À l’ombre du Japon #48 : { mon premier contact avec Frieren }

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Frieren
semble être la grosse nouveauté de l’année 2022 au catalogue Ki-oon et, selon leur annonce, le plus beau démarrage de toute leur histoire. Le titre étant sorti récemment, je ne suis pas sûre des chiffres sur lesquels se base la maison d’édition pour affirmer une telle chose mais cela n’enlève rien au fait qu’on parle pas mal de Frieren et c’est tant mieux car ce manga possède beaucoup de qualités.

Je dois toutefois préciser que mon billet se base uniquement sur ma lecture du premier tome. Mon avis sera donc susceptible d’évoluer à mesure que continuera la série. D’autres billets arriveront sans doute par la suite car celle-ci compte déjà sept tomes au Japon et la série est toujours en cours.

De quoi ça parle ?
Frieren est une elfe mage qui appartenait à une bande d’aventuriers rendue célèbre pour avoir défait le roi des démons. L’histoire commence après cet exploit et nous raconte l’après, du point de vue de Frieren.

Deux grandes thématiques se dégagent : celle de la perception du temps et celle du destin des héros une fois le livre refermé.

And that’s all ?
Je vais commencer par évoquer la seconde car ce n’est pas spécialement neuf en fantasy quoi qu’à ma connaissance, cela reste rare. Parler de héros confirmés et de leur vie après leur grand exploit, c’est un peu le postulat de la saga Wyld de Nicholas Eames. Pourtant, là où Wyld remet des seniors à l’aventure qui nécessite d’oublier ses rhumatismes pour sauver le monde, Frieren s’attache plutôt à décrire un après de paix en consacrant chaque chapitre à une petite aventure très humaine.

Cela me fait dire que le manga va s’éloigner de la direction qu’on aurait pu imaginer pour lui dans le cadre d’une saga de fantasy et se concentrer sur la première thématique dont j’ai parlé : celle du temps.

Percevoir le temps.
La notion de temps est fondamentale et on le sent dés le début lorsque Frieren revient après cinquante ans pour retrouver ses compagnons extrêmement vieux. À la mort de l’un d’eux, une personne reprochera à l’elfe son manque d’émotion lors de l’enterrement et celle-ci répondra qu’elle l’a à peine connu car ils n’ont passé que dix ans ensemble. Un constat qui va la perturber et la pousser à s’interroger sur la vie si courte des humains, sur le moyen d’apprendre à mieux les connaître. Parce que souvenons-nous : Frieren est une elfe, elle possède donc une espérance de vie bien plus longue (on ignore combien précisément) et une apparence qui suggère qu’elle est encore très jeune pour sa race. Un sentiment renforcé par un échange entre elle et son apprentie où Frieren se fait la réflexion que ça y est, elle la dépasse, elle a grandi, elle vieillit.

Chaque chapitre parle donc du temps, d’une manière ou d’une autre, que ce soit pour montrer l’effacement des souvenirs, la manière dont l’Histoire devient une légende, l’évolution des recherches magiques ou s’interroger sur son terme, celui de la vie, de l’existence.

La conclusion de l’ombre :
On pourrait craindre un aspect trop contemplatif et philosophique mais, personnellement, je ne me suis ennuyée à aucun moment. C’est plutôt une histoire douce, intelligente et magnifiquement dessinée qui nous embarque dans un voyage calme et intéressant. L’Apprenti Otaku utilisait le terme de fantasy mélancolique et je l’aime beaucoup car il retranscrit très bien le contenu de ce manga. L’entrée en matière m’a conquise et mon seul regret, c’est finalement de ne pas avoir acheté directement le tome 2. Bien vite mon prochain passage chez Kazabulles !

D’autres avis : L’apprenti OtakuLes voyages de LyLes blablas de Tachan – vous ?

Informations éditoriales :
Frieren (série en cours), scénario par Kanehito Yamada, dessin par Tsukasa Abe. Éditeur : Ki-oon, coll. shônen. Traduction : Géraldine Oudin. Prix par tome : 7.90 euros.

L’Anti-magicien #1 – Sébastien de Castell

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L’Anti-magicien
est une saga de fantasy en cours qui compte actuellement 5 tomes en français et écrite par l’auteur canadien Sébastien de Castell. Publié chez Gallimard Jeunesse, vous trouverez ce premier tome (qui est l’objet de cette chronique) partout en librairie au prix de 18 euros.

De quoi ça parle ?
Kelen approche de ses 16 ans et est le fils d’un grand mage. Tout naturellement, il prépare ses épreuves pour obtenir son nom de mage. Hélas pour lui, ses maigres pouvoirs disparaissent petit à petit, ce qui va l’obliger à ruser -ce qui déclenchera au passage toute une série d’évènements dramatiques. Soutenu par Furia, une vagabonde sortie de nulle part, et par Rakis, un chacureuil féroce, Kelen va devoir remettre en question tout ce qu’il croyait savoir.

Un point sur l’univers.
Le monde créé par Sébastien de Castell paraît classique au premier abord. Il comporte trois grands peuples : les Jan’tep qui sont les magiciens, les Daromans qui sont davantage portés sur la puissance militaire et les Besaresq qui sont un peu les illuminés religieux du coin. L’histoire se déroule au sein du peuple Jan’tep qui place la protection de la famille avant tout. Pour cette raison, il est nécessaire de devenir un mage au risque de se voir relégué au rang de Sha’tep à savoir de serviteur à la limite de l’esclavage.

On devient mage en passant quatre épreuves l’année de ses seize ans. Dans cet univers, la magie est divisée en six disciplines : fer, sang, sable, soie, souffle et braise. Il en existe une septième, l’ombre, mais elle est interdite. Pour accéder à cette magie, il faut faire scintiller une bande sur son avant-bras, bande qu’on tatoue aux enfants dés leur plus jeune âge. Il y a donc six bandes, une pour chaque magie. Il est possible de combiner plusieurs types de magie, qu’on pratique avec des mots et des symboles effectués avec les doigts.

La société Jan’tep est totalement organisée autour de la magie et s’est construite sur les cendres des Madhek, réputés pour pratiquer la magie de l’ombre en étant soutenus par des familiers démoniaques. Ce peuple est entré dans la culture populaire comme les grands méchants et on se doute assez vite que tout est un brin plus compliqué que ça.

Si le fond de l’univers est donc relativement classique, le système de magie a le mérite d’être original tout en restant facile d’accès pour le lecteur novice. Un très bon point !

Un roman addictif.
J’ai dévoré ce texte en trois jours et encore, parce que je m’obligeais à faire des pauses. Dés les premières lignes, l’auteur m’a happée dans son univers avec un style accessible, écrit à la première personne du point de vue de Kelen. Je me suis rapidement prise d’affection pour ce personnage et pour ceux qui gravitent autour. L’auteur a construit des protagonistes intéressants, différents, crédibles, diluant suffisamment de mystère pour nous accrocher sans pour autant tomber dans le trop. Il a également pensé au familier, Rakis, un chacureuil que j’adore pour son mauvais caractère et son petit côté diablotin qui apporte un vent de fraicheur bienvenu.

