Les Neiges de l’éternel est un one-shot fantastique inspiré du Japon féodal écrit par l’autrice française Claire Krust. Publié par ActuSF, vous trouverez ce titre au prix de 18.9 euros en grand format et 8.9 euros en poche, partout en librairie.
De quoi ça parle ?
Japon, époque féodale fantasmée. Dans un texte divisé en cinq parties écrites comme des nouvelles, l’autrice donne la parole à un personnage chaque fois différent pour raconter un morceau de leur existence liée à une noble famille déchue. Yuki, Akira, Sayuri, Takeshi et Seimei sont autant victimes que protagonistes de cette tragédie.
Un roman en cinq parties.
Par facilité, je vais diviser cette chronique en cinq parties et vous dire quelques mots sur chacune d’elle avant de vous proposer une synthèse d’ensemble.
1) La fille qui chevauche
Le texte s’ouvre sur le personnage de Yuki qui part dans la montagne à la recherche d’un guérisseur capable de sauver la vie de son frère, malade depuis longtemps et sur le point de mourir. Le lecteur suit donc son périple. Fille de noble qui n’est jamais sortie du palais, elle se déguise en garçon pour arriver jusqu’à un village. Là, elle rencontre la courtisane Sayuri qui reviendra dans une autre histoire. Elle arrive enfin jusqu’au guérisseur et fait la connaissance de Seimei, le fils de ce dernier. Hélas pour elle, tout ne se passera pas comme prévu.
J’ai été un peu décontenancée par cette première partie. L’ambiance posée par Claire Krust m’a semblé à la fois d’une douce cruauté et d’une naïveté évidente. On se doute assez tôt de la manière dont va tourner l’aventure de Yuki, on la regarde se débattre avec pitié face aux évènements. J’ai apprécié l’aura de ce texte sans toutefois être totalement plongée dedans.
2) Le mort au pinceau
Cette partie est narrée du point de vue d’Akira, le frère de Yuki, cinquante ans après sa mort. Par ses yeux, le lecteur rencontre Shota, un jeune garçon qui à l’instar d’Akira de son vivant, souffre d’une maladie qui le condamne à mourir assez jeune. C’est une nouvelle davantage empreinte de surnaturelle avec la présence d’un fantôme et d’une question : pourquoi seul Shota parvient-il à voir Akira ?
J’ai préféré ce texte au premier car la mélancolie cruelle d’Akira m’a davantage parlée. L’autrice distille lentement les éléments de son histoire, ses rencontres sur ces cinquante dernières années. J’ai vraiment été touchée et émue par ce protagoniste, très enthousiasmée par la perspective de lire la suite. Le duo avec Shota fonctionne bien et le passif entre Akira et le père de Shota était très intéressant. Mon seul regret c’est de ne pas en avoir eu davantage, toutefois c’est à mon sens le texte le plus abouti et le mieux équilibré.
3) L’enfant et la courtisane
Cette nouvelle se déroule cinq ans après la première et ramène le lecteur auprès de la courtisane Sayuri. L’autrice y décrit son quotidien, son état d’esprit général et s’offre quelques longueurs. C’est l’occasion toutefois d’une nouvelle rencontre avec Yuri qui ne va pas se terminer comme prévu pour Sayuri…
Sayuri est un personnage qui m’a plus d’une fois agacée, je ne suis pas parvenue à m’attacher du coup son sort me laissait relativement indifférente. J’ai trouvé la fin un peu absurde avec un goût de hasard qui « fait bien les choses », c’est probablement le texte qui m’a le moins convaincue même si tout n’est pas à jeter. J’ai par exemple été intéressée par le personnage de la très jeune courtisane, Tae Hee. La scène entre elle et Sayuri a été pour moi le seul vrai moment plaisant de cette partie.
4) L’intrus dans la maison
Un siècle après les mésaventures de Yuki, un jeune homme pénètre par effraction dans la demeure du Daimyo, abandonnée depuis longtemps. Il est à la recherche du fantôme d’Akira afin d’accéder aux dernières volontés de Shota, son grand-père.
Les deux tiers de cette nouvelle servent de mise en place avec un texte très descriptif, sans vrai dialogue. Vous le savez, c’est quelque chose que je n’apprécie pas toutefois c’est purement une affaire de goût parce que l’autrice s’en sort plutôt bien. Par contre, les interactions entre Takeshi (le jeune homme en question) et Akira sont intéressantes, complexes, tendues. J’ai beaucoup aimé la fin de ce texte toutefois j’ai eu un goût de trop peu car à mon sens l’histoire en elle-même aurait du commencer à cet endroit au lieu de s’y achever.
