RÉFLEXION : quelques mots sur la surproduction littéraire en SFFF francophone (et ailleurs).

Bonjour tout le monde !

Voilà un moment que je n’avais pas écrit un article de ce type ! Pour celui-ci, tout a commencé grâce à la Pause Café #19 du blog Zoé prend la plume qui proposait une réflexion personnelle sur la surproduction littéraire (comprenez toujours plus de nouveautés tout le temps) et la surconsommation que cela engendre forcément ou du moins, la pression de la surconsommation. Je vous invite à d’abord aller lire son billet avant de vous plonger dans celui-ci car mon but n’est pas de paraphraser son article mais bien d’y répondre grâce aux questions qu’elle pose à la fin. Zoé avance en effet des chiffres en plus de sa vision de la problématique et, finalement, je ne cherche qu’à apporter un point de vue personnel.

Avant d’aller plus loin, je rappelle que mes réflexions me sont personnelles et je ne cherche en aucun cas à les imposer comme une vérité absolue. Je vous partage simplement mon point de vue de lectrice mais aussi d’autrice et vous allez voir que, assez étonnamment, ils se marient bien.

Que pensez-vous de la production éditoriale ? Trouvez-vous qu’elle augmente plus vite que votre capacité à suivre ? Quel est votre avis là-dessus ?
En tant que lectrice mais aussi autrice, j’ai un avis assez tranché sur le sujet qui a évolué avec le temps mais aussi grâce à ma pratique de blogueuse littéraire et mes observations personnelles. Je trouve que dans le paysage littéraire francophone de l’imaginaire (je ne suis pas compétente pour évoquer les autres pays ou la littérature blanche) trop de livres sortent chaque mois. Je me fais cette réflexion de manière systématique quand Anne-Laure (Chut Maman Lit) et Lhisbei (RSF Blog) mettent chaque mois en image les sorties littéraires à venir. Et encore, il n’y a pas tout ! Il manque pas mal d’indés. Comment est-il possible de lire autant sur un mois ? Ça ne l’est tout simplement pas. Et ça me provoque des angoisses.

Pendant plusieurs années, je m’efforçais de suivre tout ce qui sortait, au moins chez les éditeurs phares (ou que je considérais comme phare). Je voulais être à la pointe de l’actualité littéraire et j’ai réussi pendant un temps… Le problème c’est que j’ai fini par craquer. Par me dégoûter de lire, de chroniquer, j’en avais ma claque parce que finalement, je pensais en terme de consommation, de rendement, de « si je lis ce roman en x temps j’aurais une chronique prête pour tel jour donc ça va tourner ». J’ai voulu faire trop et c’est pour cette raison que j’ai réduit mon nombre d’articles sur le blog (deux par semaine) et arrêté les services presses. C’était une façon, pour moi, de reprendre le contrôle, de retrouver goût à la littérature mais aussi de me donner le droit de relire des séries si je le souhaitais. Ce que j’ai fait depuis, d’ailleurs.

Du coup, oui, je trouve qu’elle augmente trop vite, qu’elle est déjà trop importante et j’ai abandonné l’idée de la suivre. Je n’ai aucune prise dessus donc tant pi, je lis et chronique ce qui me plait sans me préoccuper du reste. À ce stade, je dois apporter l’opinion d’autres personnes qui se sont manifestées sur Twitter pour expliquer qu’iels ne comprenaient pas le problème puisque si davantage de livres sont disponibles, ça permet un plus large choix pour ell·eux. Je suis d’accord pour dire que cette situation de départ qui a enclenché le questionnement de Zoé ne touchera pas tout le monde de la même manière et que tout dépend de notre façon d’aborder nos lectures et cette production. Toutefois, on ne peut pas nier qu’un problème existe et je vais tâcher de l’expliciter à la suite.

Pensez-vous que la décroissance est gage de meilleure qualité ?
Non. Déjà parce que la qualité des uns n’est pas celle des autres. Je peux adorer un roman que le reste de la blogosphère va détester et vice versa, cela arrive régulièrement. On pourrait donc dire que toute cette production permet simplement au plus grand nombre de profiter du type de roman qu’iel souhaite ? C’est ce que j’affirmais juste avant. Sauf que cette surproduction entraine plusieurs problèmes, notamment l’invisibilisation rapide des romans. Il faut savoir qu’écrire un livre prend énormément de temps, sans parler du travail éditorial, des corrections, etc. Se dire qu’on fait « tout ça » pour même pas un mois de visibilité ? C’est déprimant. Et c’est un problème directement lié à la surproduction dans le milieu.

Alors quoi, publier moins pour laisser à certains romans la possibilité d’avoir une plus longue durée de vie ? Dans le système actuel, cela signifierait que seuls les grands noms pourraient encore sortir des romans et ça n’est en rien une solution. En tant qu’autrice, j’ai envie de dire que tout le monde a le droit de vouloir partager son histoire. Et je le pense. Sauf que beaucoup d’histoires que j’ai eu l’occasion de lire ne sont pas suffisamment abouties. Il y a un besoin entretenu par le milieu et cette logique de marché qui pousse à publier au moins un roman par an, pour ne pas que le public nous « oublie » sauf que l’inspiration n’est pas toujours présente et cela donne lieu, parfois, à des productions de qualité moindre si pas médiocre, chez des auteur·ices qui possèdent pourtant de grandes qualités littéraires. Et pour quelle raison ? Outre entretenir sa communauté ? Et bien vivre, tout simplement. Sur un plan personnel, je fais partie des auteur·ices qui ont trop publié et mal publié, sortant des textes qui ne méritaient pas qu’on use du papier pour les imprimer parce qu’ils manquaient clairement d’un véritable travail. J’en ai déjà parlé dans mon article sur ma première trilogie. À l’heure actuelle, j’ai d’ailleurs décidé de changer radicalement ma manière d’écrire et de penser ma littérature. Si je dois sortir un texte, c’est parce que j’en suis fière, parce que j’ai quelque chose à raconter. Pas juste parce que « ça fait longtemps ».

La question de la (sur)production est d’autant plus complexe qu’il est déjà, à l’heure actuelle, extrêmement difficile de vivre de sa plume. Cela n’est plus mon souhait depuis longtemps, je l’ai déjà dit. J’ai besoin de stabilité, besoin de savoir précisément quand je touche mon salaire chaque mois et combien. Mais il y a des personnes avec plus de courage (ou de folie ?) que moi qui ont décidé d’en vivre et qui doivent donc sortir des textes manière (très) régulière pour toucher de quoi vivre décemment -ou essayer. Et parfois, dans des genres qui ne sont pas ceux qu’iel préfèrent, mais qui sont ceux rapportant le plus.

Alors, que faire ? Produire moins et vivre de manière encore plus précaire ? Ou produire davantage pour répondre aux exigences du marché en y sacrifiant probablement la qualité ?

À l’heure actuelle, force est de constater qu’il n’y a aucune bonne solution pour tenter de résoudre ces problématiques. J’affirme donc qu’il faut revoir en profondeur la chaîne du livre ainsi que la répartition des bénéfices pour que ce soit ENFIN l’auteur·ice qui touche la plus grosse part du gâteau et donc qu’iel ne soit pas enfermé·e dans une logique purement commerciale, qui touche parfois à la simple survie. Je sais, facile à dire, moins à faire et pourtant… Il faut se rendre à l’évidence. Le système tel qu’il existe actuellement n’évolue pas, ne convient plus pour ses acteur·ices et a besoin d’être réformé. Il y a une raison pour laquelle de plus en plus d’auteur·ices se tournent vers l’auto-édition… Pensez-y.

Autre point de réflexion, le fait que le livre soit (devenu) un produit. Je ne dis pas que ça s’est passé maintenant en 2022, je dis qu’à un moment donné de l’histoire du livre (quelque part au 19e siècle, peut-être quand le principe de roman-feuilleton s’est lancé dans les journaux ? Un moment charnière illustré par le pamphlet « De la littérature industrielle » rédigé par Sainte-Beuve en 1839 d’ailleurs si certain·es sont curieux·ses) la manière dont on considérait un texte a changé. Et la révolution française a transformé en profondeur le modèle économique jusque là basé sur le mécénat. Attention, je ne dis pas ici que la littérature doit être réservée à une élite intellectuelle ! Pas du tout. Toutefois, pensons-y : avec les systèmes de crowdfunding, on revient un peu à cette logique du mécène sauf qu’au lieu d’un seul qui contribue en totalité, on en a des dizaines, des centaines si pas des milliers qui contribuent chacun à la mesure de leur moyen. Et il y a quelque chose de beau là-dedans, quand c’est correctement exécuté.

J’ajoute une précision : oui à l’heure actuelle le livre est un produit et oui en tant que blogueuse, je participe au « marketing » autour de ce produit peu importe mon intention de base. Quand je parle d’un livre, j’essaie de donner envie à d’autres personnes de le lire et donc, de l’acheter. On peut donc s’étonner de me voir tenir un tel discours sauf qu’il s’agit ici de plaider pour un système qui permettrait une plus longue durée de vie des romans et pas juste des œuvres « jetables » qui marquent peu ou pas, qu’on consomme vite pour diminuer sa PàL ou que sais-je. Et tant que j’y suis, si ce nouveau système à mettre en place pouvait permettre aux artistes de vivre correctement…

Dans ce paysage littéraire tel qu’on le connait aujourd’hui, les auteur·ices produisent quelque chose qu’ils doivent vendre mais la qualité intrinsèque du texte n’entre que peu en considération sur le total de ces ventes. On pourrait d’ailleurs discuter sur ce qu’on regroupe sous cette notion de qualités mais on en arriverait vite à la conclusion que ça dépend du public ainsi que de la sensibilité de chacun·e. Les gens achètent un produit sur base d’un nom, d’une structure éditoriale, d’une belle couverture, bref de marketing… Au final, la partie écriture dans le métier d’auteur·ice n’est pas / plus majoritaire. L’auteur·ice devient aussi un produit, une image sur laquelle jouer. Personnellement, j’ai essayé un temps mais ça ne me convenait vraiment pas.