Mon enthousiasme m’a permis de passer outre quelques défauts. Certains morceaux de l’intrigue restent prévisibles (notamment ce qui tourne autour des Jan’teps et qui reste assez sous exploité au final) et les antagonistes de ce tome sont méchants sans véritable raison ni but original hormis celui de contrôler la société dans laquelle ils vivent. Ces éléments sont toutefois contrebalancés par un enchaînement d’actions efficaces et un protagoniste principal très solide qui utilise volontiers son cerveau, ce qui est rafraichissant.

De plus, en toile de fond, l’auteur brasse énormément de thèmes sur la pression familiale, la place de chacun dans la société, la nécessité d’accepter les dons qu’on a pu recevoir et les développer au lieu d’essayer de ressembler à ce qu’on n’est pas. Il les traite avec force, sans lésiner sur les scènes chocs et les réflexions qui heurtent (ce qui tourne autour d’Abydos, l’oncle, m’a vraiment fait froid dans le dos sans parler de l’épilogue). C’est finalement un beau roman initiatique avec un héros pour qui on développe immédiatement de l’empathie, au point de vouloir enchaîner ses aventures les unes à la suite des autres.

Un roman jeunesse / young adult ?
Ce n’est pas la première fois que j’écris une réflexion à ce sujet mais hormis l’âge du protagoniste, je ne vois pas spécialement en quoi ce roman mérite une classification jeunesse puisqu’il peut parfaitement se lire par un public adulte. Sans parler de certaines scènes ou thématiques qui se révèlent plutôt dures. C’est dommage parce que ce classement adolescent pourrait rebuter certains lecteurs plus vieux ou blasés. Si vous passez par ici, soyez donc rassurés : ce roman est plutôt tout public que vraiment destiné à des adolescents.

La conclusion de l’ombre :
Avec ce premier tome de l’Anti-magicien, Sébastien de Castell propose un roman de fantasy tout public (et non pas juste pour adolescents) qui se révèle aussi intéressant qu’addictif. L’univers paraît classique de prime abord mais le système de magie et tout ce qui tourne autour est assez original. L’intrigue bien rythmée et un protagoniste principal très attachant permet de passer outre les quelques faiblesses au niveau des antagonistes qui, j’en suis sûre, vont se corriger à mesure qu’on avancera dans l’histoire. J’ai dévoré ce roman et je me suis immédiatement commandée le tome 2 ! Une très belle réussite.

D’autres avis : l’ours inculte (que je remercie car j’ai découvert la saga grâce à lui ! ) – Lianne (de livres en livres) – Phooka (Bookenstock) – vous ?

À l’ombre du Japon #23 { je suis un assassin (et je surpasse le héros) #1 : fantasy & JDR }

Bonjour à tous et à toutes !

Vous vous rappelez ? Il y a quelques temps, je vous évoquais un premier tome qui m’avait bien plu au milieu de plusieurs autres franchement moyens. Il s’agissait de celui-ci et je vous explique enfin pour quelle raison.

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Je suis un assassin (et je surpasse le héros)
est une nouveauté de chez Doki Doki. Il s’agit d’un shonen fantasy qui utilise les codes du jeu de rôle (on va y revenir). C’était, au départ, une light novel écrite par Matsuri Akai. C’est le mangaka Hiroyuki Aigamo (Accel World) qui va l’adapter au format manga avec des dessins réalisés par Tôzai.

De quoi ça parle ?
Akira Oda et ses camarades de classe sont soudainement appelés dans un autre monde où on leur attribue des caractéristiques. Pour quelle raison ? Et bien défaire un seigneur maléfique, pardi ! Le roi quémande l’aide de ce groupe et du héros qui se trouve parmi eux, une aide gracieusement offerte de la part de ces élèves. Toutefois, Akira se méfie et va utiliser ses compétences d’assassin pour élucider ce mystère.

Fantasy & jeu de rôle.
L’aspect fantasy dans ce titre est globalement assez classique et exploite les tropes du genre non seulement sur ses protagonistes mais également sur l’univers. Le monde se divise en quatre continents, chacun peuplé par un type de créature bien précis. Visiblement, la mondialisation et les voyages n’existent pas encore vraiment. Les élèves arrivent dans le royaume des humains et ont été appelés pour combattre des démons… Ce qui n’a l’air de choquer absolument personne à l’exception d’Akira.

Du côté des personnages, ils servent surtout d’archétypes. On a le héros arrivé d’un autre monde au sein d’une monarchie type médiévale qui est confrontée à des démons menaçant la paix et la prospérité. On a la princesse qui-parait-gentille-mais-en-fait-peut-être-pas, le commandant de l’armée qui manque de sérieux et se fait remonter les bretelles par son adjoint… Quant aux étudiants, ils collent également tous aux archétypes qu’on croise dans les écoles, depuis Akira qui est le solitaire de la classe au gars populaire qui se révèlera être le héros, aux filles qui ont des rôles de soutien… Bref rien de neuf sous le soleil de ce côté là et j’ai failli reposer le manga assez vite.

Toutefois, l’originalité et l’intérêt de ce titre se situent plutôt dans l’exploitation d’éléments tirés du jeu de rôle, ce qui justifie même l’utilisation d’archétypes finalement. En effet, chaque étudiant arrive dans ce monde avec des compétences qui sont détaillées par niveau, des points de vie, de santé, etc. et qu’ils peuvent consulter. Selon le roi, les élèves sont extrêmement forts mais que penser alors d’Akira dont les caractéristiques surpassent celles de tous les autres avec une compétence au niveau maximum (chose impossible à moins d’être le héros… qu’il n’est pas) ? Doté d’un peu plus de jugeotte que le reste de ses camarades, Akira va se montrer discret et utiliser le mois d’entrainement dédié à ces nouveaux héros pour développer ses compétences.

Pour y parvenir, il sera aidé par Saran Mislay, le commandant des chevaliers de Laytice qui a décelé les particularités d’Akira sans pour autant le dénoncer au roi. On pourrait s’en étonner mais on comprend vite que ce commandant en sait long sur les secrets du royaume, un peu trop pour son propre bien. Il va trouver en Akira une sorte d’ami avec lequel échanger, chacun racontant son monde à l’autre. Saran se montrera d’ailleurs fasciné par le concept de sciences et de technologie, élément plutôt intéressant et surprenant pour un personnage issu d’une culture type médiévale. Cette relation et les échanges qui en découlent sont également des éléments déjà-vus dans ce type d’histoire toutefois, ici, ça a fonctionné pour moi sans que je ne puisse vraiment expliquer pour quelle raison. Une partie de moi lisait en trouvait que c’était classique au possible et une autre s’amusait des divers éléments typés JDR disséminés à travers l’œuvre.

