Nos futurs (anthologie) – imaginer les possibles du changement climatique

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L’anthologie Nos futurs est née d’une collaboration entre des scientifiques et des écrivains. À travers dix thèmes qui constituent des objectifs de développement durable, l’anthologie Nos Futurs permet de réfléchir à l’avenir.
Éditée par ActuSF dans sa collection 3 souhaits, vous la trouverez partout en librairie au prix de 19.90 euros.
Merci à Jérôme Vincent pour ce service presse.

L’origine du projet
Comme le dévoile la préface, ce projet a vu le jour durant les Utopiales 2018 et vise à rassembler des scientifiques et des auteurices pour qu’iels écrivent / réfléchissent ensemble aux enjeux climatiques. Chaque nouvelle est précédée d’un texte scientifique (tous très abordables) qui sert à expliciter les enjeux concernés. Ce sont les lecteurs (plus de 800 votants) qui ont choisi les dix thèmes qui seraient traités ici. Dix scientifiques et dix auteurices ont donc été associés et laissés libre sur leur manière de collaborer. Ainsi est née cette anthologie. Je me propose d’évoquer chaque fois l’article ainsi que la nouvelle de fiction qui y est associée, en essayant d’être la plus claire possible.

Lutte contre la faim
Scientifiques : Claire Chenu & Sylvain Pellerin
L’article scientifique évoque la sécurité alimentaire (dont nous sommes très loin), l’importance des sols dans ce processus et la façon dont on pourrait restaurer leur qualité.

Auteur : Raphaël Granier de Cassagnac
Nouvelle : La faim justifie les moyens
La nouvelle est construite comme un témoignage : celui d’Ambélé, qui raconte à sa petite fille Yoko de quelle manière il a appris les bases de l’agriculture qui ont permis à une toute communauté humaine (réduite) de survivre après une épidémie qui a ravagé la population mondiale. Selon une note en bas de page, l’univers est celui développé dans le roman Thinking Eternity chez Mnémos. L’action témoignée se déroule en Afrique et explique de quelle manière les populations locales sont parvenues à développer l’agriculture dans le désert. J’ai apprécié cette nouvelle bien que je me demandais où l’auteur souhaitait en venir… Jusqu’à arriver à la fin que j’ai trouvé très touchante et forte dans son propos.

Bonne santé et bien-être
Scientifique : François Moutou
L’article -très édifiant dans le contexte actuel- évoque de quelle manière le changement climatique risque de faire revenir / de créer de nouvelles bactéries et par extension, épidémies. En pleine crise COVID, ça tombe à point…

Auteur : Claude Ecken
Nouvelle : Toxiques dans les prés
Martha est agricultrice dans un futur proche où les maladies des plantes / céréales sont de plus en plus nombreuses, quand ce n’est pas le climat qui met en péril les cultures. Débarque alors dans sa vie une étrange femme, Aila Sanosulli, qui va la payer pour l’aider à mener à bien quelques recherches…
Je dois avouer que j’ai eu du mal avec cette nouvelle, bien trop scientifique pour moi. Je comprends son intérêt toutefois sur le plan strict de la fiction, je ne suis pas le public cible.

Égalité entre les sexes
Scientifique : Marie-Jeanne Husset, Anne Barre et Véronique Moreira
L’article évoque l’importance des femmes dans le processus de sauvegarde du climat. Trop souvent, dans beaucoup de pays, les femmes ne sont pas décisionnaire (soit pas du tout, soit pas de manière égale) alors qu’elles sont souvent les premières actrices du changement. J’ai trouvé cet article fascinant et éclairant !

Autrice : Sylvie Lainé
Nouvelle : Au pied du manguier
L’action de cette nouvelle se déroule en Afrique, dans un futur où la population se divise entre procréants et non-procréants. La question de genre est au coeur de cette nouvelle puisque les lecteurs suivent des adolescents qui n’ont pas encore décidé de leur futur même si la plupart savent déjà qu’ils ne veulent pas d’enfants puisqu’il est nécessaire de diminuer la population mondiale. Pourtant, une parmi eux ressent ce fameux instinct maternel accompagné d’une forme de culpabilité. J’ai adoré l’intelligence du propos mais je déplore la fin de la nouvelle qui, selon moi, est plutôt l’endroit où l’histoire aurait du commencer.

Accès à l’eau salubre et à l’assainissement
Scientifique : Pascal Maugis
L’article parle de l’eau, de son cycle et de son importance dans notre vie de tous les jours ainsi que des idées reçues sur le sujet. J’en ai appris beaucoup et ça m’a permis de remettre en perspective ce que je pensais savoir sur la manière de mieux consommer mon eau !

Autrice : Estelle Faye
Nouvelle : Conte de la pluie qui n’est pas venue
Léna est missionnée par le gouvernement russe pour assassiner un riche propriétaire qui a détourné le cour d’une rivière afin d’alimenter son petit paradis. On se rend compte que la réalité est un peu différente… J’ai apprécié le ton globalement désenchanté de la nouvelle bien qu’ici aussi, elle se termine où elle devrait -je trouve- commencer.

Énergies fiables, durables et modernes à un coût abordable
Scientifique : Matthieu Auzanneau
L’article aborde avec beaucoup de pédagogie notre addiction aux énergies fossiles et la nécessité de trouver une alternative efficace à mettre en place puisque cette énergie est vouée à disparaître dans un futur très très proche en entrainant une révolution sociotechnique profonde. La réflexion induite par l’article me plait beaucoup ainsi que le ton de l’auteur.

Auteur : Laurent Genefort
Nouvelle : Home
Carmela est une coparente qui travaille pour la Mairie de sa ville au service qui gère Home, une interface permettant de conseiller et éduquer la population sur de bonnes habitudes écologiques à prendre, avec la mise en place d’un système de récompense. Il est toutefois possible d’ignorer les recommandations de Home. Évidemment, tout le monde n’est pas adepte de ce système et le fils de Carmela va se faire embrigader dans un groupe terroriste anti écologique… J’ai beaucoup aimé cette nouvelle ainsi que sa conclusion qui porte une douce note d’espérance.

Réduction des inégalités
Scientifique : Audrey Berry
L’article explique ici le concept de la carte carbone dont je n’avais pas entendu parler jusqu’ici (ou vaguement mais sans m’y attarder). Il s’agirait de compter les dépenses carbones des citoyens en les limitant à un certain quota tous les mois dans le but avoué de les baisser. Audrey Berry revient sur les avantages et les inconvénients de cette mesure ainsi que les inégalités qu’elle pourrait engendrer.

Autrice : Chloé Chevalier
Nouvelle : Trois poneys morts
Katia doit se rendre en Suède, sur une petite île perdue, afin d’exécuter les dernières volontés de son épouse décédée. Évidemment, ce voyage va lui coûter très cher et la carte carbone dont on ne peut pas échanger les points est sur le point de passer. Cela se fera pendant son voyage ce qui va contraindre Katia à imaginer des solutions alternatives pour rentrer en France. C’est l’une des nouvelles qui m’a le plus enthousiasmée par ce qu’elle dégage et son propos si concret. Je trouve que Chloé Chevalier maîtrise très bien le format court ! Elle traite sa thématique tout en invitant le lecteur à sa propre réflexion, sans oublier de proposer une protagoniste intéressante.

Villes et communautés durables
Scientifique : Vincent Viguié
L’article évoque l’impact des villes sur le climat ainsi que le concept de maladaptation à savoir une réaction (qu’on pense positive) au changement climatique qui risque d’aggraver le problème au lieu de l’améliorer. J’ai trouvé l’article un peu longuet mais intéressant.

Autrice : Catherine Dufour
Nouvelle : la chute de la défense
Rano habite dans un Paris plus ou moins dévasté où il fait très chaud. Il entend ses parents se disputer à propos d’un raid qui devrait avoir lieu sur le quartier de la Défense, endroit où vit sa grand-mère. Il décide donc d’aller la tirer de là, avec l’aide de deux amis. Cette nouvelle dépeint un futur où les personnes aisées n’ont visiblement pas appris de leurs erreurs et font tout, même le pire, pour conserver leur train de vie. J’ai beaucoup aimé le déroulement de l’action, maîtrisé, ainsi que la conclusion. Une nouvelle réussite pour cette autrice qui n’a plus rien à prouver.

