Sorcière des ombres – Pascaline Nolot

Sorcière des ombres est le nouveau roman fantastique / ado de l’autrice française Pascaline Nolot. Publié chez Gulf Stream dans sa collection Échos, le titre est prévu pour le 9 février… 2023 ! Il était en énorme avant première à Montreuil et j’en ai profité pour me le procurer puisque j’apprécie en général les textes de l’autrice ainsi que l’autrice elle-même. L’avant première est telle que le livre n’est actuellement pas sur le site de l’éditeur, c’est vous dire… Quant à la couverture, on la trouve uniquement en mauvaise qualité à droite à gauche, je vous demande donc de m’excuser pour cela. Je reste un peu perplexe sur l’intérêt marketing d’une telle manœuvre mais ce n’est pas le sujet.

De quoi ça parle ?
Cassiopée est une adolescente de quatorze ans qui souffre de sa timidité. Pour la « soigner », ses parents décident de l’inscrire de force en stage de théâtre durant l’été, loin de chez elle, ce qui l’obligera à vivre chez son cousin. Une fois sur place, à Agonie, Cassiopée rejoint la troupe du théâtre du Serpent Vert et découvre l’existence d’une pièce maudite, la Sorcière du Rével, que ses compagnons de troupe ont très envie de monter…

Une héroïne timide.
J’ai beau réfléchir, je ne me rappelle pas avoir déjà lu un roman où le thème de la timidité est traité avec autant de justesse ou même traité tout court. Le plus souvent, on dit aux gens timides de « faire des efforts » ou on balance tout un tas de conseils type pensée positive du genre « quand on veut on peut ». Même quand on a conscience des difficultés rencontrées par les personnes timides, on a parfois du mal à comprendre réellement ce que recouvre la timidité, on adresse des remarques qui se veulent encourageantes mais n’aident en fait pas du tout. La lecture de ce roman m’a fait prendre conscience d’énormément de choses par rapport à ma propre attitude dans ces cas-là et ce qu’elle peut faire ressentir à autrui. Je dirais donc que la mission première du livre est accomplie et qu’il me semble très important de le faire lire au plus grand nombre de gens (surtout d’adolescents) possible.

Sans doute parce que l’autrice est elle-même une personne timide, la voix de Cassiopée sonne juste et m’a plus d’une fois poussée à m’interroger sur les situations vécues par la jeune adolescente. J’ai régulièrement été révoltée que ce soit par la façon dont les parents se positionnent sur le sujet, le discours qu’ils lui tiennent, la façon dont son professeur la rabaisse en se croyant intelligent ou même l’attitude de Lucile, l’ancienne meilleure amie de l’héroïne qui la rejette parce que sa timidité devient trop difficile à gérer pour elle. Je les ai tous trouvés très injustes envers la pauvre Cassiopée et vraiment peu compréhensifs, pourtant… Pourtant ces personnes ne pensent pas à mal. Elles essaient d’aider Cassiopée, elles ont peur pour elle, pour son avenir, parce que sa timidité dite maladive lui cause un véritable handicap social. L’enfer est pavé de bonnes intentions, me direz-vous… Et toute la mise en place du roman ne fait que le prouver.

La pression sociale autour de l’importance de bien s’exprimer est superbement mise en scène dans tous ses aspects et surtout, dans toute sa complexité. Le sujet est bien traité du début à la fin. J’avais un peu peur de la conclusion toutefois il ne s’agit pas de « guérir » cette timidité mais de l’accepter et d’apprendre à vivre avec comme d’autres traits de personnalité, une démarche que je trouve vraiment bonne. Il y a aussi une réflexion sur l’image de soi, sur l’image que la société nous fait développer de nous-même et sur la façon dont les gens peuvent se comporter comme des cons envers toute personne un peu en dehors de la norme.

C’est un roman que je trouve important rien que pour le traitement de ce thème mais ses qualités ne s’arrêtent pas ici. 

