Bifrost n°109

Contrairement au dernier numéro qui a trainé longtemps dans ma PàL et dont je n’ai pas parlé, n’ayant apprécié qu’une seule nouvelle sur l’ensemble, j’ai été davantage ravie par la fournée n°109 qui marque d’ailleurs la fin de mon abonnement. J’avais souhaité tester une année et ensuite j’avais remporté un concours qui m’en avait fait gagner une de plus, ce qui m’a permis de voir sur le plus long terme. Je vais donc commencer par vous partager mes réflexions et mon rapport à la revue dans son ensemble.

Au niveau des points positifs, j’ai souvent pris plaisir à découvrir des textes et des auteurices que je ne connaissais pas et que je n’aurais probablement jamais lu autrement. À ce niveau, le contrat est rempli. J’ai aussi souvent apprécié la rubrique du professeur Lehoucq mais je suis régulièrement passée à côté de tout le reste. Je lis en général les dossiers de manière transversale car ça m’intéresse moins et je ne passe que rapidement sur les chroniques puisque je connais déjà la plupart des livres via la blogosphère. Disons que j’ai surtout profité des textes de fiction et pour le prix, c’est une aubaine en plus d’une affaire.

Pour autant, vais-je me réabonner ? Je me tâte encore aujourd’hui. J’ai d’une part envie de soutenir le Bélial et ce genre d’initiative mais j’ai bon espoir que ma vie professionnelle prenne un autre tournant dans les mois à venir et ça pose beaucoup de questions, notamment financières. J’envisage plutôt d’acheter les numéros dont le sommaire m’intéresserait vraiment directement en librairie (j’ai la chance d’en avoir une à Liège qui les reçoit) mais je me laisse jusqu’à la fin du mois pour trancher. De plus, s’il y a deux ans j’étais dans une démarche de découverte pro-active, mes goûts ont évolué depuis et je suis de plus en plus difficile avec ce que je lis / ce que j’ai envie de lire et au temps que je souhaite y consacrer. Je ne pense plus être dans le bon état d’esprit pour profiter pleinement d’un abonnement au Bifrost à l’heure actuelle mais rien n’est inscrit dans le marbre…

En attendant que je cesse mes tergiversations, revenons sur ce fameux numéro et plus spécifiquement, sur les cinq textes qu’il contient.

Pissenlit d’Elly Bangs.
J’ai eu la (mal)chance de lire Unity reçu en SP numérique de la part d’Albin Michel et je n’avais pas du tout accroché. Je partais donc dans cette lecture avec certaines craintes qui se sont révélées infondées.

Sauf erreur de ma part, la narratrice n’a pas de nom révélé. Elle travaille pour la NASA, comme sa mère et sa grand-mère avant elle. Sa grand-mère, dans les années soixante, a trouvé en Antarctique un objet qui prouve la présence d’une vie extra-terrestre et donc par extension, la possibilité du voyage spatial. Sa fille va marcher sur ses traces et développer une hypothèse toute autre…

J’ai trouvé la nouvelle intelligente dans ses idées et dans sa forme même si, sur un plan personnel, je n’ai pas aimé le propos car à l’instar de la grand-mère, j’ai plutôt le regard tourné vers les étoiles. Du coup, cette lecture m’a un peu déprimée, ce qui n’enlève rien à la qualité du texte. Au contraire, il a su me toucher, me provoquer des émotions, et finalement c’est ce que j’attends quand je lis.

L’homme gris de Christian Léourier
Ce n’est pas la première fois que je lis une nouvelle de cet auteur dans le Bifrost et ce fut toujours une bonne surprise. Celle-ci ne fait pas exception : on y suit un homme dont la profession est d’accompagner les gens en fin de vie et d’assister leur suicide médicalisé. On le découvre dans une journée ordinaire administrer les derniers soins à deux patients. Le premier est un homme plutôt âgé et désagréable. La seconde est une jeune femme atteinte d’une maladie qui lui provoque de grandes souffrances.

Donnant cours à des aides-soignants et sortant d’une séquence sur l’euthanasie, mon seul regret est de ne pas avoir lu cette nouvelle quelques semaines plus tôt pour la leur proposer car je trouve qu’elle aborde le sujet avec humanité, sincérité, sans porter de jugement de valeur. Les émotions qui en ressortent ont su me toucher. Une belle leçon d’écriture et de narration.