Consommation et production responsables
Scientifique : Philippe Bihouix
Cet article développe la thématique de la production responsable et durable en mettant en balance l’aspect bénéfique (utopique) et l’aspect négatif (dystopique). À sa lecture, on prend conscience que le changement ne sera pas simple à mettre en place et qu’il implique une réorganisation profonde de la société, de nos habitudes.

Autrice : Jeanne A. Debats
Nouvelle : Le monde d’Aubin
Aubin vit au sein d’une communauté spécifique bien longtemps après une sorte d’effondrement. À cette époque, les gens ont eu le choix entrer continuer de vivre à la surface ou s’enfoncer sous terre, ce qu’on fait les pixelles. Ces derniers existent sous forme organique mais vivent dans des cylindres / cuves, préférant plutôt une conscience dite virtuelle. L’univers de la nouvelle est très vaste, complet, pourtant l’autrice parvient à le mettre en place en peu de pages. Aubin, qui est un garçon, va avoir le droit de choisir entre quitter sa communauté pour rejoindre celle des pixelles ou rester pour engendrer une descendance. Un choix qui n’est pas offert aux femmes, trop précieuses et paradoxalement, traitées comme un bout de viande. Cette nouvelle est percutante, violente dans son propos mais d’une grande intelligence. Quand on arrive à la toute fin, on ne peut pas s’empêcher de s’arrêter un instant pour réfléchir sur ce qu’on vient de lire. Une réussite, ma préférée du recueil sans aucun doute !

Lutte contre les changements climatiques
Scientifique : Isabelle Czernichowski
L’article explique ici le principe du stockage de CO2 en sous-sol, dont je n’avais pas non plus entendu parler, ce afin d’alléger la pollution dans l’atmosphère. Isabelle Czernichowski aborde les arguments en faveur et défaveur d’une telle méthode avec pédagogie si bien qu’une novice comme moi a vraiment compris l’enjeu que cela pouvait représenter.

Auteur : Jean Marc Ligny
Nouvelle : 2030 / 2300
La nouvelle se divise en deux parties. La première est un blog rédigé en 2030 par le responsable d’un chantier de puits stockage CO2 qui raconte son métier, son quotidien, jusqu’au moment où le puits a été scellé. La seconde partie se déroule en 2300 où une vieille dame explique comment elle en est venue à s’installer sur ce site, sans rien en savoir, et subir forcément les effets néfastes d’une fuite de CO2. Si j’ai trouvé l’idée originale, il m’a manqué quelque chose pour vraiment accrocher. De plus, la première partie m’a semblé assez redondante avec l’article scientifique qui la précédait.

Vie terrestre
Scientifique : Jane Lecomte et François Sarrazin
L’article évoque la manière dont on pourrait revoir la relation entre le vivant et le non vivant, les trajectoires d’évolution des espèces… Je dois avouer être passée un peu à côté de ce thème-ci ainsi que de la nouvelle qui y est lié.

Auteur : Pierre Bordage
Nouvelle : Sanctuaires
La nouvelle raconte l’histoire de deux jeunes qui défient l’autorité parentale pour retrouver un sanctuaire végétal dans un monde assez dévasté. J’ai eu du mal à rentrer dedans, le style de l’auteur ne me convient décidément pas en tant que lectrice je pense.

La conclusion de l’ombre :
Nos futurs est une anthologie très inspirée proposée par les éditions ActuSF qui invite à la réflexion sur le futur de notre planète et les solutions qu’on pourrait mettre en place pour y arriver. L’ouvrage marie les articles scientifiques (très accessibles) à des nouvelles de fiction plus ou moins réussies en fonction des auteurices. Même si je n’ai pas accroché à tout, je recommande cet ouvrage pour sa démarche et ce qu’il apporte aux réflexions déjà en cours. Je l’ai trouvé édifiant et pédagogique : si vous êtes enseignant, n’hésitez pas à lui consacrer un peu de temps !

Maki

Apprendre, si par bonheur – Becky Chambers

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Apprendre, si par bonheur
est une novella de science-fiction positive écrite par l’autrice américaine Becky Chambers. Publié par l’Atalante pour la rentrée littéraire 2020, vous trouverez ce roman partout en librairie au prix de 12.90 euros.
Je remercie Emma et les éditions l’Atalante pour ce service presse numérique.

Je vous ai déjà parlé de cette autrice sur le blog en chroniquant sa saga les Voyageurs : L’espace d’un anLibrationArchives de l’Exode.
(NB : il semble que suite à une fausse manipulation, j’ai supprimé ma chronique sur Libration. Vous pouvez toutefois la retrouver sur le site de l’Atalante dans sa totalité !)

De quoi ça parle ?
Les quatre membres de l’expédition Lawki 6 quittent la Terre pour un voyage de plusieurs décennies dans le but d’explorer quatre exoplanètes à quatorze années lumières de là : Aecor, Mirabilis, Opéra et Votum. Ariadne, l’ingénieure du vaisseau Merian, raconte leur périple sous forme de carnet de bord romancé et ce avec un but bien précis…

De la SF positive et de la représentation.
Ce texte court de 144 pages invite le lecteur à suivre un groupe de quatre astronautes : Ariadne, qui s’occupe de l’aspect technique du voyage. Elena, spécialiste météorologique. Jack, géologue et Chikondi, biologiste. Ne vous laissez pas abuser, si chacun a sa spécialité, tous s’entraident car comme le précise justement Ariadne, c’est comme ça qu’on peut avancer en sciences. Becky Chambers nous a habitué à de la diversité et elle continue d’œuvrer pour la représentation et l’égalité des genres. Ainsi, pas de sexisme ni d’hétérocentrisme malvenu. L’autrice propose même un personnage asexuel, fait que je retrouve dans plusieurs lectures ces derniers temps et qui me plait beaucoup. Non seulement les protagonistes ne sortent pas tous du même moule mais ils ont également l’avantage d’être très humains, avec tout ce que cela implique. À nouveau, l’autrice démontre son habileté à construire des personnages solides et intéressants.

Leur mission n’a rien de politique et n’enclenchera pas une vague de conquêtes comme on le trouve souvent dans la littérature SF -en tout cas celle que j’ai pu lire. Elle a pour but de découvrir, de comprendre les mécanismes de la vie, d’apprendre, tout simplement. D’où le titre et la citation sur la quatrième de couverture que j’aime tout particulièrement au point de l’avoir noté car je trouve qu’elle résume très bien l’esprit du texte : « Nous n’avons rien trouvé que vous pourrez vendre. Nous n’avons rien trouvé d’utile. Nous n’avons trouvé aucune planète qu’on puisse coloniser facilement ou sans dilemme moral, si c’est un but important. Nous n’avons rien satisfait que la curiosité, rien gagné que du savoir. »

L’expédition Lawki 6 est d’ailleurs financée par les citoyens de la Terre et non pas par un pays en particulier comme c’était le cas au début des conquêtes spatiales. Ce financement est possible via une organisation connue sous l’acronyme GAO. Des initiatives de ce type existent également dans notre société bien qu’elles n’en soient pas encore à ce stade de développement.

Un rapport romancé…
Cette novella se présente donc comme un rapport divisé en quatre parties, une pour chaque planète visitée par le groupe : Aecor, Mirabilis, Opéra et Votum. La première possède un paysage glacé avec de mystérieuses lumières sous la surface. La seconde a une pesanteur bien supérieure à celle de la Terre et abrite une quantité phénoménale de formes vivantes. Opéra est un enfer aquatique à la météo tempétueuse et enfin Votum est un désert silencieux. On pourrait craindre que la forme de rapport empêche une intrigue intéressante ou un attachement de se créer vis à vis des personnages mais ce n’est pas le cas. Becky Chambers propose un bel équilibre entre l’aspect scientifique et humain, si bien que la lecture ne m’a jamais parue longue ou hors de ma portée. L’autrice donne dans la vulgarisation scientifique en expliquant de quelle manière les astronautes réussissent à tenir face aux différences entre la Terre et les planètes visitées ainsi que les longues distances parcourues sans pour autant mourir de vieillesse avant d’arriver. Pour moi qui suis novice sur un plan scientifique (et un peu en SF aussi, je poursuis mon apprentissage), je trouve qu’elle s’y prend très bien.

On ne comprend le but de ce rapport qu’une fois à la toute dernière page. Je ne vais pas révéler le twist final mais j’en ai eu des frissons. C’était intense, frappant, bref c’était parfait et ça justifie mon coup de coeur pour cette novella.