Cet aspect jeu de rôle est également exploité par le gain de niveaux et de capacités. Au bout du mois d’entrainement, les héros sont emmenés dans un donjon et affrontent des monstres type menu fretin, les mobs qu’on trouve par pack au début de chaque instance et qu’on tue sans trop de soucis. Ils vont également tomber sur un boss surprise qui va leur donner pas mal de fil à retordre…

J’ai fini par m’apercevoir que ce titre parlait surtout à la rôliste en moi, à la joueuse en moi qui a souvent farmé les instances dans WoW pour gagner de l’équipement et du niveau. Je suis un assassin (et je surpasse le héros) plaira clairement aux nostalgiques du farming, des MMORPG et laissera peut-être de marbre celleux qui ne sont pas intéressés à tout ce qui tourne autour du concept de JDR, que ce soit en ligne ou sur table. La fin de ce premier tome est plutôt prometteuse, à voir ce que le scénario réserve pour le second volume auquel je vais donner sa chance, par curiosité.

La conclusion de l’ombre : 
Je suis un assassin (et je surpasse le héros) est un shonen tiré d’une light novel. Ce premier tome, assez classique, pose les bases d’un univers très inspiré du JDR et du MMORPG, ce qui attirera probablement les joueurs mais laissera de marbre les autres. Personnellement, je suis assez intriguée pour avoir envie de lire la suite !

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Mata itsu ka, ja ogenki de !
( À bientôt et prenez soin de vous !)

À l’ombre du Japon #18 { Sayonara miniskirt #1 ; se définir en tant que femme au 21e siècle }

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Bonjour à tous et bienvenue pour un nouvel épisode d’à l’ombre du Japon où je vous parle des derniers mangas lus récemment ! Cette fois-ci, je consacre un article entier au premier tome d’un manga qui m’a vraiment bien emballé à savoir Sayonara Miniskirt !

De quoi ça parle ?
Sayonara miniskirt est le premier tome d’un manga écrit et dessiné par Aoi Makino qui raconte l’histoire de l’ancienne idol du groupe Pure Club, Karen Amamiya. On apprend assez tôt qu’elle a subi une agression physique lors d’une rencontre avec des fans, ce qui l’a poussé à mettre un terme à sa carrière pour reprendre une vie normale de collégienne. Enfin… presque puisqu’elle ne veut plus porter de jupe et décide donc d’opter pour l’uniforme des garçons. Cela la protègera-t-elle de ce mystérieux agresseur qui sévit dans le coin et qui s’en prend à des collégiennes ?

Les femmes et les jupes au quotidien.
Je ne lis que peu de shojo parce que c’est souvent un genre qui m’agace dans sa représentation de la femme. J’en ai consommé ma part plus jeune et à mesure que j’ai pris conscience de certains problèmes au sein de la représentation littéraire, je suis devenue beaucoup trop attentive à cette thématique pour réussir à tolérer un traitement bancal, où que ce soit, même dans un manga. Son simple classement avait d’office disqualifié cette œuvre de ma wishlist sauf que par curiosité, j’avais quand même lu la chronique de l’ami Otaku qui m’a convaincue de laisser une chance à Sayonara Miniskirt. Et j’ai bien fait !

Ce manga évoque le rapport au corps féminin et ce qu’implique le fait d’être une femme de nos jours. J’entends par là notre manière de nous vêtir mais également de nous représenter nous-mêmes, comme si le fait de porter une mini-jupe ou des vêtements qui nous mettent en valeur sous-entendait une autorisation implicite à tous les hommes de commenter, regarder, toucher, bref consommer à leur guise. Comme je porte moi-même très souvent des robes et des jupes (simplement parce que j’aime ce type de vêtements !) je me sens assez concernée par cette problématique. Me voici donc emballée mais inquiète également. Comment allait-elle s’en sortir ?

Ce fut une belle surprise car j’ai trouvé le ton très juste durant tout ce premier tome. Aoi Makino maîtrise son sujet et met en scène cette tranche de vie dramatique avec brillo. D’une part, elle développe diverses thématiques liées à son intrigue : est-ce qu’une star appartient à son public? Que signifie ce mot « appartenir » ? Est-ce qu’une fille doit se laisser tripoter et être contente que ça lui arrive car ça sous-entend qu’elle est désirable / jolie ? Est-ce qu’il est judicieux de séparer les hommes des femmes dans certains transports publics pour éviter les problèmes ? Est-ce qu’on doit excuser un agresseur si sa victime porte une jupe ? Si vous êtes quelqu’un de bien éduqué et d’un peu censé, vous connaissez les réponses à ces questions. Pourtant, que ce soit dans des commentaires sur les réseaux sociaux, dans la presse ou même dans la rue, il est admis qu’on a tendance à juger une femme sur sa façon de s’habiller. Combien de fois entend-on une victime dire que le policier lui a demandé ce qu’elle portait le soir de son agression ? Et nous vivons en Europe, une société supposément plus évoluée sur ces questions que celle du Japon, encore malheureusement ancrée dans un patriarcat qui implique une représentation de la femme comme un objet supposé se marier et enfanter, point final.

Ce manga évoque donc tous ces thèmes et il le fait de manière plurielle car différents personnages incarnent les points de vue possibles sur ces questions, ce qui permet de porter une forme de débat et de réflexion tout en suivant l’intrigue concernant Nina dont l’agresseur n’a jamais été appréhendé. L’équilibre au sein de l’intrigue est très bien trouvé.

Le monde des Idols et la femme.
Typiquement, il est admis que cette industrie exploite l’image de la femme en tant qu’objet. Si vous vous intéressez un peu au Japon, vous en avez probablement déjà entendu parler. Sayonara Miniskirt esquisse cet univers à part en laissant entrevoir certaines règles qui régissent la vie d’une idol, comme celle, par exemple, de rester célibataire afin d’entretenir le fantasme des fans. Cela va assez loin puisqu’une idol peut être renvoyée si on la surprend à embrasser un garçon ! On sent au fil des pages que la mangaka va exploiter ce monde et qu’il y a anguille sous roche concernant certaines actions de certains personnages secondaires. C’est très intriguant et ça permet au lecteur d’en découvrir davantage sur ce milieu ainsi que de se poser la question des apparences. J’ai beaucoup apprécié cet aspect, j’espère qu’il sera davantage développé par la suite.

Nina, un garçon manqué ?
Ce personnage de Karen / Nina est vraiment intéressant. Renfermée sur elle-même au collège, elle entretient toujours de bonnes relations avec son ancien groupe (le Pure Club). Elle a décidé de se couper les cheveux et de porter des pantalons après son agression, ça a été sa manière pour elle de s’éloigner de cette féminité qu’elle ne parvenait plus à gérer. Pourtant, au fil des pages, Nina s’interroge sur ce qu’est la féminité et ce que cela implique, notamment dans ses interactions avec deux personnages : Miku et Hikaru.

Miku est une jolie fille populaire qui assume sa féminité, aime porter des jupes et trouve que blâmer les hommes pour des attouchements revient à tous les stigmatiser, qu’il faut donc éviter. Pour elle, ça n’a aucun sens d’en « faire tout un foin » et il n’y a qu’une « mocheté » que ça peut déranger. Ce personnage est ambigu et m’inspire un profond sentiment de pitié car très clairement, Miku incarne la construction sociale dans laquelle beaucoup de filles / de femmes sont enfermées. Je me demande de quelle manière elle va évoluer.

