Émissaires des morts (le roman) – Adam-Troy Castro

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Émissaires des morts
est composé de quatre nouvelles + un roman de science-fiction par l’auteur américain Adam-Troy Castro. Première sortie de 2021 chez Albin Michel Imaginaire, vous trouverez ce titre partout en librairie au prix de 26.90 euros.
Je remercie AMI & Gilles Dumay pour ce service presse.

Cette chronique concerne le roman intitulé Émissaires des morts. Je vous ai parlé des quatre nouvelles qui précèdent ce texte, incluses dans le même ouvrage publié chez Albin Michel Imaginaire, dans un article antérieur. Pour rappel et en quelques mots, j’avais été très emballée par la qualité de ces histoires courtes qui permettent un premier contact efficace avec le personnage d’Andrea Cort, sa situation et l’univers dans lequel elle évolue. J’ajoute que ces quatre nouvelles apportent une vraie plus-value au roman en lui-même bien que l’auteur l’ait écrit pour en permettre la lecture même pour celles et ceux qui n’ont pas pu ou voulu lire les nouvelles.

Voyons à présent ce que donne le roman…

De quoi ça parle ?
Andrea Cort est envoyée sur Un Un Un, une planète où les IAs sources ont créé une nouvelle espèce, ce qui pose des problèmes diplomatiques graves car on soupçonne une forme d’esclavage de leur part. Pour une fois, ce n’est pas pour ce souci qu’on envoie Andréa mais bien parce qu’un meurtre a été commis au sein de la délégation diplomatique humaine et que tout semble accuser les IAs sources… Ce qui risque de créer un gigantesque drame social si les relations diplomatiques sont rompues avec elles vu l’importance qu’elles ont pris au sein des sociétés humaines dans le domaine, par exemple, des soins de santé. Ses supérieurs font donc comprendre à Andréa qu’il serait très commode de dénicher un autre coupable, s’il s’avère que les IAs sources sont bien impliquées.

Qui est Andrea Cort ?
Petit rappel au sujet de ce personnage qui ne me semble pas inutile si vous n’avez pas lu mon précédent billet.

Andrea Cort est une avocate qui travaille pour le Corps Diplomatique de la Confédération homsap, ensemble reprenant tout un tas de planètes et de gouvernements aussi divers que variés. Elle n’a pas vraiment le choix puisque, dans son enfance, elle a participé à une forme de génocide et ce métier lui permet de ne pas être extradée sur des mondes qui souhaitent la condamner. Vive l’immunité diplomatique ! Elle a toutefois été emprisonnée / étudiée jusqu’à sa majorité et cela a forcément laissé des traces. À ce stade, je dois préciser que ce génocide commis sur la planète Bocaï va être davantage développé au sein du roman et va concrétiser les implications développées dans la nouvelle Démons invisibles dont je vous ai parlé dans mon autre billet. C’est donc un élément sur lequel on va revenir dans une série de flashback glaçants.

Andrea Cort est une femme complexe qui a en horreur les planètes et n’aime pas beaucoup l’espèce humaine, ou n’importe quelle autre espèce en réalité. Solitaire, froide, cynique, elle pourrait aisément devenir un cliché sans la manière dont l’auteur la met en scène, n’hésitant pas à montrer ses failles, ses traumatismes, ses faiblesses aussi. Andrea Cort est un échantillon d’humanité dans tout ce que ce terme a de paradoxal : elle se hait pour les actes commis par le passé, a souvent des pulsions suicidaires qu’elle ne concrétise pas, et sait qu’au fond d’elle, elle appartient à la classe des monstres qu’elle chasse pourtant. Pourquoi un monstre ? Parce qu’elle a adoré tuer, elle s’en rappelle, et n’hésite pas à recommencer si la situation l’exige.

Les nouvelles permettaient de la voir en action et d’apprécier son professionnalisme ainsi que l’absence de liens sociaux autour du personnage. Je trouvais cela assez rafraichissant et original. Dans le roman, cet aspect va évoluer au fur et à mesure que l’intrigue avance, notamment grâce au couple d’inseps, les Porrinyard. J’avoue ne pas savoir comment me positionner face à leur relation et à la manière dont les révélations finales permettent au personnage d’Andrea de changer, de se rendre compte qu’elle a vécu pendant des années sous le poids d’un postulat de départ erroné. Ça m’effraie un peu pour la suite car une grande partie de ce que j’appréciais dans ce personnage risque de disparaître. Toutefois, l’auteur a su démontrer jusqu’ici sa capacité à me surprendre agréablement donc j’ose espérer qu’il ne va pas tout gâcher dans la suite.

J’en profite pour préciser que le roman est écrit à la première personne, tout comme l’une des nouvelles. Cela renforce le degré d’intimité entre le lecteur et Andrea, empêchant ainsi de plus facilement jouer sur son aspect froid et détaché. À nouveau, c’est un choix de l’auteur, on adhère ou pas, c’est selon la sensibilité de chacun mais je me dois de préciser que j’ai apprécié la maitrise d’Adam-Troy Castro de la narration à la première personne.

Une enquête somme toute classique mais efficace.
Émissaires des morts est un récit d’enquête qui respecte les codes du genre policier avant d’être un ouvrage de SF (ce qui se traduit plutôt dans l’univers et les questionnements finaux). On voit clairement les différentes étapes et ressors du scénario : Andrea est mise sur une affaire sans qu’on lui demande son avis, elle arrive dans un milieu inconnu dont elle apprend les règles, elle interroge différents témoins et représentants de l’autorité sur place, accumule des éléments et des preuves dans son dossier, suspecte certains plus que d’autres mais en fait non c’est pas lui / elle alors que bon sang tout le / la désigne quand même, doit affronter quelques péripéties car quelqu’un veut manifestement l’empêcher de résoudre cette affaire, etc. Il n’y a pas de surprise sur le déroulement en tant que tel mais on ne s’ennuie pourtant pas durant cette lecture grâce à l’écriture efficace de l’auteur et au personnage d’Andrea, qui reste à mes yeux la grande force du roman. Enfin, ça, c’est vrai jusqu’à la toute fin…