… avec une base scientifique solide.
On apprend grâce aux remerciements que Becky Chambers a été très influencée par les travaux d’une scientifique qui pourraient permettre, à terme, de rendre tout ça possible : Lisa Nip. Cette chercheuse du MIT propose de recourir à la biologie synthétique pour résoudre les difficultés du voyage spatial humain. Elle n’est pas la seule si on se fie à ces remerciements car l’autrice s’est appuyée sur des faits scientifiques avérés et solides pour écrire cette novella.

La conclusion de l’ombre :
Avec Apprendre, si par bonheur, Becky Chambers offre une novella de science-fiction positive tournée vers l’humain avec une base scientifique solide. L’autrice raconte comment quatre astronautes mènent une mission d’exploration sur quatre planètes différentes dans le but de comprendre l’origine de la vie. Elle prend le temps de mettre en scène les protocoles de recherche et de vulgariser ce qui doit l’être pour rendre son texte accessible au plus grand nombre sans jamais que cela ne devienne ennuyeux, même pour ceux qui n’ont pas d’atomes crochus avec ces matières. J’ai dévoré d’une traite ce court roman que je recommande avec enthousiasme.

D’autres avis : le Syndrome de QuicksonLes lectures du MakiL’Épaule d’OrionYuyineAu Pays des Cave trollsLorhkan – L’imaginarium de symphonie – Zoé prend la plume – AelinelLes blablas de TachanOutrelivres – vous ?

L’hypothèse du lézard – Alan Moore & Cindy Canévet

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L’hypothèse du lézard
est une novella de fantasy écrite par l’auteur anglais Alan Moore et illustrée par la talentueuse Cindy Canévet. Édité par ActuSF dans sa collection Graphic, vous trouverez cet ouvrage partout en librairie au prix de 19 euros.

De quoi ça parle ?
À Liavek, Som-Som est vendue par sa mère à un bordel de luxe regroupant des personnages étranges. Elle-même va s’offrir au Silence et porter un Masque Brisé, la destinant à devenir l’amante des magiciens puisqu’elle devient physiquement incapable de révéler le moindre secret. C’est ainsi qu’elle va assister à une histoire d’amour violente et cruelle entre deux comédiens / prostitué(e)s de la Maison sans Horloges : Raura Chin et Foral Yat.

Des illustrations somptueuses…
Avant de me pencher sur l’histoire et son atmosphère, je tiens à souligner le travail magnifique de Cindy Canévet pour donner vie à l’ambiance et aux personnages d’Alan Moore. On le voit déjà sur la couverture mais ce n’est rien à côté de ce qu’on peut trouver dans ce bel objet-livre. Son style graphique se marie à merveille avec l’ambiance sombre, désenchantée et oppressante de l’hypothèse du lézard, ce qui est un gros plus pour moi et transforme ce titre en un indispensable pour tous ceux qui sont sensibles à l’aspect visuel.

… pour un texte dérangeant
Il m’est difficile de vous évoquer les détails de l’hypothèse du lézard sans honteusement vous dévoiler le contenu d’une intrigue aussi courte que déconcertante. Je n’avais pas lu le résumé avant de me lancer dans ma lecture si bien qu’en suivant Som-Som durant tout un premier chapitre, je pensais que nous allions l’accompagner dans son quotidien d’amante des magiciens, apprendre à mieux connaître et comprendre cette caste qui paraît si particulière au point d’exiger de leurs amantes des sacrifices aussi énormes.

Mais non.

Alan Moore se concentre sur deux autres pensionnaires de la Maison sans Horloges, des personnages au sexe trouble mais qui semblent biologiquement masculins. Ces deux comédiens sont également des prostitué(e)s. Iels vivent une histoire d’amour quand Raura Chin se voit offrir l’opportunité de partir trouver la gloire par son art théâtral au sein d’une compagnie. Une décision qu’iel paiera très cher par la suite.

Tout est narré par Som-Som dans un texte qui contient très peu de dialogues. Raura Chin a l’habitude de venir prendre le thé avec la jeune femme et de lui parler longtemps de ses anecdotes, de sa vie. À travers les yeux de Som-Som, coincée dans une situation très cruelle, le lecteur voit petit à petit ce qui arrive à Raura Chin.

Une histoire « d’amour »
Finalement, l’hypothèse du lézard est une histoire d’amour. Saine dans un premier temps avant de s’empoisonner de rancœur après le départ de Raura Chin, qui revient finalement quelques années plus tard pour une raison assez obscure. Là, tout bascule mais cela prend du temps, plusieurs jours, une bonne dizaine, pour que le lecteur comprenne qu’il n’y a pas qu’une légitime rancœur mais bien une toxicité de plus en plus prégnante. Pour autant, l’auteur ne se sent pas obligé de tout montrer. Alan Moore use de subtilité, de non-dits parfois, pour renforcer l’effet d’horreur quand il le doit et donner un plus grand impact à ce qu’il décrit quand il décide de le faire. L’équilibre trouvé se révèle, à mon sens, parfait.

Au-delà de cette histoire, à travers Som-Som, le lecteur prend le rôle d’observateur passif. Vu sa situation, la jeune fille ne peut pas intervenir, ne peut rien dénoncer puisque les opérations subies l’empêchent de parler, de révéler des secrets. Ce qui la rend si précieuse au sein de la Maison sans Horloge condamne finalement Raura Chin.

Un ressenti ambivalent.
Qu’en ai-je pensé, moi ? À la lecture de ce texte, j’ai d’abord eu un peu de mal à rentrer dedans, catapultée dans un univers sur lequel je ne savais rien. Puis j’ai accepté l’aspect huit-clos choisi par Alan Moore pour son histoire, préférant se concentrer sur les personnages et leurs relations au lieu du développement de son univers. Petit à petit, passée l’incompréhension initiale de ne pas suivre Som-Som, je me suis laissée embarquer dans ce drame ordinaire avec le sentiment dérangeant d’être une voyeuse. Je tournais les pages avec appréhension, presque certaine de la conclusion, espérant tout de même une fin différente. L’ambiance générale a fini par prendre toutefois ça a été long et je ne pense pas que je me serais si bien plongée dedans sans les illustrations de Cindy Canévet.

Je pense que certains passeront à côté de ce texte parce que tout chez lui est particulier : le style d’écriture, l’univers, les choix narratifs, l’ambiance. C’est quitte ou double mais si vous êtes un peu sensible à l’esthétique gothique en fantasy, alors il est certain que vous devez lire cette novella.

La conclusion de l’ombre :
L’hypothèse du lézard est une novella écrite par Alan Moore et illustrée par Céline Canévet. Ces illustrations se marient à merveille avec l’ambiance gothique, désenchantée et oppressante de ce texte court qui raconte une histoire d’amour tragique entre deux comédiens au genre incertain. C’est finalement un drame ordinaire que dépeint Alan Moore, un drame ordinaire dans un univers fantasy et saupoudré d’une impitoyable cruauté.

D’autres avis : CélinedanaeFungiLuminiLes notes d’AnouchkaLes carnets d’une livropatheLe Bibliocosme (Dionysos) – vous ?

Nouvelles Ères (anthologie 2/2)

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Nouvelles Ères
est l’anthologie annuelle de 2020 des éditions Livr’S qui a pour thème, comme son titre le sous-entendu, le futur et son renouveau. L’anthologie appartient donc clairement au genre de la science-fiction et plus précisément du post-apocalyptique pour certains textes.

Douze auteurs sont au programme et Nouvelles Ères est parrainé par Victor Fleury, un auteur qu’on ne présente plus et qui est particulièrement apprécié sur le blog (L’Homme Électriquela prêtresse esclave).

Comme j’ai beaucoup aimé ma lecture, j’ai décidé de couper ma chronique en deux parties afin de pouvoir vous évoquer chaque texte correctement sans vous obliger à lire un retour trop long. Aussi, ce retour concernera les six derniers textes du recueil. N’hésitez pas à consulter mon billet sur la première partie.

Enfin, notez que vous pouvez trouver ce titre au prix de 19 euros au format papier et de 2.99 au format numérique, il est commandable en librairie mais si vous voulez soutenir la maison d’édition, faites le par leur site. Cette anthologie fait partie des titres qui souffrent de la crise COVID. Sa sortie était initialement prévue pour les Imaginales.