Quant à Hikaru, c’est un personnage masculin très orienté sur le sport puisqu’il pratique le judo et ne semble pas s’intéresser aux femmes ni aux discussions sur leurs physiques qu’ont les autres garçons. On apprend que sa petite sœur a été victime d’une agression et cela explique sa prise de conscience par rapport aux autres. Ce protagoniste porte également une certaine ambiguïté en lui dont on ne prend pas conscience tout de suite, à cause d’une série de qui pro quo. Je l’ai trouvé intéressant et je me demande ce qui va advenir de la relation entre Karen et lui vu la scène finale de ce premier tome. Scène qui, d’ailleurs, me fait un peu peur quant au ton de la suite du titre. À voir donc ! Toutefois, la qualité globale de Sayonara Miniskirt me donne (très) envie de lire le tome 2 dés sa sortie pour me faire une idée plus précise d’où la mangaka souhaite aller.

La conclusion de l’ombre :
Sayonara Miniskirt est une nouveauté de chez Soleil Manga écrite et scénarisée par Aoi Makino. Cette tranche de vie dramatique plonge le lecteur dans le monde des Idols pour suivre Karen / Nina, une ancienne star ayant choisi de se retirer du milieu après une agression. Le manga questionne notre rapport au corps féminin et la manière dont les hommes se représentent les femmes. Je l’ai trouvé très intéressant dans le traitement de ses thématiques et j’encourage le plus grand nombre à le découvrir. Pour ma part, j’attends avec impatience l’annonce du second tome !

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Mata itsu ka, ja ogenki de !
( À bientôt et prenez soin de vous !)

#PLIB2020 : Les brumes de Cendrelune #1 le jardin des âmes – Georgia Caldera

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Le jardin des âmes
est le premier tome de la saga des brumes de Cendrelune écrite par l’autrice française Georgia Caldera. Publié chez J’ai Lu pour elle, vous trouverez ce roman au prix de 13.90 euros partout en librairie.
Je remercie les éditions J’ai Lu d’avoir offert l’epub dans le cadre du PLIB2020 !

Mon histoire avec Georgia Caldera est assez compliquée. J’avais commencé la lecture des Larmes Rouges dont tout le monde me vantait le contenu mais j’ai rapidement abandonné, agacée par l’héroïne. J’ai ensuite enchaîné avec Victorian Fantasy, un roman à l’univers superbe totalement gâché par une romance qui empêchait de l’exploiter correctement. L’autrice n’est pas dénuée de talent mais il est clair pour moi que je ne suis pas du tout son public cible. Quand son roman a été sélectionné parmi les finalistes du PLIB, j’ai grimacé, je dois l’admettre, pensant tenir un abandon potentiel. Pourtant, ça a au final été une agréable surprise malgré quelques défauts évidents.

De quoi ça parle ?
Céphise a 17 ans et rêve de se venger après la mort de ses parents, exécutés par l’Ombre – le bourreau d’Orion, l’Empereur-Dieu. Verlaine, lui, est le fils caché d’Orion et endosse un rôle lourd à porter pour ses épaules à demi-humaines. Ils vivent tous les deux à Cendrelune, royaume où les humains sont soumis aux Dieux et où leurs pensées sont épiées.

Un univers dystopique original.
Le roman prend place dans le royaume de Cendrelune, après une guerre qui a opposé les humains et menaçait de les détruire totalement, au point de mener à l’intervention des Dieux. Cette partie de l’histoire est encore assez floue, je le précise parce qu’on n’a pas de véritable certitude et je pense que cette genèse sera éclairée dans les tomes suivants. Ce royaume est dirigé par Orion, père des Dieux, une divinité capable (entre autre) de lire dans les esprits de ses sujets pour y trouver toute pensée séditieuse si bien qu’il produit chaque semaine une liste de ceux à exécuter afin de préserver la paix. L’autrice installe ainsi un climat de terreur efficace, d’autant que le roman s’ouvre sur l’arrestation des parents de Céphise et l’engagement forcé de son petit frère dans l’armée impériale.

Les dieux n’ont aucune réelle considération pour les humains et éprouvent le plus souvent du mépris pour eux. Ceux-ci travaillent dans des métiers pénibles pour des salaires de misère. La pauvreté règne mais tout crime commis peut valoir au criminel le statut de Rapiécié. Comme son nom le laisse sous-entendre, le criminel est condamné à perdre un membre ou plus (en fonction de la gravité de son acte), membre remplacé par un autre en métal, métal qui intensifie le contact mental avec Orion et permet une surveillance plus accrue. Comme vous vous en doutez, les Rapiéciés subissent rejet et discrimination pour leur condition.

Au sein de ce monde dystopique, la nature n’existe plus et les habitants ignorent même ce qu’est un animal, de l’herbe ou une pomme. Tout est synthétique, métallique, artificiel, aussi glacial que la pression subie au quotidien par les humains. Ce cadre angoissant est bien dépeint par l’autrice, je n’ai eu aucun mal à rentrer dedans et à trouver l’univers crédible.

Je précise à ce stade que je lis assez peu de dystopie car je n’apprécie pas spécialement ce genre littéraire. Du coup, pour moi, selon mes connaissances et mes goûts, cet univers est original mais j’ai lu à quelques reprises que certains le trouvaient classiques donc je préfère le préciser.

Un mélange des narrations qui induit quelques redondances.
Le roman se focalise sur deux personnages principal : Céphise et Verlaine dont les parties sont rédigées à la première personne. Toutefois, on retrouve également quelques chapitres du point de vue de deux autres personnages dont on suppose une importance à venir dans l’histoire : Proserpine et Lorien. Leurs chapitres à eux sont écrits à la troisième personne, choix que je questionne. Peut-être une volonté de distancier le « couple principal » des autres protagonistes ? C’est quand même assez dommage d’autant que le style de Georgia Caldera ne change pas du tout en fonction du personnage à qui elle donne la parole. Quel intérêt, du coup, d’opter pour une narration de ce type ? Je peux comprendre un choix comme celui-là quand l’autrice s’adapte à la psychologie et au parlé de son protagoniste sauf que ce n’est pas le cas ici, ce que je déplore vu que Céphise est une fille du peuple sans réelle éducation hormis pour son art musical. Difficile de concevoir qu’elle s’exprime comme un demi-dieu… Idem pour Lorien, un gamin de dix ans à peine, qui parle comme un adulte cultivé.

Céphise est une jeune fille de dix-sept ans qui n’a pas été épargnée par la vie. Au début de son adolescence, elle a vu ses parents se faire exécuter et a perdu un bras ainsi qu’une jambe en punition de leurs pensées séditieuses. Elle suit des cours à l’Académie des Arts, les Arts ayant une grande importance aux yeux des Dieux et son talent lui sauvera la vie. C’est du coup une personne pleine de haine, de ressentiments, qui s’est jurée d’éliminer Orion. En théorie, pour des pensées comme celles-là, elle aurait du mourir sauf qu’elle reste impunie sans savoir pour quelle raison. Rassurez-vous, on l’apprend au fil du roman.

