Reconquérants – Johan Heliot

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Reconquérants
est un one-shot uchronique écrit par l’auteur français Johan Heliot. Publié chez Mnémos dans la collection Hélios, le roman est disponible au prix de 9.90 euros.
Je remercie les éditions Mnémos pour ce service presse !
Ce livre entre dans le cadre du challenge S4F3 organisé par Albédo.

Reconquérants est une uchronie qui prend place dans un univers très connoté Rome antique. La diégèse du roman se constitue autour de ce principe: pour fuir une Rome sur le déclin après l’assassinat de César, des colons ont découvert l’Amérique et y ont bâti une nouvelle cité sur les valeurs de la République, une cité nommée Libertas. 1500 ans plus tard, les descendants de ces colons désirent reconquérir l’ancien continent, sans exposer très clairement les raisons de ce projet. Ou plutôt, en donnant des explications qui feront froncer les sourcils du lecteur suspicieux, qui y verra immédiatement (et à raison) anguille sous roche. Dans cette histoire, nous suivons principalement Geron, enrôlé à moitié de force dans l’armée, qui va être confronté aux merveilles de l’ancien monde et découvrir de sombres secrets.

La première chose à relever dans ce roman, c’est le génie de l’auteur. Comme j’en ai déjà parlé dans mes chroniques sur Grand Siècle (tome 1tome 2), je trouve que Johan Heliot est un auteur phare en matière d’uchronie. On sent le passionné d’histoire, son érudition transparait clairement et cela lui permet de jouer très habilement avec les différents éléments historiques pour les assembler et créer une réalité alternative cohérente. Pour immerger son lecteur, il utilise un vocabulaire soutenu et adapté à l’époque, sans dédaigner les termes latins issus du langage militaire, politique ou même les unités de mesure. Ces détails m’ont séduite, parce qu’ils dénotent un soin particulier apporté au contexte, ce que j’apprécie.

Là où ça coince un peu, c’est du côté de la narration. Pendant la première partie du roman, le narrateur est extérieur et ça manque de dialogue. Normal, ça pose le contexte mais du coup, j’ai eu un peu de mal à m’immerger dedans d’autant que je trouve la mise en page du livre assez serrée dans la version poche. Ensuite, on retrouve des extraits d’un carnet de voyage tenu par Geron, sans pour autant que ces parties soient mises en italique pour bien marquer la rupture. Enfin, plus on avance dans la dernière partie et plus on alterne entre la première et la troisième personne, mais sans respecter l’idée que ce soit le héros qui tienne un journal ou du moins, on n’en a plus du tout l’impression vu la manière dont il est rédigé. Cet aspect un peu brouillon de la narration m’a, au départ, fait passer à côté de l’histoire et si ça n’avait pas été un service presse, je n’aurai pas continué jusqu’au bout. Mal m’en aurait pris !

Parce que oui, malgré ce détail gênant, Reconquérants est un bon livre à l’intrigue soignée et d’une grande richesse. Si la plupart des personnages tiennent un rôle secondaire et sont davantage des fonctions, j’ai apprécié Ekin, la fille du Prince Rouge. Sa relation avec Geron est intéressante, ainsi que tout ce qui se passe autour d’eux. Si certains éléments perdront les lecteurs peu attentifs, ce livre vaut la peine qu’on s’accroche plus loin que la première impression.

Pour résumer, Reconquérants est un roman one-shot qui marque par l’originalité de son univers et le traitement de son uchronie plus que par ses personnages ou son intrigue très classique. Certains éléments sont parfois trop rapides et quelques descriptions trop longues, il n’en reste pas moins que je salue la performance et l’imagination de Johan Heliot qui signe un texte pas parfait, mais disposant de certaines qualités qui raviront les fans du genre.

Récits du monde mécanique #3 Realm of Broken Faces – Marianne Stern

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Realm of Broken Faces
est le troisième (et dernier, nooooooon !) tome des récits du monde mécanique par l’auteure française Marianne Stern. Il s’agit d’un roman steampunk très sombre publié aux Éditions du Chat Noir au prix de 19.90 euros. Mention spéciale pour la magnifique couverture réalisée par Miesis qui a su parfaitement rendre l’ambiance et le ton du roman en une seule image, chapeau ! Non seulement elle attire immédiatement mas quand on la regarde après la lecture, elle prend vraiment tout son sens. Bravo pour ce travail et son investissement !