Donc non, je ne pense pas que la décroissance soit synonyme d’une augmentation de la qualité, pas si elle s’inscrit comme seule variable du problème. Je pense que le milieu littéraire et la chaine du livre doivent être réformés pour permettre aux auteur·ices de vivre dignement de leur plume et donc de produire moins pour produire mieux sans pour autant s’enfermer dans la précarité.

Selon vous, comment un texte pourrait gagner en visibilité sur le long terme ? Comment accroître la durée de vie d’un bouquin ?
Je pense que ça passe d’abord et avant tout par une stratégie éditoriale adaptée. Je vais prendre l’exemple de Livr’S : quand on part en salon, on prend au moins un exemplaire de chaque livre dans le catalogue et on le présente au même titre que les autres, peu importe qu’il date de 2016 ou de 2022. On a eu aussi récemment l’idée de proposer à chaque lancement de précommande la possibilité pour nos partenaires de redécouvrir un titre plus ancien de notre catalogue et donc de pouvoir générer de nouvelles chroniques à son sujet, de le ramener sur le devant de la scène. De plus, nos titres sont toujours disponibles sur notre boutique, même les plus anciens. On s’assure d’avoir du stock, ainsi si un auteur sort un nouveau roman, on remet aussi ses plus vieux titres sur le devant de la scène et ça leur permet de vivre plus longtemps. Enfin, on compte aussi sur un investissement des auteur·ices pour aller à la rencontre du public même un an ou plus après la sortie d’un roman.

La rencontre du public passe aussi par des dédicaces en librairie ou en salons et pour ça, il faut prendre le temps de démarcher, de se rappeler à leur bon souvenir. Les libraires n’ont pas une place infinie, ils sont obligés de renvoyer du stock pour faire de la place aux nouveautés qui arrivent sans arrêt et par palettes. Du coup, si vous organisez des évènements, la librairie va vendre votre livre (normalement) et donc le garder en stock même s’il commence à dater, ce qui permettra de le montrer à des gens potentiellement intéressés, qui vont peut-être même l’acheter, et ainsi de suite, entrainant un cercle vertueux. Cela demande qu’une personne au sein de la structure éditoriale s’occupe de ce suivi et le fasse pour tous·tes les auteur·ices de la maison. C’est clairement un boulot temps plein !

Si je parle d’un point de vue plus personnel : Quand Clément Coudpel contre les spectres de Samain est sorti, c’était en octobre 2020 pendant la pandémie COVID et j’étais persuadée que le texte allait être enterré, comme c’est arrivé à d’autres. Souvenez-vous, les messages à ce sujet fleurissaient à l’époque sur les réseaux… J’avais fait mon deuil et ça me renforçait même dans mon envie d’arrêter d’écrire. J’y voyais un signe. Pendant plus d’un an, il n’y a pas eu de salons où le présenter et si les précommandes s’étaient bien déroulées, si la blogosphère avait bien suivi (encore merci pour ça), cela n’a pas suffit pour assurer la pérennité à mon roman.
Je vois la différence sur mes chiffres de vente maintenant que j’ai pu retourner en salon. Sur deux week-end j’ai vendu davantage que sur tout 2021… Il y a donc clairement un avantage à aller à la rencontre du public. C’est fondamental pour permettre à son œuvre de vivre plus longtemps. Et pour le faire dans de bonnes conditions, des défraiements officiels doivent être mis en place afin que les auteur·ices ne perdent pas de l’argent à se déplacer. J’ajoute aussi que si j’ai eu cette possibilité, c’est parce que mon éditrice fonctionne toujours sur le long terme. Je n’ai pas été mise au placard parce que mon roman datait d’un an ou deux. Elle l’a traité de la même manière que n’importe quel autre titre, il a eu sa place comme les autres et ça vaut pour les autres romans sortis pendant cette sombre période. C’est donc, selon moi, en premier lieu une stratégie éditoriale et une mentalité bien spécifique à la structure qui permet de défendre un livre sur le long terme. 

Est-ce que les nouveautés vous angoissent, ou vous réjouissent ? Ou les deux ? Comment réagissez-vous face aux sorties ? Foncez-vous, ou laissez-vous décanter un peu ?
Ça dépend. Souvent, ça m’angoisse surtout quand Anne-Laure et Lhisbei alimentent l’album facebook et que je vois +60 ou +80 photos… En un mois sort donc ce que je lis sur un an (et encore…). Alors vous pourriez me dire qu’il n’y a rien de dramatique là-dedans mais je souffre d’une frustration. Il y a trop de sorties, je n’ai pas le temps de même lire tous les résumés. Je juge sur un nom, sur une couverture, sur un concept, une maison d’édition et finalement, pas sur le travail de l’auteur·ice en iel-même. Quand on sait le temps et l’investissement que demande l’écriture d’un roman, c’est profondément injuste et cela ne me convient pas. Ce problème vient de la surproduction. On peut aussi penser que c’est le jeu mais je suis persuadée qu’il y a moyen de contenter tout le monde sans laisser uniquement la part belle aux géants du milieu.

Du coup j’ai revu ma façon de fonctionner et je m’intéresse désormais à un très petit nombre de maisons d’édition ainsi qu’à un petit nombre d’auteur·ices dont je suis la production parce qu’iels ont su me convaincre. Actuellement, il y a le Bélial (je suis soulante avec eux, je sais :D), Livr’S bien entendu pour tout un tas de raisons évidentes mais aussi 1115 car le format court me convient parfaitement. Je jette toujours un œil aux sorties Mnémos, l’Atalante, Chat Noir et ActuSF mais c’est de plus en plus rare que je sois vraiment enthousiaste pour un de leurs titres. Mes goûts évoluent de mois en mois et mes exigences aussi, exigences conditionnées justement par de nombreuses lectures moyennes ou médiocres qui m’ont rendues très critique, des romans issus de cette surproduction, de cette nécessité de vendre. Ici, j’ai conscience que c’est une considération propre à mes goûts mais elle a quand même son importance… Depuis quelques mois, la SF me passionne tout comme le format court. Il est donc logique que je me tourne vers des structures spécialisées dans ces deux domaines.

Pour mes autres achats, c’est plutôt lié directement aux auteur·ices. Exemple récent : Ariel Holzl a annoncé son nouveau roman chez Slalom, je sais déjà que je vais l’acheter car je lis tout ce qu’il publie. Idem pour Jean Laurent Del Socorro, Estelle Faye (pour ses textes adultes), Audrey Alwett et David Bry, pour ne citer que ceux-ci et rester dans le francophone. Je sais aussi que je vais acheter tout nouveau Une Heure Lumière, peu importe que le pitch me parle ou non, car il y a ici l’aspect collection qui joue (je suis presque au bout !).

Et quand je suis décidée sur un titre, j’ai envie de l’acheter et de le lire dés que possible. L’attente ne me réussit pas en général.

C’est la solution que j’ai trouvée pour me préserver. J’ai aussi fait la paix avec moi-même sur le fait que non, je ne pourrais pas tout lire et oui, je vais passer à côté de bons textes. Mais c’est ainsi ! De toute manière, objectivement, il n’est pas possible de tout lire même en y consacrant 24h/24 et 7j/7. Éventuellement sur les nouveautés (et encore) mais qu’en est-il du catalogue de fond ?

Pile à lire tour de Pise, ou pile à lire matée ?
Clairement matée même si ça a demandé de la discipline. Chaque fois que j’ai envie d’acheter un livre, même en salon, je m’oblige à me demander trois fois si je le veux vraiment et si je ne réponds pas trois fois oui de manière ferme, je laisse. Quitte à changer d’avis plus tard sur le prochain évènement mais j’ai eu trop de déception, trop d’argent gâché dans des craquages impulsifs et dont j’aurais pu me servir pour acheter d’autres livres plus tard ou simplement économiser à un autre dessein. J’ai envie de permettre aux auteur·ices de vivre et j’achète des livres avec plaisir mais je dois le faire autrement, surtout de nos jours où tout augmente. C’est un peu terre à terre, j’en ai conscience. Que voulez-vous ! Si encore le craquage impulsif me rendait heureuse, mais même pas. J’ai vite des regrets, alors autant m’épargner.

Et voilà, je me rends compte que ce billet est devenu beaucoup plus long que prévu… J’espère que mes réflexions ont un intérêt pour vous, permettront de nourrir les vôtres et / ou vous donneront envie de partager votre point de vue. N’hésitez pas à le faire en commentaire, dans le respect évidemment 🙂

RÉFLEXION – s’il vous plait, les maisons d’édition : respectez votre lectorat !

Bonjour tout le monde !

Si vous me suivez sur Twitter, vous ne devriez pas être surpris.e de lire cet article aujourd’hui.

Petite mise en contexte :
Hier matin, j’ai commencé à lire le roman Three Dark Crowns de Kendare Blake chez Léha. Je l’avais acheté en librairie, attirée par le concept et par le fait qu’il y ait trois personnages féminins mis en avant. J’ai lu une centaine de pages avant de voir passer sur Twitter une chronique partagée par la maison d’édition. Dans cette chronique, Le Point explique qu’il s’agit d’un premier tome et que quand on arrive à la fin, on a hâte de lire la suite vu le gros twist.