Verlaine est un demi-dieu, onzième fils d’Orion, progéniture cachée car contre-nature (pas question de se mélanger avec les humains !). Doté un immense pouvoir utile à son père, il est son exécuteur des basses œuvres et souffre énormément au quotidien sur un plan moral. Il se questionne sans arrêt, n’a aucune estime pour lui-même, subit le rejet de la part des autres enfants de son père… Bref c’est un personnage torturé mais assez crédible dans ses tourments, du moins jusqu’à ce qu’il rencontre Céphise. À partir de là, ça vire un peu nœud-nœud mais je vais y revenir.

Proserpine est une humaine, du moins on l’imagine même si elle est douée d’un pouvoir lui permettant de voir le futur ainsi que son évolution en fonction des actions de chacun. Elle est enfermée d’une façon assez odieuse par Orion qui, on l’apprend vers la fin quoi qu’on le devine si on a deux neurones connectés, se sert d’elle pour un dessein plus grand.

Enfin, Lorien est un enfant du peuple, orphelin abandonné qui se retrouve entrainé dans un début de révolte et sera puni pour cela. Les chapitres de son point de vue permettent de donner une dimension supplémentaire au texte qui est plutôt bienvenue ainsi que de garder un œil sur ce qui se fait en dehors du Palais à partir du moment où Céphise y est infiltrée.

Ces personnages sont parvenus à m’intéresser bien que Céphise et Lorien moins que les autres. J’ai tout de même apprécié les efforts de nuance de la part de l’autrice qui construit des protagonistes en souffrance assez crédibles (hormis pour Céphise encore une fois mais je crois que je n’accrocherais jamais aux héroïnes féminines de Georgia Caldera) Tout n’est pas blanc ni noir et il y a clairement un aspect malsain dans les relations, surtout dans celle entretenue par Céphise et Verlaine. Parce que, bien entendu, une relation se créé. Céphise le hait pour la mort de ses parents et lui la rencontre par le plus grand des hasards en découvrant que « quelque chose » les lie, quelque chose de surnaturel qui sent le deus ex machina au sens propre du terme. Vous me direz, dans un roman avec des Dieux, on peut à la rigueur l’excuser sauf que… À voir le développement dans les tomes suivants. Je ne sais pas trop quoi en penser. Pendant ma lecture, cela ne m’a pas dérangé toutefois en réfléchissant après coup, j’ai quand même grimacé. On ne peut d’ailleurs pas, selon moi, parler de romance à ce stade et je me demande même pour quelle raison il est classé dans la collection « J’ai lu pour elle ».

Je dois aussi avouer avoir passé quelques pages parce que le roman souffre de répétitions à cause justement des choix narratifs de Georgia Caldera. À chaque fois que l’autrice change de point de vue, elle remonte un peu en arrière pour donner l’impression du personnage concerné sur les évènements qui viennent de se dérouler et ce de manière systématique. Du coup on a chaque fois quatre ou cinq pages (format epub) de redondances diverses et variées qui n’apportent rien en plus de prendre le lecteur par la main. Dommage !

Une intrigue classique mais intéressante.
Dans ce premier tome, Georgia Caldera s’inspire de la traditionnelle quête de vengeance d’une adolescente malmenée par la vie dans un univers dystopique maîtrisé. On sent venir certains rebondissements toutefois je ne me suis pas ennuyée un seul instant, curieuse de découvrir jusqu’où l’autrice irait avec son concept et ses protagonistes. Comme je l’ai dit, le jardin des âmes est un premier volume, il pose des bases qu’il sera nécessaire d’approfondir par la suite et se termine sur un gigantesque cliffhanger qui laisse le lecteur sur sa faim. Si vous pensez être le public cible et apprécier ce roman, je ne peux que vous conseiller d’acheter les deux premiers tomes d’un coup parce que couper à cet endroit-là… C’est cruel et vraiment limite parce que ça m’a personnellement donné l’impression d’avoir seulement la moitié d’un roman entre les mains. Je sais qu’il faut bien choisir un endroit où couper dans les sagas mais bon… Bref, c’est mon sentiment personnel.

La conclusion de l’ombre :
Le jardin des âmes est le premier tome d’une saga dystopique prometteuse où Georgia Caldera met en scène des personnages torturés par la vie sous l’égide de Dieux assez cruels. Malgré son classement dans une collection romance, je ne trouve pas que ce roman soit à mettre en premier lieu dans ce genre littéraire et cela peut induire des lecteurs en erreur -comme ça a été mon cas. Pour ma part ça a été une plutôt bonne surprise au final puisque je n’apprécie pas la romance mais cela rebutera peut-être justement les personnes en quête d’une histoire collant aux codes de ce genre littéraire. Malgré quelques redondances et défauts de style, j’ai passé un agréable moment en compagnie de Céphise et Verlaine et je suis contente d’avoir finalement lu ce roman pour le PLIB car je ne l’aurais jamais ouvert autrement.

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#PLIB2020 Magic Charly #1 l’apprenti – Audrey Alwett

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L’apprenti
est le premier tome de la saga Magic Charly écrit par l’autrice française Audrey Alwett. Publié chez Gallimard Jeunesse, vous trouverez ce roman au prix de 16.5 euros dans toutes les librairies.

Charly a quatorze ans, possède un chat susceptible appelé Mandrin et est le fils de la directrice de son école. Il est aussi le petit-fils de Dame Mélisse, célèbre dans la société des magiciers pour sa puissance et ses pâtisseries. Sa grand-mère réapparait subitement dans sa vie au bout de cinq ans, amnésique, physiquement diminuée, les affres de la vieillesses lui dit-on… Ou peut-être pas. À l’aide d’un message dans un miroir, Charly apprend que la magie existe et que pour sauver sa grand-mère, il va devoir devenir apprenti magicier.

J’ai lu deux chroniques élogieuses au sujet de Magic Charly et elles m’ont donné envie de me le procurer immédiatement. J’avais déjà les Poisons de Katharz (de la même autrice) dans ma PàL mais sans l’avoir lu à ce moment-là. Pas grave, je sentais que ce livre allait me plaire et… J’avais raison. Mille fois raisons ! Pourtant, hormis le talent de l’autrice, ils n’ont pas grand chose en commun.

L’intrigue commence sur les chapeaux de roue. En moins de trois chapitres l’action s’installe et le lecteur suit Charly dans sa découverte de l’univers des magiciers. Comme à son habitude, l’autrice ne manque pas d’idées ni d’originalité et si certains relèveront une double inspiration (Rowling – Pratchett) je trouve plutôt qu’Audrey Alwett imprime une french touch délicieuse sur l’ensemble de son œuvre, afin de lui donner une vraie personnalité. Mention spéciale à Pépouze la serpillère, d’ailleurs. Au menu: des balais volants qui se transforment en buissons, des grimoires mystérieux, des dragons pétrifiés, des allégories, des pâtisseries magiques… Surtout des pâtisseries. Franchement, lire ce roman m’a ouvert l’appétit et j’espère qu’on aura droit à des recettes plus précises tirées de Gourmandise ! Juste pour le plaisir de cuisiner de bonnes tartes (et si y’a un truc pour que la partie magique de la recette fonctionne, je suis preneuse).

