L’Apocalypse selon Sandra – Céline Saint-Charle

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L’Apocalypse selon Sandra
est un one-shot post-apo zombie écrit par l’autrice française Céline Saint-Charle. Publié chez Livr’S Éditions, le titre est actuellement en précommande jusqu’au 15 septembre pour une sortie en librairie prévue le 1er octobre.

Céline Saint-Charle a un incroyable talent…
Céline Saint-Charle, c’est une autrice dont je ne pensais pas aimer les livres. Elle écrit systématiquement dans les genres que je n’apprécie pas, voir que je déteste, et je me retrouve pourtant chaque fois à lire son bouquin, par un improbable concours de circonstance. J’aime pas le post-apo ? BAM ! Elle sort #SeulAuMonde qui m’a agréablement surprise par son humanité. J’aime pas la dystopie ? BIM ! Elle m’envoie la Divine Proportion en pleine face, qui a été un énorme coup de cœur et ce dés le comité de lecture (quand j’y étais encore) alors imaginez mon plaisir quand j’ai relu la version éditée. J’ai une aversion profonde pour les zombies ? ZBEM ! Voilà qu’elle débarque avec l’Apocalypse selon Sandra, roman avec lequel j’ai passé un excellent moment et qui déborde de bonnes idées.

Je vis à présent dans la crainte qu’elle se mette à la romance.

De quoi ça parle ?
Sandra Cochrane est une jeune texane qui travaille dans le ranch familial. Le jour où l’apocalypse commence, Sandra accompagne son frère Tom pour tester l’une de ses inventions quand le shérif Perkins arrive. Il vient arrêter Diego, un gars pourtant sans histoire, qu’il accuse du meurtre de sa femme. On comprend rapidement que Perkins est un cliché du flic texan dans toute sa splendeur, avec le racisme et l’abus de pouvoir qui vont avec. Alors quand il devient un zombie et que Sandra finit menottée à lui, on n’imagine pas une seule seconde qu’on finira par éprouver de la sympathie à son égard…

Revisiter le genre.
Céline Saint-Charle semble passionnée par l’apocalypse et les zombies, cela se sent dans son récit car elle s’amuse à démonter un par un les codes du genre. Elle illustre parfaitement l’intérêt, pour un.e auteur.ice, de connaître le genre dans lequel iel écrit afin de pouvoir se le réapproprier et même, pourquoi pas, le renouveler. Quand je pense post-apo zombie, j’ai des images de The Walking Dead, d’intrigues violentes et gores autour de plusieurs groupes de survivants aux idéologies opposées, la loi du plus fort qui règne, la crasse, le désespoir, etc. Ici, on a tout ça, mais au lieu de se pencher sur les humains, l’autrice se place du côté des… zombies ! Et oui, même avec Sandra en narratrice dans une écriture à la première personne. On se rend vite compte que les véritables monstres ne sont pas ceux qu’on croit…

Avec une vingtaine de chapitres dynamiques intitulés « épisodes », l’autrice découpe son roman comme une série efficace, mâchant le travail de la firme qui ne manquera pas de racheter les droits de cette œuvre. Vous pensez que je m’emballe ? C’est parce que vous n’avez pas encore découvert l’Apocalypse selon Sandra.

Toute l’histoire est racontée par Sandra, qui doit déployer une grande capacité de résilience pour ne pas perdre l’esprit alors qu’elle avance au milieu de cette horde zombie, sans savoir pour quelle raison elle ne sert pas de repas comme les autres. L’autrice développe finement la psychologie de sa protagoniste, insistant sur les différentes étapes de son évolution mentale comme morale, sur la manière dont l’humain s’adapte pour simplement survivre et ne pas sombrer dans la folie. La présence de Sandra au sein de la horde permet d’observer le comportement des créatures, qui s’éloigne de ce dont on a l’habitude au cinéma, dans les séries ou même dans les romans / BD sur le sujet. En règle générale, on tient toujours pour l’humanité dont on espère la survie et l’apocalypse apporte une bonne occasion de remettre en question les différents excès contemporains que nous vivons au quotidien. Ici, Céline Saint-Charle met le nez de l’Humanité dans (son) caca (de vache) et n’a pas la prétention d’offrir le moindre pardon à qui que ce soit. Il fallait l’oser et j’ai personnellement trouvé ça savoureux !