Mort à crédit – Aimé Leclercq (24/07/2020)
Gilbert Hathaway est un ancien journaliste devenu enseignant au sein d’une société qui a démocratisé l’usage d’assistants personnels de type I.A. La sienne, Carla, tient soudain des propos racistes envers l’un de ses amis et prend des initiatives, ce qui inquiète beaucoup Gilbert. Pas de chance pour lui, il va mettre les pieds dans une histoire qui le dépasse et en payer le prix.

Je n’ai pas trop accroché au style hyper familier avec lequel l’auteur raconte son histoire bien que ce soit cohérent avec le mode de narration. En fait, je devrais plutôt dire que je n’ai pas du tout accroché au personnage de Gil, très brut de décoffrage et un peu vieux con à l’américaine. Ce qui est totalement une affaire de goût puisque la nouvelle fonctionne bien et possède cette dose d’excès un peu absurde qui fait que le twist final arrache presque un sourire. De plus, les thèmes abordés sont plutôt solides et j’ai beaucoup aimé l’idée d’une I.A. raciste avec tout ce que ça implique d’un point de vue politique. Chapeau.

Le revers du silence – Fabrice Schurmans (25/07/2020)
New Paris, dans le futur. La ville est divisée en deux, une partie d’une propreté sublime où le crime n’existe plus et une autre où les habitants s’engluent dans la pollution, le vice, bref tout ce qu’on peut imaginer de pire. Hania et Farès sont inspecteurs à New Paris et le crime ne leur est pas vraiment très familier. Du coup quand leur enquête les emmène de l’autre côté de la frontière, ils vont avoir un gros choc…

Si cette nouvelle m’ennuyait d’abord un peu, je me suis rapidement prise au jeu de l’aspect policier bien géré ainsi que du contraste entre New et Old Paris. À travers une enquête dont la conclusion fait froid dans le dos, Fabrice Schurmans donne à réfléchir sur la nature humaine avec un cynisme mordant très appréciable, renforcé par l’espèce d’innocence naïve des deux inspecteurs qui tombent de haut face à la réalité. Par bien des aspects, ce texte m’a rappelé La divine proportion de Céline Saint Charle également publié chez Livr’S et dont je vous recommande vivement la lecture.

Peste-Pilon – Gillian Brousse (26/07/2020)
Dans un monde alternatif en guerre, Hammond est une espèce d’aventurier anthropologue qui rend visite à la famille de sa sœur. Là, il rencontre Jul, une sorte d’homme à l’aspect physique peu engageant qui rappelle le singe et une capacité à parler proche du néant (il ne connait qu’une centaine de mots). Jul a pourtant été témoin de l’utilisation d’une nouvelle arme, ses informations pourraient se révéler précieuses…

C’est probablement la nouvelle que j’ai le moins apprécié dans ce recueil. Pas qu’elle soit mauvaise, simplement je n’ai pas du tout accroché au style de l’auteur que je trouvais trop pompeux. Ici, tout comme dans Mort à crédit, Gillian Brousse se contente de coller à son narrateur à la première personne sauf que je n’ai pas réussi à accrocher ou même à ressentir la moindre empathie pour lui. Du coup, ma lecture m’a semblé plate bien que les idées soient présentes.

L’apocalypse n’aura pas lieu (une seconde fois) – Corentin Macé (26/07/2020)
L’apocalypse a eu lieu et David est enfermé depuis six ans dans un bunker à regarder des films pour passer le temps. Sauf que six ans, c’est long et David en a un peu sa claque. Il décide de sortir dans une tentative désespérée de se suicider. Là, il se rend compte que le virus ayant décimé la population mondiale n’a plus l’air de sévir. Il va alors rencontrer Christophe, un homme sympathique qui l’invite à rejoindre leur communauté…

Ce texte est celui que j’ai le plus aimé au sein de cette seconde partie parce que Corentin Macé joue avec les codes narratifs du post-apocalyptique en les tordant pour prendre le contrepied. Une fois la première surprise passée, David s’attend à un monde à la Mad Max sauf qu’il tombe sur une communauté très pacifique où tout se règle par le dialogue. Ça l’ennuie vite, il décide donc… de foutre la merde, purement et simplement. Si on ressent d’abord beaucoup d’empathie pour David, celle-ci s’efface à mesure de ses actes qu’on découvre avec des yeux ronds. C’est délicieusement provocateur, cru et bien pensé. Une magnifique réussite ! J’ai hâte de lire d’autres textes de cet auteur prometteur.

La machine à capter le chant des sirènes – Sylwen Norden (26/07/2020)
Un homme (dont le prénom m’échappe totalement au point que je doute qu’il ait été cité) arrive sur une île très au nord de l’Irlande sur laquelle il décide de s’installer au sein d’une petite communauté étrange. Il prend la responsabilité des « machines du vieux Dermot », machines aux propriétés surprenantes.

Je dois avouer être totalement passée à côté de cette nouvelle. Pour ma défense, je l’ai lue très tard dans la soirée et j’aurais probablement du la garder pour le lendemain matin. Ce texte est différent de tous les autres, Sylwen Norden opte pour une style littéraire très poétique avec des évènements à la limite de l’onirisme. Je suis assez hermétique à cela pour le moment mais je salue volontiers la façon d’écrire de l’auteur. Je reviendrais à ce texte quand le moment s’y prêtera mieux pour moi.

Les Hydropares – Wilfried Renaut (27/07/2020)
Sable est une subaq, une humaine modifiée pour la vie marine. Mercenaire, elle accepte d’aider un ethnologue à découvrir davantage d’informations sur les Hydropares, un peuple océanique de la planète Neptune. Sauf que Sable va être utilisée malgré elle et les conséquences pour le peuple concerné risquent d’être terribles.

Le recueil se termine en beauté avec cette nouvelle qui questionne l’habitude qu’a l’homme à détruire tout ce qu’il touche pour son propre bénéfique, sans jamais apprendre de ses erreurs précédentes. La narration à la première personne est très efficace, le monde créé par Wilfried également. Il ne manque pas de promesses ! Toutefois, à l’instar de SOFIA (c.f. mon autre billet) les Hydropares se termine là où le texte aurait pu commencer car c’est un très bon prologue à un roman de plus grande envergure qui, j’espère, verra le jour.

La conclusion de l’ombre :
À l’exception de deux textes (et demi) la seconde partie du recueil m’a moins enthousiasmée que la première. Pas parce que les nouvelles ont une qualité moindre mais parce que leur style correspond moins à ce que j’apprécie de lire en ce moment. Dans l’ensemble, je ressors très satisfaite par cette découverte. Je vous recommande chaudement de jeter un œil par vous-même à Nouvelles Ères, vous ne serez pas déçu(e)s.

Pour les blogueurs intéressés qui souhaitent mettre en avant une petite structure belge, il est possible de demander ce recueil en service presse numérique sous simple envoi de mail à service-presse[a]livrs-editions.com.

D’autres avis : Sarah’s Diary – vous ?

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L’Homme qui peignit le dragon Griaule – Lucius Shepard

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L’Homme qui peignit le dragon Griaule
est la première nouvelle du recueil le Dragon Griaule écrit par l’auteur américain Lucius Shepard. Publié par le Bélial dans une très belle édition illustrée par Nicolas Fructus, vous trouverez ce texte au prix de 25 euros. Sachez qu’il existe également au format poche chez J’ai Lu au prix de 9.90 euros et que la nouvelle dont il est question ici est disponible à l’unité en numérique.

J’ai déjà lu deux novellas de l’auteur (Les attracteurs de Rose Street & Abimagique) chez le même éditeur dans la collection Une Heure Lumière, deux réussites quoi que déconcertantes. Le résumé de Griaule avait tout pour me séduire, pourtant une petite voix me soufflait que ça allait coincer… Du coup, j’ai opté pour la version poche et j’ai été bien inspirée.

J’insiste tout de suite, nous sommes face à un combo mauvaise période de lecture + style d’écriture qui ne m’a pas emballée, raison pour laquelle je parle quand même du premier texte lu (j’ai arrêté à la moitié du second). Et j’avoue, un peu pour valider une lecture Maki 🙂

De quoi ça parle ?
Le dragon Griaule est une entité maléfique gigantesque (deux kilomètres si ma mémoire est bonne) figée par un sortilège mais toujours vivant, qui étend petit à petit sa mauvaise influence sur les villages alentours. Dans cette nouvelle, un homme se propose de peindre Griaule et de l’empoisonner du même coup par ce biais, réalisant à la fois une œuvre d’art et un assassinat très lent.