Charly est un personnage attachant que j’ai adoré suivre. Pour ses quatorze ans, il est plutôt grand et imposant physiquement mais ça ne reflète pas son caractère doux et pacifique. On sent que c’est un adolescent qui a un bon fond même s’il est aisément victime de préjugés. Depuis un accident survenu cinq ans plus tôt dont il ne garde pas de souvenir conscient, il a tendance à contrôler ses émotions, peut-être plus qu’il ne le devrait. C’est un garçon aimable, souriant, très résilient et empathique. Je l’ai trouvé profondément humain, c’est une belle réussite et les autres protagonistes ne sont pas en reste. June est une vraie tempête qui enchaîne les bêtises en espérant décevoir ses parents. Sapotille parait d’abord comme un stéréotype avant de gagner en profondeur. Maître Lin n’est pas vraiment le mentor de l’année (j’ai adoré son obsession pour ses cheveux) quant la mère de Charly, elle a un caractère excentrique très amusant. La galerie des protagonistes, riche et variée, m’a ravie. Je ne parle volontairement pas de Dame Mélisse pour ne rien vous gâcher.

Côté univers, cette société des magiciers n’a rien d’idéale. La milice abuse de ses pouvoirs et favorise très clairement la jeunesse de Thadam au mépris des gens comme Charly. À savoir que si on perd les trois étoiles de son sablier qui rationne la magie, on est envoyé à Saint-Fouettard ! Un nom qui suffit à terroriser tous les personnages du livre et qui pose du coup beaucoup de questions (réponses à venir dans le tome suivant j’imagine). La lutte entamée par la grand-mère de Charly prend petit à petit tout son sens, Audrey Alwett en profite pour passer de beaux messages de justice et de tolérance. En lisant un article sur son blog consacré à ce roman, j’ai appris qu’elle en avait eu l’idée en voyant des personnes proches perdre petit à petit leurs souvenirs, suite à une maladie. En y réfléchissant, Magic Charly est aussi (et surtout) un roman familial basé sur l’idée de transmission de l’héritage. Et de transmission tout court, d’ailleurs. Pour avoir eu une grand-mère dans un cas semblable (même si j’étais plus jeune que Charly à l’époque) ça m’a durablement marquée et j’ai donc été particulièrement touchée par ce roman d’Audrey Alwett.

Les pages se tournent toutes seules. Quatre cents feuillets de pur bonheur au terme desquels on n’a qu’une envie: réclamer la suite de toute urgence ! Elle travaille déjà dessus, je croise donc les doigts pour ne pas attendre trop longtemps même si, finalement, Magic Charly est sorti seulement en juin 2019. En parlant de l’objet-livre, d’ailleurs… Je le trouve particulièrement soigné et magnifique à hauteur du contenu. Le titre en relief, les différents éléments graphiques représentatifs de l’univers… Regardez cette couverture attentivement avant puis après votre lecture, c’est bluffant de voir un artiste respecter à ce point le travail de l’autrice. Quant à l’intérieur, chaque chapitre se surmonte d’un petit dessin lié aux évènements à venir, de façon propre et soignée. Le tout sur un papier de bonne qualité. Chapeau à l’éditeur !

Vous l’aurez compris, j’ai eu un coup de cœur pour Magic Charly qui n’est pas uniquement destiné à un public adolescent. Il marche dignement sur les traces de Harry Potter (tout en affichant une personnalité bien à lui) en proposant un univers crédible, riche et excentrique avec de bonnes idées (vive les apocachips et les serpillères !). La touche de noirceur et de danger apporte un bel équilibre au sein d’une intrigue qui promet d’encore s’assombrir vu les dernières pages. Pour ne rien gâcher, le roman dispose de plusieurs niveaux de lecture et conviendra à un large public. Le lecteur s’accroche immédiatement au personnage de Charly et ne rêve que d’une publication rapide pour un tome deux. Je n’ai donc plus que quatre mots à dire : Bien vite la suite ! ♥

Gigant #1 – Oku Hiroya

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Gigant est un seinen de science-fiction actuellement en cours (4 tomes sont déjà parus au Japon) scénarisé et dessiné par Oku Hiroya qu’on connait notamment pour son travail sur Gantz. Édité chez Ki-oon, vous trouverez ce manga au prix de 7.90 euros.

Rei est un lycéen ordinaire fan de cinéma. Il ne l’avouera pas mais son actrice préférée n’est autre que Papico, une actrice porno. Un soir, des affiches injurieuses à l’encontre de son idole fleurissent dans son quartier. Rei décide donc de les retirer et c’est comme ça qu’il la rencontre. Ça aurait pu s’arrêter là… Sauf que Papico tombe sur un vieil homme qui lui colle un drôle de disque sur le bras avant de se transformer en peluche. Désormais, elle est capable de changer sa taille à volonté ! On pourrait craindre un délire pervers digne d’un hentaï mais non. Et c’est ce qui m’a séduite dans ce titre. Rien n’y est comme on le penserait au premier abord.

Rei est passionné par le cinéma. C’est un lycéen discret, pas populaire mais pas marginal non plus. Il discute énormément avec son ami, ils ont prévu de tourner un film ensemble mais se font planter par le premier rôle qui subit les humeurs d’un copain jaloux. Un peu comme Papico, c’est un motif récurent dans le manga et j’apprécie qu’on en parle. Cette dernière a une relation vraiment toxique avec son mec qui m’a plus d’une fois révoltée. J’ai eu envie de la secouer jusqu’à comprendre à quel point cette fille est vraiment trop gentille. Elle se fait juger par tout le monde et exploiter pour son argent mais elle reste digne sans se plaindre. Elle a un bon fond. L’un comme l’autre se révèlent comme héros inhabituels, surtout dans un manga.

La vie de Papico bascule quand elle tombe sur un vieil excentrique qui se fait renverser devant ses yeux. Il lui colle sur le poignet une sorte de disque métallique qui lui permet de modifier sa taille à volonté -d’où le titre du manga qui n’a donc rien en commun avec la grosseur de sa poitrine même si cette dernière est évidemment particulièrement volumineuse. Je pense que le mangaka a choisi de prendre le contrepied des habitudes. Il assume que son héroïne ait des gros seins, elle les utilise dans son métier d’actrice porno mais ça ne la défini pas en tant que personne.Un autre bon point.

À partir du moment où son pouvoir se révèle, le manga prend une tournure carrément surnaturelle. L’éditeur parle de SF et on comprend par certaines touches, notamment via le DVD, que ce manga nous réserve encore bien des surprises.

Le chara-design est, quant à lui, dans la veine assez réaliste sur les traits des personnages et sur les décors au point que j’en viens à me demander si on n’a pas dessiné par-dessus des photos. En général, ce n’est pas ce que j’apprécie mais ici, ça passe super bien et ça rend les personnages encore plus attachants. J’ai adoré le duo principal, on ressent une vraie alchimie entre eux qui donne envie de tourner les pages sans s’arrêter.