Sandra, une protagoniste qui marque.
Sandra Cochrane est un peu la texane typique, dans les standards de beauté et d’intelligence, douée de capacités au travail manuel. Elle n’a rien de spécial si ce n’est qu’elle tombe dans une fosse pleine de purin au moment où le zombie attaque le shérif, ce qui l’épargne dans un premier temps et l’oblige à suivre la horde, menottée à l’un de ses membres. Elle doit prendre sur elle pour ne pas craquer et on ne peut qu’éprouver une profonde admiration pour sa résilience. Elle n’est pas toujours angélique, elle ne prend pas toujours les meilleures décisions, toutefois elle ne fait rien que nous ne ferions pas à sa place. C’est une protagoniste crédible pour laquelle on ne peut que ressentir de l’empathie. J’ai adoré découvrir son cheminement, son parcours, ses rencontres, les obstacles sur sa route et la manière dont tout ça se « termine ».

Cette protagoniste, à la fois typique et surprenante, n’écrase pas pourtant de son aura les personnages secondaires qui croisent sa route. L’autrice a soigné l’ensemble de son roman, on sent le travail minutieux qu’elle a accompli et qui ne fait qu’amplifier le plaisir de lecture.

Un roman… pas très ragoutant.
Je me dois quand même de préciser que, pour lire l’Apocalypse selon Sandra, mieux vaut avoir le cœur bien accroché. Outre la violence inhérente à ce type de récit, l’autrice aborde divers points d’hygiène auxquels on ne pense jamais et qu’on peut trouver inutiles… Sauf que ça apporte une crédibilité supplémentaire à l’histoire. Ainsi, comment fait-on ses besoins lorsqu’on est menotté.e à un zombie ? Est-ce que les zombies ont ou non un système digestif ? Quelle est l’importance d’une bonne hygiène dans notre perception de nous-même, en tant qu’être humain ? Ces scènes ne sont jamais gratuites, je trouve qu’elles apportent vraiment quelque chose au sein de l’histoire.

La conclusion de l’ombre :
L’Apocalypse selon Sandra est un one-shot de zombie post-apo que j’ai lu avec grand plaisir alors même que je n’aime pas ce genre littéraire. Céline Saint-Charle a effectué un travail remarquable autant sur le fond que sur la forme, proposant une protagoniste à l’évolution psychologique minutieusement soignée qui se déplace malgré elle au sein d’une horde de zombies, renversant le point de vue habituel de ce type d’histoire pour voir si ces créatures n’auraient pas, par hasard, mieux à offrir que l’Humanité. Un roman surprenant à lire absolument !

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#S4F3s7 : 17e lecture

Bpocalypse – Ariel Holzl

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Bpocalypse
est un one-shot young adult post-apocalyptique écrit par l’auteur français Ariel Holzl. Publié à l’école des loisirs dans sa collection Médium+, vous trouverez ce roman partout en librairie au prix de 17 euros.

Je vous ai déjà régulièrement parlé de cet auteur puisque j’ai lu tous ses romans publiés jusqu’ici et chaque découverte a été un enchantement. Vous pouvez retrouver mes différentes chroniques sous le tag « ariel holzl » !

De quoi ça parle ?
Il y a huit ans, l’apocalypse a eu lieu. L’histoire prend place à Concordia, aux États-Unis, et suit Sam, une adolescente de quinze ans qui se rend au lycée plutôt bien équipée : batte, talismans, couteau… Il n’en faut pas moins pour affronter cette ville post-apocalyptique, ses quartiers dangereux et ses créatures mutantes.
L’intrigue commence quand la quarantaine est levée sur l’ancien parc public, permettant à ceux qui s’y étaient retrouvés coincés d’en sortir et de rejoindre la population. Problème : ils ont muté et entre leurs dents pointues, leurs yeux rouges et leur peau pâle, personne n’a envie de se lier d’amitié avec les jumeaux originaires du parc qui débarquent au lycée… Au contraire ! Les moqueries sont légions mais ceux qui les ennuient subissent tous des accidents plus ou moins violents. Sam décide d’enquêter pour faire la lumière sur ces histoires.

Un univers post-apocalyptique extrêmement riche.
Vous le savez peut être si vous suivez le blog avec attention mais je lis assez peu de post-apo parce que ce genre littéraire ne me séduit pas du tout. On y retrouve régulièrement le même genre de codes et d’esthétique qui me hérissent parce que ce n’est pas ce que je recherche en littérature. Si ce roman n’avait pas été écrit par Ariel Holzl, je ne l’aurais certainement pas acheté. Et j’ai eu raison de me fier à la magie des mots de cet auteur talentueux… qui en arrivait à me faire oublier mon aversion pour ce genre littéraire.