Avant de m’énerver, j’ai quand même été vérifier sur mon exemplaire s’il n’y avait pas une mention « tome 1 » quelque part qui m’aurait échappée mais non. Rien sur la couverture, rien dans le résumé, rien non plus sur les premières pages ou dans les mentions légales. Par contre, dans la bibliographie de l’autrice fournie par l’éditeur il est bien noté « la série Three Dark Crowns » mais j’estime que c’est gravement insuffisant, comme une information donnée vite fait en espérant que personne ne s’en rende compte… J’ai quand même effectué une seconde vérification parce qu’il s’agissait peut-être de tomes indépendants. J’ai donc été lire le résumé du 2 et… Non, on y retrouve exactement les mêmes personnages, ça semble être une suite totalement directe, comme le sous-entend la chronique partagée par la maison d’édition d’ailleurs.

Je précise avant d’aller plus loin que si cette expérience a été la goutte d’eau qui a fait déborder le vase, de nombreuses maisons d’édition comme Mnémos avec notamment Chevauche-Brumes (l’éditeur donne une explication à ce sujet suite au partage de cet article, vous pouvez la lire en cliquant ici), ActuSF avec Rouge Toxic et Rouge Venom qui sont deux tomes liés entre eux sans que ça soit mentionné ou encore Denoël qui est aussi pas mal doué pour ça encore récemment avec Vers Mars qui est la suite de Vers les étoiles avec la même héroïne et tout (cette liste n’est pas complète, j’ai noté les premiers titres qui me viennent à l’esprit) ont contribué à le remplir, ce vase. Mon but ici n’est pas de taper sur Léha (ni sur les autres) mais simplement, d’une part, de vous informer si vous comptiez lire ce roman (enfin cette saga donc…) et d’autre part, de discuter de ce qui est, pour moi, un vrai souci et une grosse rupture de confiance.

Lire en dehors de la blogosphère.
Je pense important de dédier au moins un paragraphe à une petite mise au point, parce que ça n’est pas toujours clair dans tous les esprits. La blogosphère SFFF est un microcosme, un entre-soi où on se connait tous.tes plus ou moins, ne fut-ce que de nom, où on échange régulièrement avec les mêmes personnes quand on lit des romans étiquetés « imaginaire adulte ». On a vite le sentiment que l’univers des lecteur.ices s’y réduit et j’oublie moi-même parfois que ce n’est pas le cas.

En réalité, je pense que plus de 90 si pas 95% du lectorat ne tient pas de blog et n’en lit même pas. Ces personnes achètent leurs romans en librairie et vont les emprunter à la bibliothèque, iels en parlent peut-être autour d’elleux mais c’est tout. Iels ne sont donc pas spécialement au courant de l’actualité littéraire, que ce soit française ou à l’étranger et s’en… moquent en fait. Nous appartenions tous.tes, auparavant, à cette catégorie de lecteur.ice. Personnellement, j’allais à la FNAC de ma ville (Kazabulles n’existait pas encore) je flânais dans le rayon SFFF (qui était surtout bit-lit B. à ce moment-là), je lisais un résumé, j’étais attirée par une couverture, mais je ne cherchais pas de références sur Internet. À la limite, je demandais conseil à la dame responsable du rayon et ça s’arrêtait là. C’est ainsi qu’agit la majorité du lectorat. Donc ce qui est une évidence pour les personnes qui lisent en VO ou qui sont au top de l’actualité littéraire SFFF francophone ne l’est pas pour la plupart des gens.

En voyant un roman sans mention de tomaison, l’innocent.e lecteur.ice pensera logiquement qu’il s’agit d’un volume unique et se fera avoir.

Une pratique malhonnête.
Je juge la pratique malhonnête de la part des maisons d’édition. J’ai conscience qu’une série se vend moins bien auprès du grand public, que c’est un pari du coup plus risqué, sauf que ça ne constitue en rien une excuse. En ce moment, je n’ai pas envie de m’investir dans des séries parce que je trouve davantage mon compte à lire du one-shot, du roman court ou de la novella. C’est mon droit le plus strict. Si j’ai arrêté les SP, c’était pour retrouver le contrôle de mes lectures. Le contrôle total. Avec des pratiques éditoriales comme celles-là, on m’en empêche et ce n’est pas normal. La confiance est déjà rompue à ce moment-là mais il reste encore un argument de poids…

Le budget ! Car oui, l’argent ne s’est toujours pas décidé à pousser sur les arbres (franchement, il abuse !). J’ai dépensé 20 euros pour un roman qui en comptera finalement trois autres sans compter deux novellas, si j’en crois la page de l’autrice. Rien que pour les romans, si le prix se maintient (et vu les problèmes de papier en ce moment, j’ai comme un doute), ça signifie qu’au lieu d’un investissement à 20 euros, je pars a priori sur un investissement à 80 euros ! Ce n’est plus vraiment la même chose et je sais que pour certain.es lecteur.ices, c’est une dépense trop importante qu’iels ne peuvent pas forcément se permettre. Idem pour les bibliothèques ! On m’a fait remarquer sur Twitter que ça arrivait sans arrêt au sein des bibliothèques de commander des romans qui sont en fait des premiers tomes déguisés. On oublie aisément que ces institutions ont des budgets très serrés…

Alors oui, c’est malhonnête et j’en ai marre. Les premières fois où j’ai été confrontée à cette pratique, je n’ai rien dit (rien osé dire, je l’avoue j’ai même parfois défendu les structures concernées en m’obligeant à croire que oui il s’agissait bien de tomes indépendants (NON en fait !!)) parce que ça concernait des auteurs que j’apprécie ou des maisons d’édition que je respectais encore à ce moment-là, avec lesquelles je travaillais. J’ai ressenti un malaise mais je n’avais pas les mots et j’osais moins rentrer dedans. Aujourd’hui, alors que je me suis détachée de ces structures en n’acceptant plus de services presses, je suis redevenue une simple lectrice qui paie ses romans et qui n’a pas envie d’être menée en bateau par une maison d’édition. Une simple lectrice qui se sent, du coup, le droit de dire qu’elle est contrariée.

J’ai payé pour un one-shot. J’ai reçu un premier tome.
Ce n’est pas la même chose. Pas du tout.
Et bien mon argent ira désormais à des maisons d’édition plus éthiques qui ont la décence d’inscrire la tomaison sur leur saga.
Si je n’avais pas acheté ce roman chez un librairie indépendant, j’aurais même été me le faire rembourser.
J’ai conscience que ça ne représente rien pour ces structures mais ça me permet d’être en paix avec moi-même que de prendre cette décision et de m’y tenir. Je n’appelle pas au boycotte, je n’essaie pas de lancer une révolution ou de culpabiliser les personnes qui n’y voient aucun problème. Chacun.e est libre de penser ce qu’iel veut et d’agir comme iel l’entend.

J’espère juste que l’un.e ou l’autre responsable éditoriale passera par ici et qu’iel réfléchira deux minutes sur cette problématique, la prochaine fois qu’on lui proposera de faire passer un tome 1 pour un one-shot.

S’il vous plait, respectez votre lectorat.

RÉFLEXION : l’évolution de mon rapport au format court dans la littérature

Salutations à vous, lecteurs et lectrices fidèles ! Nous sommes déjà le 24 décembre et le Père Noël des ombres a décidé de vous offrir un petit article réflexif qui lui est venu après avoir lu l’excellent hors-série 2020 de la collection Une Heure Lumière du Bélial. Commençons donc par replacer quelques éléments dans leur contexte, afin de comprendre comment j’en suis arrivée à l’écriture de cet article. 

Ce troisième hors-série tiré de cette très fameuse collection dont je parle régulièrement sur le blog s’ouvre sur un focus autour des traducteurs et des traductrices de la maison d’édition, celles et ceux qui travaillent notamment à traduire les novellas de la collection UHL. Il leur était demandé d’aborder leur rapport à ce genre et d’expliciter les difficultés qu’iels pouvaient rencontrer dans l’exercice de la traduction par rapport à celle, par exemple, d’un roman.

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Jusqu’à encore récemment, je ne lisais quasiment jamais de format court, que ce soit la novella ou la nouvelle, car je nourrissais à leur encontre un certain nombre d’apriori. Selon moi, il n’était pas possible de développer une bonne histoire en si peu de pages. Forcément, des éléments allaient passer à la trappe et cela donnerait un texte pas suffisamment abouti. Une certitude héritée de je ne sais pas trop où, d’ailleurs… Peut-être un traumatisme scolaire ? Honnêtement, impossible de me rappeler. Du coup, par principe ou plutôt par habitude ancrée, j’évitais régulièrement de lire des recueils de nouvelles, des anthologies ou même des novellas au sens strict du terme. Je ne vais d’ailleurs pas revenir sur la terminologie et allègrement mélanger nouvelle et novella. Je sais qu’il existe une différence entre les deux notamment au niveau de la longueur mais il a fallu attendre que cet article soit publié pour que je sache précisément laquelle. Merci Apophis, à nouveau ! Voici donc, pour votre culture personnelle (et la mienne), les terminologies à utiliser : moins de 7500 = nouvelle, 7500 – 17499 = novelette, 17500 – 39999 = novella, plus de 40 000 = roman.

Bref, je cesse de digresser.

