Temps mort est un roman one-shot d’urban fantasy destiné à un public 13+ écrit par l’auteur français Ariel Holzl. Publié par Slalom, vous trouverez ce texte partout en librairie au prix de 15.95 euros.
De quoi ça parle ?
Léo, dix-sept ans, arrive à Paris après la mort de ses parents pour être pris en charge par son oncle Théobald. L’homme vit claquemuré dans un étrange manoir et semble lié à un univers alternatif, le Périmonde, sorte de négatif de la ville de Paris. Léo s’y retrouve embarqué pour essayer de sauver la seule famille qu’il lui reste.
De l’urban fantasy classique à la sauce Ariel Holzl.
Soyons clairs : Ariel Holzl ne réinvente pas ici le genre de l’urban fantasy. Vous me direz, on ne le lui demande pas et vous avez totalement raison ! Ce que je veux dire par là, c’est qu’on retrouvera des éléments classiques de ce genre littéraire comme un monde alternatif (le Périmonde), des créatures issues du bestiaire des ombres (spectres, vampires, liches, goules), un adolescent précipité dans ce monde où il aura la chance d’avoir quelqu’un pour le guider (c’est pratique ces gens altruistes (ou pas) !), des puissants qui semblent porter une attention injustifiée à cet adolescent susmentionné, bref vous voyez le tableau. Toutefois, Temps Mort possède cette « patte holzlienne » qui lui permet de se distinguer.
Ce que j’entends par là c’est que j’ai retrouvé dans ce roman ce que j’aime chez l’auteur : cette ambiance grand-guignolesque à l’esthétique résolument 19e siècle, cet excentrisme assumé qui me donne presque l’impression de lire un manga, que ce soit par la façon dont les personnages se présentent ou la manière dont ils s’affrontent. Ce n’est certes pas sa production la plus inspirée en terme de création d’univers mais le roman reste plaisant.
Quelques éléments de contexte :
Il existe un Paris alternatif appelé Périmonde, qui est une version en négatif de la capitale française. Une cinquantaine d’individus immortels y (sur)vivent, des individus appelés les ichorides parce qu’ils dévorent l’ichore (l’âme, l’essence) des personnes qui meurent dans le Paris d’En-Haut. Ces ichorides sont répartis en quatre maisons : Léthé pour les liches qui façonnent les os, Cocyte pour les goules qui façonnent la chair, Achéron pour les vampires qui corrompent le sang et enfin Styx pour les spectres liés à l’âme. Chaque maison est dirigée par un dynaste, généralement l’ichoride le plus ancien et / ou le plus puissant. Mourir dans le Périmonde n’est pas très grave car à chaque fin de cycle, le Glas sonne et le Périmonde est en quelque sorte réinitialisé, ce qui permet aux personnes décédées de revenir comme avant, si toutefois personne n’a volé leur précieux ichor. Il existe bien entendu des lois pour empêcher cela mais c’est bien l’une des seules règles de cet univers où la quasi absence de trépas définitif rend les habitants plutôt extrêmes dans leurs interactions sociales (c’est la façon polie de dire que ce sont de grands tarés meurtriers.)
Sur le papier, l’univers est prometteur mais voilà : au contraire des Sœurs Carmines où Ariel Holzl a pu développer de petits détails amusants et évocateurs ainsi que des personnages iconiques sur trois tomes, il signe ici un one-shot où les idées sont présentes, tout comme le potentiel, mais où il n’y a décidément pas assez de pages pour m’empêcher de rester sur ma faim. Car si Léo (sur lequel je vais revenir) est très réussi, tout/es celles et ceux qui gravitent autour sont à peine esquissé/es au point de devenir des éléments de décor alors que, damned, rien que les Dynastes ont un potentiel de malade ! Et je ne dis pas ça parce que j’ai -évidemment- (quoi, t’es surpris/e, really ?) craqué sur le personnage de Monsieur.
Bref, c’est justement parce que les idées me plaisent que je ressors frustrée de ma lecture : j’en voudrais davantage.
Léo, protagoniste principal et narrateur.
Il existe des centaines, peut-être des milliers de roman qui sont racontés par leur protagoniste principal a posteriori, sous forme d’un journal très (trop ?) détaillé où, finalement, ce personnage devient romancier même s’il s’en défend à grands cris. Ariel Holzl fait le même choix ici avec un récit à la première personne, du point de vue de Léo. Là où l’auteur se montre original, c’est qu’il justifie l’existence de ce texte, de ce journal, d’une manière qui me semble assez solide par rapport aux standards habituels.
En effet, Léo souffre de la maladie de Huntington. En quelques mots, il s’agit d’une maladie neurodégénérative qui affecte les fonctions motrices, cognitives et émotionnelles. Ce n’est pas la première fois que je la croise dans la fiction (comment oublier Numéro 13 ?) et l’auteur la représente assez bien ici, avec les conséquences que cela a sur la vie de Léo. C’est d’ailleurs pour cela que l’adolescent écrit de manière détaillée son premier contact avec le Périmonde. Il s’adresse à son lui du futur, sans savoir si un traitement sera entre temps trouvé, s’il va oublier ce qui lui est arrivé ou non. Il écrit « au cas où » il oublierait et devrait se rappeler de tout ce qui concerne ce Paris alternatif, pour différentes raisons que vous découvrirez au fil du roman.
La conclusion de l’ombre :
Temps mort est un récit très holzlien avec tout ce que ce qualificatif comporte de compliments. Une urban fantasy certes classique mais à l’esthétique grand-guignolesque assumée qui la transforme en chouette moment de lecture en compagnie de Léo. Pourtant, je reste sur ma faim car ce texte fourmille d’excellentes idées qui ne sont pas suffisamment exploitées. Je me demande si l’auteur y reviendra un jour ou non. Quoi qu’il en soit, je continuerai à suivre ses publications.
D’autres avis : Yuyine – Zoé prend la plume – vous ?