Une fin qui tire en longueur.
C’est le seul gros point noir du texte. Les quarante (et même soixante) dernières pages auraient pu être vraiment raccourcies car il y a beaucoup de redite et d’insistance sur des points déjà bien assez clairs. Un échange avec l’éditeur a pointé le fait que ce pouvait être un hommage au genre policier, une sorte de clin d’œil à ce qu’a pu faire Agatha Christie, notamment avec Poirot. Après coup, je me dis que c’est peut-être bien cela que cherchait Adam-Troy Castro mais ça n’en reste pas moins longuet, même aux yeux de la lectrice de Christie que je suis. À mon sens, l’auteur a un peu trop pris son lecteur par la main ici ce qui pourrait être un point positif pour celles et ceux qui manquent d’attention ou qui aiment qu’on écrive les éléments noir sur blanc. Ça n’a jamais été mon cas donc j’ai un peu regretté le manque de dynamisme final ainsi que la discussion entre Andrea et les inseps. Si je devais juger sur base de ce que j’ai pu lire jusqu’à présent, je pense que l’auteur brille particulièrement sur le format court et que ce roman aurait pu être une novella bien plus efficace si cette intrigue avait été rédigée sous ce format.

Attention, qu’on se comprenne bien : j’ai trouvé les explications trop longues mais leur portée n’est en aucun cas dénuée d’intérêt. Au contraire, ça permet de lier le propos de Démons invisibles avec le roman tout en ajoutant de nouveaux enjeux et en permettant au texte de prendre un autre tournant. Il s’agit, après tout (surlignez pour dévoiler la révélation) de discuter du désir de mourir d’une espèce entière et de juger le comportement de ceux qui, en son sein, souhaitent justement continuer à exister. Et ça promet pour la suite.

La conclusion de l’ombre :
Émissaires des morts est le premier roman où on retrouve le personnage d’Andrea Cort après avoir passé quatre nouvelles en sa compagnie. Cette dernière va devoir mener une enquête pour meurtre sur la planète Un Un Un, crime où tout accuse les IA sources que ses supérieurs cherchent justement à innocenter. Si le format enquête est très classique, l’intérêt du texte réside à la fois dans les implications philosophiques du dénouement final et dans son personnage principal. Je me réjouis de découvrir la suite qui sort justement cette année (en juin si tout se passe bien) chez Albin Michel Imaginaire !

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Émissaires des morts (les nouvelles) – Adam-Troy Castro

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Émissaires des morts est composé de quatre nouvelles + un roman de science-fiction écrits par l’auteur américain Adam-Troy Castro. Première sortie de 2021 chez Albin Michel Imaginaire, vous trouverez ce titre partout en librairie au prix de 26.90 euros.
Je remercie AMI & Gilles Dumay pour ce service presse.

De quoi ça parle ?
Andrea Cort est avocate et travaille pour le Corps Diplomatique de la Confédération homsap dont elle est la propriété depuis un massacre perpétré par elle dans son enfance. Criminelle de guerre, c’est elle qu’on envoie traiter les affaires difficiles où elle est en contact avec des races extra-terrestres plurielles qui vont toutes, à leur manière, lui donner du fil à retordre.

Je précise que ce résumé maison ne rend pas justice à la qualité des textes lus. J’espère que ma chronique le fera. De plus, j’ai décidé de la couper en deux pour vous parler d’abord des quatre nouvelles et ensuite du roman, dans un billet futur.

Qui est Andrea Cort ?
Il me semble important, avant de vous parler des nouvelles, de glisser quelques mots au sujet de (l’anti ?) héroïne d’Adam Troy-Castro. Andrea Cort est une avocate qui travaille pour le Corps Diplomatique de la Confédération homsap qui reprend tout un tas de planètes et de gouvernements aussi divers que variés. Elle n’a pas vraiment le choix puisque, dans son enfance, elle a participé à une forme de génocide (les détails sont dévoilés petit à petit dans les différents textes avant d’être révélés noir sur blanc au début du roman) et ce métier lui permet de ne pas être extradée sur des mondes qui souhaitent la condamner. Elle a toutefois été en emprisonnée / étudiée jusqu’à sa majorité et cela a forcément laissé des traces.

Andrea Cort est une femme complexe qui a en horreur les planètes et n’aime pas beaucoup l’espèce humaine, ou n’importe quelle autre espèce en réalité. Solitaire, froide, cynique, elle pourrait aisément devenir un cliché sans la manière dont l’auteur la met en scène, n’hésitant pas à montrer ses failles, ses traumatismes, ses faiblesses aussi. Andrea Cort est un échantillon d’humanité dans tout ce que ce terme a de paradoxal : elle se hait pour les actes commis par le passé, a souvent des pulsions suicidaires qu’elle ne concrétise pas, et sait qu’au fond d’elle, elle appartient à la classe des monstres qu’elle chasse pourtant. Pourquoi un monstre ? Parce qu’elle a adoré tuer, elle s’en rappelle, et n’hésite pas à recommencer si la situation l’exige.
Pourtant, impossible de ne pas ressentir de compassion pour elle (ça ne lui plairait pas du tout, si elle le savait !), de ne pas chercher à se mettre à sa place ou même à la défendre quand l’occasion se présente. J’ai particulièrement apprécié ces nuances qui participent à la force des différents récits dont je vais à présent vous parler un peu plus dans le détail.

Avec du sang sur les mains ( lecture le 5 janvier 2021)
Andrea Cort se trouve sur la planète du peuple Zinn, une espèce alien en voie d’extinction avec qui elle négocie l’acquisition d’un prisonnier. En effet, ces aliens souhaitent recevoir un tueur humain sur leur territoire afin de l’étudier et Andrea Cort doit s’assurer que tout est en ordre à ce niveau, que les mesures de sécurité seront bien respectées, etc.

Au tout début de la nouvelle, Andrea rencontre l’équivalent d’une enfant, Première Offerte (c’est son nom humanisé, la langue des zinns n’est pas aisément prononçable) avec qui elle a un échange oral a priori quelconque. En tant que lectrice, je n’ai pas tout de suite compris où l’auteur voulait en venir puisque, comme Andrea et le reste du corps diplomatique, je me suis laissée berner…. Jusqu’à comprendre. Et là, premier choc, première grosse claque qui arrive sur les ultimes lignes de la nouvelle. J’ai eu besoin de dormir dessus pour laisser ce texte s’imprégner de toute sa puissance et j’ai entamé la suite avec un peu de crainte. L’auteur réussirait-il vraiment à faire mieux que ça ? Une partie de moi a envie de tout dévoiler pour vous expliquer mais si vous ne devez lire qu’un seul texte, lisez celui là, qui en plus est proposé gratuitement par l’éditeur pendant une durée limitée, au format numérique.

