Dans les veines – Morgane Caussarieu

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Dans les veines de Morgane Caussarieu est un roman subversif fantastique disponible en poche chez Mnémos au prix de 10.90 euros. Il date de 2012 et est publié dans la collection Dédale. Je tiens à souligner le travail de l’artiste sur la couverture, que je trouve absolument magnifique, magnétique et totalement adaptée au roman. Chapeau !

Depuis que j’ai fait mes premiers pas dans le milieu littéraire, j’ai souvent entendu « ah tu fais du dark? Tu dois absolument lire Morgane Caussarieu, c’est une référence. » sauf que j’ai toujours tendance à faire exactement l’inverse de ce qu’on me conseille, je crois que c’est encore un coup de mon esprit de contradiction bien pourrave. N’empêche, quand ce roman s’est retrouvé en promotion numérique pour une vente flash le week-end dernier chez les Indés de l’Imaginaire… J’y ai vu un signe et j’ai choisi de sauter enfin le pas pour plonger dans cet univers différent et inconnu.

Enfin, pas si inconnu que ça… Ma première réflexion au bout d’une cinquantaine de pages a été de me dire que l’univers et le style d’écriture de Morgane Caussarieu ressemble fort à Poppy Z. Brite. Je dis bien ressemble, parce que ce n’est pas un bête copier / coller (comme j’ai pu le lire sur certaines critiques) et je sais de quoi je parle puisque Poppy est une de mes auteures favorites. On sent que Morgane est une fan, elle aussi, grâce aux références qu’elle glisse au long du roman et à sa vision très crade des vampires. C’est un élément que j’ai particulièrement apprécié dans ma lecture, ce côté outrageux, sale, dépravé, sans aucune limite. Une ode au macabre atrocement réaliste, jouée par des personnages affreux et attachants à la fois. Je ne sais pas qui je préfère entre J.F., Gabriel ou Fleur (avouons le, cette petite mamie dépote !) mais ils sont extraordinaires. Ils arrivent à me dégoûter tout en me fascinant, un tour de force assez impressionnant. Sérieusement, Gabriel… J’ai encore des frissons.

Replonger dans ce type d’univers m’a fait du bien, je n’avais pas conscience que ça me manquait jusqu’ici et ça m’a donné envie de relire le Corps Exquis et Âmes Perdues. D’ailleurs, je vous recommande chaudement la lecture de ces deux ouvrages.

Pour revenir à Dans les Veines, chaque élément de l’histoire provoque le malaise et la fascination malsaine qu’on s’attend à ressentir dans ce type de roman subversif. L’auteure choisit bien ses mots et son style s’adapte à merveille à chaque personnage qu’elle incarne, au point que ça devient une expérience profondément perturbante, de lire les chapitres du point de vue de Gabriel et de J.F. Ce sont surtout eux qui m’ont marqués mais ce ne sont évidemment pas les seuls, ça dépend des sensibilités. Ses personnages, d’ailleurs, n’ont rien de héros sexy et parfaits physiquement qui provoquent instantanément des fantasmes à vous faire mouiller votre petite culotte. Ils sont vicieux, dépravés, en réalité ils sont plus humains (dans le sens péjoratif du terme) que la majorité des figures littéraires modernes. Ironique, pour des vampires…

On plonge dans leur psyché sans philtre, sans fard, sans possibilité de faire demi-tour. Les thèmes abordés vont déranger et ce roman n’est clairement pas à destination d’un public trop sensible, ni à mettre entre toutes les mains. On a du viol, de l’ultra violence, de la torture physique et psychologique, de la drogue, une ambiance très nihiliste et punk dans l’underground bordelais. Musique alternative, fantasmes inassumés (et inassumable)… Même moi, j’ai été gênée par certaines scènes (et c’est ça qu’on veut), principalement l’inceste à la limite de la pédophilie entre Lily et son père. Ce qui me permet de souligner un élément qui m’a un peu fait rouler des yeux dans le roman, mais c’est surtout parce que ça rejoint une réflexion générale que je me suis faite à plusieurs reprises et ça me permet de la glisser ici:

Lily, l’un des personnages principaux du roman, est l’archétype de la fille qui a tous les malheurs du monde. Et ces malheurs me donnent l’impression d’exister uniquement pour justifier sa fascination pour la mort et son désir de fréquenter Damian, envers et contre tout, passant outre le fait que ce soit un tueur en série. Sauf que ce type de justification démystifie un peu l’univers et le message du roman, dans le sens où j’aurais préféré que l’auteure assume jusqu’au bout avec son personnage, sans chercher à rationaliser ses réactions ou ses désirs. Toutefois, je précise que le choix n’est pas incohérent dans la diégèse de l’histoire et ça apporte un peu d’humanité (assez paradoxalement vu le sujet) à ce récit d’une profonde noirceur. Sauf que personnellement, vous le savez, je suis adepte de la noirceur ordinaire, c’est-à-dire du mal qui ne se cherche aucune excuse. Je précise toutefois que cette réflexion vaut pour le personnage de Lily, mais que ceux de J.F., Seiko et Gabriel compensent largement. C’est juste que j’aurai préféré que l’humaine de l’histoire n’ait pas besoin de justifications dans ce genre pour normaliser sa fascination morbide. Mais bon, c’est un détail et ça ne gâche pas du tout le récit.

Pour résumer, Dans tes Veines est un roman que j’ai beaucoup aimé découvrir, porteur d’une forte inspiration de Poppy Z. Brite, une auteure que je vous conseille. Bon, soyons honnêtes, j’ai carrément pris mon pied à replonger dans ce genre d’univers. Morgane Caussarieu écrit dans la même veine avec un talent indéniable, des personnages bien à elle, revisitant le mythe du vampire pour le ramener à son essence première: celle du monstre. Je vous recommande Dans tes Veines mais attention, âmes sensibles s’abstenir, parce qu’il faut avoir le cœur bien accroché et l’esprit très ouvert pour prendre du plaisir à cette lecture !