Magie des mots donc au service d’une originalité remarquable. Ariel Holzl ne se contente pas d’écrire dans l’univers post-apocalyptique : il le réinvente. Une météorite est tombée sur le monde, certains fragments ont frappé Concordia, ce qui a donné lieu à plusieurs phénomènes. Déjà, les animaux ont muté, parfois par des croisements, parfois autrement, ce qui donne un bestiaire très riche. Ensuite, des phénomènes étranges se sont produits : certains quartiers ont été totalement gelés, certains habitants sont devenus des zombies, d’autres ont subi des mutations différentes à l’instar de ceux du parc. Quant aux morts, certains ont été enfermés dans le réseau électrique, provoquant l’apparition d’une nouvelle profession, celle d’élecromancien (électricité + nécromancien !). Comme l’argent n’a plus la moindre valeur, on paie avec des CD et des DVD, du coup le vidéoclub est devenu une banque et nécessite la protection de miliciens privés. D’autres métiers ont émergé, avec des buts bien précis : délimiter les zones dangereuses, récolter des plantes, effectuer des recherches ésotériques sur les différents phénomènes induis par l’apocalypse… Bref, j’avais davantage le sentiment d’être dans un autre monde plutôt que dans un après le nôtre et ça m’a vraiment bien plu.

Comme toujours, Ariel Holzl prend soin des détails et rend son univers vivant, tangible. Je n’ai eu aucun mal à m’y plonger ni à me sentir intéressée par toutes les merveilles qu’il renferme. Si on ne devait retenir qu’une seule qualité à cet auteur (qui en a de très nombreuses au demeurant) c’est vraiment celle de son imagination foisonnante.

Samsara, une ado en colère.
Même si le roman est écrit à la troisième personne, la narration reste toujours focalisée sur Samsara, une adolescente d’origine indienne qui a vu son père (un policier) mourir sous ses yeux durant l’apocalypse, justement dévoré par une araignée géante sortie du parc dont on lève la quarantaine au début du roman… Son rêve est de rejoindre la milice pour « casser du mutant » mais cela exige de réussir certaines épreuves difficiles avec un certain niveau de résultats. Comme de juste, Sam est pleine de colère même si elle essaie de la contrôler. Elle vit seule avec sa mère dans un immeuble hanté par un fantôme qui gère leur électricité et se rend à l’école en vélo. Là-bas, elle retrouve ses deux meilleurs amis : Yvette et Danny. Danny est le fils du chef des électromanciens. Quant à Yvette, elle vient d’un quartier sorti de quarantaine quelques années plus tôt seulement, un genre de bayou qui m’a donné un peu une impression de s’inspirer de la Louisiane tant par son climat que par son folklore.

En tant qu’héroïne, j’ai trouvé Sam très intéressante à suivre car elle ressemble vraiment à une ado, avec ce que ça implique de positif comme de négatif. Elle est bornée, butée, par moment égoïste même si elle se rend compte de ses erreurs et de ses égarements. Je l’ai aussi trouvée très résiliente face aux situations qu’elle a pu vivre et la violence qu’elle porte en elle ne manque pas d’intérêt non plus car elle va longtemps marcher sur le fil. J’ai adoré la suivre même si je n’ai pas toujours été en phase avec ses réflexions et ses choix. Je n’ai eu aucun souci à m’intéresser à elle, à ses états d’âme, ce qui est la marque, je trouve, d’un bon personnage. De plus, elle a un petit côté brute de décoffrage avec une pointe d’humour noir qui fait mouche chez moi.

Sam n’est pas la seule à avoir un réel intérêt : ses deux meilleurs amis sont également consistants et dotés d’une vraie personnalité, en plus d’une galerie de personnages secondaires assez haut en couleur. C’est une autre qualité qu’on retrouve systématiquement dans les romans d’Ariel Holzl, ce soin apporté à ses protagonistes.

Des messages forts : diversité et tolérance
La diversité et la tolérance sont les principaux messages présents au cœur du roman sans que ça ne soit abordé frontalement. Je trouve que c’est la manière la plus efficace de l’amener, d’ailleurs, car ça renforce le propos. Samsara est d’origine indienne et pas très féminine. Yvette semble venir d’une famille afro-américaine et sort avec une de leurs camarades de classe. Quant à Danny, il est le seul à offrir son amitié aux jumeaux et à accepter d’avoir une ouverture d’esprit suffisante pour les comprendre. Une partie de l’intrigue tourne d’ailleurs autour de l’intolérance que ressent la population envers les mutants, une intolérance de groupe, d’office, pour tout un ensemble d’individus pourtant très différents les uns des autres. On se rend compte que beaucoup de morts et de souffrance auraient pu être évités si seulement les gens avaient accepté de regarder plus loin que le bout de leur nez…

Nous sommes donc sur des thèmes résolument modernes quoi que classiques, mais si bien abordés que ça ne laisse pas indifférent.

La conclusion de l’ombre :
Bpocalypse est un roman post-apocalyptique qui porte la patte littéraire si reconnaissable de son auteur : bourré d’originalité, d’humour (noir), avec des personnages solides et de beaux messages sur la tolérance. Le tout avec une intrigue dynamique, addictive, qui fait que les pages se tournent sans qu’on s’en rende compte. Moi qui ne suis pas très fan de ce genre littéraire, j’ai adoré ce one-shot dévoré en moins de deux jours et je vous le recommande très chaudement. Tout comme le reste de la bibliographie de l’auteur, d’ailleurs.

