Filles de Rouille – Gwendolyn Kiste

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Filles de Rouille
est un one-shot fantastico-horrifique écrit par l’autrice américaine Gwendolyn Kiste et traduit par Cécile Guillot. Publié par les éditions du Chat Noir dans leur collection Griffe Sombre, vous trouverez ce roman sur leur site au prix de 17.90 euros.
Je remercie Mathieu, Alison et les éditions du Chat Noir pour ce service presse !

De quoi ça parle ?
Durant l’été 1980 à Cleveland, l’aciérie près de Denton Street ferme et le chômage s’aggrave dans le quartier. Phoebe et sa cousine Jacqueline viennent de terminer le lycée et s’interrogent sur leur avenir. Elles envisagent de partir, fuir cette misère, sauf qu’un mal mystérieux frappe cinq filles de leur âge. Leur corps se transforme d’une manière anormale… et quand ça s’apprend, Gouvernement, touristes, médecins, tous débarquent pour observer ce mystérieux phénomène. Phoebe, elle, espère juste réussir à aider ses amies… et sa cousine, devenue elle aussi une Fille de Rouille.

À la croisée des genres.
Filles de Rouille débute en 2018 alors que Phoebe a une quarantaine d’années et retourne dans sa ville natale, cessant de fuir son passé présenté alors comme mystérieux. L’autrice installe directement une ambiance décrépite, un sentiment de sale, d’abandon, à travers les décors contemplés par l’héroïne et son état d’esprit. On se sent mal et tout qui a déjà vécu près d’une zone industrielle délabrée n’aura aucun mal à se projeter dans cette atmosphère. Le second chapitre se présente comme n’importe quel roman dont l’héroïne termine l’adolescence pour entrer dans l’âge adulte, la cassure est violente mais l’effet fonctionne. Phoebe a dix-huit ans, elle vit aux côtés de sa cousine Jacqueline qui est aussi sa meilleure amie. Elle a ses petits tracas, s’inquiète de l’avenir mais tant que Jacqueline reste à ses côtés, rien ne semble la déstabiliser plus que ça. Pas même son ex qui a mis enceinte la fille avec laquelle il l’a trompée.

Assez vite, le roman glisse vers l’étrange quand la maladie de ces cinq filles est découverte. L’étrange scientifique ou fantastique ? Le doute planera jusqu’au bout et la maladie prendra une ampleur de plus en plus grande jusqu’à tomber dans le body horror qui renforcera une ambiance oppressante très bien maîtrisée. J’ai été bluffée par les descriptions de Gwendolyn Kiste qui a trouvé un excellent équilibre pour rester efficace sans tomber dans le grand-guignolesque.

Mais plus qu’un roman de l’imaginaire à l’ambiance maîtrisée, Filles de rouille illustre de tristes réalités sociales…

Un conte social
Le Chat Noir parle d’un conte social sur la quatrième de couverture et j’aime bien ce terme qui colle comme un gant au roman. L’autrice raconte en premier lieu une histoire d’amitié mais elle y incorpore un décor solide : celui d’une ville sur le déclin, qui subit la délocalisation de ses industries, où il n’y a pas / plus de travail, pas / plus d’avenir. Les filles doivent obéir à leurs pères, à leurs mères, rentrer dans un canevas étriqué qui existe malheureusement toujours à l’heure actuelle. Le parfait exemple est celui de Dawn, tombée enceinte suite à un coup d’un soir (avec l’ex de Phoebe donc aka le mec dont on claquerait bien la tête sur la bordure d’un trottoir pendant des heures tellement il est à vomir) qui accouche et n’a même pas le droit de décider ce qu’elle fera avec son bébé. C’est le conseil des mères qui s’en charge, sans jamais lui laisser la voix au chapitre. En tant que femme, ça m’a heurté et je me suis demandée combien de jeunes mères subissaient cela encore aujourd’hui..

Gwendolyn Kiste évoque ainsi, entre autre, la pression sociale, le jugement hypocrite d’autrui, la place de la femme mais aussi cette misère que connaissent certaines zones de pays supposés développés. Ici, son action se déroule aux États-Unis toutefois le propos peut-être transposé en Europe sans le moindre souci.

Dans ce contexte, je savoure l’ironie (volontaire bien entendue) que constitue la maladie des cinq filles puisque leur corps semble se transformer en éléments industriels comme l’étain, le métal, le verre, avec de l’eau boueuse qui remplace le sang pour ensuite rouiller petit à petit. La métaphore est superbe et inspirée. Au risque de radoter : tout fonctionne bien dans ce roman.

Phoebe, témoignage de la souffrance
Phoebe est la narratrice de cette histoire dans un texte écrit à la première personne. Les temporalités s’alternent entre décembre 2018 et l’été 1980, montrant l’évolution de ce personnage principal qui n’a rien d’une héroïne et qui a beaucoup souffert de toute cette histoire. L’autrice brouille les pistes pour entrainer le lecteur littéralement dans le coeur de sa narratrice, distillant les différents éléments narratifs avec plus ou moins de subtilité. Il y a par moment des longueurs dues à l’introspection toutefois, hormis à la toute fin, cela ne m’a pas dérangé. Phoebe n’est pas un personnage qui laisse indifférent, j’ai ressenti beaucoup d’empathie pour ce qu’elle vit et la perte progressive de sa meilleure amie. Ses émotions me parlent, on sent la pureté et l’importance de cette amitié dans son existence. C’est un roman comme j’aimerais en lire davantage car il met vraiment la notion d’amitié au centre de son intrigue.