Mon sentiment
Ce texte sert clairement d’introduction à l’univers. D’abord sur un plan visuel puisque le peintre va arpenter Griaule un bon moment pour prendre conscience de ses dimensions, découvrir la faune et la flore qui vit autour de lui, imaginer les infrastructures à mettre en place pour mener son projet à bien. Les descriptions foisonnent ici et vous le savez, ce n’est pas ce que je préfère. J’ai eu un peu de mal à rentrer dedans toutefois face à l’enthousiasme général de la blogo, j’ai persévéré.

Ensuite, le temps passe au sein de la diégèse. Le grand ouvrage dure très -très- longtemps et le chantier connaît son lot de drames. Petit à petit, une atmosphère sombre s’installe, un début de folie, de désespoir humain que les protagonistes justifient par l’influence de Griaule mais… est-ce vraiment le cas ? Selon moi Lucius Shepard joue subtilement avec l’idée que tout acte néfaste est justifié par la présence du dragon alors que ça pourrait aussi bien venir d’une pulsion bassement humaine. Ce concept se ressent au long de cette petite soixantaine de pages (au format poche) et est bien dosé par l’auteur.

Pourtant… Voilà, une fois arrivée à la fin, j’ai eu l’impression d’avoir fait le tour. C’était sympa mais pas ce que j’attendais, en plus d’avoir ressenti quelques longueurs hyper pénibles. Je n’ai pas spécialement eu envie de continuer ma découverte du recueil toutefois je suis l’une des seules (avec Xapur si je ne me trompe) à ne pas avoir été plus enchantée que ça par ma découverte. Je vous recommande donc de croiser mon sentiment avec celui des blogpotes renseignés ci-dessous et de décider par vous-même si Griaule étendra sa néfaste influence sur vous !

D’autres avis : Au pays des cave trollsBaroonaLe dragon galactiqueRSF BlogLorkhanLe chien critiqueNevertwhere Xapur – vous ?

Maki

Nouvelles Ères (anthologie – 1/2)

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Nouvelles Ères
est l’anthologie annuelle de 2020 des éditions Livr’S qui a pour thème, comme son titre le sous-entendu, le futur et son renouveau. L’anthologie appartient donc clairement au genre de la science-fiction et plus précisément du post-apocalyptique pour certains textes.

Douze auteurs sont au programme et Nouvelles Ères est parrainé par Victor Fleury, un auteur qu’on ne présente plus et qui est particulièrement apprécié sur le blog (L’Homme Électriquela prêtresse esclave).

Comme j’ai beaucoup aimé ma lecture, j’ai décidé de couper ma chronique en deux parties afin de pouvoir vous évoquer chaque texte correctement sans vous obliger à lire un retour trop long. Aussi, ce billet concernera les six premiers textes du recueil.

Enfin, notez que vous pouvez trouver ce titre au prix de 19 euros au format papier et de 2.99 au format numérique, il est commandable en librairie mais si vous voulez soutenir la maison d’édition, faites le par leur site. Cette anthologie fait partie des titres qui souffrent de la crise COVID. Sa sortie était initialement prévue pour les Imaginales.

389 – Catherine Barcelone (20/07/2020)
Le docteur Pattern créé un robot et en est à son 389e essai – qui se révèlera être le bon ! Cet androïde est parfait, bien trop pour paraître humain. Sam Pattern comprend que pour copier les émotions, l’imperfection est nécessaire. Il va alors profondément changer 389 aka Adam…

Ce court texte met en scène un scientifique désireux de créer un androïde parfait, un poncif assez classique de la science-fiction. Pourtant, en optant pour une narration alternée à la première personne entre Adam et Sam, Catherine Barcelone réussit, en peu de pages, à passionner le lecteur car elle trouve un bon équilibre entre technologie et émotion. Ce texte plaçait la barre très haut en terme d’attente pour moi et a vraiment tout pour plaire. Ma lecture commençait donc sur les chapeaux de roue !

SOFIA – Meggy Gosselin (21/07/2020)
Dehors, le monde s’effondre. Enfermé dans un bunker, le professeur Kamura termine le Projet témoin qui a pour but de conserver une trace du passage de l’humanité sur Terre. Il meurt dés les premières pages en confiant ses recherches à Sofia, son I.A. qui a pour mission de le ramener à la vie – si elle y arrive. Des siècles plus tard, le professeur Kamura reprend conscience dans un corps humanoïde modifié en profondeur pour s’adapter aux nouvelles rigueurs de la Terre. Il apprend que quelque chose est arrivé de l’espace, quelque chose qui a recréé l’écosystème…

Cette nouvelle m’a interpelée par sa taille. Il s’y passe énormément de choses et elle souffre de quelques longueurs -à mon goût- sur les passages très descriptifs où Kamura découvre le monde dans lequel il vit désormais. De plus, SOFIA m’a laissé le goût d’un long prologue à un roman puisque la façon dont elle se termine pourrait tout à fait marquer le début d’un texte tout autre. Pourtant, j’ai beaucoup aimé les idées de l’autrice et sa façon de les mettre en scène. Le personnage de Sofia ne manque pas d’intérêt et la profonde humanité (au sens faible du terme) de Kamura rend ses choix ainsi que ses actions passionnantes à suivre. J’espère que l’autrice développera davantage cet univers !

Entre les mains de dieux étranges – Victor Fleury (22/07/2020)
Mopsos et ses compagnons poursuivent des voleurs de trésor, mandatés par Alexandre le Grand pour retrouver des parures royales dérobées. Le hasard des combats fait que seul Mopsos survit, il doit continuer sa mission… Sauf que le corps de son ami s’anime sous ses yeux par la faute d’un démon, pense-t-il. Ce dernier lui explique la nécessité de l’accompagner dans sa poursuite afin de découvrir l’emplacement du trésor convoité par les Grecs. En tant que lecteur extérieur, on comprend alors que Mopsos est une I.A. dans un programme archéologique censé réaliser des simulations d’un niveau poussé afin de découvrir la localisation de trésors perdus sur base de connaissances historiques fragmentaires. Quant au hacker qui a volé le corps de son ami, difficile de savoir dans quel camp il se place…

J’ai trouvé le concept de base absolument brillant ce qui n’a rien de surprenant venant de Victor Fleury. Il y a tout dans cette nouvelle : une solide base historique, un twist inattendu, une intrigue solide en quelques pages à peine, une émotion palpable, bref du grand Victor Fleury. Pour le moment c’est vraiment ma nouvelle favorite du recueil parce qu’elle a su totalement me surprendre.

Je l’ai terminée avec un tel enthousiasme que j’ai eu peur d’enchaîner avec le texte suivant, qui se révèlerait forcément en-dessous. Et bien pas du tout !

La dernière ville sur terre – L. A. Braun (22/07/2020)
Sio vit à New Dublin, une société gérée par la Machine qui donne des conseils aux habitants sur la façon de se nourrir, de s’habiller, de mener sa vie, pour atteindre une forme de bonheur. Sauf que Sio commence à étouffer dans cette vie…

La dernière ville sur terre se déroule dans l’univers étendu de Paradoxes, la première trilogie de l’autrice. Rassurez-vous, aucun besoin de l’avoir lue pour comprendre et apprécier le contenu de cette nouvelle. En quelques pages, L-A Braun parvient à construire toute une société crédible en analysant finement la psychologie humaine. Je n’ai eu aucun mal à me projeter dans le personnage de Sio, dans ses questionnements, dans ses choix. Non seulement la nouvelle brille d’intelligence mais en prime elle ne manque pas d’action ni d’enjeux. Une très belle réussite !

Au temps pour moi – Margot Turbil (22/07/2020)
Un personnage de sexe féminin sans nom (pour le lecteur) arrive à la cinquantaine après avoir plus ou moins tout raté dans sa vie. Un soir, elle rencontre un jeune homme qui lui confie une sorte de télécommande qui lui permettra de revivre son existence depuis le moment qu’elle souhaite et donc d’en modifier ce qui ne lui a pas plu. Cette actrice ratée va pouvoir cette fois prendre les bonnes décisions pour sa carrière et briller, briller… Avant la chute.