Cassiopée est une héroïne intéressante à suivre. J’ai parfois été lassée par ses introspections que je trouvais trop longues (à mon goût) et qui nuisaient (à mon goût, encore) au rythme du récit mais ça ne m’a pas empêché de ressentir beaucoup d’empathie pour elle, d’avoir envie de me mettre à sa place, à celle des autres aussi pour comprendre, réfléchir… C’était très intéressant comme expérience. De plus, la relation qu’elle développe d’abord avec la petite Zoé (qui m’a rappelé par certains aspects la fille de l’autrice, du moins ce qu’elle partage à son sujet sur Facebook, notamment ses réflexions amusantes et sa drôle de maturité) puis avec son cousin Clarence, un adolescent excentrique qui aime porter des redingotes et s’exprimer d’une façon soutenue, un peu comme s’il était le personnage d’une pièce. Je me suis beaucoup retrouvée en lui parce que j’ai eu une passe de ce genre aussi et ça m’a rappelé de chouettes souvenirs. Les dynamiques fonctionnent très bien et la cohérence du personnage est de mise jusqu’à la fin. Cassiopée est une adolescente qui a une personnalité très riche mais dissimulée derrière sa timidité. Elle-même a une piètre image de sa personne alors que ses actes spontanés nous montrent sa vraie valeur. Sans surprise, Pascaline Nolot parvient à se montrer subtile et percutante à la fois. 

Du théâtre et de la musique…
Ce n’est pas un secret : j’adore le théâtre, c’est un art qui me passionne et même si je ne monte plus sur scène pour diverses raisons, je l’ai fait pendant longtemps. Du coup, je suis ravie quand des auteur·ices que j’aime évoquent ce thème dans leurs livres. L’idée du stage m’a rappelé de bons souvenirs, les exercices proposés par le professeur sont amusants et donnent envie de les pratiquer en même temps que les protagonistes. Tout tourne autour d’une pièce dont on a droit à quelques extraits seulement alors que j’espérais la découvrir en entier dans des interchapitres. Cette pièce est maudite car lorsqu’elle a été jouée il y a trente ans, quelqu’un est mort et le traumatisme est resté chez les habitants d’Agonie. Ainsi, quand la troupe annonce qu’ils vont la rejouer, certains esprits s’emballent en prétendant que la sorcière du Rével va revenir et de fait, des évènements mystérieux, effrayants et même parfois violents se déroulent à mesure qu’avance cet été 2019. 

Des évènements dont l’explication se révèlera pour le moins… originale, tirant le roman dans une forme de fantasy pour brouiller la frontière des genres. J’ai été assez surprise par cette tournure, sans réussir à définir si j’ai apprécié ou non le twist car il semble sorti de nulle part et pourtant, une fois à la fin, j’ai été surprise de constater que tout s’emboîte parfaitement. Il reste pas mal de questions sans réponse concernant le Rével, ce qui donnera peut-être lieu à un autre roman dans cet univers, qui sait ? 

En plus du théâtre, la musique tient une part importante dans La sorcière des ombres car Cassiopée est fan d’un groupe de musique appelé GIRL (pour Ghost In Real Life) si bien que plusieurs extraits de paroles parcourent tout le texte, des paroles percutantes qui illustrent bien l’importance que peut avoir la musique dans la vie d’une personne. C’est également un élément qui m’a fait me sentir proche de Cassiopée. 

La conclusion de l’ombre
Sorcière des ombres est un thriller fantastique à destination d’un public adolescent plutôt efficace dans l’ensemble. Le roman met en scène une héroïne très timide et traite du sujet avec beaucoup de justesse, ce qui ne surprendra personne ayant déjà croisé la route de Pascaline Nolot. Cassiopée devra dépasser ses difficultés pour participer au stage de théâtre mais surtout, découvrir ce qui se cache derrière la malédiction de la pièce La Sorcière du Rével. Si le texte souffre à mon goût de quelques longueurs dues aux introspections de Cassiopée qui prend souvent le lecteur par la main pour tout expliciter (ce qui est cohérent vu le public cible) je l’ai trouvé important pour les thématiques abordées, intéressant dans ses idées et bien mené dans l’ensemble. Un roman fort recommandable !

D’autres avis : sûrement en février 2023…

Les autres romans de Pascaline Nolot sur le blog : Les orphelins du sommeilles larmes de l’araignéeRouge.

Informations éditoriales :
La sorcière des ombres par Pascaline Nolot. Éditeur : Gulfstream dans sa collection Échos. Couverture par Jessica Heran. Prix au format papier : 18,90 euros.