D’autres avis : Les pages qui tournentUn bouquin sinon rienLes blablas de TachanEncres et calamesL’univers d’Ulfin – vous ?

Un éclat de givre – Estelle Faye

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Un éclat de givre
est un roman post-apocalytique loin des standards habituels du genre, écrit par l’autrice française Estelle Faye. D’abord publié chez les Moutons Électriques, ce roman est réédité chez Folio SF depuis 2017 au prix de 8.30 euros.
Ce roman entre dans le challenge S4F3 organisé par Albédo.

Souvenez-vous. Il y a quelques mois, je lisais les Seigneurs de Bohen de la même autrice et j’étais enchantée par ma découverte. Aux Imaginales, ça n’a pas manqué, j’ai eu envie de lire ses autres livres sans trop savoir par lequel commencer. On m’avait conseillé Porcelaine mais le pitch d’un éclat de givre me parlait davantage. En discutant avec elle et en lui expliquant à quel point j’avais adoré les Seigneurs de Bohen, elle m’a conseillé celui-ci. Une fois sa lecture terminée, je comprends pour quelle raison.

Nous évoluons dans un Paris post-apocalyptique sur les pas de Chet, un chanteur de jazz qui enchaine les histoires foireuses, que ce soit dans sa vie privée ou professionnelle. Il se retrouve embarqué malgré lui dans une sombre affaire qui menace le quotidien déjà bancal de ces survivants à la Fin du Monde. Une nouvelle drogue apparait, appelée la Substance, qui permet de résister à la chaleur de cet été de plus en plus caniculaire. Hélas, les conséquences de cette prise sont désastreuses et si Chet aurait aimé ne pas s’impliquer dans tout ça, on ne lui laisse pas vraiment le choix.

À première vue, on pourrait croire qu’il s’agit d’une énième enquête avec un héros-qui-ne-veut-pas-en-être-un-mais-qui-va-roxxer-quand-même-parce-que-c’est-le-héros. Détrompez-vous. On en est même assez loin. Chet est un mec paumé, un anti-héros comme je les aime qui vit en marge, a des mœurs qui sortent des canevas habituels. Tout n’est pas blanc ou noir, chez lui. Il représente une accumulation de différentes couches plus ou moins crasseuses. Il a ses élans moraux et ses faiblesses, ses névroses et ses secrets honteux. Comme pour les Seigneurs de Bohen, Estelle Faye propose non seulement un héros atypique mais aussi toute une gamme de protagonistes qui sortent du lot par leur façon d’être ou leurs orientations. Cela ne plaira pas à tout le monde mais, personnellement, j’ai trouvé ça très exaltant.

Plus que son intrigue, ce roman brille par son ambiance particulière où la nostalgie tient un rôle central. La nostalgie du passé, d’avant la Fin du Monde, que Chet a découvert dans son enfance avec Tess, supervisé par Paul le Sorbon. La nostalgie de la nature, assassinée par la main des hommes. La nostalgie de son amitié avec Tess, de ses erreurs, de ses lâchetés. À travers un récit à la première personne, Estelle Faye nous dépeint un personnage profondément humain que nous suivons au fil du temps. Le récit est parsemé par des souvenirs du passé, toujours assez brefs, qui permettent au lecteur de mieux comprendre le personnage de Chet, de s’y attacher. Ces différentes parties parsèment le récit dans un très bon équilibre, sans jamais ralentir l’intrigue ou provoquer le moindre ennui, comme cela arrive souvent avec les auteurs qui optent pour ce mode narratif.

À travers Chet, Estelle Faye nous dépeint un univers d’une richesse incroyable. Cet univers est marqué par la grande culture de l’autrice, que ça soit dans le domaine musical, théâtral, littéraire mais aussi télévisuel. J’ai été ravie de découvrir toutes ces références et de quelle manière Estelle Faye parvenait à les imbriquer en un tout cohérent, fluide, poétique. À mes yeux, un éclat de givre est un bijou sur le fond comme sur la forme.

Dans cet ouvrage, Paris est un personnage à part, vivant. On en découvre tous les aspects. Certains qui puisent leur écho dans le passé lointain comme la Cour des Miracles, d’autres qui sont plus récents. À travers la mésaventure de Chet, Estelle Faye raconte, divertit, mais éduque aussi en attirant l’attention de son lecteur sur les conséquences potentielles de polémiques actuelles. Des thématiques qui ne révolutionnent pas le genre mais qui trouvent un écho douloureusement actuel. Ainsi, l’autrice s’engage de manière subtile et pessimiste sur le destin du monde en brossant une image parfois terrifiante de l’humanité. Pourtant, au fil de ma lecture, je me suis plusieurs fois dit que ça ne tenait pas tant que ça de la fiction. Probablement mon côté pessimiste de nature.