Je fuyais donc ce genre… Puis il y a eu la blogo. Ces blogpotes qui parlaient de la collection Une Heure Lumière (je ne cite personne pour ne vexer personne mais les concerné/es se reconnaitront 😉 ) du Bélial, qui écrivaient des retours sur leur lecture du Bifrost… J’ai fini par craquer en me lançant dans l’excellent Les Meurtres de Molly Southbourne (lecture en septembre 2019 seulement… Imaginez !) qui a eu le mérite de démolir toutes mes certitudes à propos de ce format. Poussée par la curiosité, j’ai donc consacré une partie de l’année 2020 à me prouver que j’avais eu tort en lisant des anthologies, des nouvelles isolées et des novellas. En cela, j’ai été aidée par le Projet Maki qui consistait à lire de manière régulière des textes au format court. J’insiste sur l’aspect régularité du challenge, qui m’a aidé à modifier mes habitudes de lectrice. Au point que j’ai fini par m’abonner moi-même au Bifrost ! Comme quoi…

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Bien entendu, toutes ces expériences ne se sont pas soldées par une grande réussite. Certaines anthologies ne m’ont pas plu, certains textes collaient aux craintes que j’avais concernant les nouvelles (le sentiment de ne pas avoir toutes les réponses ou pire, de lire le début d’un roman). Mais je me suis aussi rendue compte que, quand un/e auteurice maitrise les codes du format court, cela donne naissance à des textes incroyablement percutants avec lesquels j’ai vécu certains de mes plus beaux moments littéraires de 2020. Impossible, par exemple, d’oublier l’excellentissime l’homme qui mit fin à l’histoire de Ken Liu ou encore la très qualitative anthologie steampunk Montres Enchantées au Chat Noir (partie 1partie 2) ou même les nouvelles de Jean-Laurent Del Socorro, incluent dans la version collector de Royaume de Vent et de Colères. Ce ne sont que trois exemples parmi d’autres qui, selon moi, méritent d’être soulignés.

Ce que j’aime précisément dans la novella ? C’est simple ! Le format court me permet de m’immerger totalement dans un texte et d’y rester du début à la fin d’une seule traite, sans en sortir au milieu, car je peux y consacrer le temps adéquat pour cela sans peser trop lourd sur ma journée et sur mon temps de travail. Du coup, en tant que lectrice, je m’imprègne bien mieux du concept, de l’idée, de l’univers, des personnages. Les auteurices doivent montrer toute leur habilité à agripper l’attention du lecteur, ils n’ont pas le droit de trop prendre leur temps, ce que je reproche parfois à des romans et qui m’empêche d’avoir envie d’en continuer la lecture. L’équilibre doit être parfait entre l’attachement aux personnages, les informations sur l’univers, le thème abordé et l’intrigue. Plus ça va et plus je me complais vraiment dans ce type de lecture qui, en prime, a l’avantage de mieux s’adapter à mon style de vie pour le moment. Je ne suis pas en train de renier le roman, rassurez-vous ! Simplement, c’est agréable de se plonger par moment dans des aventures plus courtes, surtout quand elles ont autant de qualités.

De plus, en tant qu’autrice, c’est un genre que j’ai vraiment envie d’apprendre à maîtriser car je pense qu’il convient bien mieux que le roman à mon style d’écriture et surtout, à mon style narratif. J’en ai pris conscience seulement cette année et ça marque un gros tournant dans mon monde littéraire.

Finalement, je tiens donc à remercier le Maki pour son défi qui m’a poussée à dépasser mes aprioris et au Bélial pour s’être lancé dans l’aventure Une Heure Lumière dont tous les textes ou presque ont été de véritables enchantements à lire, contribuant ainsi à faire évoluer positivement mon opinion sur le format court. Je sais que beaucoup de gens nourrissent encore, à l’heure actuelle, le même genre d’aprioris que moi il y a un an / un an et demi sur ce format et j’espère que ce petit billet contribuera à amorcer un changement dans leur mentalité ou, en tout cas, à leur donner envie de laisser sa chance à des nouvelles et des novellas de qualité.

Et vous, vous aimez le format court ou justement pas ? Pour quelle raison ?

RÉFLEXION – la place des autrices francophones en science-fiction

Bonjour à tous !
Petit article réflexion aujourd’hui sur un sujet qui me tient à cœur. Vous le savez, je défends énormément la littérature francophone mais également la mise en avant des autrices dans le paysage littéraire, me rendant compte qu’on parle plus souvent des hommes que des femmes alors que la qualité de leurs écrits se vaut largement. J’ai donc eu envie de rédiger ce (long) billet.

Avant d’aller plus loin, sachez que :
– Je ne tape pas sur le festival des Utopiales ni sur son organisation. Leur sélection pour leur prix a été le départ de ma réflexion, d’où le fait que j’en parle, mais ils ne portent pas une plus grande responsabilité que d’autres dans cette problématique. Je ne vais pas revenir dessus en profondeur, si mon avis vous intéresse vous pouvez consulter mon compte Twitter.
– Ce billet est purement personnel et a pour ambition d’ouvrir la réflexion, pas d’apporter des réponses ou des solutions. Il manque de chiffres clairs et le sujet mériterait d’être traité dans le cadre d’un mémoire universitaire avec une méthode scientifique rigoureuse que je n’ai pas le temps de mettre en place moi-même.
– Votre avis sur le sujet m’intéresse mais je vous prie de rester courtois dans les commentaires 🙂

Qu’est-ce qui s’est passé ?
Le 16 juin, les Utopiales ont dévoilé la sélection pour leur prix, cinq romans adultes et cinq romans jeunesses. Presque aussi vite, la blogo s’est enflammée en constatant qu’il n’y avait aucune femme nommée chez les adultes. Anouchka (du blog les Notes d’Anouchka) a même eu la gentillesse de nous sortir des statistiques sur les années précédentes.

Et, sans mentir, je me suis sentie mal en les lisant.

nouchka

Partant du principe que ce prix récompensait des œuvres de SF (on m’a corrigée par la suite donc mea culpa) j’ai commencé par m’offusquer de ne pas y voir Ada Palmer qui, selon moi, écrase largement la totalité de la sélection par sa qualité littéraire. On m’a ensuite dit que ce prix était réservé à l’Europe (ce qui n’est indiqué nulle part mais soit on ne va pas revenir là-dessus) de là, je me suis demandée quelle(s) autrice(s) pourraient y prétendre et j’ai eu… Un trou. Je vais y revenir.

Un auteur, une autrice, quelle différence ?
Je vous ai déjà évoqué la problématique de la représentation des autrices dans la littérature de l’imaginaire adulte dans certains articles, notamment 10 autrices incontournables et bien vivantes dans l’imaginaire francophone. Un billet écrit lui aussi en réponse à une sélection qui proposait seulement deux femmes parmi les autrices incontournables (et bien vivantes) en fantasy contre huit hommes et qui avait donc selon moi facilement dix ans de retard. Révélateur.

Quand on regarde une sélection comme celle des Utopiales, on peut s’interroger :
-Pourquoi trouve-t-on majoritairement des hommes en lice pour ce type de prix à destination des adultes ?
-Pourquoi met-on systématiquement ou presque les femmes en littérature jeunesse ?

Alors attention ! Je ne dis pas que les hommes écrivent de mauvais romans. J’aime beaucoup le travail de plusieurs auteurs masculins, en vrac : Jean-Laurent Del Socorro, Ariel Holzl, Adrien Tomas, Thibaud Latil-Nicolas, Patrick Moran Mathieu Guibé et ce sont seulement les premiers qui me viennent à l’esprit. Je ne dis pas que leurs romans doivent être écartés pour laisser la place au travail des autrices. Par contre, je pense qu’on devrait prêter davantage attention au travail en question et juger les textes de manière totalement impartiale, sans tenir compte du sexe de l’auteur. Vous allez me dire : meuf, t’es pas dans le jury, tu sais pas comment ils ont sélectionné tout ça. Ils n’ont peut être juste aimé aucun roman écrit par une femme sans que ça ait de lien avec son sexe ! Vous n’avez pas tort, sauf que j’ai du mal à croire à une simple coïncidence vu les chiffres montrés par Anouchka et ce qu’on peut observer au quotidien dans le monde littéraire.

Selon moi, nous vivons une période charnière dans la littérature qui s’accompagne d’une profonde prise de conscience, surtout au niveau du sexisme ordinaire et de la représentation. J’en ai déjà parlé sur le blog dans certaines réflexions, d’autres l’ont fait mieux que moi (coucou Planète Diversité) et je ne vais pas revenir précisément là-dessus. Toutefois j’ai le sentiment (oui je le mets en gras souligné pour qu’on comprenne bien que j’exprime un avis purement personnel et pas une affirmation qui fait loi) que les femmes sont encore moins représentées dans le paysage de la science-fiction et je m’interroge sur le pourquoi. Je n’ai d’ailleurs aucune vraie réponse à apporter. Est-ce que la science est une affaire purement masculine dont on écarte les femmes? Je me souviens d’un épisode de The Big Bang Theory qui tournait autour de cette problématique de pousser les filles vers les études scientifiques. Est-ce que le monde littéraire considère les femmes comme moins aptes ou moins crédibles à aborder des sujets liés aux sciences ? Est-ce que ces sujets intéressent moins les autrices et donc les poussent à se tourner vers d’autres genres littéraires ? On peut tout imaginer. Je ne possède pas de chiffres sur le sujet donc je me contente d’émettre des hypothèses.

Des autrices en SF ? Qui donc ?
Revenons-en à mon trou de tout à l’heure. Quand j’ai commencé à réfléchir à des exemples de nom à balancer pour prouver par A+B qu’il y a des autrices en SF talentueuses en Europe (enfin surtout francophone j’avoue parce que je ne m’y connais pas très bien pour les autres pays hors anglo-saxons), j’ai un brin séché.

Évidemment j’ai songé à Estelle Faye avec ses Nuages de Magellan, j’ai aussi pensé à Audrey Pleynet dont j’entends beaucoup parler via la blogo et Aurélie Wellenstein avec son récent Mers Mortes parce que je considère comme de la SF d’anticipation / post-apocalyptique (et si vous vous demandez pourquoi je vous recommande la lecture de l’excellent guide d’Apophis qui apportera la lumière dans vos vies. Je ne suis pas sûre qu’on ait le droit de mettre deux sous-genres mais je le prends et ceux qui ont lu le roman comprendront pourquoi.) sauf que trois autrices, aussi talentueuses soient-elles, dans tout le paysage éditorial, même juste francophone bah… C’est peu non d’une pipe !