L’hiver en partage de Ray Nayler
Cette nouvelle se déroule dans notre monde mais qui se présente un peu différemment car il existe une technologie appelée « les vacants » qui permet à des personnes décédées (et qui l’ont mérité) de revenir et de posséder, si j’ai bien compris, des corps. Chaque hiver, deux femmes se retrouvent à Istanbul dans des vacants pour profiter de quelques semaines de vacances ensemble.

Si j’ai été touchée par leur relation et la manière dont elles tenaient l’une à l’autre, je suis restée un peu perplexe sur les enjeux plus globaux. J’ai l’impression que ce texte répond à un autre de l’auteur ou qu’il le devrait, en tout cas, car il y a beaucoup de fond à exploiter et je suis restée un peu sur ma faim / fin.

Skin d’Émilie Querbalec
Ce texte-ci se déroule dans une sorte d’asile, au sein d’un univers où les gens portent des « peaux » aux différentes propriétés mais ça ne se passe apparemment pas toujours bien au niveau mental. C’est une nouvelle dont la lecture m’a laissée sur le bord de la route, quoi que la fin donne une piste de compréhension plutôt intéressante. J’ai même du mal à simplement en parler tant il s’agit d’une expérience en soi qui mérite qu’on y réfléchisse, qu’on échange à son sujet pour partager nos perceptions. Je pense que je relirais Skin quand j’aurais davantage les neurones à y consacrer car je sens que je suis passée à côté de quelque chose.

Cicci di Scandicci de Valerio Evangelisti
Inspiré d’un tueur en série italien, cette nouvelle met en scène le monstre de Florence qui a tué pendant une quinzaine d’années. J’en attendais beaucoup ayant moi-même écrit un roman à la première personne du point de vue d’une tueuse en série mais je dois avouer que je suis ressortie perplexe, déçue et dégoûtée par ma lecture. En cela, l’auteur a « fait le job ». Ce qui me déçoit, c’est cette vulgarité excessive (quoi que probablement cohérente avec le personnage) et l’aspect très vain de l’ensemble. J’ai eu le très net sentiment que ce texte ne racontait tout simplement rien et se contentait d’être l’extrait des pensées d’un monstre. Je crois que j’attendais juste autre chose, sans réussir à mettre le doigt sur quoi exactement.

D’autres avis : L’Épaule d’OrionDragon GalactiqueLes lectures du Maki – vous ?

Bifrost n°105

5

Joie et bonheur de ce début 2022, voici le Bifrost qui arrive dans ma boîte aux lettres ! Si tôt arrivé, si tôt dévoré et avec davantage d’enthousiasme que le dernier car cette fois, j’ai beaucoup accroché à l’autrice mise en avant.

Ce nouveau numéro de la revue des mondes imaginaires se consacre donc à une grande dame de la science-fiction (mais pas que) : Leigh Brackett. J’avoue que je n’avais jamais entendu son nom auparavant et que j’étais donc très curieuse de découvrir qui elle était, son travail, ainsi que son influence dans le milieu des littératures imaginaires. C’est Charles Moreau qui signe sa biographie. Une interview datant des années 1970 est également présente dans ce numéro (avec des propos recueillis par Dave Truesdale) dont j’ai beaucoup apprécié la lecture au point même de surligner des passages pour me les remémorer plus tard. On y trouve enfin l’habituel guide de lecture (par Franck Brénugat) et un article qui se concentre sur l’influence de l’autrice dans le cinéma écrit par Pierre Charrel. N’oublions pas au passage la bibliographie de Leigh Brackett, compilée par Alain Sprauel qui fait quand même six pages et demi…

Tous ces éléments m’ont donné envie d’aller plus loin dans l’œuvre de l’autrice bien que je n’ai pas encore décidé par où la commencer. J’ai eu droit à un premier contact grâce à la nouvelle présente dans ce numéro et j’en ai été vraiment enchantée !

Comme d’habitude, c’est sur cela que mon billet va se concentrer.