Un éclat de givre est un roman surprenant, à part, qui propose un monde hétéroclite avec des personnages qui le sont tout autant. Baignés dans la folie, à leur manière. Une folie ordinaire, affreusement humaine. En tournant les pages, on sent l’odeur de la sueur, on cuit sous le soleil, on baigne dans la crasse, on vibre et on s’imagine à la place des protagonistes. L’écriture poétique et maîtrise d’Estelle Faye fait, à ce niveau, encore des merveilles en parvenant à immerger son lecteur avec une aisance qui tient presque du surnaturel.

Pour résumer, j’ai adoré découvrir ce roman atypique débordant de nostalgie et de références culturelles. Un éclat de givre est une œuvre d’une grande richesse proposée par une autrice talentueuse que je vais continuer à suivre avec attention. Je vous le recommande très chaudement !

#SeulAuMonde – Céline Saint Charle

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#SeulAuMonde
est un roman post apocalyptique écrit par l’auteure française Céline Saint Charle et publié chez Livr’s Éditions dans la collection Post-Apo. Vous pouvez vous le procurer partout ou le commander sur le site de la maison d’édition, au prix de 18 euros ! Je remercie Livr’s pour ce service presse.

#SeulAuMonde raconte l’histoire d’un groupe de personne qui se réveille un beau matin à différents endroits du monde et constate que tout le reste de la population a tout simplement disparu sans laisser de traces. Toute la technologie fonctionne, mais comment se retrouver? S’assurer qu’ils ne sont pas seuls? Les réseaux sociaux sont peut-être la solution.

Je dois avouer que si je n’avais pas du lire ce roman pour mon stage, je ne me serais pas laissée attirer. La couverture, bien que jolie, donne une fausse impression de roman jeunesse et comme vous le savez, je ne suis pas du tout friande d’ambiance post apocalyptique. Pourtant, force m’est d’avouer que ce livre est très bon, très intelligent et plutôt bien écrit. Et que la couverture correspond, en réalité, super bien au contenu. Ce qui paraît très paradoxal mais vous comprendrez si vous le lisez un jour.

L’auteure commence par présenter les différents personnages dans leur quotidien. Virginie, une prof de musique française déprimée. Maggie, une vendeuse de chaussures anglaise un peu naïve. Markus, un suédois employé à la Mairie. Massimo, un restaurateur italien de vitraux. Peter, un laveur de voiture américain qui adore la cuisine. Kenjo, un ouvrier belge d’origine camerounaise qui travaille en entrepôt. Et Mei, une traductrice allemande d’origine chinoise. En quelques pages seulement, ils prennent vie sous nos yeux et brillent par leur banalité. Ces personnes pourraient être n’importe qui dans la rue. Ils n’ont rien de particulier, ce sont des gens ordinaires avec chacun leur caractère qui se retrouvent confrontés à une situation terrifiante. Heureusement, l’un d’eux a l’idée de se servir des réseaux sociaux et cela lui permet d’entrer en contact avec les autres. Vive les publications sponsorisées de facebook !

La force de #SeulAuMonde, c’est d’offrir une histoire qui se lit très vite (à peine 24h pour ma part) et pose des questions intelligentes. Comment réagirions-nous, dans cette situation? Que ferions-nous pour le présent? Pour l’avenir? Essaierions-nous de sauver l’espèce humaine? Que mettrions-nous en place? Comment nous organiser? L’auteure réfléchit sur le sujet et s’interroge sur des choses qui ne me seraient pas venues à l’esprit du tout. Je reste persuadée qu’en cas d’apocalypse, ce roman pourrait inspirer les survivants !

J’ai lu plusieurs critiques qui n’appréciaient pas la fin. D’une certaine manière, je comprends. Il n’y a pas de véritable dénouement pour expliquer la disparition de la population mondiale et quand on lit les dernières pages on peut ressentir une certaine frustration. Chacun y va de sa théorie et je trouve justement ça intéressant, de laisser au lecteur une marge d’imagination. Quant à l’épilogue, je le trouve à la fois dérangeant et poétique, assez coup de poing dans son genre.

Comme le disait très justement Laure-Anne dans sa chronique: ne vous attendez pas à une apocalypse zombie, une guerre nucléaire ou un roman bourré d’action. #SeulAuMonde est une tranche de vie philosophique et angoissante. Il nous oblige à nous poser les questions qui dérangent, à entrevoir un avenir qui pourrait peut-être devenir le nôtre.

