Voilà cinq ans que je suis le travail du journaliste Jake Adelstein, principalement au niveau de ses livres publiés chez l’éditeur Marchialy. J’ai été ravie d’apprendre la sortie d’un nouveau titre mais également d’une tournée de dédicaces en France, avec une date en Belgique à laquelle je me suis rendue en compagnie de mon amie Laure-Anne (grâce à qui j’ai découvert l’auteur à l’origine, la boucle est bouclée !). Cela se déroulait à la librairie Tropismes de Bruxelles et a commencé par une interview de l’auteur suivie par des questions / réponses puis la dédicace à proprement parler. Ce fut pour nous l’occasion de découvrir un homme drôle, bienveillant et incroyablement gentil, très enthousiaste à rencontrer son lectorat francophone. C’est un magnifique souvenir pour nous et j’avais envie d’écrire quelques mots à ce sujet dans cette chronique parce que, parfois, rencontrer un auteur qu’on adore est source de déception mais ce ne fut pas du tout le cas ici. Merci à lui et à la librairie pour cet inoubliable moment !
De quoi ça parle ?
Jake Adelstein est l’auteur (entre autre) de Tokyo Vice qui a récemment été adapté en une série télévisée. Tokyo Detective en est plus ou moins la suite directe car on retrouve l’auteur qui est devenu détective privé au Japon, laissant temporairement le journalisme de côté. Il s’occupe alors principalement d’effectuer des diligences raisonnables c’est-à-dire qu’il enquête sur des sociétés pour savoir si elles ont ou non des liens avec les yakuzas, à la demande d’autres sociétés qui voudraient faire des affaires avec elles. C’est l’occasion d’en apprendre davantage sur les magouilles financières qui ont lieu au Japon et sur la manière dont les lois ont changé pour rendre aussi coupables les personnes en affaire avec les yakuzas et non plus seulement les yakuzas eux-mêmes. Cette nouvelle loi a signé le début de la fin pour ces organismes criminels déjà sur le déclin, comme on a pu le lire auparavant dans les autres ouvrages de l’auteur.
La réalité japonaise, loin du fantasme.
Souvent, en Europe, quand on se dit passionné par le Japon on parle de manga ou d’une vision complètement fantasmée de ce pays à la fois proche et lointain. On s’intéresse assez peu à la réalité ou alors on l’occulte parce qu’un fantasme ne peut pas faire de mal… non ? J’étais un peu comme ça avant de lire Tokyo Vice à l’époque, qui m’avait heurtée dans mes convictions et m’avait invitée à réfléchir sur mes préconceptions. Jake Adelstein continue dans Tokyo Detective à dépeindre la réalité du pays du Soleil Levant et finalement, c’est aussi terrifiant que passionnant.
Entre autres affaires, Tokyo Detective fait la lumière sur la catastrophe de Fukushima en révélant que la société d’énergie à qui elle appartient savait très bien que le cœur du réacteur ne résisterait pas à un tremblement de terre (donc encore moins à un tsunami…) et a choisi de n’en avoir rien à faire. Des révélations glaçantes surtout quand on sait qu’aujourd’hui, en 2023, la situation n’a pas tellement changé pour la quarantaine d’autres centrales qui se trouvent au Japon… C’est aussi l’occasion d’évoquer les Jeux Olympiques de Tokyo et les liens entre le comité d’organisation et les yakuzas, qui ont éclaté au grand jour grâce à une photo. Ce sont les affaires les plus marquantes du livre mais il y en a d’autres, plus anecdotiques ou qui permettent de faire le lien avec un second aspect de Tokyo Detective.
Un livre très personnel.
Sur les plans à la fois historique, journalistique et politique, ce livre était déjà passionnant à lire mais il n’est pas « que » ça. J’évoquais plus haut un autre aspect, j’entends par là un angle plus personnel de la vie de l’auteur qui nous confie ses angoisses existentielles, ses remises en question personnelles, nous parle de son cancer (qu’il a vaincu) et des ami·es qu’il a perdu parfois à cause des yakuzas, parfois à cause de la maladie. En règle générale, je ressens un malaise quand ce genre de sujet est abordé car je suis une personne plutôt pudique et renfermée mais ça n’a pas été le cas ici, principalement parce qu’on sentait que l’auteur était animé d’une envie de se rappeler ces personnes chères, de leur rendre hommage en toute modestie, en toute simplicité, du plus profond de son cœur. J’en ai été très touchée, il a vraiment réussi à rendre ces personnes vivantes pour moi, surtout Michiel.
La conclusion de l’ombre :
Tokyo Detective réussit l’exploit d’être à la fois un texte édifiant sur la réalité du Japon tout en se révélant très personnel et touchant. Jake Adelstein a trouvé le bon équilibre pour nous offrir un ouvrage exceptionnel à lire absolument si vous vous intéressez un peu à ce pays, à son actualité ou tout simplement si vous avez envie de vous cultiver.
D’autres avis : pas encore sur la blogo mais j’espère en avoir inspiré certain·es !
D’autres ouvrages de l’auteur sur le blog : Tokyo Vice – Le dernier des yakuzas – J’ai vendu mon âme en bitcoins
Informations éditoriales :
Tokyo Detective par Jake Adelstein. Traduction de l’anglais par Doug Headline. Éditeur : Marchialy. Illustration de couverture et maquette intérieure : Guillaume Guilpart. Prix au format papier : 23 euros.