Vous le savez, Marianne Stern est une auteure que j’apprécie beaucoup que ça soit humainement ou dans son écriture. Je la trouve vraiment talentueuse, elle aborde des thématiques qui me parlent, créée des personnages auxquels je m’attache rapidement et a un style qui lui est propre. Je l’ai découverte pour la première fois avec Smog of Germania (le premier tome des récits du monde mécanique) et j’avais été rapidement séduite. Depuis, j’ai lu plusieurs de ses romans (tous en fait, Ô rage Ô désespoir me voilà à jour) et je ne peux que constater l’évolution de son écriture et de sa qualité littéraire.

Pour en revenir au sujet qui nous intéresse, je parle de troisième tome mais en réalité, on pourrait choisir de lire chaque roman composant les récits des mondes mécaniques de manière indépendante. On y perdrait peut-être un brin en intensité narrative mais ils constituent chacun un tout sur eux-mêmes. Une information intéressante pour ceux qui n’aiment pas les séries !

Ce troisième tome est de loin mon préféré et sans surprise, ce fut un vrai coup de cœur. Il se passe dans l’Est français, plus précisément dans une sorte de village informel dirigé par le mystérieux (et excentrique) Monsieur. L’endroit rassemble quantité de criminels mais aussi d’anciens combattants trop dérangés dans leur tête ou leur corps pour retourner à la vie civile. Une bonne brochette de tarés comme on les aime dans une ambiance qui suinte le sang, la crasse et la boue. On a cette impression poisseuse qui nous colle perpétuellement à la peau au fil des lignes, ce qui dénote une vraie maîtrise narrative.

Le roman est divisé en quatre parties. Dans la première, nous suivons le Quenottier, un personnage très attachant par sa mentalité particulière et son phrasé propre. Il faut dire que même si la narration est à la troisième personne, l’auteure s’adapte à la mentalité de son personnage, ce qui offre dans ce cas-ci des chapitres rédigés sur un ton familier, presque argotique. Délicieux à découvrir ! Dans la seconde, nous retournons à Germania pour voir comment s’en sort le Kaiser Joachim… Pas terrible, on ne va pas se mentir. Si, au début, il me faisait de la peine et que je ressentais une certaine empathie pour lui, j’ai rapidement eu envie de lui coller une bonne paire de claque. On alterne ainsi jusqu’à la dernière partie où tous les protagonistes se rejoignent pour un final explosif. Plus on avance et plus l’auteure nous offre des micro chapitres du point de vue de certains personnages présentés précédemment, ce qui sert le récit. Cela ne m’a pas gênée, parce que la personnalité de chacun ressort vraiment bien et ça reste utile à l’intrigue.

Je meurs littéralement de frustration, parce que j’ai envie de détailler chaque élément de l’intrigue mais ça vous gâcherait le plaisir. Du coup je vais plutôt évoquer les points forts du roman, à commencer par l’écriture de l’auteure. Comme signalé plus haut, elle s’adapte à chaque fois au personnage sur qui se centre la narration et est particulièrement immersive. Le milieu particulier du livre offre une utilisation riche (et maîtrisée !) du champ sémantique rattaché à la guerre mais aussi au monde militaire, ce que j’ai adoré puisque je suis particulièrement sensible à ce type de milieu.

