Voilà bien des mois que ce roman patiente dans ma PàL et que je le gardais pour une urgence, un besoin de lire quelque chose de très bon avec certitude. Pas de chance, la magie n’a pas opéré même si, en fait, ce texte est plutôt bon dans son genre. Il ne correspond malheureusement plus à ce que j’aime lire et le nom / le talent de l’autrice n’y aura rien changé – au contraire de ce que j’espérais.
Thomas le Rimeur est la réécriture d’une ancienne ballade écossaise qui raconte comment le barde Thomas s’est retrouvé enlevé par la Reine des Elfes et a passé sept années dans son royaume avant de revenir parmi les mortels. Ellen Kushner se réapproprie l’histoire en la divisant en quatre parties, chacune racontée par un personnage différent : d’abord Gavin, le paysan qui offre son hospitalité au barde. On apprend ainsi à connaître Thomas par le prisme de son regard et de ses considérations très terre à terre. La dynamique qui s’installe entre Gavin, sa femme Meg et Thomas est vraiment plaisante car on voit se former une famille de substitution. Thomas fait des aller-et-venues entre cette campagne profonde et les grandes villes, il revient chez ces gens simples pour se ressourcer et j’ai vraiment apprécié toute cette mise en place habile qui dure quand même une centaine de pages. Il faut tout ce temps pour voir apparaître la fameuse Reine des Elfes…
C’est l’occasion pour la narration de changer et de passer du point de vue de Thomas qui va décrire par le menu les merveilles du monde elfique (ce qui est profondément… ennuyeux en fait parce que Thomas est un homme que je trouve désagréable et pour lequel je n’ai aucune empathie). L’histoire le quitte quand il revient dans le monde des humains et que ses pas le mènent naturellement chez Gavin sauf que cette fois, c’est Meg qui raconte, témoin féminin pour avoir un autre point de vue sur la relation entre Thomas et Elspeth, interrompue brutalement par son « enlèvement » sept ans plus tôt. Thomas revient changé et le monde a continué à tourner sans lui… Il doit donc réapprendre les bases et surtout, le mensonge car la Reine des Elfes lui a offert un dernier cadeau : celui de voir l’avenir et de ne pas pouvoir mentir quand on lui pose une question. Cela ne facilite pas la vie… C’est ensuite Elspeth qui clôture le bal pour conter les derniers jours du Rimeur.
Ce qui me marquera le plus dans ce roman, c’est la musicalité du texte et le jeu avec la langue. Je ne peux que saluer bien bas le travail de la traductrice, Béatrice Vierne, qui a dû s’arracher les cheveux pour réussir à rendre dans notre langue ce style incroyable. Non seulement les textes composés par Thomas sont très beaux mais le niveau / le style de langage s’adapte aussi au personnage qui parle puisque la narration est toujours à la première personne, ce qui contribue à les rendre vivaces, crédibles.
Malheureusement, si le texte commençait très bien avec Gavin comme narrateur, il est devenu lassant en passant à Thomas (j’ai fini par lire sa partie en diagonale) avant de redevenir intéressant avec Meg pour redevenir lassant avec Elspeth… En effet, le personnage de Thomas a une aura particulière : beau parleur, doué pour les rimes et les mots, on ne sait pas exactement quand il affabule ou quand il dit la vérité. J’aurais aimé que le doute persiste au lieu d’avoir le détail de son voyage chez les Elfes car être plongée dans sa psyché n’était pas vraiment plaisant. Il y a quelques années, sa personnalité m’aurait probablement séduite mais plus aujourd’hui.
Pourtant, j’ai quand même eu envie d’aller au bout. Sans doute parce qu’Ellen Kushner est une de mes autrices favorites. Malheureusement, Thomas le Rimeur n’a pas l’envergure des Trémontaines et j’en suis la première navrée. Si vous aimez le merveilleux et la mythologie celtique, je vous encourage toutefois à vous tourner vers ce roman parce qu’il a tout pour vous plaire.
La conclusion de l’ombre :
Thomas le Rimeur est la réécriture d’une légende écossaise qui raconte comment le barde Thomas a succombé aux charmes de la Reine des Elfes et a ensuite passé sept ans dans son pays. Divisé en quatre parties, le roman montre différents points de vue, dont celui de Thomas ce qui gache malheureusement l’aura du personnage. Si la langue et la musicalité du texte sont d’une exceptionnelle qualité, je n’ai pas réussi à l’apprécier sur un plan personnel car ce n’est simplement plus ce qui me parle et j’en suis la première attristée. Quoi qu’il en soit, ce texte se destine aux lecteur·ices·x qui aiment les légendes celtiques et qui cherchent une plume enchanteresse.
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