Je recommande ce roman à ceux qui ont envie de sortir des sentiers battus, de réfléchir un peu sur la condition humaine, la vie en communauté, la manière dont on survit sans forcément une menace pour nous unir tous sous une bannière commune. J’ai passé un bon moment avec #SeulAuMonde qui me sort de mes habitudes. Je pense m’intéresser de plus près aux œuvres de cette auteure qui, pour ne rien gâcher, est vraiment hyper gentille. Croyez-moi, j’ai passé toute la foire du livre de Bruxelles à ses côtés :3 Bref, un livre à lire !

1, 2, 3… Zombies ! – Bertrand Crapez

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1, 2, 3… Zombies ! de Bertrand Crapez est un one-shot post-apocalyptique publié chez Livr’s Éditions dans la collection Post-Apo au prix de 15 euros. Si vous voulez rencontrer l’auteur, sa prochaine dédicace est prévue pour le salon Made In Asia en Belgique du 16 au 18 mars !

Plantons le décor: Mercredi soir, inauguration de la foire du livre de Bruxelles. Plein de gens, qui sont là pour discuter de tout et de rien, surtout chez les gros éditeurs qui ont à manger sur leurs stands pendant que l’estomac des autres se décompose de faim. Une stagiaire s’ennuie et commence à lire cet étrange roman qui vient tout juste de sortir chez Livr’s Éditions. Ce n’était pas prévu, car la stagiaire n’aime pas le post apo, n’aime pas les zombies, et comme sa cheffe n’est pas un tyran (non non, personne ne l’a obligée à écrire ça), elle ne lui a pas imposé la lecture de ce bouquin qui ne colle pas du tout à ses goûts. Oui, elle n’aime rien, cette stagiaire !
Pourquoi ce livre et pas un autre, d’ailleurs ? Quel étrange maléfice du destin poussa sa main jusqu’à ce roman? Et bien il se trouvait à exactement trois centimètres devant elle et la stagiaire avait la flemme de se lever. Vraiment, elle exagère !

Comme quoi, la découverte d’un petit bijou ne tient pas à grand chose.

Bref, trêve de plaisanterie, quelques secondes. En lisant les cinquante premières pages de ce livre, j’ai froncé les sourcils et soupiré, un peu de mauvaise foi, à grands renforts de commentaires désobligeants sur le thème du « mais c’est quoi ces réactions à la con? » ou du « beuuuuurk mais il est vraiment en train de nous montrer un politicien qui fait caca ? ». Notez que les commentaires se sont inclinés face au génie littéraire de l’auteur. Phrase étrange après celle du politicien constipé (bah quoi faut bien laisser le temps à la scène de se poser), je sais… Je commence un livre avec plein d’à-priori négatifs, dans un genre que je n’apprécie pas du tout, et ça termine sur un coup de cœur.
Oui, le monde n’a aucun sens.

1, 2, 3… Zombies ! est un petit ovni littéraire construit sous la forme d’une série de nouvelles qui tournent autour du même thème. Dans un coin paumé de France, des scientifiques mettent au point une substance toxique pour le compte de l’armée, par le plus grand des hasards. A la base, ce devait être un sérum de régénération… Oups? Pas contents, les militaires exigent la destruction de la dite substance et comme les scientifiques sont un peu cons sur les bords (sans rire) ils s’en débarrassent dans une station d’épuration.
Ainsi commença l’épidémie zombie.
J’ai d’abord roulé des yeux avant de me rendre compte que ce n’était, en fait, pas si improbable que ça, comme situation… Un peu comme celles qui suivent (la télé-réalité, l’exploitation politique, les déviances sexuelles, les arnaques, etc.). Plus on avance dans ce livre et plus on se rend compte d’à quel point l’auteur est intelligent et analytique par rapport à notre société. Il touche systématiquement juste, avec des textes à la fois drôles et dérangeants. Cet homme ose tout et ne censure rien ! C’est ça qu’on veut.

J’en profite pour préciser que vu la violence et la déviance présente dans ce livre, il ne conviendra pas à tout type de public. Il peut en dégoûter plus d’un et gêner les âmes sensibles, gardez-le bien à l’esprit. Moi, j’ai adoré, mais c’est moi.
Notez aussi que ce roman a été écrit en 2014. On se rend ainsi compte que l’auteur est devin, en plus d’être doué dans ce qu’il fait, parce que certaines situations décrites dans 1, 2, 3… Zombies ! se sont vraiment produites.

Soulevons aussi que le roman est bien servi par une couverture signée Capia Art, qui illustre extrêmement bien la mentalité du texte ainsi que son ambiance plus générale. Elle interpelle vraiment et convient à merveille à un livre comme celui-ci.