Les personnages ne sont pas en reste ! Je ne vais pas évoquer les anciens qui sont présents pour ne pas risquer de spoiler les lecteurs qui ne sont pas à jour (ou les futurs lecteurs !) et plutôt me concentrer sur les nouveaux. En règle générale, je trouve que Marianne Stern ne créé pas de bons personnages féminins et ça m’avait particulièrement frappée dans Scents of Orient (le tome 2 des récits des mondes mécaniques). La seule exception: sa pilote Anya dans 1993. Pourtant, ici, j’ai noté une très nette amélioration. Certes, la capitaine Meike ressemble à Anya mais elle n’en reste pas moins un personnage féminin travaillé et intéressant. La gamine prénommée Murmure est vraiment surprenante elle aussi et plutôt drôle, surtout dans ses interactions avec les autres. Deux vraies réussites et un sacré bond en avant à ce niveau ! Quant au Quenottier, on découvre un homme à la fois simple et complexe. Un gars comme les autres, traumatisé par la guerre à sa manière mais qui reste les deux pieds sur terre et continue de vivre alors que beaucoup, à sa place, auraient baissé les bras. Ses réflexions, ses choix, bref tout ce qui le concerne m’a vraiment intéressée, je le trouve très bien géré et hyper attachant. Mention spéciale à Monsieur quand même (je le devais !), mais je n’en dit pas plus ♥

Le ton général du roman, comme je l’ai signalé, est assez sombre et on en ressort avec l’impression que la boue, la sueur et la crasse nous collent à la peau, ce que je trouve délicieux. L’auteure développe un univers uchronique intéressant et très travaillé, surtout au niveau des prouesses technologiques liées à l’art de l’orfèvrerie. Son univers est réaliste, en dehors de ça, mais ce simple petit pouvoir possédé par quelques rares élus rythme finalement toute la saga pour offrir une uchronie renversante parsemée de scènes fortes parfaitement détaillées. J’en ai une gravée dans la rétine, qui arrive vers la fin, que je vais identifier par « celle avec les éclairs et les mines » (vous comprendrez) juste… Parfaite ♥ Puis celle dans l’araignée puis… D’accord, je m’arrête là.

Fidèle à son habitude, Marianne Stern laisse une grande place à l’univers militaire et plus particulièrement celui de l’aviation. On ressent sa passion et ses connaissances qui nous entrainent facilement dans ces sphères où, personnellement, j’adore me perdre !

Je me rends compte que la chronique commence à tirer en longueur et je vais donc m’arrêter ici. Ce troisième tome aura été un véritable coup de cœur auquel j’ai du mal à trouver des défauts. Il contient tout ce que j’aime chez cette auteure et tout ce que je recherche dans un livre: un univers sombre, des personnages travaillés et torturés qui sortent du lot, une identité littéraire dans l’écriture et une mentalité particulière qu’on ne retrouve que trop rarement dans la littérature SFFF francophone à l’exception de quelques auteurs dont je parle assez souvent sur le blog. Je ne peux que vous conseiller la lecture de ses ouvrages, particulièrement si vous aimez les ambiances militaires, les univers uchroniques et les protagonistes inoubliables. J’ai tourné les dernières pages avec émotion en disant adieu à ce monde et à cette saga qui a donné naissance à l’un de mes personnages littéraires préférés (c’est vous dire !). Merci Marianne pour cet extraordinaire voyage dans les mondes mécaniques ♥

Grand Siècle #2 l’envol du soleil – Johan Heliot

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L’envol du soleil
est le second tome de la trilogie Grand Siècle écrite par l’auteur français Johan Heliot. Disponible depuis mai 2018 au prix de 19 euros en papier (et 8.99 en numérique) il s’agit d’une uchronie de science-fiction se déroulant au XVIIe siècle.
Pour rappel, j’ai déjà chroniqué le premier tome.
Je tiens à remercier chaleureusement les éditions Mnémos pour ce service presse !

Dans ce second tome, nous retrouvons la fratrie Caron qui prend de plus en plus de place dans le récit, chacun des frères et sœurs continuant leur bout de chemin. Les deux jeunes, Marie et Martin, évoluent en personnages bien présents et la nouvelle génération Caron n’est pas en reste. Le roi Louis reste un protagoniste du roman, quoi qu’un peu plus en retrait que sur le tome 1 et le Pape Rouge continue ses intrigues depuis le Vatican. Je meurs d’envie de vous détailler tous les moments de l’intrigue et je me retiens à grand peine en vertu de ma politique anti-spoil. Sachez toutefois que j’ai lu ce roman en deux jours (commencé mardi matin et terminé mercredi midi) tant il m’a passionnée.

