Voilà un moment que je n’avais plus lu un roman (je suis à fond sur le format court, que voulez-vous !) et encore moins un roman jeunesse publié par Scrineo. Pourtant, je ne pouvais rater cette sortie qui est la première incursion de mon amie auto-éditée dans l’édition traditionnelle.
Même si ce n’est pas (plus) mon style de lecture, je ressors satisfaite par l’aventure. Voyons pourquoi !
De quoi ça parle ?
Une série de disparitions a lieu dans les bas fonds d’Arkantras et personne ne s’en préoccupe hormis les mères des jeunes concernés. La rumeur raconte qu’un monstre les enlèverait pour les dévorer… Mais Rowena n’y croit pas ! Jusqu’à ce que son ami Œil-de-Pirate compte au nombre des disparus… Parallèlement, Eugène Bassompière, noble déshérité et renié par sa famille, se retrouve à travailler en tant que journaliste sur cette affaire.
Un diptyque en deux points de vue :
De rouages et de sang sera un diptyque. Ce premier volume se concentre sur deux points de vue : d’un côté, Rowena, une jeune fille passionnée par la mécanique qui vit dans la rue avec son chat à la patte mécanique, Monsieur Gratouille. À travers elle, le lecteur découvre la réalité crasseuse des bas fonds d’Arkantras et les difficultés quotidiennes rencontrées par une jeune fille qui veut survivre sans devoir vendre son corps. Pour cela, Rowena dérobe des pièces sur des voitures ou des automates afin de les revendre aux plus offrants. Elle n’a pas de famille et s’est élevée toute seule à la dure pour résister aux épreuves dressées sur sa route. Épreuves que le lectorat découvrira petit à petit par des flash-backs distillés dans la narration. Rowena considère Œil-de-Pirate comme un père, malgré son aspect effrayant et bourru. Alors quand il disparait, elle remue ciel et terre pour le retrouver…
Rowena est un personnage plutôt réussi et touchant à travers lequel l’autrice transmet beaucoup d’émotions. J’ai bien aimé la suivre et je suis sûre qu’elle saura conquérir le cœur des lecteur·ices de son âge.
D’un autre côté, on retrouve Eugène Bassompierre, un jeune homme d’à peine dix-huit ans qui a grandi dans la belle société d’Arkantras et en a été exclu suite à un scandale. Il vit désormais dans les bas fonds et tente de gagner sa vie comme journaliste. Son éditeur lui confie une affaire de disparitions sur laquelle il va devoir enquêter pour publier un article sur le sujet. Le problème c’est que même si Eugène n’a pas un mauvais fond, il déborde de préjugés sur les « petites gens » et vit en dehors des réalités du monde. Il les juge au lieu de les comprendre bien que cela évoluera au fil de l’histoire. Heureusement ! Je l’ai moins apprécié que Rowena, le trouvant un peu caricatural dans l’ensemble et avec moins de substance. Il est la figure même du héros qui se prend en pleine face la réalité socio-politique du monde dans lequel il vit et qui décide de tout faire pour la changer. En même temps, il n’a que dix-huit ans, alors on peut excuser son idéalisme…
Un cahier des charges évident.
Ce n’est pas fondamentalement un reproche que j’adresse au titre toutefois j’ai eu le sentiment à plusieurs reprises que l’autrice avait une liste de thèmes ou d’éléments à inclure dans son roman pour que celui-ci puisse entrer dans une case éditoriale bien spécifique. J’ignore d’où cela vient exactement, toutefois on retrouve dans ce titre tout ce qu’on imagine voir dans un roman jeunesse d’inspiration steampunk, ce qui empêche la moindre surprise pour un·e lecteur·ice averti·e mais convient très bien au public cible qui aura probablement moins de bagage.
Par exemple il y a l’évidente et habituelle lutte des classes avec d’un côté les nantis aveugles et de l’autre, les pauvres gens qui font de leur mieux pour survivre, sans vraie nuance. Il y a les forces de l’ordre corrompues, les expériences menées sur les humains pour fusionner l’homme et la machine, les réflexions contre le gaspillage éhonté de notre société industrielle alors qu’on pourrait penser à la seconde main, la mascotte sympathique et féline en la personne de Monsieur Gratouille, le jeune naïf qui découvre les rouages (c’est le cas de le dire !) du monde, la jeune fille élevée à la dure, l’exploitation des classes sociales les plus démunies, une touche de « fantastique » avec cette rumeur sur le monstre… Rien ne viendra véritablement surprendre une personne qui a déjà l’habitude de ce type de texte et donnera peut-être le sentiment d’une histoire déjà lue, déjà connue, exécutée simplement d’une façon différente -et néanmoins efficace.
D’un autre côté, on n’attend pas de chaque roman lu qu’il révolutionne un genre à lui tout seul. Ce serait bien illusoire et surtout, ridicule !
Inspiration steampunk ?
J’ai utilisé ce terme à plusieurs reprises et j’en ai aussi parlé avec l’autrice. De par sa couverture et l’accent mit sur les goûts en mécanique de Rowena ainsi que par l’apparence de Monsieur Gratouille ou encore la nature véritable du monstre dans les égouts, on pourrait spontanément classer ce roman dans la catégorie du steampunk mais ce serait un peu réduire celle-ci car, finalement, on pourrait tout aussi bien se trouver dans un univers en pleine révolution industrielle et aborder ainsi des thèmes identiques ! Les descriptions de l’univers ne m’ont pas donné l’impression d’une technologie véritablement basée sur la vapeur ni d’un développement alternatif au nôtre. Et ce n’est pas, en soi, le propos ici. Les deux points de vue se valent mais je prends des gants en parlant d’inspiration plutôt que de steampunk ou de steampunk jeunesse car ce serait aussi un peu réducteur pour le public. Du coup, je ne suis pas certaine que le texte comblera les amateur·ices acharné·es du genre. D’où ma nuance.
À qui destiner ce roman ?
J’aurais tendance à le recommander à des pré-ados ou des adolescent·es qui n’ont pas beaucoup ou même aucune expérience dans le genre dit steampunk car il y a beaucoup de thématiques importantes qui peuvent être abordées par le biais de ce roman. Il pourrait également faire un chouette objet d’étude en classe, pour un cours de sciences sociales par exemple. L’éditeur le recommande à partir de 14 ans et c’est un bon âge car il y a quand même quelques passages sanglants qui m’ont surprise, tout dépendra de la sensibilité des jeunes concernés. Je pense que des adultes un peu plus calés dans les littératures de l’imaginaire ne trouveront rien de particulier à ce texte qui ne comporte pas de réel défaut mais n’en devient pas marquant ou inoubliable pour autant. Il remplit son rôle de divertissement à destination d’un certain type de public (auquel je n’appartiens plus, je le rappelle) et c’est parfois tout ce qu’on attend d’un roman.
Par contre je pense que si je l’avais lu à 14 ans, j’aurais été enchantée. Mon seul regret par rapport à ce livre est donc de ne plus avoir la moitié de mon âge pour l’apprécier comme il l’aurait mérité.
D’autres avis : pas chez les blogpotes que je suis mais signalez-vous au cas où !