Véritable satire sociale bourrée d’humour noir, 1, 2, 3… Zombies ! ne peut que plaire par sa qualité littéraire affirmée et la clairvoyance de son propos. Je ne connaissais pas l’auteur jusqu’ici mais après avoir passé trois jours en sa compagnie, je peux vous affirmer qu’en plus, il est humainement très chouette et déborde d’esprit, ce qui ne gâche rien à l’ensemble. Il est également l’auteur d’une saga de fantasy que je vais m’empresser de découvrir, parce que j’ai vraiment bien accroché à sa plume et à son style.

En bref, 1, 2, 3… Zombies ! est un one-shot satirique à lire absolument, qui s’inscrit dans notre actualité et dans notre société du 21e siècle avec une effarante lucidité renforcée par une bonne dose d’humour noir. C’est un coup de cœur et une belle réussite pour Livr’s Éditions qui a signé un auteur talentueux.

Les chroniques de l’Après-Monde – Geoffrey Claustriaux

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Les Chroniques de l’Après-Monde est un one-shot post-apocalyptique écrit par l’auteur belge Geoffrey Claustriaux et publié chez Terres de Brume en 2014. Il est disponible à la vente au prix de 18 euros.

Je connais l’auteur depuis un long moment maintenant, à force de nous croiser en salon. Humainement, c’est quelqu’un de très aimable, dynamique et drôle, c’est toujours un plaisir de discuter avec lui. Pourtant, je ne m’étais encore jamais vraiment arrêtée sur ses romans, parce que les thématiques ne m’inspiraient pas. Jusqu’à ce que ma complice L-A Braun m’offre les Chroniques de l’Après-Monde, en m’assurant que j’allais forcément adorer. De moi-même, je ne me serais pas tournée vers ce livre, parce que je n’aime pas du tout les romans post-apocalyptiques. Comme quoi, il faut parfois aller voir un peu plus loin, au-delà de la première impression ou d’un genre qu’on n’apprécie pas. Il y a des perles dissimulées où on s’y attend le moins !

Dans les Chroniques de l’Après-Monde, nous suivons Casca tout au long de sa vie. Le récit est présenté sous forme d’une confession, écrite par la jeune fille une fois plus âgée (et même vieille dame), ce qui nous offre une narration à la première personne et en flashback, depuis le début de sa vie dans un abri / colonie jusqu’à l’épidémie qui l’a ravagé et la nécessité, ensuite, d’en sortir pour survivre. En sa compagnie, à travers ses yeux, nous découvrons ce monde ravagé… Ou pas tant que ça, en fait. Casca a vécu à l’écart de toute civilisation, les systèmes de communication étant coupés, et si elle se croit d’abord seule humaine rescapée, elle se rend compte que c’est loin d’être le cas. Que des gens sont déjà sortis de leurs abris respectifs, qu’ils ont fondé des villes depuis parfois deux ou trois siècles, que les retombées atomiques ne sont plus que de l’histoire ancienne, l’air étant de nouveau respirable. Elle entreprend alors de voyager, de rencontrer ces peuplades, de découvrir son monde, et elle n’en sortira pas indemne.

Si, au début, nous suivons une jeune fille naïve, elle est rapidement obligée de grandir et est influencée par le monde où elle évolue. Ce roman me fait penser à un road-movie couplé à une ambiance plutôt Doomsday, dans une version plus subtile quoi que tout aussi dure. L’auteur, à travers sa plume travaillée et efficace, nous raconte un périple passionnant sans jamais tomber dans les excès de grandiloquence, les leçons de morale pénibles ou les situations improbables. Certes, il y a des moments où on se demande comment Casca peut s’en sortir, mais les solutions apportées ne sont jamais illogiques et l’héroïne admet elle-même qu’elle a eu beaucoup de chance.

Plus qu’un roman, les Chroniques de l’Après-Monde est une critique de notre société et de nos mœurs. Si tout s’est effondré, c’est à cause d’Internet, des abus de pouvoir, de l’hyper protectionnisme des états, des egos surdimensionnés de quelques puissants. Et si elle rencontre effectivement des peuples dégénérés (selon nos critères sociaux), des barbares, des cannibales, des bandits ou des arnaqueurs, elle croise aussi des personnes au grand cœur qui n’hésitent pas à l’aider. Rien n’est manichéen, dans ce périple. Et cela nous force à réfléchir sur notre actualité, sur nos actes, sur notre vision parfois trop pessimiste de l’être humain. Les messages forts sont présents tout au long du récit, à travers les anecdotes de l’héroïsme, sans toutefois nous écraser. Casca n’a rien d’une moralisatrice. Elle est terriblement humaine, dans chacun de ses actes, depuis sa naïveté à son cynisme, puis à sa reprise d’espoir.