On y retrouve tous les éléments appréciés dans le premier tome. L’univers est fascinant et continue de se développer en allant plus loin dans le détail mais aussi dans la noirceur. Tout de même, au risque de radoter: il fallait oser implanter de la science-fiction sous le règne de Louis XIV ! J’en ai un peu discuté avec l’auteur aux Imaginales et je me suis rendue compte qu’il avait raison en affirmant que cette période est assez boudée. Hormis les Lames du Cardinal, un ouvrage SFFF vous vient-il dans le 16e ou 17e siècle français? Si oui, n’hésitez pas à me donner les titres dans les commentaires, parce que ça m’intéresse.
La technologie basée sur les flux éthériques prend de plus en plus de place, au point qu’elle devient un écho presque semblable à la société que nous connaissons au 20e siècle. Johan Heliot en vient à traiter des thématiques actuelles de manière plutôt ingénieuse, comme le comportement des foules face à la télévision (renommée luxovision pour l’occasion) et surtout, les sacrifices consentis à l’évolution technologique. On ne peut que trouver un écho affreusement actuel, contemporain, dans la peinture offerte par Johan Heliot de cette société alternative. Je trouve sa démarche vraiment brillante.

Le style de l’auteur est toujours aussi bon. Il maîtrise son action et le roman ne souffre, à mon sens, d’aucune longueur. Je le trouve même plus dynamique que le premier ! Petit reproche, par contre: il se déroule sur plusieurs années, entre dix et quinze ans si mes calculs sont justes et on s’y perd parfois un peu sur les bonds temporels effectués. Si on devine la date approximative et le passage du temps, j’aurai préféré que chaque chapitre soit daté plus précisément et de manière systématique. C’est un détail mais j’ai dû m’arrêter une fois ou deux pour chercher les indices temporels et les rappeler à ma mémoire. Cela ne m’a pas gâché ma lecture mais c’est parce que je l’ai lu presque d’une traite. Pour celui qui le découvrira autrement, ce détail pourrait gêner. Oui, on sent que j’ai un peu lutté pour trouver quelque chose de négatif à dire?

J’ai particulièrement apprécié l’évolution des personnages. Johan Heliot parvient à non seulement offrir une intrigue prenante, accessible tout en restant complexe, mais ne néglige jamais la psychologie de ses protagonistes. Ainsi, Louis reste fascinant à découvrir et Estienne tout autant. D’ailleurs, la fin… Je ne m’y attendais absolument pas ! Un vrai coup d’éclat. J’ai aussi appris à apprécier Martin et Pierre qui ne se lasse jamais de m’étonner. Les personnages féminins ne sont pas en reste et je suis très curieuse de voir si Jeannette aura un rôle aussi central que celui de sa tante dans le troisième tome. Petite mention aux figures historiques qui continuent de parsemer le récit et deviennent des protagonistes secondaires amusants à suivre, surtout quand on les compare à ce qu’ils ont vraiment été (ou ce que l’Histoire nous a rapporté à son sujet). Transformer La Fontaine en présentateur… Franchement ! Épique.

Pour résumer, l’Envol du Soleil n’a pas à rougir en comparaison de son tome 1. L’auteur reste constant dans la qualité qu’il nous propose, que ça soit au niveau de l’intrigue, de l’univers ou des personnages. Son écriture, dynamique avec quelques touches d’un style plus ancien (notamment à travers l’utilisation de certains verbes), nous offre une immersion complète dans cette uchronie fascinante que je recommande très chaudement. J’ai adoré !

Grand Siècle #1 l’Académie de l’Éther – Johan Heliot

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Le premier tome de la saga Grand Siècle s’intitule l’Académie de l’Éther et a été écrit par l’auteur français Johan Heliot. Publié chez Mnémos dans la collection Icare au prix de 19 euros, vous pouvez également vous le procurer en numérique au prix de 8.99 euros. Il s’agit d’un mélange surprenant d’uchronie et de science-fiction.