La conclusion de l’ombre :
Filles de rouille est le premier roman de l’autrice américaine Gwendolyn Kiste, traduit par Cécile Guillot pour les éditions du Chat Noir. Ce one-shot fantastico-horrifique se révèle être un conte social maîtrisé qui traite de nombreuses thématiques avec beaucoup de sensibilité dans un contexte de récession qui ne peut que nous parler. Phoebe, la narratrice, est un personnage ambigu, en souffrance, qui révèle petit à petit des éléments du passé afin de nous apprendre ce qui est arrivé durant l’été 1980 à Cleveland avec les fameuses « Filles de Rouille ». À travers son histoire et sa profonde amitié avec sa cousine Jacqueline, Phoebe est une protagoniste attachante et vraie pour qui j’ai éprouvé beaucoup d’empathie au point d’avoir les larmes aux yeux à la fin. Ce premier texte est très prometteur et je me réjouis de découvrir d’autres romans de l’autrice vu sa qualité. Sans surprise donc, je recommande chaudement cette nouvelle pépite découverte par le Chat Noir !

D’autres avis : pas encore mais cela ne saurait tarder !

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Bénies soient vos entrailles – Marianne Stern

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Bénies soient vos entrailles
est un one-shot fantastico-gothique écrit par l’autrice française Marianne Stern. Publié aux éditions du Chat Noir, vous trouverez ce roman au prix de 19.90 euros. Je vous encourage à le commander par leur site Internet pour les soutenir pendant cette période difficile pour le milieu du livre !
Je remercie Mathieu et les éditions du Chat Noir pour ce service presse.

Avant d’aller plus loin sachez que ce roman est inspiré du recueil de nouvelles les Chroniques d’Oakwood publié en 2013 au Chat Noir ainsi que de la nouvelle présente dans l’anthologie Bal Masqué. On y retrouve certains personnages et évènements, toutefois l’autrice a bien travaillé et Bénies soient vos entrailles peut se lire sans avoir connaissance des deux autres textes.

De quoi ça parle ?
Oakwood, décembre 1607. Pendant la fête de Yule, une jeune fille disparaît et une autre est retrouvée morte dans d’horribles circonstances. Il n’en faut pas plus au père Irwin pour crier aux démons. Sauf que, ce coup-ci, il n’a pas forcément tort…

Des éléments classiques pour un hommage au genre.
Bénies soient vos entrailles est un roman fantastique inspiré du genre gothique et qui en respecte assez scrupuleusement les codes. Si vous êtes un peu familier de cette littérature, son déroulement ne vous surprendra donc pas car on en relève aisément les différentes caractéristiques.

Tout d’abord, le décor-type. Il se divise au sein de ce roman en deux endroits : d’une part, le cimetière séparé en plusieurs zones, avec son arbre aux pendus et son coin dédié aux morts impurs tels que les suicidés ou les exécutés. D’autre part, le village en lui-même dont se dégage une ambiance malsaine empreinte d’une religiosité fanatique portée par le détestable prêtre Irwin. L’autrice décrit l’ensemble avec brio, mettant en place une ambiance qui fonctionne plutôt bien.

Ensuite, les archétypes des personnages qu’on identifie sans mal. Le père Irwin est un religieux buté et avide de sang qui brûle des femmes sous prétexte de sorcellerie et fait peser un climat de peur sur tout le village. La femme-victime apparaît à travers le personnage de Lynn la sorcière dont on connait l’histoire part les Chroniques d’Oakwood mais qui est rappelée ici : à l’âge de dix ans, une sorcière qu’on brûlait lui a transmis ses pouvoirs, gravant un pentacle dans sa chair et la vouant à Satan. Lynn n’est pourtant pas maléfique au sens premier du terme puisqu’elle aide les Maudits à se libérer des chaînes du religieux. On croise évidemment un démon (sur lequel je ne dis pas grand chose histoire de ne pas divulgâcher), des villageois superstitieux, un maire dépassé, un palefrenier fatigué, un intellectuel qui lutte contre l’obscurantisme avec des méthodes peu orthodoxes, des fantômes… Bref, la galerie de protagonistes est variée et mise en scène avec crédibilité ce qui implique que certains sont très pénibles à suivre. Notamment le père Irwin, pour ne pas le citer. Je crois que je n’ai plus autant détesté un personnage depuis Ombrage.

Enfin, Marianne Stern développe des thématiques qu’on retrouve dans la définition même du genre gothique : sorcellerie, satanisme, pacte démoniaque, fantômes du passé qui se manifestent dans le présent (notamment via John et Nelson) bref comme je l’ai dit, Bénies soient vos entrailles colle à ce qu’on attend d’un roman fantastico-gothique. Il ravira sans problèmes ceux qui en aiment les codes et recherchent ce type de littérature. Aucun risque d’être déçu de ce côté-là.