Une défense infaillible (lecture le 6 janvier 2021)
Contrairement à la précédente, cette nouvelle propose d’une part, une alternance de point de vue entre Andrea Cort et Tasha Coombs (sur qui je vais revenir) mais également une narration à la première personne pour ce qui est d’Andrea. Tasha Coombs est un agent infiltré dans une administration qui transmet des informations secrètes aux ennemis de la Confédération. Tasha doit démasquer l’espion ou l’espionne et subit une agression alors qu’elle est sur le point d’y parvenir.

Une chance, elle portait un système qui la plonge dans une sorte d’illusion dont on ne peut pas la sortir sans un mot de passe, la rendant impossible à interroger pour l’ennemi. Une fois récupérée par son camp, toutefois, on se rend compte qu’elle a modifié son mot de passe à la dernière minute parce qu’apparemment, l’ennemi en aurait eu vent, et on sollicite l’aide d’Andrea Cort puisque l’image figée dans le cerveau de Tasha est un portrait d’Andrea…

C’est l’occasion de voir notre anti-héroïne interagir avec des collègues. Cela permet également de montrer pour quelle raison elle ne développe pas de relations sur un plan personnel. Si j’ai trouvé l’intrigue de la nouvelle plus classique et n’ai pas eu l’effet « wahou » du premier texte, j’ai tout de même apprécié cette lecture pour son amertume et sa conclusion.

Les lâches n’ont pas de secret (lecture le 7 janvier 2021)
Andrea est envoyée sur Caithiriin où un ancien membre du corps diplomatique a commis plusieurs vols et un meurtre. Selon les lois inter-espèces, il doit être jugé selon la justice Caithiriin et condamné à mort sauf qu’au sein de ce peuple, la peine de mort est particulièrement violente et douloureuse : le condamné est allongé, on met une planche sur lui ainsi qu’un récipient qu’on remplit d’eau et qui va petit à petit l’écraser. Certaines exécutions durent des jours et ça terrifie bien entendu l’accusé, Varrick, qui tente le tout pour le tout en révélant à Andrea que les Caiths possèdent une méthode alternative de punition qui consiste en une forme de reprogrammation pour empêcher tout crime d’être reconduit.

Andrea va donc enquêter pour comprendre d’une part pourquoi on n’a pas proposé cette solution à Varrick et d’autre part, pourquoi la plupart des Caiths choisissent la mort plutôt que cette reprogrammation. Le contenu de cette nouvelle est assez terrifiant sur ses implications judiciaires et sociales et fait vraiment froid dans le dos. Le texte contient également un retournement de situation très inattendu qui se résout un peu facilement à mon goût mais n’en reste pas moins intéressant.

Démons invisibles (lecture le 8 janvier 2021)
Comment confier un meurtrier à la justice quand l’espèce dont viennent ses victimes ne possède pas de système judiciaire ? C’est cette question que va devoir résoudre Andrea Cort dans cette nouvelle. Emil Sandburg a commis plusieurs meurtres sur des représentants d’une espèce avec laquelle un Premier Contact a eu lieu, sans résultat. Cette espèce existe sur une planète où il n’y a aucune prédation, elle n’est pas sensible à son environnement et ne semble même pas avoir conscience de la présence des différentes espèces extra-terrestres autour d’elle.

Dés lors, comment constituer un jury et nommer un juge au sein de cette espèce, comme l’exigent les lois interespèces ?

Démons invisibles est un texte très fin, intelligent et personnel également vis à vis du personnage d’Andrea, à l’instar du précédent. Quand on entame la lecture du roman, on se rend compte à quel point il va jouer un rôle important. J’ai beaucoup aimé la maitrise dont elle fait preuve pour trouver une astuce qui respecte les attentes de ses supérieurs, ce qui démontre une fois de plus et si c’était nécessaire, ses grandes capacités professionnelles.

D’autres avis : Au pays des cave trolls (nouvelles) – Apophis (nouvelles) – Les lectures du Maki ( pour Avec du sang sur les mains) – Lutin 82 (pour Avec du sang sur les mains, une défense infaillible, les lâches n’ont pas de secret, démons invisibles) – Gromovar – De l’autre côté des livres (nouvelles et roman)

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Les Brigades fantômes – John Scalzi

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Les Brigades fantômes est un roman de space-opera écrit par l’auteur américain John Scalzi. Publié chez l’Atalante, vous trouverez ce texte au prix de 19.9 euros.
Je remercie Emma et les éditions l’Atalante pour ce service presse !

De quoi ça parle ?
Jared Dirac parlait à soixante secondes, marchait à deux minutes et prenait une navette pour le centre d’entraînement des Brigades fantômes à une heure dix. Jared a été créé sur base du code génétique d’un traitre afin d’y incorporer un enregistrement de son esprit, ce dans l’espoir d’empêcher la destruction de l’humanité. Une expérience ratée, voilà ce qu’est Jared. Mais l’est-il vraiment ?

Une suite ?
Les Brigades fantômes prend place dans le même univers que le Vieil Homme et la Guerre dont je vous ai déjà parlé il y a un long moment maintenant. Chronologiquement, il fait même suite aux évènements sur Corail et on y retrouve certains personnages comme Jane Sagan. Toutefois, il est possible de lire ce tome de manière totalement indépendante bien que je recommande la lecture dans l’ordre de parution pour mieux appréhender l’histoire. Scalzi réutilise son univers déjà présenté en le rendant accessible à un lecteur novice. D’autant qu’ici, il se concentre surtout sur les Brigades fantômes, une unité mystérieuse qui apparaît dans le premier tome sans que le lecteur n’en sache beaucoup à son sujet en dehors des rumeurs qui courent. Il propose aussi des personnages nouveaux (hormis Jane mais ce qu’on sait d’elle dans le premier volume n’est pas forcément utile ici). Il s’agit donc bien d’une suite mais d’une vraie suite indépendante.