C’est qu’il fallait l’oser, quand même, celle-là ! Je m’attendais à découvrir un roman steampunk dans une uchronie prenant place dans l’une de mes époques historiques favorites et je tombe sur un roman qui mêle Histoire et science-fiction. Autant vous dire que ça m’a séduite et j’en suis la première surprise vu que j’ai toujours peur de ce type de mélange. Jusqu’ici, je ne connaissais l’auteur que de nom et je m’y suis intéressée davantage uniquement à cause de ce roman-ci, vu son contexte. Après quelques recherches, il s’avère que Johan Heliot est un habitué de l’uchronie et assez unanimement applaudi dans ce domaine avec des titres qui m’intriguent énormément. Au passage, notez qu’il sera présent aux Imaginales ! Et que je vais revenir avec au moins un de ses livres. Je ne sais pas encore lequel donc si par hasard vous avez des suggestions, n’hésitez pas! Bref, revenons en à ce qui nous intéresse vraiment.

Le roman s’ouvre sur un groupe d’enfants dont le père se suicide pour les pousser à le quitter et se rendre à la capitale, chez leur oncle Plantin. Ils espèrent ainsi échapper à la famine qui règne en province. Nous suivons donc ces cinq enfants (Pierre, Jeanne, Estienne, Marie et Martin) dans leur périple jusqu’à leur destination, puis nous partons faire la connaissance du lieutenant de frégate Baptiste Rochet, auteur d’une découverte surprenante. En mer, ils ont repêché une sphère qu’il présente au jeune roi Louis XIV, immédiatement séduit par ses propriétés. Mais cette sphère n’est pas uniquement ce qu’elle paraît être et son arrivée à la Cour va déclencher toute une série d’évènements inattendus, jusqu’à ce que le destin des enfants croise celui des plus grands hommes de l’Histoire de France. J’essaie de vous synthétiser tout ça sans non plus vous révéler des pans importants de l’intrigue que j’ai personnellement pris beaucoup de plaisir à découvrir. Ce n’est pas simple !

Je vais d’abord m’attarder sur l’univers, que j’ai trouvé plutôt brillant et bien maîtrisé. L’auteur nous gratifie de nombreuses références historiques, d’abord à travers les personnages. Rapidement, nous suivons Blaise Pascal ou encore le Roi Louis qui sont des protagonistes centraux du Grand Siècle. Nous croisons aussi le cardinal Mazarin, la reine Anne, le prince Condé et dans un registre plus populaire, Cyrano de Bergerac ou encore, d’Artagnan. Johan Heliot se réapproprie des faits historiques tels que la guerre contre l’Espagne, la fronde ou les mazarinades pour servir son intrigue et utiliser les évènements à son avantage. Cela dénote une grande connaissance de son sujet et beaucoup de recherche. J’ai également apprécié son utilisation de l’imprimerie. L’étudiante en histoire littéraire (avec la base d’Histoire-tout-court que ça implique) en moi ne peut qu’applaudir la façon dont il imbrique tous ces éléments pour nous offrir un contexte d’une incroyable richesse. C’est, sans conteste, une uchronie de qualité.

Je me dois également d’évoquer la plume de Johan Heliot qui sert merveilleusement son récit puisqu’elle donne l’impression de vivre à l’époque grâce à son vocabulaire et ses tournures de phrase. Évidemment, ça reste accessible à tous mais ses qualités immersives ne sont pas à dédaigner.

Immersif est un bon mot pour qualifier ce premier tome. Assez rapidement, le destin des cinq enfants nous importe et j’ai beaucoup aimé la façon dont ils évoluent, chacun à leur façon, même si j’ai frissonné quelques fois. L’auteur n’a aucune pitié pour ses protagonistes et j’adore ça ! J’ai aussi trouvé fascinant de voir évoluer Louis XIV dans sa jeunesse puis au début de l’âge adulte. Ses rapports avec l’Unité d’Exploration Conscientisée (UEC pour les intimes) et les chapitres du point de vue de ce super ordinateur échoué par accident sur notre planète donnent une profondeur au récit et certaines réflexions pertinentes sur l’humanité. Nous évoluons aussi dans la cour des Miracles, à la cour de France, sur les champs de bataille, dans les ateliers de monsieur Pascal. Les décors se multiplient pour offrir une fresque prenante et apporter tous les éléments essentiels à un roman qui, non seulement, contient beaucoup de savoir dans bien des domaines (dont la science) mais réussit tout autant à nous divertir efficacement. Preuve, s’il en fallait, que l’un se marie très bien avec l’autre.