5) Le fils du guérisseur
Le dernier texte permet au lecteur de retrouver Seimei et d’apprendre ce qu’il devient (des fois qu’on se pose la question même si j’avoue, c’était pas mon cas). Après la mort de son père, il décide de quitter sa montagne afin de vivre libre, loin de la pression induite par son héritage. Pas de chance il va rapidement être rattrapé par le seigneur du coin qui exige de lui des soins pour son épouse mourante.
Seimei se révèle être un personnage plutôt antipathique bien que j’apprécie son honnêteté et ses tourments intérieurs. Cette partie souffre du même défaut (selon mes goûts) que la précédente à savoir beaucoup de mise en place et d’introspection répétitive. J’aurais trouvé plus judicieux d’intervertir les deux derniers textes afin de terminer sur l’intrus dans la maison car je ressens clairement un goût de trop peu à achever ma lecture ici.
Une impression d’ensemble mitigée.
J’ai lu de très bonnes chroniques sur ce texte toutefois sur un plan personnel, je suis plus mitigée. Selon moi, les Neiges de l’éternel a de vraies qualités mais souffre des défauts d’un premier roman en ne poussant pas les choses assez loin, d’une part, et en enchainant de longueurs, d’autre part.
Claire Krust propose de raconter un drame familial sur plusieurs générations dans un Japon féodal qui se révèle fantasmé si on en croit la courte interview à la fin. Le concept a de quoi séduire d’autant qu’elle propose des personnages qui sont, pour la plupart, nuancés. La palme revenant à Akira qui est mon protagoniste favori au sujet duquel j’ai envie d’en avoir encore davantage. Toutefois, à mon sens, les Neiges de l’éternel s’achève là où il aurait plutôt du commencer (c.f. la fin de la quatrième partie) et souffre de longueurs inutiles, notamment dans les introspections des personnages qui se répètent trop à mon goût. Claire Krust ne laisse pas le lecteur comprendre les choses par lui-même et le prend trop par la main sauf quand elle est censée donner des informations qu’on attend depuis trois parties. Encore une fois, c’est un sentiment tout personnel parce que certains lecteurs apprécient cela, ce n’est juste pas mon cas. D’ailleurs, ironiquement, l’autrice ne va jamais révéler ce qui est arrivé à Yuki durant sa vie même si la fin de la cinquième partie laisse une piste possible. Pourtant, cette information sur son histoire se retrouve importante dans au moins deux textes sur les cinq : d’abord quand Akira en parle à Shota (enfin commence puis s’arrête sans jamais terminer) puis quand Yuki elle-même raconte tout à Sayuri dans la troisième partie sauf que c’est l’occasion d’une ellipse… Après ça, plus rien et c’est quand même un élément qui tient le lecteur en haleine. Alors oui, clairement, j’ai un goût de trop peu en refermant ce livre, ce qui est dommage mais j’y mettais probablement trop d’attentes vu l’enthousiasme de la blogo à son propos.
Je pense que l’autrice a d’abord cherché à poser une ambiance et elle a visiblement réussi pour beaucoup mais moi qui aime le Japon, la littérature japonaise et qui ait lu d’autres romans de ce type avant, je ne suis pas plus convaincue que cela. Ce qui n’empêche pas ce texte d’être bon, il ne me convient tout simplement pas en tant que public. Pour cette raison, j’ai tout de même choisi de vous en parler car je suis convaincue par ses qualités et son intérêt, pour quelqu’un d’autre que moi.
La conclusion de l’ombre :
Les Neiges de l’éternel est un texte imprégné de fantastique se déroulant dans un Japon féodal fantasmé. À travers cinq nouvelles où les personnages se croisent, l’autrice retrace la déchéance d’une famille aristocratique sur plusieurs générations via des narrateurs pluriels et nuancés. Claire Krust n’hésite pas à mettre en scène des protagonistes antipathiques et à s’attarder -un peu trop à mon goût- sur la construction d’une ambiance désenchantée. Si le texte souffre de quelques défauts typiques des premiers romans, il n’en reste pas moins tout à fait recommandable pour ceux qui apprécient les romans d’ambiance axés sur l’introspection.
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