Une mise en place trop longue.
Le problème c’est que, pour quelqu’un qui connait déjà l’univers, la mise en place paraît un peu longue et redondante avec un schéma narratif propre à l’auteur qu’on connait déjà. Certes, le lecteur est confronté à de nouvelles informations. Il apprend ce que sont les Brigades fantômes, comment se passe leur entraînement, comment ils se familiarisent avec l’humanité, leur mission de la défendre, etc. Tout cela prend un bon premier tiers du roman et donne lieu à moult questionnements philosophiques assez intéressants. Hélas, il me manquait cette petite étincelle en plus, ce peps qui m’avait séduite dans le premier volume à travers le personnage de John Perry et sa narration à la première personne. Dans les Brigades fantômes, Scalzi préfère partir sur une narration chorale en multipliant les points de vue, un peu comme dans l’Interdépendance. Le système n’est pas mauvais en soi et l’auteur, fidèle à lui-même, le maîtrise très bien. Hélas ce n’est pas ce que j’attendais de la part de cette série, j’ai donc éprouvé une déception toute personnelle. D’autant que Jared est moins intéressant que John, du moins jusqu’à la fin du roman où le texte prend toute sa puissance.

Un univers qui s’étend.
Dans le Vieil homme et la guerre, le lecteur a l’occasion de se familiariser avec l’existence de plusieurs races extra-terrestres et d’en affronter une sur Corail via les aventures de John Perry. Dans ce tome, Scalzi développe davantage deux autres races, les Éneshans et les Obins, qui prennent une grande place dans ce texte. Les premiers sont de type insectoïde et vivent dans une société matriarcale basée sur une élection dans différentes tribus. Depuis un moment, la même tribu garde le pouvoir et maintient la paix en épousant un représentant d’une autre tribu. Pour rester reine, la matriarche doit obligatoirement avoir une fille à sacrer dans les deux ans. Scalzi gère très bien la mise en place et le passage sur la planète des Éneshans a de quoi retourner les tripes en plus de poser la question qui fâche : jusqu’où peut-on aller pour le plus grand bien?

Autre peuple d’importance dans les Brigades fantômes : les Obins. Il s’agit d’une race créée par les Consus, une espèce largement supérieure à toutes les autres qui ont tranquillement mené leur petite expérience en dotant les Obins d’une conscience mais pas d’une âme. Ils existent, ils parlent, ils échangent sauf qu’il manque quelque chose de fondamental et c’est ce que notre traitre se propose de leur offrir en échange d’une aide  pour faire tomber l’Union Coloniale (UC). Une idée passionnante qui ouvre un champ réflexif assez large…

Des thèmes puissants.
Les Brigades fantômes parle d’abord de génétique en évoquant les questions morales que cela implique. Les membres de cette brigade ne sont pas des « vrais-nés ». On les fabrique sur base du code génétique des engagés morts avant d’avoir 75 ans et dont on ne peut donc pas réimplanter la conscience comme on l’a vu dans le Vieil Homme et la Guerre. Ils naissent avec un esprit vierge et évoluent en groupe le temps de se former, d’apprendre, de se développer. Un processus qui ne prend pas tellement de temps d’ailleurs à l’échelle d’une vie. Mais surtout, on expérimente beaucoup sur eux comme on l’apprend quand Jared rencontre une nouvelle race « humaine » adaptée à la vie dans l’espace, qui n’a d’humaine que le nom en réalité. En tant que lecteur, on ne peut pas s’empêcher de se poser des questions sur l’éthique et de ressentir une gêne à laquelle on ne se confronte jamais directement puisque, fidèle à lui-même, Scalzi ne tombe pas dans le pamphlet engagé. Il met en scène le débat via son intrigue, subtil, et nous laisse tirer nos propres conclusions.

Scalzi s’interroge donc sur l’éthique mais aussi sur l’âme, le libre arbitre ou encore la manière dont on se repose sur les nouvelles technologies. Je pense vous avoir évoqué les Amicerveaux dans ma chronique précédente, sorte de super ordinateur implanté chez les humains au sein de l’armée qui permettent des performances supérieures sauf que… Imaginons qu’Amicerveau cesse de fonctionner ? On peut sans problème effectuer un parallèle avec une problématique centrale au sein de nos sociétés modernes.

La conclusion de l’ombre :
Les Brigades fantômes est un roman qui s’inscrit dans le cycle du Vieil Homme et la Guerre mais peut se lire de manière indépendante. Avec celui-ci, John Scalzi explore diverses thématiques comme l’éthique autour des manipulations génétiques, l’importance du libre arbitre ou le poids des technologies dans nos vies. Si ce texte est parfaitement recommandable et à la hauteur de son auteur, il souffre quand même de quelques longueurs et d’un personnage principal moins intéressant que John Perry, du moins pendant une bonne partie du roman. Il reste toutefois indispensable au cycle que je vais m’empresser de continuer à découvrir !

D’autres avis : Lutin82le chien critiqueAu bazar des mots.

L’Interdépendance #2 les Flammes de l’empire – John Scalzi

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Les Flammes de l’empire
est le second tome de la saga l’Interdépendance écrite par l’auteur américain qu’on ne présente plus : John Scalzi. Publié par l’Atalante, vous trouverez ce texte au prix de 21.9 euros au format papier et 9.99 en numérique.
Je remercie Emma et les éditions l’Atalante pour ce service presse !

De quoi ça parle?
Souvenez-vous, je vous ai déjà chroniqué le premier tome il y a un an.
L’Interdépendance existe grâce au Flux et à ses courants qui permettent de relier plusieurs colonies humaines entre elles. Hélas, le début du règne de Griselda II est marqué par l’effondrement, c’est-à-dire que ces couloirs commencent à disparaître. Ce qui n’était qu’une théorie terrifiante émise par le Comte de Claremont devient réalité et ça cause le chaos dans tout l’Empire. Mais… et si les tunnels effondrés depuis des siècles commençaient à réapparaître, ouvrant une voie vers quelque chose d’autre ?

