, Premier souffle, de Thomas C. Durand | Les chroniques d'Acherontia

  3. Pingback: BML #28 – octobre 2020 | OmbreBones

  4. Pingback: Les Énigmes de l’Aube : Premier Souffle par Thomas C. Durand – Les Dream-Dream d'une bouquineuse

  5. Pingback: [Chronique] Les énigmes de l’aube – tome 1 : le premier souffle, de Thomas C. Durand – Sometimes a book

  6. Je trouve (comme toujours) ton article passionnant dans la façon dont tu décrit l’ouvrage. On a l’impression de le connaitre alors que non, et en même temps tu n’en dis pas trop.

    Tu pense que ça s’adresse à quelle tranche d’âge à peu près ? (Je ne crois pas que tu en aies fait mention ou alors mon esprit l’a éludé ?)

  7. Houlà ! tu cites des auteurs que j’adore (Audrey Alwett, Ariel Holzl) 😄. Un certains à mentionner Pratchett aussi… Je pense de plus en plus à lui donner une chance même si le manque d’intrigue risque d’être un problème si d’autres aspects ne suivent pas. 🤔

Laisser un commentaire