Pour résumer, ce premier tome pose les bases d’un concept surprenant avec un contexte inhabituel. Une actrice porno en héroïne avec son fan en prime, on pourrait craindre un hentai déguisé mais ce n’est pas du tout le cas, au contraire. J’ai trouvé le fond vraiment bien pensé et dense, on sent que les choix narratifs servent à quelque chose et ça a été une belle surprise. Je me réjouis de la sortie du second tome !

Fingus Malister, Feux follets, mandragore et cadavre frais – Ariel Holzl

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Fingus Malister, Feux follets, mandragores et cadavre frais
est le premier tome d’une saga jeunesse écrite par l’auteur français Ariel Holzl. À paraître chez Rageot pour le 2 octobre, vous trouverez ce roman au prix de 12.5 euros dans toutes les bonnes librairies !
Je remercie les Éditions Rageot et NetGalley pour ce service presse.
Ceci est ma vingtième lecture dans le cadre du challenge S4F3s5 organisé par l’ami Lutin !

Fingus Malister est un seigneur maléfique en herbe qui désire entrer à l’académie de magie pour étudier la nécromancie. Pour ça, il doit éblouir le jury et quoi de mieux qu’une potion capable de ramener les morts à la vie? Le problème, c’est qu’il a besoin d’ingrédients spécifiques et de l’aide de Polly, sa seule ami, afin d’affronter les obstacles qui se dresseront sur sa route.

J’ai lu ce texte d’une traite dans le train pour un salon, ça m’a pris un peu moins de deux heures. On reconnait immédiatement la plume efficace d’Ariel Holzl avec son humour noir d’une rare finesse et ses jeux de mots ravageurs. Difficile de reposer ce roman quand on le commence alors méfiez-vous !

Dans le village de Bedlam, les Malister n’ont pas bonne réputation. D’ailleurs, une foule en colère a brûlé leur château quand Fingus était encore un bébé, si bien qu’il a été élevé par une femme un peu folle décédée trois ans auparavant. Depuis, il se débrouille tout seul dans une vieille maison avec un kraken qui ravage sa cave. Fingus n’a que douze ans et il subit l’exclusion de la part de ses concitoyens, hormis la famille de Polly qui l’accueille toujours à bras ouverts. Je n’ai pas pu m’empêcher de compatir même si Fingus n’a pas vraiment bon caractère. Quand on y pense, sa situation est horrible ! J’apprécie beaucoup le fait qu’il y ait plusieurs niveaux de lecture, autant pour les plus jeunes qui ne tiqueront pas forcément sur tout que pour les lecteurs plus vieux. Une belle réussite et des questionnements intéressants qui se posent sur l’hérédité, le harcèlement, le rejet de l’inconnu.

Ariel Holzl propose une nouvelle galerie de personnages intrigants comme Polly, l’amie sorcière de Fingus, n’aime pas utiliser sa magie et rechigne toujours à s’exécuter, ce qui lui vaut les moqueries du jeune Malister. Il est assez cruel avec elle, difficile de savoir s’il l’apprécie vraiment ou si elle n’est pour lui qu’un sous-fifre, comme expliqué dans son manuel. Pour un futur seigneur du mal, on ne peut pas dire que Fingus soit bien équipé : un vieux libre à moitié brûlé, le crâne de son défunt grand-père à qui il parle tout le temps et un chapeau sans fond.

Parviendra-t-il à rassembler tous les ingrédients nécessaires à la préparation de sa potion ? C’est le fil conducteur du récit qui consiste en une quête assez classique et à sa résolution. Ça reste un roman jeunesse, après tout. Le dernier chapitre indique clairement une suite à venir et c’est appréciable car plusieurs questions restent en suspend et le retournement de situation final s’est révélé inattendu. J’aurai quand même aimé que ça soit annoncé de façon claire dans le titre, je sais que c’est le genre de surprise qui déplait à certains lecteurs.

Pour résumer, Fingus Malister est certes un roman jeunesse mais qui séduira les petits comme les grands grâce à ses différents niveaux de lecture. Avec le style qu’on lui connait, Ariel Holzl propose l’histoire d’un seigneur du mal en herbe qui a peut-être un bon fond… Ou peut-être pas. Ce texte dynamique, drôle et intelligent se lit d’une traite et on a qu’une hâte: découvrir la suite ! Une grande réussite que je recommande chaudement.

L’espace d’un an – Becky Chambers

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L’espace d’un an
est le premier tome de la série Voyageur écrit par l’autrice américaine Becky Chambers. Publié chez l’Atalante dans sa collection La Dentelle du Cygne, vous trouverez ce roman au prix de 23.90 euros partout en librairie.
Je remercie Emma et les Éditions l’Atalante pour ce service presse !

Le Voyageur est un vaisseau tunnelier, c’est à dire qu’il creuse l’espace pour créer des passages entre différentes galaxies. Rosemary vient d’être engagée comme greffière à son bord et semble fuir un lourd passé. Dans une narration à différents points de vue, Becky Chambers nous raconte le voyage d’un an effectué par le Voyageur pour rejoindre une lointaine planète torémi qui doit être reliée au reste de l’Union Galactique suite à des accords diplomatiques qui ne font pas franchement l’unanimité.

Je ne savais pas précisément à quoi m’attendre avec ce roman. En général, quand je lis de la SF, j’espère des batailles spatiales, du militaire, de gros enjeux scientifiques. Comme je débute dans ce genre, je me réfère beaucoup à ce que je connais : Scalzi, Weber… Il n’y a pas grand chose de tout cela au sein de l’Espace d’un an et pourtant, j’ai vraiment apprécié ce texte.

Becky Chambers prend le parti d’une SF orientée sur les sentiments, les émotions, la famille que constitue le Voyageur. Sur le social, devrais-je dire, et sur tout l’aspect anthropologique / xénologique. Ainsi, les personnages et leurs cultures sont la grande force du récit. L’autrice les présente les uns après les autres, via des scènes clés et chaque en-tête de chapitre permet de suivre la date où se déroulent ces moments quotidiens, parfois séparés de longues périodes à vide.

Le lecteur rencontre d’abord Rosemary et c’est une entrée en matière qui m’a un peu refroidie car au premier abord, elle me paraissait très clichée, peu intéressante. Une humaine qui fuit sa planète natale (Mars) sans jamais trop en révéler… Ce qui est arrivé est tellement horrible, blablabla. Je roulais des yeux. Puis sont arrivés les autres. Le capitaine Ashby Santoro, un humain exodien droit dans ses bottes qui essaie de jongler avec ses différentes casquettes et la relation secrète qu’il entretient avec une autre capitaine d’une race différente de la sienne. Sissix, la pilote reptilienne appartenant à la race aandrisk qui a une culture et des mœurs très éloignés de ce qu’on croise habituellement au coin de la rue. Jenks, le technicien de petite taille et étrangement formé qui est amoureux de Lovey, l’IA dotée d’une personnalité qui gère le vaisseau. Le Docteur Miam, l’un des derniers représentants d’une race en voie de disparition qui apporte son lot de sagesse. Ohan, infecté par un virus qui fait de lui une paire sianate et lui permet de percevoir l’imperceptible dans l’espace. Kizzy, l’autre technicienne totalement excentrique qui n’aurait pas cloché dans Borderlands. Corbin, le misanthrope qui s’occupe des algues (et donc du carburant) du vaisseau, un spéciste franchement désagréable à qui on collerait bien une claque ou deux.

