À l’Ombre du Japon #60 { Premier contact avec… New Normal }

New Normal est un manga qui m’a interpellée par son concept et c’est la raison pour laquelle je n’ai pas hésité à le lire. Ça et la chronique rassurante de l’Apprenti Otaku qui me sert de bêta-testeur malgré lui.

De quoi ça parle ?
Depuis une pandémie mondiale, tout le monde porte un masque au quotidien et il est impératif de respecter les gestes barrières. Dans ce contexte, la bouche est une partie du corps perpétuellement cachée et soumise à tous les fantasmes, bien plus qu’une petite culotte. Par accident, Hata va apercevoir la bouche de Natsuki et une drôle de relation va commencer entre eux.

Exploiter la crise COVID en fiction.
Même si le virus n’est pas nommé jusqu’ici, impossible de ne pas créer un parallèle entre la situation récente et le contenu de ce manga dont la publication a commencé en 2020 soit au plus fort de la crise. Ce n’est pas le premier à le faire et ça ne sera sûrement pas le dernier. J’ai vu passer à ce sujet tous les avis et son contraire, personnellement je n’y vois pas une exploitation du malheur des gens mais simplement l’expression d’un évènement très traumatisant à l’échelle mondiale car ce virus a bouleversé nos vies comme nos habitudes sur tous les plans, et il continue de le faire encore aujourd’hui pour toute une frange de la population qu’on a facilement tendance à oublier. Comme pour tout sujet de ce type, il y a une façon de procéder pour l’aborder et je trouve que l’auteur de New Normal s’en tire avec les honneurs, en tout cas sur son premier tome car à aucun moment il n’y a de voyeurisme malsain ou de prise de position. Je trouve au contraire une certaine justesse dans la manière dont sont dessinées les réactions des différents personnages et cette nouvelle normalité. Espérons que cela continue (entre temps j’ai pu lire le tome 2 et ça continue, ouf !).

Une société repensée par le prisme de la crise.
J’ai apprécié que l’auteur pense à tout et fasse de Natsuki une adolescente obsédée par « le monde d’avant ». Elle aime regarder des vieux films où on voit encore la bouche des acteur·ices (ce qui a été censuré par la suite), elle questionne ses parents sur la manière dont se passaient les relations interpersonnelles et on se rend compte que tout a été chamboulé. Même lors d’un repas en famille, il faut porter un voile qui dissimule la bouche pour diminuer au maximum les éventuels postillons et les conversations sont proscrites pour réduire les risques, ce qui laisse songeur !

La façon de vivre des humains dans New Normal a changé car la situation a duré longtemps et décimé 6/7 de la population mondiale. Le lieu où vivent Natsuki et Hata est entouré par un mur et on ignore ce qui se trouve de l’autre côté même si l’introduction d’un nouveau personnage vers la fin pourrait changer la donne. Finalement, New Normal propose une réponse à la question : que se serait-il passé si la crise avait duré plusieurs années en restant à son paroxysme ? Et est-ce que l’humanité serait vraiment parvenue à accepter ces changements ?

Si j’ai été très enthousiaste à la lecture de ce premier tome, je me demande quand même où l’histoire va nous mener au final car je ne suis pas friande du tout d’épidémies à grande échelle ou de complots mondiaux et la fin de ce premier volume m’inquiète un peu. D’autant plus qu’il est classé en aventure chez Kana et qu’il sort dans sa collection shonen, ça ne me rassure pas… Toutefois, la manière dont le mangaka met en scène son intrigue et ses personnages m’interpelle, me donne envie d’aller plus loin. De plus, j’aime beaucoup la relation qui se dessine entre Natsuki et Hata même si elle est déjà mise à mal par d’autres personnages.

Entre le moment où j’ai écrit la chronique du tome 1 et sa date de programmation, j’ai pu lire le second tome qui continue sur le même ton que le premier, ce qui a contribué à me rassurer. Une partie en flashback nous révèle de quelle manière la crise a commencé et s’est déroulée (du point de vue d’un personnage qui était un jeune garçon à l’époque) tandis qu’une autre nous montre Hata en quarantaine qui se lie d’amitié avec Nami, également en quarantaine, avec qui il discute par écran interposé. Tout ce qui a trait à Nami et à ce qui lui arrivera est vraiment bien exploité. J’ai ressenti un profond malaise et une tristesse sincère. C’est à la fois la force et la difficulté de ce manga qui se repose sur des traumatismes sociaux récents. Paradoxalement, je prends plaisir à lire ce titre tout en me sentant mal parce qu’il réveille des souvenirs. Quoi qu’il en soit, je suis contente qu’il se concentre toujours sur l’aspect psychologique qui me plaisait tant dans le premier volume. J’espère que cela continuera ainsi !

La conclusion de l’ombre :
New Normal est un premier tome prometteur qui pose des bases intéressantes sur une actualité que nous avons tous·tes, hélas, vécu·es et chacun·e à notre manière. Ainsi, il est certain que le manga trouvera un écho différent en fonction de qui s’y plongera mais je trouve que la mise en place est bien réalisée et que les personnages sont attachants, ce qui m’a donné envie de continuer. C’est aussi un manga à la croisée des genres entre tranche de vie lycéenne et possible dystopie, ce qui intrigue. Je ne peux qu’espérer que la suite soit à la hauteur !

D’autres avis : L’apprenti Otaku – vous ?

Informations éditoriales :
New Normal par Akito Aihara. Traduction : Sophie Lucas. Éditeur : Kana. Prix : 7,55 euros par tome.