Mais peut-être un peu trop classiques ?
Malheureusement, la sauce n’a pas bien pris avec moi car je m’attendais à davantage de surprises au sein de l’intrigue et des personnages. J’ai souvent été déçue par leurs choix et leurs actions, surtout en ce qui concerne Lynn. Je pense que ce roman est parfait pour un lecteur curieux de s’initier à ce genre littéraire mais qu’il conviendra un peu moins à ceux avec un peu de bouteille dans cette littérature. J’ai également été interpellée par le fait que le style littéraire de la quatrième de couverture ne correspondait pas à celui du roman puisque ce texte n’est pas du tout rédigé à la première personne du point de vue de la sorcière mais bien dans une narration qui alterne les personnages, certains plus agréables que d’autres à suivre. Ce qui est dommage car j’appréciais tout particulièrement cette mise en bouche !

La conclusion de l’ombre :
Bénies soient vos entrailles est un roman fantastico-gothique qui rend hommage au genre et permet aux éditions du Chat Noir de retourner à ses racines au sein de la collection Griffe Sombre. Marianne Stern (re)met en scène le village d’Oakwood et sa Demoiselle dans une intrigue qui fleure bon la sorcellerie et le satanisme, signant ainsi une belle porte d’entrée dans ce type de littérature.

D’autres avis : pas encore, le roman vient de sortir !

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Nixi Turner contre les croquemitaines #5 le roi des Aulnes – Fabien Clavel

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Le Roi des Aulnes
est le cinquième (et dernier) tome de la saga jeunesse Nixi Turner contre les croquemitaines écrite par Fabien Clavel et magnifiquement illustrée par Mina M. Publié par les éditions du Chat Noir, vous trouverez ce roman au format papier uniquement au prix de 10 euros.

Souvenez-vous, je vous ai déjà évoqué les quatre tomes précédents : Baba Yaga (1) – La Goule (2) – le Père Fouettard (3) – Le Marchand de Sable (4). Je ne vais donc pas revenir sur le concept en lui-même – déjà exposé à plusieurs reprises – ni sur le contenu des tomes précédents.

De quoi ça parle ?
Ses camarades de classe la pensent folle, pourtant Jennifer ne l’est pas : elle subit l’influence d’un croquemitaine en la personne du Roi des Aulnes, dernier ennemi encore debout de Nixi. Cette dernière, blessée dans son affrontement contre le Marchand de Sable, va devoir faire face avec ses amis à ses côtés…

Un thème fort : la maltraitance…
Pour ce dernier opus au ton globalement plus sombre que les précédents, Fabien Clavel choisit d’évoquer la maltraitance parentale subie par Jennifer dont le père alcoolique frappe à la moindre contrariété. Du moins je l’ai compris comme ça. Le flou perdure quant à la part d’influence du croquemitaine là-dedans puisque la jeune fille finit par choisir de vivre chez sa mère à la fin du roman alors que j’ai eu l’impression que tout venait du croquemitaine à l’origine – même si j’admets qu’on n’a pas été confronté au père de l’année. C’est un peu flou, ce que je trouve dommage surtout avec un thème aussi important que celui-là parce qu’il passe, selon moi, à côté de son intérêt premier à savoir personnifier un mal auquel les jeunes peuvent être confrontés et donner une solution pour y remédier. À nouveau, comme pour les tomes précédents, il m’a manqué une petite liste de numéros ou d’associations à contacter pour les plus jeunes qui subissent ce genre de choses, comme cela a pu être fait dans d’autres romans de ce type.

… qui s’efface devant l’action.
Si ce thème a le mérite d’exister, d’ouvrir une discussion dans un cadre pédagogique ou parental, il disparait pourtant devant l’action, ce qui m’a rappelé un épisode final d’une saison de Buffy. Tous les évènements s’enchaînent avec trop de rapidité, des solutions sortent de nulle part… J’ai ressenti une forme de frustration induite par la facilité avec laquelle tout se résout, tout trouve une explication au détour d’un dialogue sans qu’un indice (ou alors je ne l’ai pas relevé, c’est possible aussi) ne soit donné auparavant pour atténuer ce sentiment. C’est dommage. D’autant que ce dernier ennemi est supposé être plus puissant que les autres mais on ne le ressent pas du tout ainsi.

On ne peut toutefois pas nier que ça bouge : on ne s’ennuie pas, les pages passent sans qu’on s’en rende compte et le public cible se laissera séduire sans soucis, je pense. Moi, par contre, j’ai un peu de mal à y voir autre chose qu’un divertissement empreint de nostalgie puisque ça me rappelle vraiment mes visionnages de ces vieilles séries fantastiques à la Buffy, avec les défauts inhérents.

Je n’ai pas grand chose à dire de plus au sujet de cette saga puisque j’ai chroniqué chaque tome de manière indépendante (pour rappel, les liens sont au-dessus). Je me propose donc de vous offrir un résumé rapide des points positifs et négatifs afin que vous puissiez décider si elle vous tente ou non.

Nixi Turner contre les croquemitaines, en bref :
– Une jeune fille mystérieuse débarque dans un Collège pour aider les élèves tourmentés par des Croquemitaines. Chaque tome correspond à un monstre qui incarne lui-même un mal lié à la jeunesse / adolescence : harcèlement, anorexie, maladie, maltraitance, abandon…
– Une saga très « jeunesse » dans sa structure au sens où elle manque de subtilité à mon goût et ne prend pas suffisamment son temps pour poser les différents éléments (pourtant prometteurs) qui la composent. Je n’aime pas trop utiliser ce qualificatif de jeunesse ici parce que j’ai lu d’autres romans dit jeunesses qui n’ont pas ce défaut toutefois c’est quand même un souci qui revient régulièrement à mon goût. Elle reste accessible et attirante pour son public cible, moins pour des personnes dotées d’un certain bagage littéraire sauf si vous ressentez une forte nostalgie des années Buffy (mais à ce tarif-là, tournez-vous plutôt vers Elvira Time de Mathieu Guibé).
– À recommander aux parents de collégiens ou à des professeurs de français car elle contient des pistes didactiques intéressantes à un prix tout à fait abordable, surtout compte tenu des belles illustrations à l’intérieur. Le rapport qualité / prix est clairement à l’avantage du lecteur.

