Bonjour à tous !
Voici aujourd’hui un article un peu particulier. Comme vous le savez, je fais partie du jury pour le PLIB2020 ce qui implique l’obligation de lire les cinq romans désignés comme finalistes. Je l’ai déjà dit, j’ai été assez déçue des choix finaux à l’exception de deux titres lus précédemment sur le blog (Mers Mortes et Je suis fille de rage). Les trois autres ne m’inspiraient pas grand chose entre une maison d’édition inconnue au bataillon, une autrice déjà lue auparavant avec laquelle je n’avais pas trop d’atomes crochus et enfin un roman à la couverture vraiment peu avenante en plus d’un résumé pas terrible. C’est le jeu, je me suis lancée et parmi ces trois lectures, une seule a finalement été une bonne surprise. Et pas celle que je pensais.
J’ai donc décidé d’écrire un billet groupé au sujet des deux autres romans parce que je suis obligée de produire une chronique, même si j’ai abandonné le livre en cours de route -ce qui a été deux fois le cas. Vous le savez, c’est quelque chose que je n’aime pas du tout faire sur le blog mais voilà, ce sont les règles donc je m’y plie. Puis je vous avoue que j’ai quand même quelques trucs à dire, surtout sur Félines, et faut que ça sorte.
La cité des chimères – Vania Prates (SNAG)
Je ne connaissais ni l’autrice ni la maison d’édition, je partais donc sans a priori (même si j’admets être frileuse de découvrir une nouvelle maison que je n’ai jamais croisé en salon alors que j’en fais quand même pas mal) et sans rien attendre même si le résumé ne me branchait pas plus que cela.
Malheureusement, j’ai assez rapidement compris que je n’allais pas accrocher avec le style d’écriture de l’autrice. Pas qu’il soit mauvais en soi, il ne colle juste pas à mes goûts. Je l’ai trouvé sans âme, je n’ai pas ressenti la moindre magie et ne suis pas parvenue à m’intéresser au contenu du roman. Il faut dire que la cité des chimères commence avec une longue exposition où l’autrice nous balance les règles de son univers directement, ce qui entraine des longueurs déplaisantes dés les premières pages. Du coup je dois avouer avoir trainé des pieds pour arriver à 10% et j’ai ensuite préféré abandonner ma lecture malgré les très bons retours lus chez pas mal de jurés.
Je rate peut-être quelque chose et j’espère que l’autrice ne m’en voudra pas d’avoir éprouvé cela envers son roman. Je ne remets pas son travail en question, je pense juste ne pas être le public cible et manquer de patience. Il y a un an ou deux, j’aurais été au bout malgré tout mais plus aujourd’hui car je me tiens à mes résolutions. Je veux que mes lectures soient de bons moments, pas des contraintes qui provoquent des pannes parce que « je dois le lire ». C’est donc un premier abandon qui remonte tout de même au mois de janvier ou février. J’attendais un peu pour voir si l’envie de reprendre viendrait mais ce n’est pas le cas.
Félines – Stéphane Servant (Le Rouergue)
Il a suffit de deux lignes à ce roman pour me donner envie de le refermer. J’ai profondément détesté la narration employée avec cette fille inconnue qui m’interpelle, moi lectrice, pour me donner son témoignage avec des mots maladroits justifiés par son âge. Et encore, je dis justifiés par son âge sauf que c’est assez condescendant vis à vis des adolescentes qui sont capables de s’exprimer correctement, en réalité. La prof en moi a eu du mal à se contenir toutefois j’ai quand même tenu 56 pages avant de jeter l’éponge. Qu’est-ce que c’était long bon sang… Et agaçant. En fait c’est mon énervement qui m’a permis d’aller jusque là avant que le bon sens ne me dicte d’arrêter la torture.
Sur ce laps de temps, l’auteur nous balance des adolescentes clichées et sans profondeur, des stéréotypes tellement énormes que j’ai pas arrêté de rouler des yeux. Je suis une femme, mon adolescence ne remonte pas à si loin alors pitié… C’est quoi ça ? Sans rire… Je sais que les filles peuvent se montrer cruelles, attachent beaucoup d’importance au culte de l’apparence -surtout dans cette période de notre vie où nous sommes si influençables. N’empêche, quand on voit ce qui se passe en cours de natation, jamais un prof n’aurait laissé passer ça dans les écoles que j’ai fréquenté (en tant qu’élève ou prof). C’est quoi ce délire ?