Un récit haletant.
Il devient presque ridicule de le préciser tant Scalzi n’a plus rien à prouver mais ce nouveau tome de l’Interdépendance est haletant, sans aucun temps mort au point que je l’ai lu presque d’une traite alors que je frôlais la panne de lecture juste avant. Une guérison miraculeuse ! L’intrigue se poursuit où nous l’avions laissé à la fin du premier volume : Cardenia continue à jouer son rôle d’Emperox et prend une décision radicale pour faire accepter à tous, rapidement, la réalité de l’effondrement histoire d’essayer de limiter la casse en vies humaines. Marce enchaîne les tournées de conférence auprès des différentes communautés scientifiques pour les convaincre de sa théorie et les pousser à réfléchir à des solutions, donc à se sortir les doigts quoi. Kiva Lagos démantèle petit à petit les affaires de la maison Nohamapetan au Central, comme l’Emperox lui a ordonné, découvrant ainsi pas mal d’irrégularités pas très jolies. Quant à Nadashe, elle croupit en prison… Mais peut-être pas pour aussi longtemps qu’elle le devrait. Cette narration chorale à la troisième personne qui passe d’un point de vue à l’autre est maîtrisée avec une redoutable efficacité. Les retournements de situation s’enchaînent d’une manière crédible et Scalzi n’oublie pas de réutiliser des éléments à peine évoqués dans le premier volume avec la maestria qu’on lui connaît. Rien de neuf sous le soleil, donc.

Les femmes à l’honneur.
Je l’avais déjà souligné dans ma chronique du premier tome mais John Scalzi propose une galerie de personnages féminins forts et intéressants qui jouent un rôle central sans avoir besoin d’un homme pour les sauver. Pour autant, il ne tombe pas dans l’excès inverse qu’on constate parfois dans ce genre de cas. Le sexisme n’existe tout simplement pas dans l’Interdépendance. La preuve, le terme « Emperox » qui désigne le dirigeant et est de genre neutre ! Que Griselda / Cardenia soit une femme ne change rien dans la manière dont on la considère et l’homophobie est une notion qui n’existe même pas dans cet univers, au passage. C’est un élément qui revient souvent chez l’auteur, cette volonté de transcender les questions de genre pour montrer qu’on ne devrait pas y attacher tant d’importance. C’était notamment le cas, si vous vous souvenez, dans Les enfermés où le héros (ou l’héroïne ?) n’est jamais défini(e) comme homme ou femme. Un exemple à suivre.

Nous retrouvons donc les personnages du premier tome. Griselda doit prendre des décisions osées pour sauver l’Interdépendance et qui, ironiquement, consisteront à en détruire l’essence. On sent que même si elle a été parachutée à ce poste un peu par accident, elle évolue et prend ses responsabilités sans pour autant laisser ses doutes ou sa fragilité derrière elle. Elle échange régulièrement avec les enregistrements numériques de Rachela, la première Emperox et de son père, décédé au début du premier tome. J’aime beaucoup cette idée qui est exploitée intelligemment par l’auteur puisque ce n’est pas une technologie répandue, du tout. Elle est coûteuse et dangereuse à sa manière, comme on le verra.

Kiva Lagos est toujours de la partie, pour mon plus grand plaisir alors que je la trouvais un peu agaçante dans le premier volume. Qu’on se comprenne : elle est toujours aussi brute de décoffrage mais clairement plus attachante et sympathique avec ses réparties, son franc-parler, sa décomplexion et sa violence. Les coups de poing qui se perdent font du bien, même de loin ! Quant à Nadashe, elle a tout perdu après avoir raté son coup d’état et elle croupit dans une prison où elle risque de se faire rapidement assassiner à coup de petite cuiller (mais si.). J’ai trouvé les chapitres de son point de vue plutôt intéressants et la preuve que même la reine des connasses peut-être un personnage fascinant, intelligent, nuancé. Côté nouvelles têtes, on peut noter l’Archevêque Korbijn (qui, sauf erreur de ma part, n’apparaissait pas avant) qui dirige l’Église, rien que ça mais aussi Maître Fundapellonan (c’est vrai que c’est galère à écrire !) qui ne manque pas d’intérêt, encore plus dans sa relation avec Kiva.

Marce est le seul homme à avoir droit à des chapitres de son point de vue. Rappelez-vous, il avait quitté le Bout pour apporter les résultats des recherches partenelles à l’Emperox et Cardenia lui avait demandé de rester à ses côtés, le condamnant à ne jamais retourner au Bout et à abandonner tout espoir de revoir sa famille puisque ce courant a été le premier à s’effondrer. On le trouve blasé de ces nombreuses conférences et de ce public toujours réfractaire à ses idées. Pourtant, une femme scientifique (encore une !), Roynold, va donner un coup de pied dans la fourmilière en réexaminant ces données et en nuançant sa théorie. Cela donnera lieu à un voyage vers Dalasysla…

Redécouvrir le passé et la « vérité » historique.
Plusieurs siècles auparavant, un courant s’était déjà effondré sans que personne ne comprenne vraiment le phénomène. L’accès vers Dalasysla avait été perdu pour toujours et en étudiant les données récentes, les deux scientifiques se sont aperçus que le courant s’était temporairement rouvert. Une aubaine qui permet à Marce de partir en expédition et de découvrir une civilisation (enfin… si on peut la qualifier ainsi) totalement différente de ce qu’il connaît au sein de l’Empire. On constate à quel point les humains sont obstinés quand il s’agit de survivre et j’ai trouvé toute cette partie très intéressante, d’autant plus vu ce sur quoi elle débouche. Scalzi en profite pour rappeler que l’Histoire est écrite par les vainqueurs et par ceux qui sont toujours là pour ça. Les informations ramenées de Dalasysla changent complètement la perspective du passé de l’Interdépendance sans que le lecteur ne s’y attende. J’aime beaucoup quand on aborde ces thématiques d’autant que ce genre littéraire s’y prête bien. Encore un bon point pour ce roman !

Un style littéraire assumé, un humour bien dosé.
Scalzi appartient à cette famille d’auteur dont on peut facilement reconnaître le style et surtout, l’humour. Chez moi, il fait mouche à tous les coups et c’est une bouffée d’oxygène en cette période confinée. Il reste donc fidèle à lui-même. C’est ce qui est bien avec lui. Peut-être qu’il ne se renouvelle pas et probablement qu’il ne révolutionne pas le genre du space-opera, mais il est doué dans ce qu’il fait. Il écrit des histoires prenantes avec un style bien à lui qui lui confère une vraie personnalité littéraire. On sait à quoi on s’attend quand on lit du Scalzi, on sait ce qu’on recherche et ce qu’on veut y trouver. Tous ces ingrédients sont présents dans l’Interdépendance et il n’y a rien à demander de plus. J’achète sans hésiter !