D’autres avis : vous ?

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BML #25 – juillet 2020

Bonjour à tous !
J’espère que votre été débute bien, qu’il ne fait pas trop chaud par chez vous (je touche du bois, pour le moment en Belgique c’est assez agréable sauf aujourd’hui où on a droit à 35° maiiiiis bon.) et que vous avez connu de belles découvertes littéraires. De mon côté ça a été un mois à nouveau un peu compliqué où l’excellence côtoie les déceptions et les abandons. Il est temps de faire le point…

Côté roman :

Les neiges de l’éternel – Claire Krust (ActuSF)
Les brumes de Cendrelune #1 – Georgia Caldera (J’ai Lu pour elle)
Le secret du colibri – Jaye Robin Brown (Chat Noir)
Bläckbold – Émilie Ansciaux (Livr’S)
L’homme qui peignit le dragon Griaule – Lucius Shepard (Le Bélial)
La survie de Molly Southbourne – Tade Thompson (Le Bélial)
Les Damnés de Dana #3 Les larmes de Dana – Ambre Dubois (Chat Noir)
Nouvelles Ères (partie 1partie 2) – anthologie (Livr’S)
La ville sans vent – Eléonore Devillepoix (Hachette, lecture en cours)

J’ai lu sept romans, une nouvelle solitaire et une anthologie, ce qui n’est pas trop mal même s’il y a aussi eu un bon nombre d’abandons. Déjà, Félines que je devais lire pour le PLIB et au sujet duquel je me suis exprimée ici avec une certaine, disons… verve (ça a été l’article le plus lu du mois, à croire que vous aimez quand je m’énerve :D) ensuite le Dragon Griaule dont j’ai abandonné la lecture de l’intégrale vu que je n’accrochais pas au style et enfin Poumon Vert dont j’ai laborieusement lu +-20% avant d’arrêter les frais, impossible de m’immerger dedans alors que les bonnes idées me sautent aux yeux. Mais j’arrive juste pas.

Parmi les romans lus, il n’y a pas eu de véritable coup de coeur ce mois-ci, seulement des bonnes surprises venues du Chat Noir et de l’anthologie Livr’S. Dans l’ensemble, je vais qualifier cette fournée de « sympathique » mais sans plus (notez qu’à l’heure où j’écris ces lignes je suis à la moitié de la Ville sans vent qui est un cran au-dessus de juste « sympa » mais à voir). Heureusement, y’a eu les mangas…

Côté mangas :

Noragami #19, #20 (Pika)
Black Butler #15, #16, #17, #18 (Kana)
Beastars #7, #8, #9, #10, #11 (Kioon)

On reste sur des valeurs sûres ! J’ai rattrapé la publication de Noragami ainsi que de Beastars, les deux sont de gros coups de coeur mais je dois admettre que Beastars un chouilla plus que Noragami bien que les deux soient excellents et ne soient pas comparables. Je cherche toujours une bonne manière de vous parler de ce manga, d’ailleurs. Quant à Black Butler, il s’agit de ma relecture d’une valeur sûre. Je pense continuer en août pour vous présenter un nouvel arc qui se déroule en Allemagne.

J’ai également reçu pour mon anniversaire les deux premiers tomes de NeverenD un manga français auto-édité inspiré d’Alice au pays des merveilles. J’ai lu le premier que j’ai trouvé sympathique, bien dessiné, toutefois ça manquait d’un travail éditorial pour pointer les grosseurs scénaristiques. À voir ce que réserve le second !

Pour un total de 12 tomes.

Côté comics & autre :

Ashe, chef de guerre
League of Legends : realms of Runeterra

Avec mon anniversaire, j’ai reçu le comics manquant à ma collection RIOT à savoir Ashe, chef de guerre que j’ai dévoré. Je cherche toujours un moyen de vous en parler d’une manière intéressante. Quant à Realmsof Runeterra, il s’agit d’un guide de l’univers dans lequel on retrouve plusieurs nouvelles, le tout en anglais ! Je suis toujours en train de l’explorer et j’adore. Il fera aussi l’objet d’un article à part pour les nouvelles (histoire d’avoir un combo Maki et S4F3)

Petit bonheur du mois :
Les petits bonheurs du mois est un rendez-vous initié par le blog Aux Petits Bonheurs qui consiste à mettre en avant les moments positifs de la vie. À nouveau ce mois a été un peu… plat pour plusieurs raisons toutefois avant le durcissement des mesures liées à la reprise du COVID en Belgique, j’ai pu fêter mon anniversaire avec des amies chères (#TeamLivrS !!) à Pairi Daiza et les revoir une semaine plus tard pour un autre anniversaire. Nous avons toujours bien respecté les mesures de distanciation sociale, chaque fois ça se déroulait en extérieur. Je dois avouer que cette petite parenthèse a été très salutaire pour le moral. C’est ce que j’ai envie de retenir de ce mois-ci.