En bref, j’ai vraiment adoré le premier tome du Grand Siècle et je compte bien lire la suite rapidement. Johan Heliot est un auteur qui donne envie d’être découvert et qui possède déjà, à ce jour, une bibliographie très riche. Je recommande le Grand Siècle aux amoureux de l’uchronie et du Paris du 17e, à ceux qui ont envie d’être surpris et emportés dans un univers brillant par sa construction avec des personnages attachants. Un coup de cœur et une réussite ♥

Focus – Marianne Stern

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Dans le cadre du Mois de l’Imaginaire, j’ai envie de vous présenter des auteurs francophones parfois trop peu connus, qui appartiennent à de petites maisons d’édition et qui valent, selon moi, vraiment la peine d’être lus. Trollée impitoyablement par facebook et persuadée que nous étions le jour de l’anniversaire de Marianne Stern, je me proposais de commencer par elle en guise de surprise… Il s’avère donc que je suis victime d’une odieuse manipulation mais ce n’est pas très grave, ça permet à l’auteure de rester fidèle à elle-même. Vous allez comprendrez en lisant… (Je précise, je le dis avec tout mon amour !)

Commençons par quelques éléments biographiques, tirés du site internet de son éditeur: Physicienne de formation, Marianne a changé de voie en cours de route pour rejoindre ses véritables passions, l’aviation et les machins volants. Lorsqu’elle a du temps à disposition, elle écrit, fait fumer ses guitares, ou écoute du heavy metal. Avide de lecture depuis toujours, elle collectionne chaque livre qu’elle dévore au point de ne plus savoir ou les entreposer. Sa prédilection va au fantastique, à la science-fiction, ainsi qu’à quelques thrillers militaires peu recommandables. Fascinée par les nuages, c’est bien souvent dans le ciel qu’elle puise son inspiration ; elle pilote d’ailleurs son propre vaisseau pour mieux s’en rapprocher.

Marianne est une passionnée de l’aviation et de l’armée, cela se ressent dans ses écrits. Outre le diptyque 1993 et 1999 (qu’on lira en « belge » parce que j’aime bien tendre le bâton pour me faire battre (private joke avec son impitoyable éditeur)) publié aux éditions Voy’el, une uchronie rondement menée sur la fin de la guerre froide où cela se ressent dès la 4e de couverture, on le remarque également assez vite dans sa saga des Mondes Mécaniques, avec laquelle j’ai pu la découvrir ! Mais faisons les choses dans l’ordre…

J’ai acheté Smog of Germania au Dormantastique de Juillet 2015, à la base pour l’offrir à mon compagnon. Enfin, je lui ai bien offert, il trône fièrement en me narguant dans sa bibliothèque (Ô supplice) mais j’en ai profité pour le lire au passage et j’ai été bluffée par ma lecture. Une divine noirceur au bout d’une plume, un univers steampunk étouffant qui prend aux tripes, des personnages sales qui s’animent dans une grotesque mascarade, ce fut mon coup de cœur de l’année 2015, aux côtés de la Geste des Exilés de Bettina Nordet (mais on y reviendra dans un autre focus). Frustration de devoir attendre mars 2017 pour lire la suite, à savoir Scents of Orient ! Quand je parle de suite, je m’avance peut-être un peu… L’avantage avec l’univers des Mondes Mécaniques, c’est que chaque tome peut se lire de manière plus ou moins indépendante. On comprend mieux certains détails en ayant lu Smog mais ce n’est pas non plus fondamentalement obligatoire. Donc, Scents, disais-je, partait mal… Il se déroule en Inde (pas mon pays préféré) et le personnage pour qui j’avais eu un coup de cœur monumental dans l’opus d’avant risquait de ne pas être présent. Heureusement, j’ai su apprécier la chaleur moite des Indes presque autant que le smog de Germania. J’y ai retrouvé tous les éléments qui me plaisaient dans le premier tome, avec une intrigue rondement menée, de l’action bien dosée, et des personnages tous attachants à leur manière. Et Maxwell, mon petit amour.