J’ai été décontenancée dans un premier temps par cette nouvelle si différente des quatre premières. Ici, pas de futur, pas de technologie avancée, juste une drôle de boîte qui permet de remonter le temps. C’est ainsi qu’une femme mûre se retrouve dans le corps d’une petite fille de onze ans, avec toutes ses connaissances, toute sa culture, et passera donc pour une surdouée. Cette fois, elle parviendra à réaliser ses rêves -en volant des œuvres pas encore écrites au passage pour s’en approprier la maternité- mais l’âge la rattrape, la tentation d’utiliser encore la boîte revient malgré sa promesse de la léguer à quelqu’un d’autre de malheureux. Dans ce texte, tout fonctionne : le ton de la narratrice, le choix de la première personne, le twist final, c’est une de mes nouvelles favorites pour le moment.

Static – Geoffrey Claustriaux (22/07/2020)
Un jour, en 2020, tout se fige comme si le temps avait cessé de tourner. Quelques uns en réchappent, ceux qui se trouvaient dans leur cave, dans un abri antiatomique ou qui visitaient des ruines en sous-sol. Gabriel et Gaëlle sont de ceux là et vont entreprendre un voyage à travers la France pour comprendre ce qui est arrivé et, qui sait, trouver une solution ?

Ce texte est présenté comme le journal de Gabriel, qui rédige le tout à la première personne dans un style très transcriptif. Un élément bénin m’a gênée ici : Gabriel dit dés les premières pages qu’il n’est pas auteur donc qu’il faudra l’excuser pour les tournures malheureuses. D’une, c’est quand même un choix narratif plus que douteux pour un auteur de la trempe de Geoffrey Claustriaux et de deux ça ne fonctionne pas du tout vu le niveau littéraire du texte. Pour le moment c’est le texte qui m’a le moins enthousiasmé même s’il reste intéressant avec son petit côté Doomsday assumé et sa conclusion.

La conclusion de l’ombre :
Les six premières nouvelles du recueil Nouvelles Ères promettent pour la suite si tout est à la hauteur de ces textes. Sous le parrainage de Victor Fleury, des auteurices belges et français(e)s s’en sont donné(e)s à coeur joie pour imaginer le futur et son renouveau en empruntant tantôt à la science-fiction, tantôt au post-apocalyptique, parfois au fantastique puisqu’on n’a pas forcément des explications scientifiques claires / solides à chaque fois. Le niveau d’écriture est au rendez-vous tout comme la maîtrise du format nouvelle, à l’exception d’un texte qui me parait plus tenir du début de roman.
À ce jour et à ce stade de ma lecture je recommande donc de manière enthousiaste le contenu de ce recueil dont je vais m’empresser de dévorer la suite. Pour moi, c’est clairement le meilleur recueil proposé par la maison d’édition jusqu’ici.

Pour les blogueurs intéressés qui souhaitent mettre en avant une petite structure belge, il est possible de demander ce recueil en service presse numérique sous simple envoi de mail à service-presse[a]livrs-editions.com.

D’autres avis : Sarah’s Diary – vous ?

Maki

La Guerre des Trois Rois – Jean-Laurent Del Socorro

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La Guerre des Trois Rois est une novella graphique écrite par l’auteur français Jean-Laurent Del Socorro. Publié par ActuSF dans sa collection Graphic, vous trouverez ce texte illustré par Marc Simonetti au prix de 19 euros partout en librairie.

De quoi ça parle ?
Situé dans l’univers de Royaume de vent et de colères, la Guerre des Trois Rois se passe à Paris en 1588 (soit 8 ans avant le roman). Les guerres de Religion font rage entre Henri III, le Duc de Guise et Henri de Navarre. Au milieu de tout ça, on retrouve la Compagnie du Chariot sous la direction d’Axelle. Ils ont été engagé par Henri III qui est en fâcheuse posture, assez pour se tourner vers la magie en demandant l’aide d’une praticienne de l’Artbon. Quant à savoir si c’était vraiment une bonne idée…

Journal d’un conflit…
À l’instar de la nouvelle Le vert est éternel dont je vous ai déjà parlé sur le blog, N’a-qu’un-oeil est le narrateur de ce roman court à travers ce qu’il écrit dans le journal de la compagnie mais aussi via une narration plus traditionnelle à la première personne. Tout comme dans sa nouvelle précédemment citée, Jean-Laurent Del Socorro démontre sa maîtrise de ce type de narration qui se veut immersive pour le lecteur. Les pages s’enchaînent sans qu’on les sente passer et on arrive à la fin avec la frustration collée au ventre. Non pas parce que le texte manque de profondeur, d’enjeux ou d’intérêt, justement parce qu’il est tellement bon qu’on en voudrait encore plus.

… illustré !
Le journal de la compagnie sert donc de prétexte à l’aspect illustré du texte grâce au personnage de Tremble-voix, l’artiste bègue de la compagnie passionné par le dessin qui croque tout ce qu’il voit. Je ne connaissais pas encore le travail de Marc Simonetti -du moins pas que je sache- mais j’ai été charmée par son trait et par l’ambiance qu’il réussit à traduire via ses dessins. Le duo fonctionne à merveille et on ne peut qu’espérer une nouvelle collaboration.

Le respect de l’Histoire.
Fidèle à ses habitudes, Jean-Laurent Del Socorro réécrit l’Histoire sans vraiment y toucher. Les éléments historiques présents dans le récit sont réels : l’assassinat du Duc de Guise, celui d’Henri III (spoiler alert pour ceux qui dormaient en cours ->) jusqu’à se montrer précis dans les dates. L’auteur parvient pourtant à inclure un élément surnaturel grâce à l’Artbon qu’il met au service de l’Histoire ainsi que de son histoire pour expliquer certains complots et conflits. Je l’ai déjà dit à plusieurs reprises dans mes chroniques au sujet de cet auteur mais c’est réellement sa qualité la plus remarquable. À cela s’ajoute un talent certain pour imaginer des personnages humains, crédibles, auxquels on s’attaque sans même s’en rendre compte.

Je me rends compte que cette chronique pourrait tenir en une ligne : du grand Jean-Laurent Del Socorro. Voilà un auteur qui n’a plus rien à prouver et dont j’achète les parutions les yeux fermés tant j’ai confiance en ses qualités. Si j’ai un conseil à vous donner, c’est de faire comme moi sans plus attendre !

La conclusion de l’ombre :
Avec La Guerre des Trois Rois, Jean-Laurent Del Socorro signe une novella illustrée par Marc Simonetti de grande qualité autant graphique que littéraire dans l’univers du Royaume de vent et de colères. Il y évoque les guerres de Religion et le conflit qui opposa Henri III, le Duc de Guise et Henri de Navarre sur les années 1588 – 1589. L’auteur y apporte une touche de magie non pas pour tordre l’Histoire mais pour la préciser, s’inscrivant non seulement comme un grand romancier historique mais aussi comme un maître du mélange des genres. À l’instar de toute la bibliographie de l’auteur, ce texte est à lire absolument.

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Gabin sans « aime » & Le vert est éternel – Jean-Laurent Del Socorro

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Gabin sans « aime »
et le vert est éternel sont deux nouvelles écrites par l’auteur français Jean-Laurent Del Socorro et présentes dans l’édition collector de son roman Royaume de Vent et de Colères dont je vous ai parlé il y a quelques jours. Édités par ActuSF, Le vert est éternel est même disponible gratuitement en numérique !
Lecture dans le cadre du Projet Maki.

De quoi ça parle ?
Ces deux nouvelles prennent place au sein de l’univers développé par l’auteur dans son premier roman, Royaume de Vent et de Colères. Gabin sans « aime » raconte l’histoire de Gabin, le commis de cuisine qui travaille à la Roue de la Fortune en compagnie d’Axelle. Personnage secondaire du roman, ce jeune garçon qui semble souffrir d’autisme se dévoile dans ce texte dont on prend toute l’ampleur après la lecture du roman. C’est sans doute la raison pour laquelle il n’est pas disponible à part, au contraire de Le vert est éternel.

Le vert est éternel se déroule après les évènements du roman, au sein de la compagnie du Chariot qui était auparavant dirigée par Axelle. N’a-qu’un-oeil a repris le flambeau et il participe au siège d’Amiens quand le roi lui envoie Fatima, sa chroniqueuse royale. Vous comprenez, ce n’est pas très bon de s’afficher avec une femme musulmane et espagnole alors qu’on assiège justement des espagnols à Amiens… Les deux vont se rapprocher et la nouvelle raconte leur histoire à tous les deux avec, en fond, les évènements du siège.