Mais mettons, à la limite, je pouvais encore accepter cette possibilité parce que je sais que tous les enseignants n’ont pas forcément à cœur de bien faire (hélas) et que certaines ados sont vraiment des monstres. Sauf que ça ne s’arrête pas là… La cerise sur le gâteau ça a été la vidéo vue par Louise où une fille se fait lapider en public parce qu’elle a des poils sur le corps. Pas trois poils et demi hein, plutôt version loup-garou, mais quand même. C’est tellement improbable au 21e siècle ! Pourtant je suis la première à dire qu’on vit dans un monde cruel mais là, l’auteur pousse son idée trop loin, trop dans l’absurde, surtout au tout début de cette épidémie où on ignore encore tout à son sujet. De plus, il existe une maladie appelée hypertrichose qui consiste en l’apparition d’une pilosité envahissante sur une partie ou la totalité du corps et qui frappe autant l’homme que la femme. Une maladie qu’on connait depuis au moins le 14e siècle puisqu’on a des cas célèbres recensés… Donc bon…Ces inconnus qui croisent cette fille pleine de poils ne la connaissent pas depuis sa naissance et ne sont pas supposés savoir qu’elle n’en est pas atteinte. Qu’on la regarde de travers, je veux bien. Qu’on lui balance quelques insultes aussi. Mais qu’on la lapide ? Faut arrêter.
Et oui, il existe des pays où la lapidation se pratique de nos jours mais ironiquement, ces pays offrent justement des vêtements capables de dissimuler le problème rencontré par les Félines. C’est un peu paradoxal du coup, non ? Et si la vidéo se déroule en Europe, comment peut-on imaginer qu’une telle chose puisse se produire sans que personne n’intervienne, pas même la police ? On a des exemples de violence au quotidien, je suis d’accord, mais on en a aussi de gens qui ont le courage de réagir. Du coup, je n’y ai pas cru un seul instant et la lecture m’énervait un peu plus à chaque page. La base de l’écriture de fiction, c’est quand même d’offrir un cadre suffisamment crédible pour que le lecteur se dise « oui, ça peut arriver ». Ici, l’auteur proposait une mise en place trop grossière pour que cela fonctionne avec moi.
Pour ne rien arranger, j’ai trouvé Louise détestable et sa façon de s’exprimer en racontant sa vie dans le désordre manque vraiment d’intérêt. Je n’ai ressenti aucune empathie pour elle ni le moindre intérêt pour ce qu’elle avait à raconter.
Ça m’énerve de devoir démonter ce roman avec des mots aussi durs toutefois quitte à devoir m’exprimer pour le prix, je préfère me montrer honnête. En l’état, j’ai du mal à comprendre que ce texte ait pu être publié par un éditeur et qu’on le destine à un public ado. Alors vous me direz que je n’ai lu que 56 pages, que tout s’éclaire par la suite, qu’en fait il ne voulait pas exprimer tout ça et peut-être que c’est vrai. Raison pour laquelle il faut prendre ce billet avec du recul car je n’ai pas terminé le livre. Peut-être que j’ai jugé ce roman trop rapidement. Sauf que, désolée, pour moi, un roman se travaille dans son ensemble, pas juste certaines parties. Rien que l’introduction, j’ai du me faire violence alors que je n’ai pas de soucis à ce qu’un personnage brise le quatrième mur (je suis archifan des comics Deadpool par exemple). C’est simplement la manière de faire, cette répétition, cette insistance. Rien ne m’a inspiré une quelconque sympathie ou le moindre sentiment positif.
Notez toutefois que je trouve ça positif qu’un auteur parle de bodyshaming, de cette pression sociale qui pèse sur la femme au niveau de son apparence, des poils, etc. Les thématiques sont très importantes et justement, j’aurais voulu un meilleur cadre, plus subtil, plus crédible, pour donner une véritable force au propos. Après, je suis l’une des seules -il me semble- à avoir détesté à ce point et je ne suis pas le public cible de ce texte, donc mon retour est à prendre avec des pincettes.
La conclusion de l’ombre :
Le PLIB est un prix que j’apprécie beaucoup pour son engagement et pour son équipe au top, toutefois je ne suis pas certaine de réitérer l’expérience l’année prochaine. Je ne prends plus de plaisir à découvrir des romans imposés par d’autres. C’est peut-être triste mais voilà, je sais ce que j’ai envie de lire, je sais quand moi j’ai envie de tenter des nouveautés, de prendre des risques, je veux rester maîtresse de ce que je lis. Mes goûts littéraires s’éloignent de plus en plus de ceux des autres jurés du coup ça ne risque pas d’aller en s’arrangeant. De plus, à mon sens, il y avait d’autres romans bien meilleurs qui méritaient de prendre la place de ceux-ci, en particulier la place de Félines. Je suis frustrée, je ressens un certain agacement et j’espère ne plus jamais avoir à me plier à écrire ce type de billet.

Oui je termine par un gif de Sheldon parce que je n’avais aucune idée de comment conclure cet article autrement et que c’est toujours sympa un gif de Sheldon.