Marianne a également écrit les chroniques d’Oakwood, sorte de roman court à mi chemin avec le recueil de nouvelles. C’est une œuvre difficile à classer mais que j’ai adoré par son ambiance résolument gothique et fantastique. J’y ai retrouvé ce que j’aimais chez Marianne, à savoir son côté sadique et la manière dont elle met si bien en scène la noirceur humaine. Je lui ai découvert un côté poésie macabre bien plus marqué que dans Smog, ce qui a su me séduire et me convaincre que j’étais face à une auteure talentueuse qui sait s’illustrer dans plus d’un genre.

Par contre, si Marianne est très douée pour mettre en scène les hommes, elle l’est moins avec les femmes. En fait, la seule fille que j’apprécie vraiment chez elle, c’est Anya, la pilote qu’on retrouve dans l’Échappée Rouge (le fameux 1993). Ce n’est pas un défaut en soi, d’autant que la majorité des héroïnes de roman me tapent sur le système de toute façon. Mais ça vaut la peine d’être précisé, surtout si, comme moi, vous n’y voyez pas vraiment un point négatif. A chacun nos forces et nos faiblesses ! Et des forces, Marianne en a beaucoup. Outre son imagination retorse et cruelle (mais si, c’est une force !) elle dispose d’une plume personnelle, incisive et immersive. Elle nous atteint, nous touche, nous blesse en gravant au cœur sa marque indélébile. J’espère qu’elle laissera la même sur l’histoire littéraire de notre époque, car elle le mérite.

Notez aussi que, depuis mars de cette année, Marianne est également disponible en poche chez Hélios (Mnémos) avec Smog of Germania. Une manière de découvrir son univers, à petit prix ! Elle a également participé à deux anthologies que vous pouvez retrouver aux Éditions du Chat Noir et que je compte me procurer bientôt: Montres Enchantées et Bal Masqué, où elle côtoie d’autres auteurs talentueux.

En bref et si ce n’était pas encore assez clair, Marianne Stern compte parmi mes auteures favorites, je l’ai d’ailleurs déjà dit dans une interview, il y a quelques semaines (et comme j’ai tendance à le radoter souvent…). C’est quelqu’un que j’estime, elle est talentueuse et modeste, parce qu’elle n’a pas, je crois, conscience d’à quel point elle est douée. Si vous aimez le steampunk, les ambiances sombres, les complots aux intrigues tordues et les personnages masculins marquants, cette auteure est faite pour vous. Découvrez ses romans de toute urgence !

Je vous encourage à profiter de sa présence ce 7 octobre 2017 aux Halliénales pour aller à sa rencontre et plonger dans son univers, sur le stand des Éditions du Chat Noir !

Les extraordinaires et fantastiques enquêtes de Sylvo Sylvain, détective privé (la trilogie) – Raphaël Albert

Sylvo SylvainLa trilogie « les extraordinaires et fantastiques enquêtes de Sylvo Sylvain, détective privé » écrite par Raphaël Albert comporte : Rue Farfadet, Avant le déluge et Confession d’un elfe fumeur de lotus. Chaque tome est disponible chez Mnémos en poche (Helios) au prix de 11.90 euros, il se lit indépendamment et je viens de découvrir à l’instant qu’il existait un tome 4 ! Joie et bonheur je suis, ma journée est faite. Même si au fond j’aimais bien la fin du 3… Mais je ne demande qu’à voir ce que l’auteur nous a réservé pour ce quatrième tome.

Mon amie Laure-Anne m’a prêté les deux premiers tomes, certaine que j’allais aimer. J’ai donc commencé à les lire dans le thalys pour me rendre sur un salon à Paris au mois de mai. Au départ, c’était un prêt mais j’ai eu un tel coup de cœur qu’elle a décidé de me les offrir, c’est dire. J’ai enchaîné les deux premiers tomes, attendu la sortie du tome 3 avec impatience en poche, râlé contre le distributeur qui a visiblement quelque chose contre les libraires indépendants belges puisqu’il aura mis 3 mois à l’envoyer… Et enfin, je l’ai eu en main, mon précieux ! La conclusion de cette fabuleuse aventure ! La possibilité de retrouver mon Sylvo encore une dernière fois !