Des nouvelles bouleversantes.
Les deux textes ont chacun une dimension émotionnelle très forte et bien dosée par l’auteur. Dans Gabin sans « aime », le lecteur suit ce jeune garçon qui a perdu sa mère dans les premières années de sa vie et doit partager le toit d’un père violent qui n’accepte pas sa différence. Il souffre aussi de maltraitance de la part des autres enfants du quartier, ce qui n’enlève rien à sa pureté. Gabin aime son père même si l’homme le terrifie et qu’il cherche à s’en cacher pour ne pas devoir affronter la violence mal contenue en lui. C’est comme ça qu’il va grimper sur son toit, rencontrer Silas, puis s’enfuir pour ne plus quitter l’auberge d’Axelle. C’est dans cette situation que nous le rencontrons dans le roman, d’ailleurs.

La naïveté du personnage ne peut pas laisser de marbre. C’est touchant, c’est beau, ce texte écrit à la première personne déborde de sincérité au point que j’en ai eu les larmes aux yeux à la fin. Une vraie perfection.

Dans le vert est éternel, on rencontre cette fois N’a-qu’un-oeil, qu’on connait de nom grâce aux scènes du passé d’Axelle dans le roman. C’était le seul à savoir lire et la nouvelle s’ouvre sur un de ses hommes qui lui demande de déchiffrer le contenu d’un édit royal placardé partout. On comprend qu’il s’agit du fameux édit de Nantes qui prône la tolérance envers toutes les religions sur le territoire du royaume. Quand on vient de lire tout un roman à ce sujet et qu’on a pris conscience des tragédies induites par sa propre guerre, on a envie d’aller lui coller deux baffes à ce fichu roi. Mais c’est prétexte à un flashback de N’a-qu’un-oeil au sujet du siège d’Amiens, d’une tragédie qui a touché l’un de ses hommes et de sa rencontre avec Fatima.

Fatima est un personnage féminin fort. Femme simple, elle a refusé d’abjurer sa religion et a fuit l’Espagne. Elle est lettrée, c’est une astronome passionnée par les arts qui dégage une belle personnalité. On s’y attache immédiatement. Sa relation avec N’a-qu’un-oeil est plutôt touchante et le dénouement de la nouvelle ne peut que nous serrer le cœur. J’ai trouvé la mise en scène intelligente, rude mais harmonieuse avec le contexte historique.

Des personnages différents.
Que ce soit Gabin, Fatima ou N’a-qu’un-oeil, Jean-Laurent Del Socorro continue à mettre en scène des personnages du commun tout en versant subtilement dans la représentation de la diversité. Un enfant autiste, une femme maure de confession musulmane, un homme borgne, c’est très agréable et pertinent en plus d’être bien écrit.

Un style efficace.
Toutes les nouvelles sont rédigées à la première personne et au présent, ce qui permet une immersion totale. Maîtriser un tel type de narration n’est pas donné à n’importe quel auteur car l’exercice est plus compliqué qu’il n’y paraît. Ici, on ressent très bien la personnalité de chaque personnage à sa manière de s’exprimer, une réflexion que je m’étais déjà faite à la lecture du roman. L’exercice est plus que bien réussi pour l’auteur dont on n’a qu’une envie : lire de nouveaux textes.

La conclusion de l’ombre :
Gabin sans « aime » et Le vert est éternel sont deux nouvelles qui se placent dans l’univers du Royaume de vent et de colères. Écrites à la première personne dans un style maitrisé qui met en avant la personnalité de chaque personnage, Jean-Laurent Del Socorro nous propose d’en découvrir davantage au sujet de deux protagonistes secondaires du roman : Gabin et N’a-qu’un-oeil. Leurs histoires provoquent beaucoup d’émotions à la lecture et ces deux textes sont pour moi des coups de cœur. Je vous encourage plus que vivement à les découvrir !

Maki

Montres Enchantées (anthologie, deuxième partie)

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Montres Enchantées
est une anthologie de nouvelles issues du genre steampunk et ayant pour thème le temps. Publié aux Éditions du Chat Noir, vous pourrez la trouver uniquement au format papier au prix de 19.9 euros.
Lecture dans le cadre du Projet Maki !

De quoi ça parle ?
L’anthologie a pour thématique le temps qui passe et ses effets sur les gens. Clairement inscrite dans l’esthétique du steampunk, elle propose de découvrir 17 nouvelles d’auteurs et autrices francophones.
Par facilité et afin de ne pas proposer un article trop long, j’ai divisé la lecture de cette anthologie en deux parties. Vous pouvez retrouver la première au bout de ce lien. Cette chronique s’intéressera aux neuf titres restants.

06/4 : When time drives you insane – Lucie G. Matteoldi
Jackson cauchemarde depuis trois mois, date qui coïncide avec son retour de l’étranger d’où il a rapporté une étrange lyre. Daniel, le compagnon de l’archéologue, essaie de l’aider à comprendre ce qui lui arrive avec ses inventions…
Cette nouvelle propose une réécriture gothico-horrifico-steampunk du mythe d’Orphée et Eurydice. La plume de l’autrice s’épanouit toute en poésie à travers ces quelques pages addictives en proposant un final à la hauteur de son texte. J’ai adoré !

07/4 : Derrière les engrenages – Marie Ange
Sylvine est horlogère et reçoit ce jour-là Ambrose, un homme qui a été son amant. Sauf que contrairement à elle, Ambrose n’a pas pris une ride depuis des années… Le jeune homme lui annonce qu’il est l’heure pour elle de se rendre dans la maison bleue car sa remplaçante va arriver. C’est le moment que choisissent les horloges pour se détraquer.
Passée la première surprise de cette annonce abrupte, on découvre petit à petit un monde-horloge d’une grande originalité. Cette nouvelle déborde de mélancolie enfantine et contient assez peu de dialogue. L’autrice préfère poser une ambiance, un concept inventif qui a su me séduire même si je préfère davantage les échanges oraux entre les personnages. Marie Ange réussit très bien ses descriptions et c’est la grande force de ce texte.

07/4 : Pacte mécanique – Esther Brassac ♥
Claytorn met au point un mystérieux mécanisme dont la nouvelle nous raconte l’usage à travers une lettre écrite par lui au sujet d’un drame vieux de 300 ans.
J’ai été ravie de retrouver la plume d’Esther Brassac qui a été ma première autrice steampunk francophone et ma première lecture de la collection Black Steam au Chat Noir. Pour paraphraser son éditeur, Esther est clairement une créatrice d’univers et on découvre ici un pan de celui présent dans La nuit des cœurs froids (que j’ai lu avant d’avoir le blog mais qui est excellentissime). Pourtant, pas besoin d’avoir lu ce roman pour comprendre Pacte mécanique car l’autrice nous donne les quelques clés nécessaires à la compréhension du drame qui se joue dans l’existence de Claytorn. Court mais néanmoins efficace, on retrouve dans ce texte une poésie macabre bienvenue qui fait de cette nouvelle un coup de cœur. Quel final ♥

07/4 : La mécamonstruosité de Mr Helpiquet – Adeline Tosselo
La nouvelle raconte une montée en téléphérique en compagnie de l’agent d’Accueil et de Sureté, Emeric Helpiquet. L’autrice se centre d’abord sur ce personnage original et détestable, misanthrope forcé de côtoyer des gens qu’il méprise, écrivain raté en recherche du succès et de l’inspiration. On découvre la relation de cet homme avec un ver mécacomposteur géant et la façon dont l’anti-héros va l’utiliser pour arriver à ses fins. Je n’en dis pas plus mais… Waw. J’ai été soufflée et surprise à chaque instant. Adeline Tosselo dessine les contours d’un univers d’une grande richesse, surprenant et à l’esthétique très affirmée. Elle propose également à sa nouvelle un final horrible qui m’a fait mal au cœur. Un tour de force !

08/4 : L’agonie des aiguilles – Marine Sivan
Jeanne est historienne et étudie la Grande Peste qui a bouleversée sa civilisation un siècle auparavant. Sur le cadavre d’un Duc remontant à cette époque, elle découvre une montre dont les secrets risquent de réécrire l’Histoire…
Dans une enquête rythmée et addictive, l’autrice offre une réflexion sur la vérité historique et sur les notions d’humanisme. En fait j’aurai adoré que cette histoire soit un roman ! Il y avait largement matière à. Dommage.