La conclusion de l’ombre :
Ce second tome de l’Interdépendance est, selon moi, encore meilleur que le premier. On y retrouve tous les ingrédients d’un bon Scalzi : une intrigue haletante, des personnages attachants, un univers de science-fiction accessible qui n’infantilise pas son lectorat pour la cause et de l’humour bien dosé. J’ai adoré ma lecture qui a été un coup de cœur et j’attends avec grande impatience le tome suivant !

Le Gambit du Renard – Yoon Ha Lee

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Le Gambit du Renard
est le premier tome de la trilogie The Machineries of Empire écrit par l’auteur américain d’origine coréenne Yoon Ha Lee. Publié chez Denoël dans sa collection Lunes d’encre, vous trouverez ce roman au prix de 23 euros.
Il s’agit de ma douzième lecture dans le cadre du challenge S4F3s5 organisé par l’ami Lutin ! Elle faisait d’ailleurs partie de sa sélection conseillée pour l’été.

Kel Cheris se fait remarquer par son commandement et ce n’est jamais une très bonne chose dans cette étrange société dépeinte par Yoon Ha Lee. On la promeut générale à titre temporaire et on ancre en elle l’esprit du général traitre Shuos Jedao, mort des siècles auparavant mais as de la stratégie qui n’a jamais perdu de bataille. Leur mission? Récupérer la forteresse des Aiguilles Diffuses. Mais il semble que leur hiérarchie cache certaines informations d’importance…

J’ignore encore si cette chronique prendra la forme d’une critique ou d’une expérience de lecture. C’est la blogo qui a attiré mon attention sur ce texte à plus d’une reprise et en lisant le résumé, j’ai directement été intriguée par la perspective d’une cohabitation entre deux personnes au sein d’un même corps, surtout quand l’un des deux est un traitre fou et sanguinaire. Du coup, je n’ai pas trop hésité à l’acheter… Et j’ai plus d’une fois manqué d’abandonner ce roman parce que je ne comprenais rien. Pendant le premier tiers, je lisais des mots dont je connaissais le sens mais qui, mis ensemble, ne m’évoquaient rien de cohérent, rien à quoi me raccrocher ou assimiler. L’auteur exploite des concepts totalement nouveaux (pour moi en tout cas) sans les expliquer de manière claire. Du coup, ma lecture du Gambit du Renard ressemblait à un jeu de pistes et d’énigmes pour essayer désespérément de rattacher ça à quoi que ce soit de connu.

Si vous aimez les romans très clairs et carrés, les lectures purement détente, ce texte n’est pas pour vous. Pourtant, quelle richesse ! Yoon Ha Lee a inventé un monde complet avec son propre calendrier, son propre mode de fonctionnement basé sur les mathématiques, ses propres factions et surtout sa propre culture qui va complètement bousculer les habitudes du lecteur. Un vrai tour de force et un parti pris, je pense, de nous laisser découvrir les choses petit à petit. Aurais-je aimé avoir toutes les informations bien classées dans un lexique au début ou à la fin? Peut-être… D’un autre côté, j’ai vraiment ressenti un profond dépaysement et passé l’agacement des soixante premières pages, je me suis laissée prendre au jeu. Finalement, dans l’ensemble, les traits de l’Hexarcat se dessinent bien. En refermant le livre, j’avais compris les grandes lignes et même certaines subtilités (oui, moment de fierté).

Il faut dire qu’outre l’univers très riche et curieux, le duo principal fonctionne à merveille. Kel Cheris était capitaine au sein de la faction Kel et on la découvre d’abord lors d’une de ses missions qu’elle parvient à boucler en effectuant une manœuvre peu conventionnelle (et quand on est Kel, ça frise l’hérésie !). Du coup, elle devient une candidate intéressante pour prêter son corps à Jedao et enfiler le rôle d’ancre. Jedao est un général de l’armée Kel, d’origine Shuos, qui a commis un véritable massacre quatre siècles auparavant et a du coup été enfermé dans le Berceau Noir. Il a été exécuté, privé de son corps, mais son fantôme reste et continue de servir les Kels à travers différentes incarnations, quand le besoin s’en fait sentir. Non seulement le principe est hyper malsain mais en plus, le caractère de chaque personnage apporte du dynamisme, de l’intelligence et du réalisme au duo. C’est ce qui m’a permis de tenir pendant une partie du roman, j’étais curieuse de voir ce que ça allait donner sur le long terme. Je n’ai d’ailleurs pas été déçue.

Toutefois, ne vous attendez pas à croiser beaucoup de personnages remarquables en dehors de Cheris et Jedao bien que l’action se centre ponctuellement sur d’autres, afin de donner au lecteur un aperçu de la situation à un moment donné de l’histoire, sur un point géographique clé. Cela apporte un peu de diversité, tout comme les échanges de mémos entre deux rebelles (enfin plutôt, le spamm à sens unique d’une mercenaire) qui eux ne manquent pas d’ironie ni d’un peu d’humour, surtout en ce qui concerne les dates. Mention spéciale à la vache adipeuse.

L’éditeur parle de space-opera pour classer ce roman. J’ajouterai également qu’il s’agit de SF militaire à un degré très poussé, surtout concernant la stratégie. Personnellement, j’aime beaucoup mais je sais que pas mal de lecteurs y sont allergiques donc ça me parait important de le préciser.

Je n’arrive toujours pas à décider si j’ai aimé ou non ce livre. En tout cas, le lire fut une sacrée expérience que je ne regrette pas du tout et c’est la raison pour laquelle j’ai décidé d’écrire à son sujet. Je peine à croire qu’il s’agit véritablement du premier roman de l’auteur tant il est brillant dans sa conception et dans son parti pris.

Pour résumer, je pense que le Gambit du Renard s’adresse à un public habitué à la SF qui pourra apprécier son inventivité et sa complexité. Dans un univers totalement original qui bouscule tous nos codes socio-culturels, le lecteur est invité à suivre une bataille pour récupérer la forteresse des Aiguilles Diffuses avec son lot de sacrifices et de stratégie militaire à un degré poussé. Le duo de personnages principaux ne manque pas de piquant et vaut la peine qu’on s’accroche face à la difficulté première du texte. Un indispensable pour les amateurs mais attention aux débutants (auxquels j’appartiens) ça ne va pas être facile de vous y retrouver !