Père de Ray Nayler (traduit de l’américain par Henry-Luc Planchat)
États-Unis, 1956. Un petit garçon a perdu son père à la guerre et reçoit de la part du gouvernement un père robotique de substitution…
La nouvelle de Ray Nayler est écrite à la première personne. On suit cet enfant naïf dans sa perception de ce nouveau père robotique et dans la création d’un lien sentimental entre eux. D’entrée de jeu, on sait que ce bonheur décrit sous nos yeux ne durera pas plus de six mois car l’histoire est racontée après coup par l’enfant qui l’annonce à la première ligne. Il y a donc un effet de désespoir, d’attente et de curiosité : comment tout ceci va mal tourner ? On s’en doute assez vite en remarquant la manière dont cette Amérique rurale des années cinquante réagit à la présence de ce robot, à la discrimination dont elle fait preuve.

Cette nouvelle est tragique mais contient beaucoup d’émotions. Elle m’a touchée et je suis curieuse de découvrir d’autres textes de Ray Nayler.

Cavorite de Laurent Genefort
Décidément, Laurent Genefort est partout en ce moment entre l’Abrégé de Cavorologie et les Temps ultramodernes… Voilà que le Bifrost publie également une nouvelle. Enfin… Si on peut qualifier ainsi cet étrange format qu’on retrouve dans les pages de la revue. En effet, il ne s’agit pas d’une histoire suivie mais bien d’un collage d’une vingtaine d’articles de presse autour du thème de la cavorite. Ces articles détaillent des évènements dans divers domaines liés à ce minerai fameux, central dans la construction de l’uchronie de Genefort. S’il y a un autre lien entre eux, je ne l’ai pas remarqué.

Peut-être est-ce parce que j’ai enchaîné beaucoup de lectures sur le sujet en deux ou trois semaines mais j’ai été rapidement lassée, surtout que j’avais un sentiment de redite avec les inter chapitres des Temps ultramodernes qui contiennent également des articles de presse, quoi que plus longs. Ç’avait le mérite d’être original dans la présentation.

La tragique affaire de l’ambassadeur martien d’Eric Brown (traduction par Michel Pagel)
Cette nouvelle est un prélude aux Simulacres Martiens paru dans la collection Une Heure Lumière du Bélial dont je vous ai récemment parlé et au contraire de ce dernier, ne souffre pas des problèmes que j’ai pu aborder. En effet, je regrettais que Sherlock Holmes soit très passif dans Simulacres mais ce n’est pas le cas ici. Eric Brown nous offre une enquête toute holmesienne suite au meurtre de l’ambassadeur martien sur Terre. C’est classique mais efficace et davantage à l’image de ce que je m’imagine quand on m’évoque la figure du célèbre détective. Ce fut un plaisir à lire !

Toutes les couleurs de l’arc-en-ciel de Leigh Brackett (traduction par Bruno Martin)
Mon premier contact avec la plume de Leigh Brackett est une grande réussite bien que je n’ai pas compris immédiatement où elle voulait en venir. L’histoire s’ouvre sur un couple qui traverse un désert de l’ouest américain pour se rendre quelque part où ils sont attendus pour mener une sorte de mission et il m’a fallu quelques pages pour comprendre que ce couple était en réalité un couple extra-terrestre, envoyé sur Terre pour développer des relations diplomatiques entre nos espèces.

Évidemment, la nouvelle a été écrite en 1957 et on peut imaginer que Leigh Brackett s’inspire de l’Amérique de cette époque en proie au racisme non seulement envers les personnes Noires mais aussi envers les personnes… Vertes, que sont ces aliens. L’autrice décrit un incident tragique avec une maîtrise des sentiments (non) humains et leurs conséquences sur la psyché qui m’a grandement impressionnée.

La conclusion de l’ombre :
Ce numéro du Bifrost a été un plaisir à découvrir. Il m’a permis un premier contact avec la plume de Leigh Brackett ainsi qu’avec Ray Nayler dont je vais pousser la découverte un peu plus loin. Mention spéciale pour l’encadré droit et science-fiction de Raphaël Costa qui m’a fait sourire. J’ai hâte de recevoir le prochain numéro ! Bravo à tous.tes les collaborateur.ices.

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