08/4 : Da Svidanya Rossiia – Marianne Stern
La Duchesse Anastasia se réveille sur un zeppelin après l’assassinat de sa famille. Elle y retrouve Raspoutine, pourtant mort deux ans auparavant…
En lisant ce texte, j’ai immédiatement établit des connexions avec Smog of Germania, le premier tome de la saga des Mondes Mécaniques. Pourtant, pendant le live de Marianne au Chat Noir il y a quelques jours, j’ai appris que je m’étais complètement plantée ! Mais l’autrice admet qu’inconsciemment, elle tissait peut-être déjà son univers en commençant cette nouvelle. D’ailleurs je trouve que ce texte fait davantage début de roman car on a envie de savoir ce qui arrivera à l’héroïne par la suite. J’ai été un peu frustrée à la fin de ma lecture même si j’ai adoré l’esthétique et les idées mises en place autour du personnage de Raspoutine.

09/4 : Au fil du temps – Claire Stassin
Un homme entre dans une mystérieuse horlogerie et en ressort avec une montre végétale qui semble appeler la nature dans cette ville de métal. L’autrice choisit de prendre le contrepied des autres nouvelles du recueil en mettant en avant une reconquête de la nature sur la technologie et la vapeur typique du steampunk. J’ai trouvé l’idée originale et le message plutôt intéressant. Ça se lit bien avec un style simple mais efficace.

09/4 : Le cimetière des heures perdues – Pascaline Nolot
Logan Lloyd raconte dans une lettre son histoire au seuil de sa mort. C’est son amour des mots qui le pousse à quitter sa famille pour se rendre à Édimbourg. Ce jeune écossais va aller de déconvenue en déconvenue jusqu’à ce qu’un beau matin, le temps ait disparu, provoquant la panique dans la ville. Logan va alors enquêter pour essayer de le retrouver.
Cette nouvelle est une des plus classiques du recueil mais elle reste sympathique à découvrir. Son héros est assez attendrissant, tous les auteurs ou apprentis auteurs / rêveurs se reconnaitront sans peine en lui. Pascaline Nolot nous emmène dans une aventure à travers les époques où Logan va payer pour les erreurs d’un autre et elle fait ça plutôt bien.

09/4 : Malvina Moonlore – Vincent Tassy ♥
Attention, coup de cœur monumental !
Edgar Ravenswood est un riche excentrique à la recherche de Malvina Moolore. Mais qui est-elle exactement…?
À mes yeux, c’est la meilleure nouvelle du recueil. TOUT est une réussite et on n’en attend pas moins d’un auteur comme Vincent Tassy. Déjà, le personnage d’Edgar rayonne avec sa personnalité affirmée, ses manies improbables et sa passion dévorante. J’ai accroché dés les premières lignes. Quand je dis accroché… J’étais carrément fan. Ensuite, l’intrigue se pose et emmène le lecteur de surprises en surprises, de noirceur en noirceur. Quant à ce final… Du grand Vincent Tassy. Mon seul regret c’est qu’il n’en ait pas fait un roman, pour rallonger le plaisir. Y’avait de quoi même si paradoxalement, ce texte est parfait tel qu’il est. Cette nouvelle est un final parfait pour le recueil, un bonbon qu’on garde avec bonheur sur la langue.

La conclusion (définitive) de l’ombre :
Le recueil Montres Enchantées est une totale réussite. Fait assez rare pour être souligné : aucune nouvelle n’est à jeter. Si certaines m’ont moins séduite par leur style ou leur contenu plus classique, j’ai été enchantée (c’est le cas de le dire !) par la majorité de ces écrits qui s’inscrivent dans la mouvance steampunk. Les auteurs sélectionnés rivalisent d’intelligence et d’inventivité. Il est intéressant de voir quel(s) texte(s) sont devenus des romans et lesquels auraient pu en devenir sans que ça ne soit le cas. J’ai adoré l’expérience vécue avec ce recueil et j’en recommande très chaudement la lecture.

Le syndrome de Pan – Morgane Caussarieu

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Le syndrome de Pan est une nouvelle fantastique écrite par l’autrice française Morgane Caussarieu. Publiée par ActuSF, vous retrouverez cette nouvelle gratuitement sur toutes les plateformes numériques !
Lecture dans le cadre du Projet Maki.

De quoi ça parle?
Evi doit partager la chambre de son frère Simon, maintenant que sa grande sœur Lucy est majeure et a besoin de son intimité. Elle prend sur elle malgré ce que ça lui inspire et lit tous les soirs au jeune garçon l’histoire de Peter Pan. Puis, une nuit, un enfant étrange débarque pour les inviter à jouer sortir. Pour Simon, aucun doute, c’est forcément Peter Pan…

L’univers vampire de Morgane Caussarieu.
Si vous êtes un(e) habitué(e) du blog, vous connaissez forcément Morgane Caussarieu qui est l’une de mes autrices préférées de tous les temps. Je vous ai déjà saoulé parlé de ses romans à de nombreuses reprises et sa nouvelle prend place dans son univers vampire qui concerne, dans l’ordre : Dans les veines, Je suis ton ombre, Rouge Toxic et Rouge Venom. Les lecteurs attentifs n’auront d’ailleurs aucun mal à reconnaitre « Peter » et à replacer chronologiquement cette nouvelle.

Ce n’est pas la première fois non plus que les lecteurs habitués à l’autrice entendront parler des enfants perdus ni ne côtoieront ces thèmes qu’elle exploite souvent grâce à l’un de ses personnages phares (que j’aime ♥ (mais je devrais pas…)). Peter va à la rencontre d’enfants entre 8 et 12 ans, il joue de la flûte pour les attirer (Peter Pan, flûte de Pan, double référence !) grâce à une mélodie envoutante. Evi a déjà douze ans, elle se situe à la frontière du monde des grands puisque ses poils poussent sous ses aisselles, ce qui indique le début de la puberté. On pourrait se demander pourquoi elle est attirée là-dedans jusqu’à ce que le mot « maman » soit prononcé.

Le paradoxe des enfants-monstres.
Dans le syndrome de Pan, les enfants perdus ne sont pas tout à fait des enfants ordinaires et non, ceci n’est pas un spoil, c’est une évidence. Peter est cruel comme peut parfois l’être un enfant quand on l’arme d’une loupe en plein soleil au-dessus d’une colonie de fourmis… Version pire. Il agresse un chien errant, il incite à la destruction, au vol, arguant que la nuit, tout est permis puisque aucun adulte n’est là pour les en empêcher. Une perspective séduisante pour Simon qui en vient à ne plus vouloir grandir mais un fait qui effraie Evi après qu’elle se soit laissée avoir dans un premier temps. Peter a beau clamer tout cela haut et fort, il pourtant est attiré par Evi dans l’espoir qu’elle devienne sa maman, qu’elle lui donne des ordres, un cadre, même s’il ne le dit jamais de manière claire. Ce paradoxe arrive à son apogée avec le final glaçant et triste qui condamne irrémédiablement l’enfance d’Evi. C’était parfait.

Ce paradoxe, on le retrouve dans tous les romans de l’autrice et je ne vais pas en dire plus pour ne pas gâcher le plaisir.

Une porte d’entrée sur un univers indispensable.
Je parle beaucoup des liens entre cette nouvelle et le reste des romans de Morgane Caussarieu mais en réalité, le Syndrome de Pan est une très chouette entrée dans l’univers de l’autrice. Il permet de tester sa plume crue et sans détour, de toucher l’ambiance malsaine qu’elle met en place, de voir si on se sent prêt à la découvrir vraiment ou si elle dérange trop pour qu’on s’y risque. Ce texte court a toutes les qualités qu’on attend d’un écrit de Morgane Caussarieu même si ce n’est clairement pas ce qu’elle a fait de pire. Je veux dire par là qu’elle est loin d’être à son maximum pour l’aspect crade, qu’on se comprenne bien.
Outre ça, c’est aussi une nouvelle à lire pour tous ceux qui aiment l’horreur et le surnaturel.

La conclusion de l’ombre :
Le syndrome de Pan est une nouvelle fantastico-horrifique de Morgane Caussarieu qui prend place dans son univers vampire mais peut se lire de manière totalement indépendante. Pour ses lecteurs assidus, c’est une lecture indispensable et délicieuse histoire de patienter jusqu’à son prochain roman. Pour les novices, c’est le moment de se lancer à la découverte d’une autrice talentueuse dans le genre malsain assumé et cru. Les gentils vampires n’existent pas, vous le saviez ? 😉 Vous ne risquez pas grand chose à vous lancer, d’autant qu’ActuSF met gratuitement cette nouvelle à votre disposition. On dit merci !