Et voilà, ce bilan se termine déjà. J’espère que le mois d’août sera plus enthousiasmant sur un plan littéraire au moins et de manière générale ! Je vous souhaite le meilleur, profitez de vos vacances (si vous en avez, dans le cas contraire : COURAGE !) ♥

BML #23 – mai 2020

Bonjour à tous !
Ce premier jour de juin sonne l’heure du bilan sur le blog. Mai a été un mois un peu compliqué, assez long et pourtant je n’ai pas lu énormément. On aurait pu penser le contraire avec la réouverture des librairies et la reprise des sorties littéraires… Voyons un peu de quoi il en retourne précisément.

Côté romans :

Trop semblable à l’éclair – Ada Palmer (Le Bélial – ♥)
Nixi Turner contre les croquemitaines #4 – Fabien Clavel (Chat Noir)
Tu es belle Apolline – Marianne Stern (Chat Noir)
Le Prieuré de l’oranger – Samantha Shannon (De Saxus)
Rive Gauche – Pierre Bordage (L’Atalante – SP)
Rouge – Pascaline Nolot (Gulfstream – chronique à venir)

Six romans lus donc ce qui est beaucoup moins que d’habitude ! J’ai pris mon temps et je me suis consacrée à des pavés sans me mettre la pression en profitant justement de lire chez moi pour ne pas avoir à transporter ces romans dans mon sac. J’ai excellemment bien commencé le mois avec une découverte extraordinaire, un énorme coup de cœur : Ada Palmer ! On en reparlera à l’occasion puisque j’ai la suite dans ma PàL et qu’elle n’y restera pas longtemps :3

Côté mangas :

Black Butler #12 -> #14
La malédiction de Loki #4
Noragami #5 -> #11
Otaku Otaku #2 & #3
Reine d’Égypte #7
Twittering bird never fly #6
Chobits #1

J’avais envie de lire du manga d’autant que ma librairie a rouvert, ce qui m’a permis de continuer de très bonnes séries comme Noragami ou Otaku Otaku ! J’ai aussi pu lire Reine d’Égypte en nouveauté et tant mieux parce que ça me manquait o/ Au contraire de Twittering Bird qui m’a laissé un sentiment mitigé puisque je ne me rappelais de rien ou presque vu le laps de temps entre les sorties et l’absence de résumé au début du tome. Dommage… Je ne suis pas certaine de poursuivre du coup. Quant à Chobits, je connaissais l’animé et je suis ravie de me lancer dans le manga version papier qui apporte une toute autre ambiance. On reparlera de ce titre dans le prochain « à l’ombre du Japon ». Je pense aussi consacrer un article à Noragami de manière plus large pour expliquer ce qui me plait dans ce manga.
Cela me fait un total de 16 tomes lus.

Petit bonheur du mois :
Les petits bonheurs du mois est un rendez-vous initié par le blog Aux Petits Bonheurs qui consiste à mettre en avant les moments positifs de la vie. Outre le 3e anniversaire du blog j’ai surtout envie de retenir la réouverture de Kazabulles. Je me suis rendue compte durant le confinement à quel point me rendre jusqu’à ma librairie préférée me manquait. Mes libraires sont devenus des amis au fil du temps et ne plus pouvoir me poser au comptoir pendant une heure pour discuter de tout et de rien m’a pesé. Je suis contente que ce soit (pour le moment) derrière nous ! Je m’y suis déjà rendue à deux reprises et je me tempère en m’imposant maximum une fois par semaine, histoire de ne pas encombrer inutilement ni les rues ni la librairie.

Et voilà le bilan est déjà terminé 🙂
Et vous, ça raconte quoi?

Tu es belle Apolline – Marianne Stern

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Tu es belle Apolline
est un one-shot young adult de littérature blanche écrit par l’autrice française Marianne Stern. Publié aux éditions du Chat Noir dans la collection Chat Blanc, vous pouvez commander ce titre directement sur leur site Internet. Il s’agit d’une des nouveautés qui a souffert de la crise COVID-19 donc n’hésitez vraiment pas à tenter l’aventure.

De quoi ça parle?
Aux yeux de la société, Apolline a tout pour être heureuse : une mère riche et mannequin, une belle maison, peu de pression parentale… Pourtant, elle souffre. Elle mène une guerre contre la nourriture, obsédée par son poids, laissée seule face à ses démons par une mère carriériste qui refuse de divulguer l’identité de son père. Un père qui manque à Apolline…

Apolline, une protagoniste hors normes.
J’ai souvent tendance à associer la littérature young-adult à des héroïnes féminines (dans tous les sens du terme), qui prennent soin d’elle, qui sont obsédées par un garçon, relativement bonnes élèves, sérieuses, respectueuses, bref qui rentrent dans les clous de ce que la majorité des gens imaginent quand ils pensent « adolescente propre sur elle ». J’ai conscience de faire ici une généralité toutefois on ne peut nier qu’Apolline n’a rien d’une protagoniste comme les autres.