Ce panel de personnage permet d’une part de développer plusieurs cultures intéressantes et d’autre part d’exploiter des thématiques vraiment importantes qui cassent nos habitudes anthropocentristes. Quand Rosemary rencontre l’équipage pour la première fois, elle essaie de comprendre les mœurs aliens avec ses propres valeurs et doit se rappeler sans arrêt que ça n’a pas de sens. Comme Becky Chambers multiplie les points de vue, ça permet aussi d’être dans la tête des aliens comme Sissix qui a du mal avec les habitudes des humains, qu’elle trouve prise de tête. D’ailleurs, dans une discussion qu’elle a avec le Docteur Miam, elle dit une phrase qui m’a fait sourire: si seulement ils pouvaient être NORMAUX ! Ça nous fait grandement relativiser le concept de normalité et j’ai adoré ce bousculement dans mes habitudes.

L’univers en lui-même m’a paru bien construit et crédible. Becky Chambers donne un certain nombre d’informations pertinentes sans trop noyer le lecteur (même s’il y a des longueurs) et utilise certaines astuces comme des échanges de mail ou des recherches effectuées par Rosemary. Hélas… Tout cela a beau créer un roman riche, il est aussi assez lent. Les trois premiers quarts du roman sont consacrés à la vie quotidienne de l’équipage et s’il y a parfois un peu d’action, elle disparait vite au profit des conséquences psychologiques sur chacun d’eux et des intrigues privées de l’un ou l’autre. Cela plaira aux lecteurs qui aiment quand le récit se met tranquillement en place mais L’espace d’un an est très clairement un tome introductif, voué à poser les bases, initier le lecteur pour la suite que j’imagine plus intense en action. C’est seulement sur le dernier quart que survient un évènement violent mais il ne dure finalement pas si longtemps que ça. Ses conséquences, par contre…

Malgré cette lenteur, j’ai vraiment aimé ma lecture et le soin apporté par l’autrice, par exemple, à l’utilisation de pronoms comme iel pour désigner les espèces asexuées ou le pluriel pour la paire sianate (ce qui donne de drôles de phrase !) vu qu’ils sont deux dans un seul corps. Tout, dans ce livre, jusqu’à la forme du récit, passe un message de respect des différences et de tolérance qui ne peut qu’avoir un gros écho dans notre société actuelle.

Pour résumer, l’Espace d’un an est un très bon livre que je conseille plutôt à des débutants en SF (ce que je suis !). Becky Chambers propose de peindre le portrait d’une famille de cœur à bord du vaisseau tunnelier Voyageur. Son roman, très orienté sur la psychologie et la découverte de son univers, est clairement un tome d’introduction qui souffre d’un rythme assez lent sur la majorité du titre car il prend pas mal le lecteur par la main en enchainant les scènes d’exposition afin de détailler les particularités socio-culturelles de chacun. Il doit très clairement être lu dans l’optique de continuer la saga et en acceptant son statut introductif. L’autrice réussit très bien ses personnages auxquels on s’attache et pour qui on se passionne. Elle a créé un univers crédible (selon moi) et intéressant au sujet duquel j’ai très envie d’en apprendre davantage. Je vais donc continuer avec plaisir la saga Voyageur que je recommande pour débuter dans le genre.

La malédiction de Loki #1 – Hachi

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La malédiction de Loki est une série d’aventure fantastique en cours de parution, scénarisée et dessinée par Hachi dont ça semble être le premier manga. Édité chez Delcourt-Tonkam, vous trouverez chaque tome au prix de 7.99 euros. Actuellement, cinq volumes sont édités au Japon et la série est toujours en cours.

Vous le savez, je vous parle souvent des premiers tomes prometteurs que je lis et septembre rime avec rentrée littéraire, aussi bien chez les éditeurs romans que les éditeurs mangas. C’est donc avec plaisir que j’ai découvert la Malédiction de Loki et je ne vais pas y aller par quatre chemins, c’est un coup de cœur. J’en profite pour préciser qu’il n’y a pas de lien flagrant avec la mythologie nordique, du moins pas à ma connaissance. Il ne s’agit pas du tout ici d’une aventure mettant en scène le dieu Loki donc ne soyez pas déçus si c’est ce que vous attendiez !

Aisya est une jeune orpheline au macabre talent. Quand elle peint avec son propre sang, ses œuvres prennent vie ! Si Aisya a de bonnes intentions et tente d’aider les gens, elle finira enfermée, exploitée et ses peintures seront baptisées « les peintures maudites de la sorcière ». Comprenant à quel point l’humain est sombre, Aisya supplie alors Loki, son unique ami, de détruire les 144 tableaux…

Le premier élément très touchant de ce manga, c’est le personnage d’Aisya et sa relation avec Loki. Je n’avais plus eu un tel pincement au cœur depuis longtemps. Celle qu’on surnomme la sorcière est innocente, douce et un peu naïve. Son histoire se révèle tragique et touchante, impossible de rester de marbre face à une telle pureté. Loki incarne quant à lui un anti-héros dont on ne peut que soutenir la quête. On se rend rapidement compte qu’il est lui aussi un tableau, un dessin créé par Aisya pour avoir un ami, qui a pris vie pour réaliser l’ultime vœu  de la sorcière. Il déteste les humains, est assez taciturne et renfermé. Il a rejoint une guilde pour traquer les tableaux avec plus de facilités. La seconde partie du manga se déroule d’ailleurs une centaine d’années plus tard, toujours de son point de vue.

J’ai trouvé ce premier tome bien équilibré et rondement mené. Les informations sont correctement distillées pour répondre aux questions mais sans abrutir le lecteur. Du coup, j’ai eu tout le loisir de m’attacher aux personnages, d’admirer les décors et le souci du détail d’Hachi. On est de suite touché par ce qui se passe et chaque phase de la traque des tableaux apporte son lot d’émotions. Le retournement de situation qui conclut ce tome est double et donne envie d’en apprendre plus. Ça brûle littéralement les doigts ! Je vous conseille donc de vous lancer en achetant les deux premiers volumes, que l’éditeur a eu la bonne idée de commercialiser en même temps.

Le dessin est très soigné et maîtrisé, plutôt classique au sens usuel du terme mais ça me plaît et les personnages sont très bien caractérisés. Impossible de se tromper ou de confondre deux personnages secondaires, ce qui est appréciable parce que ça arrive malheureusement trop souvent. On sent qu’Hachi a pris soin de chaque détail.

Pour résumer en quelques mots, la Malédiction de Loki est un manga très prometteur porté par une intrigue intelligente et des personnages touchants. Pour ne rien gâcher, le dessin soigné d’Hachi offre un premier tome de qualité. Il me tarde de lire la suite !