J’ai donc eu envie de réaliser une petite liste d’autrices qui auraient pu concourir cette année pour le prix et qui n’ont pas été sélectionnées. Ma liste comporte donc une double restriction : la période de temps (2019 – 2020) et uniquement les textes en français d’origine donc en excluant les traductions.

Je sais qu’il y a d’autres autrices comme Cindy Van Wilder (Memorex) ou encore Agnès Marot (IRL, Erreur 404) qui mériteraient d’être citées (autant pour leur humanité que pour leur travail remarquable), tout comme il y en a énormément que je ne connais pas du tout et que j’ai eu le plaisir de découvrir par le biais d’échanges sur les réseaux sociaux.
Si le sujet vous intéresse, je vous mets le lien vers mon message facebook afin que vous puissiez récupérer à votre guise toutes les références citées par les personnes ayant voulu aider. Je vous mets également un lien vers le message facebook d’Émilie Querbalec qui a reçu énormément de réponses en posant la question il y a un gros mois d’ici. Je précise enfin que je n’ai pas lu une partie de ces romans donc je me base sur ce qui m’a été dit pour juger de leur parenté avec la SF. S’il y a une erreur quelque part, n’hésitez pas à me le signaler.

BASSETERRE Luce (La Débusqueuse de mondes – Le Livre de Poche – 13 mars 2019)
DOKE Sara (L’autre moitié du ciel – Mü éditions – avril 2019
EDGAR Silène (les Affamés – J’ai Lu – 8 mai 2019)
FAYE Estelle (Les nuages de Magellan – Scrineo – 4 octobre 2018 / Folio SF – 7 Juillet 2020)
Li-Cam (Résolution – la volte – 10 octobre 2019)
MARTEL A.D. (Revival – autoédition – 27 mars 2020)
MARTIGNOLE Danielle (Rémanence #3 – 1115 – février 2019)
ROZENFELD Carina (Le Démêleur de rêves – Scrineo – 10 octobre 2019 + Le Mystère Olphite – L’Atalante – 26 septembre 2019)
WELLENSTEIN Aurélie (Mers Mortes – Scrineo – 14 mars 2019 + La Mort du temps – Pocket – avril 2019)

Alors vous pourriez m’objecter que dans la liste, il y a des rééditions et peut-être des titres young-adult qu’on a tendance à classer en jeunesse.
Oui. Bien entendu, vous avez raison.
À cela, je vais vous répondre qu’il n’a jamais été fait mention d’un texte inédit mais bien d’une parution ou d’une traduction dans l’année littéraire qui précède le prix. Pour moi, une réédition compte en parution (c’est mon avis, pas un absolu 😉 ). Ensuite, le YA n’est pas forcément que pour les adolescents, d’ailleurs jeune adulte ça veut bien dire ce que ça veut dire… Un adulte jeune, certes, mais un adulte quand même. Pas un enfant. Du coup j’en profite pour pousser un petit coup de gueule à ce sujet : je ne trouve pas normal qu’on colle toujours les romans young-adult avec le jeunesse parce que ce sont deux publics qui n’ont pas grand chose en commun dans leurs attentes vis à vis des thématiques et des types d’histoire. Si on tient absolument à nuancer les catégories éditoriales alors il faut aussi faire évoluer les prix dans ce sens. Toutefois, c’est un autre débat que nous aurons à un autre moment dans un article dédié quand je disposerais de suffisamment de connaissances solides pour l’écrire.

L’humble conclusion de l’ombre.
Les autrices francophones sont présentes dans le paysage de la science-fiction et en plus grand nombre qu’on le pense à première vue. Toutefois, la part de leur publication est inférieure à celle des hommes et elles paraissent moins mises en avant de manière générale, donc moins connues du grand public. Pourquoi ? Je l’ignore et je ne peux que proposer les hypothèses déjà évoquées plus haut. Est-ce que tous les genres littéraires doivent afficher une parité complète et absolue ? Non, bien entendu, car tous les textes ne se valent pas et le sexe de l’auteurice ne devrait pas entrer en ligne de compte. Toutefois, je n’ai pas l’impression qu’on laisse suffisamment de place aux autrices pour s’exprimer ou s’épanouir dans les genres de l’imaginaire à destination d’un public adulte et c’est encore plus vrai dans la science-fiction. Ce n’est pas un absolu, certaines s’en sortent avec les honneurs comme Becky Chambers ou Ada Palmer sur la scène internationale mais ça reste peu au regard des hommes présents dans le rayon SF de votre libraire. Je ne demande qu’à avoir tort et qu’à voir la situation évoluer mais à l’heure actuelle, ce sont les conclusions que je tire de mes quelques recherches sur le sujet et de ma récente réflexion.

Voilà.
Je sais que cet article n’est pas parfait. Le sujet mériterait un travail universitaire tant il est vaste.
Je sais que je n’ai pas cité tout le monde parce que je n’en ai tout simplement pas la possibilité ni les moyens. Le but de ce billet n’est pas de râler dans le vent. Si j’écris ces lignes c’est pour vous sensibiliser à une problématique, vous inviter à réfléchir et peut-être à prendre conscience de vos biais en tant que lecteurices. Personnellement, je ne me considère pas comme meilleure qu’une autre parce que, pour être tout à fait honnête, je n’ai pas remarqué tout de suite que la sélection ne comportait que des hommes. J’ai du lire les tweets d’Anouchka et de l’ours inculte pour tilter.
Je m’en suis voulue, ça m’a poussé à réfléchir.
J’espère arriver un jour à voir ça tout de suite et par moi-même. J’espère en arriver un jour à vivre dans un monde littéraire qui prendra en considération l’ensemble de ses acteurs et pas juste les hommes blancs entre quarante et cinquante ans -et je ne dis pas ça pour culpabiliser ces hommes qui proposent aussi un travail de qualité. Je le dis parce qu’il n’y a pas qu’eux qui existent et il est temps pour certains d’en prendre conscience.

J’aimerais davantage de diversité.
Davantage de représentation.
Davantage de respect.

Merci pour votre lecture !
J’en profite également pour remercier Anne-Laure alias Chut ! Maman lit. qui a bien aidé à la réalisation de cet article avec ceux qu’elle a écrit l’année dernière sur les parutions des autrices ainsi que toutes les personnes qui ont pris le temps de répondre à ma publication sur facebook.

N’hésitez pas à échanger dans les commentaires mais s’il vous plait, n’oubliez pas le respect 🙂 Je répète que ce billet est purement personnel et ne ressort pas d’un travail scientifique rigoureux ! Si vous avez des chiffres, des thèses ou autre à ce sujet sous la main, je vous en prie, communiquez-moi les références que je puisse les lire.

RÉFLEXION – pour le respect de la littérature de l’imaginaire

Salutations amis lecteurs !
Aujourd’hui, c’est l’anniversaire du blog et j’avais prévu un joli petit article plein de fun, d’amour, de chiffres, histoire de fêter ça posément entre nous. Puis hier soir, sur Twitter, alors que je flânais innocemment, je tombe sur le screen d’un article dont je te mets le lien ici. C’est Suck My K. Dick qui a partagé ça et il n’a pas fallu longtemps pour que ça tourne, pour que ça s’indigne…. Pour que ça me gonfle modèle géant au point de me donner envie d’écrire ce billet et de repousser la sortie de mon article festif à demain après-midi. Pour te montrer à quel point, je n’ai même pas mis de gif, c’est dire.

À partir d’ici, je vais m’adresser directement à toi, Journaliste Incompétent. Oui, t’as droit à des majuscules et à un mot que tu jugeras peut-être un peu fort. Mais on va en reparler tout au long de ce billet d’humeur. Une fois à la fin, je pense que tu comprendras pourquoi tu as droit à un tel qualificatif.

 

Un titre pire que maladroit
Commençons par le commencement : c’est quoi ce titre ? Meilleurs selon quoi ? Les chiffres de vente ? Les notes sur les sites d’avis de lecteurs ? La popularité ? Sur quoi se base exactement cet adjectif ? Aucune idée, ça n’est mentionné nulle part. Soit, admettons. Par contre, quand on découvre la liste liée à ce titre… On vérifie la date par acquis de conscience. Mais non, nous sommes le 27 mai pas le 1er avril. Alors on essaie de comprendre, on commence à lire et on facepalm un grand coup avec cette histoire de « passé modifié » qui justifie, à tes yeux, Journaliste Incompétent, l’entrée de certains romans clairement fantasy dans un classement science-fiction. Même si ça reste assez tendancieux parce que je ne suis pas persuadée que les romans cités puissent se classer dans un passé fictif de notre humanité. Il s’agit plutôt d’un monde inventé basé en partie sur notre Moyen-Âge (mais pas que). Bref.

Est-ce que tu connais la notion de vérification des sources? C’est un truc tout bête que tes profs t’apprennent en première année et je le sais parce que je suis diplômée d’un master en communication de l’Université de Liège, ce qui signifie que j’ai fait trois années de bachelier (votre équivalent de licence en France) avant d’entrer en master, avec des cours de journalisme au cas où j’aurais eu envie de me spécialiser là-dedans (ce qui n’a pas été le cas). Normalement, tes professeurs ont du t’expliquer que quand on écrit un article, on vérifie ce qu’on raconte dedans et on se renseigne un minimum en croisant les sources histoire de ne pas raconter n’importe quoi et de ne pas se fier à une seule voix. C’est aussi quelque chose que j’enseigne à mes étudiants de 15 ans, au passage. Je suppose que tu t’es laissé abuser par la définition présente sur Wikipédia qui évoque la possibilité d’un passé fictif du coup je te recommande de jeter un œil au travail de l’ami Apophis qui fait autorité en matière de classement littéraire et qui aurait été ravi de t’aider si tu avais des questions.