#PLIB2019 Les nuages de Magellan – Estelle Faye

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Les nuages de Magellan
est un one-shot space opera écrit par l’autrice française Estelle Faye. Publié chez Scrineo, vous trouverez ce roman au prix de 21 euros.
Ce livre est lu dans le cadre du #PLIB2019. ISBN#9782367405858.

Dan est serveuse au Frontier et parfois, elle chante un peu de blues pour la clientèle. La tête dans les étoiles, elle rêve de voyage et d’aventure sans oser sauter le pas. Un jour, elle n’a plus le choix. Le soir précédent, ivre, Dan a chanté pour rendre hommage aux massacrés d’Ankou et cela n’a pas plu aux Compagnies. Les autorités la cherchent. Dans sa fuite, Dan saute sans réfléchir à bord du vaisseau de Mary, une mystérieuse cliente du bar. Ensemble, elles vont tenter d’échapper à leurs poursuivants, chacune persuadée qu’elle est la cible. Et Mary a de bonnes raisons pour ça, puisqu’elle n’est pas vraiment « juste » Mary. Elle s’appelle Liliam et elle est l’une des dernières représentantes de la Grande Piraterie.

Il y a beaucoup à dire sur ce roman d’aventure dont l’intrigue est articulée autour du concept liberté. C’est, à mon sens, le thème central du roman et je dirai même qu’il s’agit d’une belle métaphore sur notre propre monde. Chez nous aussi, les multinationales contrôlent de plus en plus de secteurs et l’air de rien, les Nuages de Magellan permettent de réfléchir, de se poser les bonnes questions. N’est-ce pas la marque des grands romans? 🙂

Dan et Liliam se lancent un peu malgré elles dans un voyage sans retour. Échapper aux Compagnies n’est pas simple, surtout avec un vaisseau endommagé crashé en plein désert de sel. Durant leur périple, elles vont se frotter à différentes cultures et rencontrer des personnages qui auront une certaine importance pour la suite. Afin de ne pas trop vous spoiler le déroulement de l’intrigue, je ne vais pas trop vous en parler. Surtout que cette histoire, on ne va pas se mentir, c’est principalement celle de Dan et Liliam.

Comme je le disais, Dan est une jeune fille qui a la tête dans les nuages. Elle a beaucoup lu sur l’époque de la grande piraterie et est très vite fascinée par Liliam quand elle prend conscience de sa véritable identité. D’ailleurs, elle lui réclame sans arrêt de lui raconter son histoire. Les vraies, pas celles des livres. Petit à petit, grâce à leurs échanges, on entrevoit un passé glorieux mais aussi difficile. J’ai adoré le background inventé par Estelle Faye qui a fait vibrer en moi la corde sensible. En même temps, parlez moi de piraterie, en prime dans l’espace…

Liliam, de son côté, est un personnage assez mystérieux malgré les chapitres qu’on découvre de son point de vue. Elle a choisi de s’effacer la mémoire bien qu’elle en ait oublié la raison. Paradoxalement, elle essaie de s’en souvenir parce que ça lui parait d’une importance capitale. Et de fait, dans sa mémoire, Liliam détient la clé du chemin qui mène vers Carabe, une planète cachée et secrète qui abritait le sanctuaire de la Grande Piraterie.

Tous les ingrédients sont présents pour un roman de qualité. Des personnages féminins forts qui sont des héroïnes très crédibles (ET SANS LOVE INTEREST QUI BOUSILLE L’INTRIGUE ! Que ça fait du bien !), avec leurs forces et leurs faiblesses. Des personnages secondaires qui ont une véritable personnalité. Une aventure rythmée et cohérente. Un univers original et accrocheur qui permet au lecteur de voyager. Un background hyper immersif (franchement, les flashbacks et les récits, quel bonheur ! J’adore Sol ♥). J’ai dévoré les Nuages de Magellan en moins de 24 heures. L’éditeur précise qu’il s’agit de la première incursion d’Estelle Faye dans le space-opera… Et j’espère vraiment que ça ne sera pas la dernière ! Il faut dire que si la plupart des mystères trouvent une résolution, l’autrice se laisse des portes ouvertes et joue avec les espérances du lecteur.

La seule chose que j’ai un peu regrettée, c’est la fin. Les sauts temporels m’ont frustrée, ça aurait pu sans problème devenir une trilogie ! Je ne vais pas dire qu’Estelle Faye a bâclé la fin des Nuages de Magellan, ce serait un mensonge. Mais la lectrice déjà accro à cet univers aurait aimé plus de détails, de développements, même si elle comprend très bien ce choix narratif.

En bref et si ce n’était pas déjà suffisamment clair, je suis certaine de voter pour ce titre lors de la dernière sélection du PLIB car je l’ai a-do-ré. Il contient tous les ingrédients que j’aime retrouver dans une lecture et confirme Estelle Faye au rang des autrices françaises incontournables dans le paysage de la SFFF. Merci du voyage et bien vite sa prochaine sortie ♥

Honor Harrington #2 Pour l’honneur de la reine – David Weber

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Pour l’honneur de la reine est le second tome de la saga de hard science-fiction / space-opera Honor Harrington par l’auteur américain David Weber. La série principale compte actuellement 13 tomes dont 7 sont réédités en poche dans la collection Petite Dentelle chez l’Atalante au prix de 10 euros le tome.

Souvenez-vous, je vous avais déjà parlé du premier tome dans une précédente chronique. La sauce n’avait pas totalement pris même si j’avais été époustouflée par l’univers créé et la maîtrise du langage de la science-fiction. J’ai lu le second tome uniquement parce que Laure-Anne m’a jurée que j’allais forcément l’apprécier davantage. Je lui ai fait confiance et j’ai bien fait parce que j’ai adoré !

Depuis la mission Basilic, Honor Harrington est montée en grade et est envoyée pour une nouvelle mission, diplomatique cette fois, sur le croiseur stellaire HSM Intrépide. Elle doit accompagner l’Amiral Courvosier sur Grayson, une planète à la religiosité exacerbée qui pratique une forme poussée de patriarcat. Grayson est en conflit avec Masada, qui est encore plus extrémiste qu’eux et surtout, qui sont alliés avec le Havre, les ennemis de Manticore, avec qui la guerre est proche.