Pour moi, ce roman est clairement une réussite sur tous les points. Il est addictif (je l’ai lu en deux jours seulement !), bien écrit, engagé sans être lourd, et nous permet de suivre une héroïne à laquelle il est facile de s’identifier. Comme je lis très peu de post-apocalyptique (jamais en fait) je ne sais pas s’il contient des clichés ou des maladresses liés au genre littéraire concerné. Ce dont je suis sûre, en revanche, c’est que nous devrions tous prendre la peine de lire les Chroniques de l’Après-Monde et de réfléchir aux thématiques qu’aborde le roman, qui me paraissent plus importantes que jamais dans notre monde actuel.

J’ai été ravie de découvrir Goeffrey Claustriaux, qui n’a pas volé son succès en salon! Je suis impatiente de lire d’autres romans de sa plume, en espérant qu’ils soient aussi bon. Je vous recommande très chaudement les Chroniques de l’Après-Monde, une lecture dont vous ne sortirez pas indemne.

Fire Punch – Fujimoto Tatsuki

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Fire Punch est le premier tome d’un seinen fantastique et post apocalyptique édité par Kaze Manga. Il est dessiné et scénarisé par Fujimoto Tatsuki dont c’est le premier manga publié ! Pour le moment, la série est toujours en cours au Japon et compte cinq tomes. Chacun coûte environs 8 euros. En Europe, seul le premier est disponible, depuis le 21 juin.

Fire Punch est un manga qui ne m’attirait pas particulièrement au départ. En me basant sur son titre, j’ai cru qu’il s’agissait encore d’un énième manga de baston et le chara design de la couverture ne m’avait pas particulièrement attirée. Du coup, j’ai passé mon chemin, ayant déjà trop de séries en cours pour mon propre bien. Par contre, mon petit frère l’a acheté à sa sortie et me l’a mis de force dans les mains en me disant « tu dois le lire, tu vas adorer ». Comme ça lui arrive quand même assez peu souvent, j’ai été intriguée et j’ai donc commencé à découvrir cet univers.

Nous rencontrons deux enfants, Agni et Luna, qui possèdent tous les deux la capacité de se régénérer. Ils vivent dans un monde où une sorcière de glace a tout recouvert d’un hiver éternel. Du coup, les gens meurent de faim, deviennent fous et sont poussés à pas mal d’extrémités, qui sont des standards dans un univers chaotique post apocalyptique. Les parents des enfants ont été tué et le prêtre d’un village les a recueilli, malgré les protestations des villageois déjà soumis à la famine. Une chance pour eux, quand même, parce que les enfants se coupent avec plaisir des membres afin de fournir de la viande à ceux qui les ont sauvé. On parle donc bien de cannibalisme organisé ! Et quasiment normalisé, même s’ils ont tous bien conscience que c’est très mal. Mais ils préfèrent ça à mourir et je pense qu’on peut le comprendre… Jusqu’au jour où un avion de l’armée débarque pour voler leurs provisions, comprennent qu’ils sont face à un village de cannibale et brûlent tout sur leur passage. Agni sera le seul survivant, dans un très sale état, et partira en quête de vengeance.

Rassurez-vous, je ne vous spoile rien, toutes ces informations figurent sur la quatrième de couverture !

J’ai été étonnée par le ton sombre et glauque du manga, parce que je ne m’y attendais absolument pas. Le dessin à l’intérieur est plutôt brouillon et ressemble à des esquisses, seuls quelques personnages ont des traits bien particuliers. Le décor est très neutre (logique vous me direz, dans un paysage de neige éternelle) et je n’ai pas eu un coup de cœur pour la manière qu’a l’auteur de dessiner.

Toutefois, son histoire m’a interpellée en montrant la face horrible de l’humain, qui est prêt à tout, surtout aux pires extrémités, pour survivre. Vous le savez, je n’apprécie pas les univers post apo et sincèrement, celui-ci est à la frontière de ce que j’aime. Je suis mitigée en soi, mais l’histoire d’Agni m’a touchée et j’ai vraiment envie de savoir s’il va réussir à atteindre son objectif.

Fire Punch met également en avant les concepts d’abus de pouvoir, de domination des puissants sur les plus faibles… Honnêtement, c’est dérangeant et parfois dur à lire. Ce manga n’est clairement pas à mettre entre les mains des âmes sensibles. Il est fort, profond, mais aucun humour ou lueur d’espoir ne viennent entacher les ténèbres. Même le personnage de Sun, finalement, est assez pathétique et quand on voit ce qui lui arrive…

Bref, Fire Punch est un manga de qualité mais ses thématiques et son ton font qu’il n’est pas à mettre entre n’importe quelles mains. Je n’ai pas eu un coup de cœur pour lui à cause de mes goûts personnels mais je le conseille néanmoins parce que ça vaut la peine de se poser ce genre de questions, surtout dans le climat socio-politique actuel.