Cette chronique un peu particulière sera divisée en trois parties, une pour chaque tome.

Rue Farfadet:
Dans une histoire narrée à la première personne, nous écoutons Sylvo Sylvain, un elfe exilé de sa Forêt, détective privé et habitant de Panam, nous décrire son quotidien et la sombre affaire dans laquelle il est plongé tête la première. Sylvo est un personnage incroyablement attachant, je l’ai aimé presque immédiatement. C’est un raté, un flemmard, un elfe que la vie n’a pas épargné, nostalgique et alcoolique, luxurieux à ses heures, globalement blasé mais doué dans son métier. Cette ambiance film noir à la française est absolument délicieuse. Le bestiaire est très riche, les personnages secondaires tous bien construits. J’ai particulièrement adoré les petites références à notre monde, à des œuvres classiques ou populaires, tracées tout au long du roman. Ce qui est délectable aussi, ce sont les extraits de journaux intercalés dans le récit, pour ne jamais perdre cette narration à la première personne. C’est brillant.
Rue Farfadet est un ouvrage pour lequel j’ai eu un véritable coup de cœur. Le steampunk se mêle au fantastique, avec des personnages qui endossent un rôle stéréotypé (le détective, l’assistant, le brigand, le journaliste, etc.) mais qui parviennent malgré cela à dégager une très exquise saveur. Je suis tombée sous le charme de Sylvo et cette fin… Cette fin ! Une des meilleures que j’ai lue de ma vie. L’auteur est doué, j’ai d’ailleurs immédiatement enchainé avec la suite.

Avant le déluge:
On y retrouve tous les ingrédients qui ont fait, à mes yeux, le succès du premier: un style d’écriture recherché, travaillé et original, un personnage principal attachant qui a ses faiblesses (un véritable anti-héros comme je les aime !) une intrigue tumultueuse, pleine de rebondissements, un folklore extrêmement riche… Bref, à mes yeux, cette saga est un chef-d’œuvre de littérature francophone. Oui, je n’ai pas peur des mots.
Rien n’est à jeter, rien n’est en trop… C’est incroyable ! De nouveaux personnages font leur apparition, on approfondit les anciens, on en apprend davantage sur le passé de Sylvo, et cette fin… CETTE FIN ! Je ne m’en remets pas. Raphaël Albert a un talent certain pour ménager ses effets. C’est profond, poétique, macabre… En un mot: c’est parfait.

Confession d’un elfe fumeur de lotus:
Contrairement aux deux autres tomes, Confession d’un elfe fumeur de lotus est un roman intime, la balade d’un drogué en train de se suicider à coup de pipes dans le fin fond d’un fumoir panaméen. Au bout du rouleau après les évènements du tome 2, Sylvo se souvient, mélancolique, de son passé à Toujours-Verte, des drames successifs qui l’ont amenés à fuir sa chère forêt pour se réfugier dans le monde humain qu’il haïssait tant. On retrouve la plume de l’auteur qui a, semble-t-il, encore mûri pour cet opus glaçant et enivrant. Un roman qui se passe avant Rue Farfadet mais dont on ne peut, à mon sens, comprendre la plénitude qu’après avoir lu les deux autres tomes. Il a apporté énormément de réponses aux questions que je me posais et il m’a totalement bouleversée. J’ai adoré suivre Sylvo jeune pousse jusqu’au début de sa déchéance, découvrir toute la culture des elfes (tellement riche !) leurs mœurs aussi. Cet univers inventé par Raphaël Albert est d’une incroyable richesse et d’une inspiration folle. Il appartient sans conteste aux grands auteurs de ce monde. J’avais les larmes aux yeux sur les dernières pages et j’ai refermé le livre la boule au ventre. Un grand moment de littérature.

Pour résumer, à mes yeux, la saga de Raphaël Albert est un must-read de littérature francophone. C’est brillant, une fantasy uchronique audacieuse, très référencée et travaillée, offrant tout un panel de réflexion sur des sujets encore d’actualité de nos jours. Merci aux éditions Mnémos d’avoir publié ce roman et merci à Raphaël Albert de l’avoir écrit. Lisez cette saga, lisez-la dès que possible, vous ne le regretterez pas.