Apolline est métaleuse et germanophile. Elle fume des joints, elle boit aussi et se mutile pour exorciser son malêtre. Pour ne rien arranger, elle est anorexique mais refuse de le reconnaître. Par certains côtés, je me suis revue au même âge : différente, jugée, avec des interactions sociales difficiles. Du coup, je n’ai eu aucun mal à non seulement m’attacher à elle mais également à la trouver crédible. Toutefois, j’ai lu à plusieurs reprises que ce n’était  pas évident pour tout le monde donc vous êtes prévenus.

Le roman est écrit à la première personne donc le lecteur vit l’histoire uniquement du point de vue d’Apolline. Le texte se veut psychologique, immersif. Nous vous attendez pas à des rebondissements dans tous les sens ou des évènements spectaculaires. Marianne Stern raconte la vie d’une adolescente presque comme les autres, décrivant avec maestria ses intenses tourments.

Apolline et l’anorexie.
L’anorexie est une grande thématique du roman. Apolline a grandi sous le même toit qu’une mère mannequin qui fait attention à son poids. Mutti ne lui a jamais adressé le moindre reproche ou fait peser une pression quelconque sur elle. Néanmoins, Apolline côtoie son style de vie, son style de beauté, c’est la norme pour elle de manger du céleri et boire du thé vert. Elle pèse quarante-quatre kilos à peine pour plus d’un mètre septante, on voit d’ailleurs ses os. Elle ne peut pas avaler une part de pizza sans ressentir un dégoût profond si bien décrit par l’autrice que mon propre estomac se rebellait à la lecture. L’ironie veut que je mangeais justement de la pizza le soir-même…

Le mot anorexie arrive tard dans le roman puisque Apolline vit dans le dénis. On évolue avec elle petit à petit vers l’acceptation de son état et un désir d’aller mieux, mêlé à une crainte : celle de finir à l’hôpital, endroit diabolisé par sa grand-mère qui le lui a d’abord présenté comme une menace pour l’obliger à manger. Fausse bonne idée… J’ai beaucoup apprécié le traitement de ce thème par l’autrice. Le choix de la subtilité permet au propos de gagner en force. Le concept fonctionne très bien.

Le culte des apparences.
Avec une mère mannequin, forcément, on ne peut pas passer à côté des préoccupations liées à l’apparence. Toutefois, l’autrice traite ce thème dans un sens plus large puisqu’elle met en scène la pression sociale du lycée. Apolline pose un œil critique sur ses camarades qu’elle trouve souvent grosses, hideuses. Cette fixette sur le gras n’est pas sans rappeler cette tendance de nos sociétés occidentales à mettre en avant la taille de guêpe et à donner dans le body shaming. D’ailleurs, Apolline va en être la victime elle aussi non seulement à cause de sa maladie mais aussi avec l’histoire des photos. Une situation vécue malheureusement par beaucoup d’adolescentes de nos jours, qui permettra de rappeler les protections les plus élémentaires.

La famille et le besoin d’attention.
Apolline a été élevée par une femme qui pensait d’abord à sa carrière. Un choix narratif intéressant parce que, pour une fois, je n’ai pas ressenti de critique contre celle qui a choisi son métier en essayant de se débrouiller avec son enfant. Mutti commet des erreurs, comme tout le monde. Elle est humaine, tout simplement. Apolline lui reproche par moment son comportement puis se rend compte elle-même que ce n’est pas forcément juste de sa part. J’ai trouvé le roman très moderne à ce sujet et décomplexant vis à vis des femmes actives. L’autrice s’engage ainsi, à sa façon, sur une question sociale forte en faisant à nouveau le choix de la subtilité.

L’absence du père créé un profond malaise chez Apolline. Elle a envie de le connaître mais sa mère refuse de lui donner des détails à son sujet. Comme elle a été escort-girl et qu’elle est tombée enceinte jeune, on imagine pendant un temps qu’il s’agit d’un accident avec un client. On se demande aussi, au fond, pourquoi conserver cet enfant? Une question matérialisée dans le roman par Carabosse, alias la grand-mère d’Apolline qui personnifie une société rétrograde, scrutatrice, étouffante.

Ces thématiques ne s’abordent pas à la légère et Marianne Stern l’a bien compris. Selon moi, l’autrice trouve un bel équilibre en proposant ainsi un roman très humain qui fonctionne bien.

Deutschland mein hertz in flammen will dich lieben und verdammen*
(Deutschland – Rammstein)
Tu es belle Apolline est, comme je l’ai déjà dit plus haut, un roman clairement germanophile. Apolline est fascinée par l’Allemagne, sa langue, son histoire, sa musique. Si la thématique ne vous intéresse pas ou que vous détestez ce qui vient de là-bas, vous risquez de vous heurter à un mur. Notre protagoniste écoute Rammstein, adore Till Lindemann (mais pas que), se donne la peine de s’investir uniquement au cours d’allemand et voue une admiration profonde à sa prof, mademoiselle Tallberg. Plusieurs phrases dans cette langue apparaissent dans le texte sans être traduite, toutefois on comprend leur signification approximative avec un peu de contexte. Je sais que ça a dérangé certains lecteurs mais ça n’a pas été mon cas puisque ça a participé à mon immersion dans ce roman. Je ne suis pas aussi accro à cette culture que l’autrice toutefois ça ne m’a pas empêchée de me régaler face à ces références ni de ressentir la passion de Marianne Stern pour ce sujet précis.

