Feuillets de cuivre est un roman policier / steampunk écrit par l’auteur français Fabien Clavel. Publié à l’origine en 2015 chez ActuSF, vous trouverez la réédition de ce texte dans une nouvelle édition type beau livre au prix de 19.90 euros.
Je remercie les éditions ActuSF pour ce service presse numérique.
De quoi ça parle ?
Paris, 19e siècle. L’inspecteur Ragon mène plusieurs enquêtes afin de résoudre des crimes aussi odieux que sanglants en s’aidant avant tout de son esprit et de son amour de la littérature.
J’ai découvert pour la première fois cet inspecteur dans l’anthologie Montres Enchantées des éditions du Chat Noir. J’avais été très emballée par ce texte et je m’étais promis de lire Feuillets de cuivre pour cette raison. Cela m’aura pris du temps pour me lancer mais je n’ai pas de regrets !
Un hommage aux feuilletons, mais pas que.
Avant toute autre chose, Feuillets de cuivre est un roman policier qui exploite les codes classiques du genre et propose une figure du détective atypique qui emprunte pourtant à Hercule Poirot (ce qu’on ressent tout de suite quand il utilise sa célèbre expression des petites cellules grises, triture sa moustache ou préfère utiliser son cerveau de manière générale) comme à Sherlock Holmes. Chaque enquête forme a priori une nouvelle, une histoire close sur elle-même. Il faut arriver dans la dernière partie du texte pour se rendre compte que tout est lié avec maestria.
La construction narrative rappelle celle des romans feuilletons et ceux-ci sont plusieurs fois évoqués durant les enquêtes de Ragon. On sent que l’auteur possède une passion pour la littérature, surtout celle du 19e siècle (ou alors, il la feint brillamment !) car tout crime en revient toujours, d’une façon ou d’une autre, à un ou plusieurs livres. D’ailleurs, Ragon le dit lui-même : si l’affaire n’est pas liée à un livre, alors il s’agit d’un crime vulgaire et sans intérêt. Le ton est donné ! Le nœud central de l’œuvre s’article donc autour du livre au sens large et quand on arrive à la fin, on prend conscience d’avec quelle minutie Fabien Clavel a tout mis en place depuis les premières lignes pour construire les Feuillets de cuivre. J’en suis restée pantoise.
Par contre, une fois de plus et comme ç’avait déjà été le cas avec Anergique de Célia Flaux chez le même éditeur, le terme steampunk me parait ici mal employé. Il s’agit plutôt d’un roman fantastique qui exploite par moment une forme d’énergie appelée éther mais qui ne répond pas aux codes stricto sensu du steampunk. Cela pourrait dérouter celles et ceux qui s’y attendraient, je préfère donc prévenir. Il y a bien une esthétique particulière, oppressante, désenchantée, salie par des vapeurs noires mais plutôt celles de l’humanité que des vapeurs charbonneuses. Il y a une petite étincelle en plus mais qui appartient davantage au registre du fantastique classique qu’autre chose.
Les enquêtes de Ragon.
Feuillets de cuivre se compose de plusieurs histoires qui s’étendent sur une quarantaine d’années. Chaque en-tête de chapitre renseigne l’année concernée et comporte une citation issue des classiques littéraires. On rencontre Ragon au tout début de sa carrière et on le suit d’affaire en affaire, jusqu’au dénouement final. Le personnage est atypique, déjà par son physique puisqu’il est obèse et tombe au fil du temps dans l’obésité morbide. C’est la première fois que je croise un personnage principal comme lui et je trouve ça finalement interpellant quand on pense à l’importance que prend la représentation de nos jours. Chapeau à Fabien Clavel pour cela d’autant qu’il ne réduit pas son personnage à son physique, au contraire. J’ai surtout retenu de Ragon son intelligence aiguisée et sa passion pour la littérature grâce à laquelle il résout ses affaires. Le voir évoluer tout au long de sa carrière ne manque pas d’intérêt, hélas c’est le seul personnage véritablement développé du roman. Comme souvent dans les romans policiers classiques, cette figure d’enquêteur éclipse les autres qui en sont presque réduits à des fonctions au point qu’on ne ressent pas grand chose face à leur disparition, que celle-ci soit ou non brutale. Quant aux femmes, n’en cherchez pas. Les seules présentes sont des prostituées, ce qui n’en fait pas un roman sexiste pour la cause ! À aucun moment l’auteur ne m’a donné ce sentiment. Simplement, elles ne tiennent aucun rôle dans les enquêtes de Ragon et les rares fois où cela arrive, ce sont des personnages très secondaires (même l’épouse de Ragon, ancienne prostitué, disparait vite après la première enquête). Je sais que cela peut déranger certain/es lecteur/ices donc je préfère le noter.
La conclusion de l’ombre :
Feuillets de cuivre est un texte brillant et érudit qui ravira les amateurs d’histoire littéraire comme de romans policiers. Fabien Clavel rend hommage autant à Holmes qu’à Poirot avec son inspecteur Ragon qui résout ses affaires par la force de son intelligence et non de ses poings. Les éléments des différentes enquêtes paraitront de prime abord classiques et violents pour le plaisir du spectacle mais Feuillets de cuivre ne prend sa complète ampleur qu’avec les révélations finales où on se rend compte à quel point Fabien Clavel s’est montré minutieux et brillant. Une belle réussite tout à fait recommandable !
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