En l’état actuel, dans le meilleur des cas, tu devrais au minimum renommer ton article et l’intituler « Dix romans de l’imaginaire super mainstream que tout le monde connait déjà parce que j’ai eu la flemme de faire de vraies recherches pour écrire un article documenté sur les littératures de l’imaginaire. »

Fantasy et science-fiction : blanc bonnet, bonnet blanc ?
Je vais utiliser ici la définition proposée par le Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales mais tu peux trouver grosso modo la même dans plein de dictionnaires.
Science-fiction : Genre littéraire et cinématographique décrivant des situations et des événements appartenant à un avenir plus ou moins proche et à un univers imaginé en exploitant ou en extrapolant les données contemporaines et les développements envisageables des sciences et des techniques.

Sur cette base, j’aimerais bien savoir dans quel avenir plus ou moins proche et sur base de quelles données contemporaines / développements scientifiques on a écrit l’Assassin Royal, Le Sorceleur, le Hobbit, À la croisée des mondes ou encore Game Of Thrones (qui au passage est le titre de la série télévisée, le roman s’appelle A Song of Ice and Fire en anglais ou le Trône de Fer en français. Oh et l’auteur c’est G.R.R. Martin, en plus t’oublies des lettres dans son nom… Are you fuckin’ serious ?) Alors j’admets que je n’ai jamais lu l’Assassin Royal et que ma lecture d’À la croisée des mondes remonte super loin, toutefois j’ai vérifié et les deux sont bien classés en fantasy, un genre qui ne peut se confondre avec la science-fiction. Cela signifie, cher Journaliste Incompétent, que sur dix romans tu as déjà la moitié que tu peux retirer de ton classement.

Je ne vais pas me prononcer sur la présence des cinq autres ouvrages parce que je ne les ai pas lus, je n’en ai jamais eu envie. Pourtant je les connais, je sais que pour certains, ils font autorité mais voilà j’ai un problème avec les romans « qui font autorité » dans leur domaine donc je passe mon tour. Je vais éviter aussi de te demander POURQUOI tu recommandes des tomes 2, ça n’a pas grand sens mais bon à la limite, tu vois, ça, c’est le moins grave.

La domination blanche et masculine : y’en a MARRE !
Non content de te foirer sur le genre littéraire tu proposes en plus uniquement des romans 1) écris par des hommes (à l’exception de Robin Hobb) et 2) qui datent de plusieurs années si pas décennies dans certains cas. Es-tu au courant, cher Journaliste Incompétent, qu’il existe dans ton beau pays (la France donc je suppose vu que tu publies dans le Parisien) des auteurs et des autrices bourré(e)s de talents ainsi que des éditeurs engagés dans la défense des littératures de l’imaginaire? Tu n’avais qu’à te baisser pour trouver de quoi étoffer ton classement. Si tu cherchais absolument à mettre en avant des auteurs anglo-saxons, il y en a plein chez Albin Michel Imaginaire ou même chez l’Atalante (qui publie quand même John Scalzi et David Weber qui sont deux grands noms incontournables que même moi, novice en SF, je connais et je lis, deux noms totalement absents de ton joli classement).  Tu aurais aussi pu pousser ta démarche en mettant en avant les talents locaux, locaux ET féminin. Je peux te citer sans réfléchir trois autrices françaises de SF : Estelle Faye (Les nuages de Magellan – Scrineo), Luce Basseterre (La Débusqueuse de Monde – Mü puis Le Livre de poche) et Audrey Pleynet (Ellipses – Amazon). J’ai fait exprès de te mettre du gros éditeur, du moyen et de l’AE pour que tu constates qu’en prime, t’avais pas à chercher bien loin pour trouver.

Visiblement tu as voulu faire l’effort d’incorporer dans ton classement un auteur auto-édité sur Amazon, Thomas Palpant. C’est bien de parler des AE, vraiment, mais quand même… On va s’arrêter deux minutes sur ce monsieur.

Le cas E-Storic
J’ai lu plusieurs commentaires sidérés de la part d’autres blogueurs qui ne comprenaient pas la présence de ce roman dans le classement. Tu sais quoi ? Moi, je l’ai lu ce texte et je te renvoie vers ma chronique pour le détail de mon avis. C’était bien, intéressant, ça poussait à la réflexion sur la notion de vie privée et nos addictions à la technologie mais est-ce qu’il mérite de figurer parmi les meilleurs livres de science-fiction ? Désolée… Non. Et si tu l’avais lu, si tu avais lu plus de deux romans et demi de science-fiction dans ta vie, cher Journaliste Incompétent, tu penserais la même chose que moi. À présent que je possède un peu plus d’expérience dans le genre (et je le dis, ce n’est qu’un peu car je me considère toujours comme novice !), je sais que ces thématiques sont largement traitées, vues et revues dans ce genre littéraire. Thomas Palpant propose donc un texte sympa qui se lit tout seul et fait son job mais il ne réinvente rien. Il n’a aucune légitimité pour figurer dans ce classement déjà bancal. Ce n’est pas ici une attaque envers lui de manière directe (même si je m’interroge, comment s’y est-il retrouvé ?) juste une dernière mise au point histoire de m’assurer d’avoir bien enfoncé le clou jusqu’au bout.

Le mot de la fin.
Voilà, j’en ai terminé avec toi, Journaliste Incompétent. J’ai perdu une heure de ma vie à écrire ce billet d’humeur parce que j’en ai assez. J’en ai assez que des gens méprisants se permettent d’écrire sur des sujets qui me tiennent à cœur sans prendre dix minutes pour se renseigner. J’en ai assez de cette fracture qui existe entre les littératures de l’imaginaire et la « littérature blanche » comme s’il y avait des genres littéraires plus nobles que d’autres. J’en ai assez de voir des journalistes français cracher sur la production française pourtant si riche et originale en ne lui accordant même pas un regard ou alors au détour d’un copinage maladroit. J’en ai assez que le monde littéraire se voile la face sur sa réalité. J’en ai assez de toujours voir apparaître des hommes qui ont l’âge de mon père dans ces classements sans qu’on n’accorde de place aux femmes. Pas qu’ils n’aient pas de talent (je vous ai dit à quel point je suis fan du travail de Scalzi ?) mais ils ne sont pas les seuls à en posséder (non je ne vais pas citer Ada Palmer mais ADA PALMER BORDEL ! Et Estelle Faye en tant que femme ET française ! Je ne vais pas me lancer sur la fantasy sinon on va me perdre toutefois j’avais déjà écrit un billet à ce sujet). Je ne sais pas si tu es juste maladroit, toi qui as envoyé cet article au Parisien, mais t’as pris pour tous les autres et j’espère que ça te poussera à réfléchir la prochaine fois qu’il te viendra l’envie d’écrire sur un sujet que tu ne connais pas du tout.

On peut échanger dans les commentaires mais en restant courtois et respectueux, merci ♥

RÉFLEXION – Quand COVID-19 menace la littérature…

Bonjour à tous !
Y’aura pas de VendrediLecture aujourd’hui mais on va quand même parler de littérature et d’un sujet grave, d’actualité. Hier, j’ai posté dans le groupe du Printemps de l’Imaginaire francophone pour inciter les participants au challenge à quelque chose de très simple (je sais, t’es en suspens là). Entre temps, mon message a été relayé par plein d’auteurs et d’éditeurs, avec une ampleur dont j’ai été la première surprise. Mais tant mieux ! Suite à ça, j’ai également écrit un thread sur Twitter mais au cas où tu vis dans une grotte, je me suis dit que c’était l’occasion de ressortir les réflexions de l’ombre du placard.

Comme dirait l’incontournable Max Bird… Reprenons depuis le début.

Pendant la foire du livre de Bruxelles, j’ai discuté avec pas mal d’éditeurs qui s’inquiétaient de l’annulation en chaîne des salons. Made In Asia (Belgique), Livre Paris, Bondues, et je ne vous parle que de ceux auxquels je devais assister. On a même commencé à suer un peu en imaginant une possible annulation des Imaginales (non, n’y pense pas, toi aussi tu vas faire des cauchemars). Puis est venue sur le tapis la délicate question des finances.

Ce n’est pas forcément clair pour tout le monde mais beaucoup d’éditeurs qu’on appelle « les indépendants » -tout comme beaucoup d’auto-édités- vont terriblement souffrir de ces annulations sur un plan financier. Pourquoi? Et bien parce que tous ces salons sont annulés à la dernière minute. Cela signifie que les éditeurs (et AE) ont commandé un stock important de romans en prévision des évènements à venir, stock pour lequel ils ont payé… Mais qu’ils ne vont que difficilement rentabiliser. D’autant que la plupart d’entre eux ne sont pas distribués en librairie.

Vous allez me dire, c’est pas bien grave ! Un livre, ça ne se périme pas, ils vont les vendre plus tard. Oui… Sauf que les finances d’un éditeur indépendant (et d’un AE) sont fragiles. Un salon, passe encore. Mais, deux, trois, quatre et au-delà comme on le vit en ce moment… Ça devient gravissime. Si l’argent ne rentre pas, l’éditeur (et l’AE) ne pourra plus sortir des nouveautés, aura difficile de participer à de nouvelles manifestations, etc. Tu vois le cercle vicieux ? Dans un monde parfait, l’investissement des stands serait totalement remboursé histoire de compenser un peu mais c’est loin d’être le cas (coucou Livre Paris). Du coup, réfléchissons deux secondes : si tout l’argent sort des caisses sans y rentrer, il se passe quoi ?