Comme pour le premier tome, l’univers militaire et spatial est incroyablement développée et maîtrisé par l’auteur. Le vocabulaire utilisé est très immersif et destiné à un public de niche. C’est vraiment jouissif pour tout lecteur qui apprécie ce type d’univers mais le novice se sentira probablement perdu.

Les thèmes principaux de ce roman s’articulent autour du féminisme et du fanatisme religieux. Honor Harrington doit se confronter à des hommes qui ne la considèrent pas en tant que femme et qui refusent d’accepter qu’elle ait un métier, surtout militaire. Une partie du roman s’emploie à développer cette thématique à travers les rencontres que fait Honor et les décisions qu’elle prend. Les autres officiers et subalternes féminines subissent cette pression et ce sexisme ce qui donne lieu à des réflexions vraiment intéressantes dans les dialogues entre les personnages et les confrontations culturelles.

D’ailleurs, les personnages me paraissent plus vivants que dans le premier tome. On en retrouve certains, de nouveaux apparaissent, les points de vue se multiplient mais contrairement au tome 1, je me suis sentie plus investie dans leur vie et leurs objectifs. Je pense que l’auteur s’est amélioré sur le développement des sentiments de ses protagonistes, sans pour autant tomber dans les effusions inutiles ou mettre de côté l’aspect militaire.

À l’instar du premier tome, les batailles spatiales sont hyper immersives. Elles parsèment ce roman bien rythmé qui alterne les réflexions politiques, idéologiques et les scènes de combat. Il est, à mon sens, beaucoup plus abouti que le premier tome et m’a totalement accrochée. Il est certain que je vais lire la suite sous peu et m’accrocher pour découvrir la totalité de ce monument de science-fiction.

Pour résumer, ce tome 2 rassemble tous les points positifs du tome 1 en gommant ses défauts. Le rythme est excellent et la traduction de bonne qualité. Les thèmes abordés sont tristement actuels malgré l’ancienneté de la saga (qui date quand même de presque 25 ans !) et traités avec brio. Malgré cela, cette saga ne conviendra pas à n’importe quel lecteur. Mieux vaut être adepte de science-fiction au risque de passer à côté de la richesse du livre.

Honor Harrington #1 mission basilic – David Weber

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La saga Honor Harrington créée par David Weber compte parmi les plus célèbres du space-opera. Elle contient actuellement treize volumes publiés en français chez l’Atalante. Seuls les six premiers tomes sont (pour l’instant) disponibles en poche (le 6e est prévu pour fin mai 2018) au prix de 10 euros.

J’ai entendu parler pour la première fois de cette saga grâce à mon amie L-A Braun qui a eu un véritable coup de cœur dessus. Comme j’avais envie de lire un peu de space-opera et que le roman est disponible en poche, je n’ai pas hésité longtemps avant de le commander en librairie. Je tenais à le terminer avant le début du Printemps de l’Imaginaire Francophone puisqu’il s’agissait du dernier livre d’un auteur anglophone présent dans ma PAL.

J’ai mis un moment à arriver au bout, parce que je lui ai trouvé quelques longueurs (et qu’il y a eu la foire du livre de Bruxelles au milieu). Comprenons-nous bien: l’univers posé par David Weber est incroyable. Il est inspiré des guerres napoléoniennes pour tout ce qui tient à l’aspect bataille / militaire. On ressent la passion qu’a l’auteur pour l’armée et l’Histoire de manière plus globale. David Weber a créé un univers extrêmement cohérent et réaliste, en pensant à tous les aspects technologiques et sociaux, abattant un travail titanesque pour proposer une œuvre grandiose. J’ai été, à titre personnel, très impressionnée par le lore complexe et pourtant accessible du roman.

Pourtant, comme je le disais, certains passages sont longs. L’action est lente à se mettre en place, certains détails de l’univers ne paraissent pas toujours utiles (mais comme il s’agit d’une saga, je ne doute pas qu’ils serviront dans les tomes suivants). Par contre, une fois que tout se lance… C’est vraiment prenant. Moi qui adore les récits guerriers, j’ai pris mon pied entre les opérations militaires sur la planète et l’affrontement entre l’Intrépide et le Sirius… C’était incroyable ! Un film se tournait littéralement dans ma tête et s’enrichissait à chaque ligne.

En cela, l’écriture de l’auteur (et la bonne traduction qui va avec, malgré une coquille ou deux dans le texte) est très visuelle et maîtrisée à la perfection, malgré des sujets complexes et un univers « de niche ». J’ai beau adorer les récits guerriers, je suis loin d’être une spécialiste, surtout quand ça se déroule dans l’espace. Pourtant, je n’ai eu aucun mal à visualiser les scènes, à en ressentir l’intensité dramatique. J’ai vibré avec Honor et les membres de son équipage, autant de joie que de détresse. Puis du space-opera sans manichéisme, ça se savoure.

David Weber nous propose, en plus d’un univers très complet, une palette de personnages qui ne nous laisse pas indifférents. Sur 530 pages, le tour de force est assez incroyable: un monde entier nous est présenté, avec sa politique dans le détail, sa hiérarchie militaire, sa technologie spatiale, ses planètes, son intrigue, le passé de son héroïne, quelques éléments de sa culture… Sans m’avoir donné une seule seconde l’impression de me noyer sous la masse d’informations. Chapeau !

Pourtant, la sauce n’a pas totalement pris. Peut-être parce que j’ai souvent été coupée dans ma lecture, peut-être parce que le début est assez lent pour justement planter ce décor (selon Laure-Anne, le tome 2 est très différent là-dessus) mais j’ai eu du mal à trouver mes repères. Je pense que je vais donner sa chance au tome 2, parce que le travail de l’auteur m’a vraiment impressionnée et a de quoi inspirer. Puis pour une fois que je trouve une bonne série de space-opera…

En bref, je recommande Honor Harrington si vous êtes un habitué du genre, si vous n’avez pas peur des univers compliqués, touffus, et que vous aimez les récits guerriers où on ne prend pas de gants (il s’y déroule des évènements assez atroces parfois). Autrement, passez votre chemin. Sans condescendance aucune, cette saga n’est pas à la portée de n’importe quel lecteur et ne sera pas appréciée par tout le monde, malgré ses très nombreuses qualités. Une saga et un auteur à suivre, donc. L’avenir me dira si j’ai bien fait de laisser sa chance au tome 2 !