Tu es belle Apolline et That’s a long way to hell : des points communs ?
À ce stade, je ne peux m’empêcher d’effectuer un parallèle entre ce roman et That’s a long way to hell car on y retrouve des thèmes et des motifs semblables alors même que les histoires sont profondément différentes. Par exemple, l’idée de la mère seule et indépendante qui élève un enfant sans présence d’un père tout en refusant d’assouvir la curiosité de l’enfant quand il ou elle pose des questions. On retrouve aussi une germanophilie semblable. Si le roman se déroule en France et pas à Néo-Berlin, il est imprégné d’Allemagne à de nombreux niveaux. Enfin, on a deux personnages qui aiment la musique metal plus ou moins trash et qui sont auto-destructeurs. Apolline dans une moindre mesure que Hans… Quoi que ? Bref, quand on lit les deux romans, les similitudes sautent aux yeux pourtant ils n’ont pas grand chose en commun. Étrange paradoxe.

La conclusion de l’ombre :
Tu es belle Apolline est un roman young-adult de littérature blanche intéressant à découvrir pour son héroïne hors du commun et ses thématiques fortes. Marianne Stern aborde des sujets sociaux importants comme l’anorexie, le body-shaming, les difficultés familiales avec subtilité et maîtrise, ce qui rend le texte encore plus intense. Une fois commencé, impossible de lâcher ce roman que je recommande très chaudement même si vous n’êtes pas familier du genre. Il vaut le coup qu’on passe outre nos habitudes !

Les Damnés de Dana #1 la dame sombre – Ambre Dubois

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La dame sombre
est le premier tome de la trilogie les Damnés de Dana écrite par l’autrice française Ambre Dubois. Édité aux Éditions du Chat Noir, ce premier tome n’est disponible qu’en numérique car il s’agit d’un des plus anciens titres de la maison d’édition. Vous le trouverez jusqu’au 3 mai au prix de 1.99 euros. Hors promotion, il est à 5.99.

De quoi ça parle?
Mévéa se réveille amnésique, en pleine nuit, dans la forêt. Elle prend peur en voyant un homme encapuchonné face à elle et s’enfuit. Elle est sauvée par des membres de la tribu de l’aigle dont elle ignore tout. Qui est-elle? Pourquoi ressemble-t-elle à une Sidhe ? Ces questions vont passer au second plan face à la menace de l’envahisseur romain.

Une œuvre à replacer dans son contexte et dans son genre littéraire.
Ce roman a été édité en avril 2012 -soit il y a huit ans- et a été l’un des premiers proposés par l’éditeur encore débutant à l’époque. Sur le laps de temps qui sépare son arrivée dans le catalogue du Chat Noir de ma lecture, le paysage éditorial a beaucoup évolué concernant le genre bit-lit qui était alors à son apogée. Il est certain que les Damnés de Dana s’inscrit dans cette mouvance par son exploitation érotisée du vampire et par sa simple présence, en réalité, en plus de quelques autres codes. Ne fuyez pas, le roman réussit tout de même à s’en démarquer à plusieurs niveaux.

Dans les aspects négatifs que La dame sombre a emprunté à la bit-lit, on a la galerie de beaux gosses qui collent tous à un archétype précis et semblent entretenir un désir pour l’héroïne : le vampire mystérieux super dark, le celte courageux puceau au grand cœur, le blagueur taquin qui frôle le harcèlement sexuel, l’ennemi romain qui a quand même bien la classe dans son uniforme… Je grossis un peu le train à dessein. Cette héroïne, bien entendu, elle est belle. Plus belle que toutes les autres femmes et elle n’en a pas trop conscience. D’ailleurs, elle s’en tape, ce qui l’intéresse, c’est retrouver la mémoire et éviter que les romains envahissent les terres pictes. Ce qui ne l’empêche pas de se mettre en couple avec l’un de ses prétendants ou d’avoir envie -sans l’assumer totalement- de se faire croquer par le vampire.

Ça, ce sont les points agaçants liés à la bit-lit. Quand je dis agaçant, comprenons-nous : moi, ça m’énerve en tant que lectrice mais d’une, ça n’a pas toujours été le cas (je me sens vieille, sérieux) et de deux, les aficionados s’y retrouveront dans problème car Ambre Dubois respecte les codes de son genre. Si on aime lire ce type de roman alors tout va bien dans le meilleur des mondes et on est même face à un premier tome de qualité.

Pourquoi est-ce que je vous précise tout ça ? Et à ce stade, vous vous demandez même sûrement pourquoi j’ai chroniqué ce roman. Et bien parce qu’Ambre Dubois propose une héroïne qui change des gourdasses qu’on croise en bit-lit. Mais si, vous savez… Celles qui ne pensent qu’avec leurs hormones et qui oublient un peu qu’elles doivent sauver le monde parce que tu comprends, machin est trop beau et truc aussi, puis y’a bazar là mais il est si méchant… mais si canon… Alors que faire ? De plus, les hommes qui gravitent autour d’elle ne cherchent pas tous à la mettre dans son lit (wouhou !) et ceux qui essaient n’y arrivent pas, à l’exception de celui sur qui elle a craqué. Il y a donc une logique dans la construction de ce personnage féminin qui la rend très crédible. Ambre Dubois respecte les codes, oui, mais elle n’y cède pas la crédibilité de son histoire ou de son intrigue aux affaires de fesses dont on n’a pas grand chose à faire. Et ça, c’est cool.