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Vous pensez peut-être que je m’alarme pour pas grand chose mais en réalité, la plupart des éditeurs et des auto-édités ne vont pas bien du tout et craignent pour l’avenir. Déjà qu’en temps normal, le milieu est difficile… L’actualité n’arrange rien et précarise une profession, un  milieu, déjà au bord du gouffre.

Que faire, me demanderez-vous ? Parce que paniquer, c’est bien joli mais agir, c’est vachement mieux. Et bien c’est simple. Passez commande de romans directement sur le site des éditeurs. Réduisez au maximum les intermédiaires afin que les éditeurs et par extension leurs auteurs puissent récupérer leur investissement et qu’ils continuent à exister, à sortir des nouveautés, à nous permettre de rêver. Craquez sur les titres récents ou explorez le catalogue à la recherche des plus anciens. N’hésitez pas en vous disant que ça attendra le prochain salon, parce qu’on ne sait pas, en vrai, quand ça il se déroulera, ce prochain salon. Il sera peut-être déjà trop tard. Cédez à la tentation, même pour un seul roman ! Si chaque personne qui lit ce billet achète un livre chez un éditeur indépendant, alors la situation ne sera plus aussi catastrophique. Et si vous n’avez pas les moyens ou que votre PàL menace de s’écrouler sur vous, vous pouvez au moins relayer l’information afin de sensibiliser vos connaissances, vos amis, votre entourage.

Merci pour votre attention, je compte sur vous ♥
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PS: Facebook n’a toujours pas levé la censure sur mon blog donc n’hésitez pas à partager le message (vous le retrouverez un peu partout, sinon ne vous gênez pas pour reprendre le propos de l’article) et à relayer ce billet sur votre propre blog et / ou sur Twitter (où il n’y a aucun souci). Je vous le dis pour pas que vous ne soyez blacklistés vous aussi. J’vous jure, c’est top comme situation.

RÉFLEXION – un petit rappel de temps en temps…

Salutations amis de la blogosphère !
Ça fait un moment que je pense à écrire ce billet et que je procrastine puissance 1000 parce que… Bah ça ne va pas être long. Et j’ai l’impression d’enfoncer une porte ouverte. Mais j’avais envie de pousser un mini coup de gueule (j’aime bien ça moi, que voulez-vous) à l’attention des éditeurs et des auteurs.

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Le gif de Sherlock, c’est gratuit et ça fait toujours du bien.

Pourquoi n’y a-t-il quasiment jamais de résumé au début des tomes qui composent une saga ?

Quand comme moi (et comme beaucoup parmi vous d’ailleurs) on lit une centaine de romans par an (et autant de mangas), comment peut-on humainement se rappeler de tous les détails et rouages qui composent un univers parfois dense et riche ? Il y a certains auteurs qui mettent des rappels dans le texte et c’est super mais ça ne fonctionne pas toujours, sans compter que ça casse le rythme de lecture et / ou d’action. Notez que je ne donne pas dans la généralité, certains s’en sortent plus qu’honorablement et certains ont même opté pour le résumé en question. Mais ils sont rares. Trop rares.

Est-ce qu’il ne serait pas temps d’instaurer une norme où en quelques lignes si pas quelques pages pour les gros pavés, l’auteur résumerait les points importants du tome précédent? Si ça t’intéresse et que t’en as besoin, tu le lis. Si t’as une mémoire à toute épreuve, tu passes. Mais au moins, t’as le choix. On pourrait me dire que ça gâcherait des subtilités au sein de l’intrigue puisque le lecteur devinerait sur quoi focaliser son attention. Et dans certains cas, c’est peut-être vrai mais pas dans tous et je pense que l’exercice peut être mené de manière efficace en plus de représenter un petit défi sympathique pour les auteurs (ou les éditeurs en fonction de qui s’y colle). D’ailleurs, la pratique existe déjà en manga et ça ne m’a jamais rien gâché, que du contraire. C’est même absolument vital sur ce médium et pourtant le rythme de publication des tomes est souvent plus rapide.

Comme l’a dit l’ami Apophis un jour (je ne sais plus dans quelle chronique malheureusement du coup je cite l’idée globale un peu teintée par ma propre interprétation, si je me trompe que je sois dévorée vivante par le grand serpent) il est compréhensible que l’auteur pense son univers inoubliable mais il l’est rarement, en réalité. Et les lecteurs sont humains, ils ont besoin qu’on leur rafraichisse la mémoire car tout le monde ne lit pas une saga d’une seule traite. Déjà parce que c’est rarement possible si on parle d’actualité littéraire. Ensuite parce que, personnellement, même quand j’ai tous les tomes, j’aime varier les plaisirs pour mieux en profiter par la suite. Un bon exemple récent concerne la saga du Carrousel Éternel au Chat Noir, complète sur quatre tomes que je possède et que j’ai acheté en une fois. J’en ai déjà lu deux, les suivants attendront plus que probablement novembre et décembre parce que si je me les enfile en une fois, je sais que ça risque de me saouler.

Donc voilà. Amis éditeurs, amis auteurs, s’il vous plait… Pensez-y. Je pense parler au nom de tous quand j’affirme que ça plaira à beaucoup de monde.

Quel est votre avis là-dessus? 🙂
N’hésitez pas à en discuter dans les commentaires !

RÉFLEXION – l’autoédition, ce choix (et pas par défaut !)

Salut à tous !
J’avais envie de vous parler aujourd’hui d’un sujet porté à ma connaissance hier et qui, je vais être honnête, m’a choquée. Du coup j’ai décalé mes deux prochaines chroniques afin que ça sorte, je DEVAIS écrire là-dessus. Pour le détail complet, je vous laisse lire l’explication de la principale concernée dans son article : quand un éditeur te renvoie vers l’autoédition.

Oui. Vous avez bien lu.
Et je sais de source sûre qu’elle n’est pas la seule à avoir reçu cette réponse. DU TOUT, même.

Pour vous résumer l’histoire, un éditeur que je ne vais pas citer mais qui pèse quand même lourd dans le milieu a répondu à sa soumission de manuscrit en refusant de la publier. Jusque là, pas de problèmes. Aucune justification mais là aussi, pas de soucis, on sait à quoi s’en tenir et ils sont débordés donc s’ils doivent expliquer le pourquoi du comment à tout le monde, c’est pas six mois de délais d’attente mais six ans dont ils vont avoir besoin. Par contre, ils ont quand même pris la peine dans le mail de lui dire qu’elle pouvait toujours s’autopublier sur Librinova.

Voilà, je vous laisse deux minutes pour digérer avant de commencer à tempêter.

On a donc un éditeur professionnel qui existe depuis des dizaines et des dizaines d’années, une structure assez importante sur le marché francophone qui conseille à une autrice d’autopublier son manuscrit (sûrement chez un partenaire commercial, on ne va pas se mentir, histoire de ne pas se mouiller mais d’y gagner quelque chose. Y’avait même un code promo joint avec qui consistait en le nom de l’éditeur et l’année… sans déconner. Je vous laisse achever le cheminement par vous même.) alors que son propre comité de lecture n’en a pas voulu. Vous allez me dire, peut-être qu’ils l’ont trouvé bon mais qu’il n’entrait pas dans leur ligne éditoriale. Oui… mais non. Parce que l’autrice concernée (ainsi que les autres à ma connaissance) est quelqu’un de sérieux qui se renseigne avant d’envoyer son manuscrit dans une maison, déjà. Et ensuite, parce qu’ils n’ont rien dit de tel dans le mail. De plus, si l’autrice a choisi d’envoyer son manuscrit à un éditeur de type conventionnel, c’est qu’elle désirait ce type d’édition pour son roman. Une chance dans son malheur, il s’agit de quelqu’un du milieu, qui s’y connait et ne va pas tomber dans le panneau mais… Je suis certaine que ce mail a déjà été envoyé à des débutants, des gens qui ignorent tout du fonctionnement de la chaîne du livre et qui ont du se dire « bah oui je vais faire ça, quel bon conseil ! » pour finalement commencer très mal leur carrière et en finir dégoûté.

Outre le problème humain et éthique que cela pose (pourquoi ne pas saturer davantage un marché déjà saturé après tout…), je trouve que c’est une insulte envers tous les auteurs qui choisissent de s’autoéditer. J’insiste sur ce terme car hier quelqu’un de très censé a fait la distinction entre autoédition et autopublication. Le premier implique un travail éditorial identique (si pas davantage soigné vu qu’on ne va pas se mentir, plus l’éditeur est gros et plus il se permet de laisser des coquilles… Pas systématiquement, mais ça arrive trop souvent) que celui des maisons d’éditions de grande envergure là où le second signifie simplement imprimer son roman sans aucune intervention de professionnels, d’aucune sorte (graphiste, correcteur, etc.) parce que on n’a pas les moyens / on n’y connait rien / les lecteurs s’en fichent des fautes (sans rire, on me l’a déjà dit). L’autoédition est un choix, un choix censé que de plus en plus d’auteurs font pour parvenir à vivre de leur art parce qu’il y a un problème dans ce milieu. Même Samantha Bailly a tenté l’expérience ! Quand on pense que la ligue des auteurs professionnels doit se battre pour obtenir un minimum de 10% de droits d’auteur alors que sans l’auteur en question, le livre n’existerait même pas… On évolue dans un système complètement absurde. Alors je comprends l’autoédition et je la soutiens avec plaisir quand elle est faite correctement. J’admets que ça n’arrive pas souvent, mais ça arrive (premier exemple qui me vient à l’esprit: Ielenna, l’autrice des Fleurs d’Opale.)

En tant qu’autrice moi-même, j’ai choisi de travailler avec des maisons d’édition parce que c’est le prix de ma tranquillité et que je ne désire pas vivre de ma plume, je préfère la garder comme un art pour ne jamais devoir me mettre la pression dans l’écriture. Mais qu’un éditeur d’aussi grande envergure crache à la figure des auto-édités et des jeunes auteurs qui n’y connaissent rien, ça me dérange parce que l’auto-édition doit être un choix assumé, pas une roue de secours. Je sais que dans la réalité, c’est le cas pour beaucoup de gens mais ce n’est pas une raison pour encourager cette dérive, que du contraire. J’espère qu’un jour, quelqu’un pensera à sensibiliser le public à toutes ces thématiques, ce serait un premier pas de géant.

Donc voilà. Ce billet d’humeur a pour but premier de vous informer et aussi, je l’espère, de vous amener à réfléchir un peu sur le milieu de l’édition. N’hésitez pas à en discuter dans les commentaires en restant courtois 🙂

Merci pour votre attention !

Édit au 15/10/2019: On vient de me transmettre une enquête très édifiante sur le sujet réalisée par ActuaLitté qui date de février 2018… Ce qui confirme que ces pratiques courent depuis trop longtemps. Je vous donne le lien, c’est très édifiant (et profondément révoltant).

RÉFLEXION – pourquoi je dis « autrice » (et pourquoi vous devriez le dire aussi)

Salut tout le monde !
Nouveau petit article qui trainait depuis un moment dans mes tiroirs. En fait, depuis les Imaginales où plusieurs personnes (même des femmes… si si) ont fait des remarques négatives à mon éditrice qui affichait le terme « autrice » sur le stand. C’est pas joli. C’est pas français. Et quand on essaie d’expliquer le pourquoi du comment, on se heurte à un mur. Parfois pire: à de la condescendance. Elles sont mignonnes à croire qu’elles savent mieux que nous hein. J’avoue, j’étais un poil énervée.

J’ai donc décidé de vous expliquer pourquoi j’utilise le terme autrice et pourquoi vous devriez, vous aussi, l’utiliser. Après, chacun est libre de le faire ou non, chacun a le droit de s’engager ou pas, chacun a le droit de penser que j’ai tort. C’est juste la minute culture, en espérant vous apprendre quelque chose et vous pousser à faire évoluer vos habitudes. C’est peut-être qu’un détail pour vous mais ça veut dire beaucoup (et pas que pour moi !).

C’est parti pour le petit cours d’histoire littéraire !
Au passage, ce billet a été rédigé en s’inspirant du travail d’Audrey Alwett qui a écrit un article extrêmement édifiant sur le sujet que je vous encourage à lire en entier parce qu’il cite également les sources universitaires comme par exemple les travaux d’Eliane Viennot. Moi, je me propose de vous résumer l’idée globale.

Tout commence au 17e siècle, lors de la création de l’Académie française par notre ami (mais si) le Cardinal de Richelieu. Avant l’apparition du Dictionnaire (réalisé par cette même Académie, pour rappel), on utilisait le féminin de nombreuses professions intellectuelles : poétesse, autrice, mairesse, capitainesse, médecine, peintresse. Or tous ces mots ont été masculinisés pour gommer la légitimité de la femme dans ces postes de pouvoir. Je vous jure. C’est pas de la propagande, ce sont des faits historiques avérés avec des sources à l’appui. Avant cela, il existait des cercles littéraires influents composés de femmes, et cela ne plaisait pas à tout le monde.

Ils ont même été plus loin ! Le genre de certains mot a été modifié au même moment. L’exemple le plus parlant est sans doute celui du terme « erreur » qui était auparavant masculin et s’est féminisé parce que, vous savez, ce sont les femmes qui commettent les erreurs (je vous jure que c’est la vraie justification). À cette même époque apparait d’ailleurs la règle selon laquelle le masculin l’emporte toujours sur le féminin. Cela parce que, selon le grammairien Nicolas Bauzée : « le genre du masculin est réputé plus noble que le féminin à cause de la supériorité du mâle sur la femelle. » (je vous laisse deux minutes pour inspirer, expirer, tout ça.) Les femmes intellectuelles de l’époque, dont Marie de Gournay, Jacqueline de Mirmont ou encore Charlotte de Brachart (vous n’avez aucune idée de qui elles sont, pas vrai? Moi non plus, avant.) ont protesté, mais elles ont été progressivement effacées de l’Histoire. De nos jours, elles ne sont pas enseignées dans les écoles et ne l’ont même jamais été. Ce n’est que dans les années 1990, au Québec, que des recherches ont commencé à apparaitre sur les sujets, plutôt impopulaires. Au Québec. En Europe, y’a toujours un retard monstrueux et une impopularité assez effrayante sur le sujet. Heureusement, les mentalités commencent à évoluer.

Et donc, pourquoi j’utilise le mot autrice?
Parce que c’est un engagement pour l’égalité. C’est une reconnaissance du talent féminin dans la profession artistique et créative qu’est l’écriture, tout simplement. Vous me direz que c’est moche, comme mot. Je pensais comme vous. Mais à force de l’utiliser, on s’habitue et plutôt vite. Ça ne vous coûte pas grand chose et ça signifie beaucoup sur un plan idéologique. Les mots forment notre langage, notre communication. Ils ont tous un sens. Parfois, ils en ont plusieurs. N’en doutez pas: utiliser le bon terme, ça change tout.

Alors pensez-y, la prochaine fois que vous parlerez d’une femme qui écrit.

Perfect Crime – Yûya Kanzaki & Arata Miyatsuki

perfect crimePerfect Crime est un seinen publié chez Delcourt / Tonkam au prix de 8 euros. Il s’agit d’une série de type thriller psychologique avec Yûya Kanzaki au scénario et Arata Miyatsuki au dessin. C’est, a priori, leur premier manga à tous les deux et je dois avouer que c’est une vraie réussite !

Pour info, la série est toujours en cours au Japon, elle comporte actuellement cinq tomes là-bas alors que le tome 3 vient de sortir ici, nous sommes donc presque en simultané. Je ne sais pas combien de tome il y aura en tout mais vu la construction de la série, ça ne devrait pas dépasser la dizaine. De mon côté, j’ai actuellement lu les trois premiers volumes et je vous propose donc un retour sur trois tomes.

Perfect Crime raconte l’histoire de Tadashi Usobuki, qui est un tueur à gage… Pas comme les autres. Son secret? Il ne tue jamais de ses propres mains. Il est l’homme aux crimes parfaits, le tueur de la cabine téléphonique. L’idée, c’est que si on veut la mort de quelqu’un, on dépose un petit mot dans une cabine téléphonique et il se débrouille pour nous contacter. Chaque chapitre de Perfect Crime met en scène un contrat différent qui finit toujours par se retourner contre celui qui l’a lancé. Et oui, toujours bien réfléchir à ce que l’on souhaite, surtout quand Usobuki est dans les parages ! Engager Tadashi Usobuki, c’est un peu comme pactiser avec le diable: on a de grandes chances de le regretter et de se faire avoir !

Quand je vous disais qu’il n’était pas ordinaire, ce n’est pas seulement parce qu’il ne se salit jamais les mains… Tadashi Usobuki est particulier. Croiser son regard, c’est tomber en son pouvoir, sauf pour quelques rares personnes. Sa capacité de suggestion est tellement puissante qu’on tombe presque dans le fantastique. Pourtant… Ce n’est pas le cas, même si c’est plutôt flou. Et ça fait aussi l’intérêt du manga, on n’est jamais certain d’être face à un « simple » humain ou face à quelque chose de plus grand. Quelle que soit la réponse, une chose est sûre, Usobuki s’amuse beaucoup des faiblesses de l’humanité. Étrangement, ça me le rend sympathique !

Perfect Crime ne se contente pas d’enchaîner les scènes de morts violentes ou les crimes odieux. C’est une mise en abîme de toute l’horreur humaine, de ce que l’Humanité a de pire en elle, ce qui nous force à réfléchir sur notre condition. Est-ce que Tadashi Usobuki est un humain ? Oui, non, peut-être… Il les méprise, il s’amuse d’eux et de leurs réactions, il se considère comme à part, mais est-ce parce qu’il appartient à une autre race ou plutôt parce qu’il est un sociopathe? Le mystère plane systématiquement, ce qui est très agréable et témoigne de la maîtrise scénaristique qu’a Yûya Kanzaki. Je me demande jusqu’où ils iront.

Outre les scènes avec ses clients, Usobuki est poursuivi par un inspecteur de police qui lui en veut beaucoup puisqu’il a tué l’une de ses collègues. Le problème c’est que plus on avance, plus on craint que l’inspecteur ne tombe tête la première dans les ténèbres qui entourent Usobuki. Ce n’est pas une banale chasse à l’homme, l’intrigue met son accent ailleurs. J’ai plutôt l’impression qu’il s’agit d’une réflexion sur le système judiciaire, sur le concept même de justice, plus particulièrement lorsqu’elle est appliquée à l’Homme. Bref, ce n’est pas juste un manga avec du sang, un peu de sexe et un personnage principal qui fait figure d’anti-héros. Et cela me plait !

Ce manga ne dément pas sa phrase d’accroche, il s’agit bel et bien d’un thriller psychologique haletant et intriguant. Je suis curieuse de voir jusqu’où les auteurs pousseront le vice et comment se terminera cette macabre histoire. C’est un manga que je conseille à tous les amoureux des thrillers psychologiques et à ceux qui aiment qu’une histoire ait un véritable fond. C’est une bonne série à suivre de près, je vous la recommande.