Je dois également avouer que j’ai passé un agréablement moment de lecture bien que j’ai roulé des yeux une fois ou deux. La dame sombre est un premier tome divertissant qui remplit bien son rôle en cette période de confinement. Je l’ai déjà dit mais parfois, un roman n’a pas besoin de nous bouleverser ou de changer radicalement notre perception du monde pour être agréable à découvrir. J’ai ressenti une certaine nostalgie de ma phase « bit lit » à sa lecture, sans les inconvénients qui s’y joignent en règle générale. Pour ça, je tire mon chapeau à Ambre Dubois et je lui dit merci parce que c’est le genre de lecture dont j’ai besoin en ce moment.

Mévéa l’amnésique…
En règle générale, je déteste le ressort narratif de l’amnésie. Je trouve ce choix plutôt pauvre et à mon sens, les auteurs qui l’utilisent cèdent à la facilité pour présenter leur univers. Bon j’sais pas comment faire pour tout expliquer bien alors l’héroïne, elle se souviendra de rien, comme ça, c’est réglé et on découvrira touuuut dans ses interactions avec les gens. Cela peut paraître dur comme remarque mais je précise que c’est vraiment fondé sur un ressenti personnel récurrent. Du coup, ça partait mal… Mais dans le cas de Mévéa, cela se justifie plutôt bien et tout ne tourne pas autour de ce point. Comme la narration est à la première personne, en plus, c’était pas gagné.

On rencontre l’héroïne au moment où elle reprend conscience non loin d’un site magique (et pas après un pique-nique #kaamelott). Le premier chapitre raconte sa fuite en forêt et se révèle plutôt immersif. Quand Mévéa reprend conscience, elle est dans un village et a été soigné par leur druide. Immédiatement, elle se pose les bonnes questions et respecte une logique dans ses priorités. Elle a un caractère assez pragmatique, elle ne cède pas à ses émotions et en a dans la tête. Ce n’est pas une demoiselle en détresse même si on peut le craindre par moment, sans pour autant être une mary-sue. Je trouve que l’autrice a vraiment trouvé un équilibre intéressant. Les pouvoirs qui se révèlent chez elle tiennent davantage du handicap qu’autre chose et font que son entourage la prend pour une envoyée des Anciens, si pas une Sidhe elle-même ou une banshee, ce dont elle se défend avec virulence pour insister sur sa normalité. On sent, bien entendu, que les ressorts « prophétie » et « élue » ne sont pas très loin… Mais on ignore encore à ce stade si l’autrice l’exploitera correctement ou non. Suspens donc, je lui laisse volontiers le bénéfice du doute.

Ses interactions ne tournent pas non plus uniquement autour de ses liens amoureux. En réalité, c’est même assez secondaire face à tous les évènements de ce premier volume. L’autrice prend le temps de proposer des personnages secondaires qui certes sont des archétypes pour la plupart mais gardent un aspect sympathique. Outre cette héroïne appréciable, j’ai trouvé intéressant le jeune Prasus aux origines tragiques (j’espère qu’il prendra davantage de place dans les tomes suivants et qu’on en apprendra plus sur son géniteur !) mais également Lennia, une femme guerrière au caractère bien trempé. Je mentirais si je disais que je ne suis pas également intriguée par le vampire Morcant dont les réactions surprennent toujours malgré son aspect très stéréotypé et érotisé. Je reste une ado au fond de mon cœur.

Malheureusement, je regrette quand même l’incarnation du protagoniste de ce tome, le fameux traitre celte, dont les motivations manquent de crédibilité. Je n’ai pas pu m’empêcher, une fois la surprise passée, de me dire : tout ça pour ça? Je vais éviter de parler de la scène où il expose les origines de sa traitrise en discutant tranquillement avec l’héroïne et son pote qui sont en plein milieu d’un camp romain pour libérer quelqu’un… Dommage pour ces maladresses. Mais allez, y’a quand même pas mal d’éléments qui rattrapent ces facilités. Si si, j’vous jure.

Un univers celtique maîtrisé saupoudré de vampirisme.
Dans ce premier tome, Ambre Dubois place son intrigue durant l’Antiquité, avant la chute du mur d’Hadrien. On a d’un côté l’armée romaine qui désire conquérir la totalité de Britannia et imposer la religion du Dieu Unique. De l’autre, on retrouve les peuples pictes, divisés en tribus, qui résistent tant bien que mal à l’envahisseur (sans potion magique en plus). Mais on a également un troisième camp, celui des vampires et des créatures de l’ancien monde. Les vampires ont longtemps été en guerre contre les pictes, jusqu’à ce qu’ils passent un pacte pour tenter de cohabiter au mieux. Si ça roule avec certaines tribus, c’est beaucoup plus difficile à vivre pour d’autres et cet élément prendra une place importante dans les ressorts de l’intrigue.

Les vampires descendent des Tuatha De Danaàn qui ont été chassés de leur dimension d’origine, l’autrice vous explique tout ça très bien sans que ça ne tombe comme un cheveu dans la soupe. Arrivés sur la terre des hommes, les bannis se sont rendus compte de leur stérilité après avoir bu une potion d’immortalité et c’est un peu par accident que le premier vampire est créé. Ils sont donc les représentants d’un monde condamné, d’un monde qui vivait avant les hommes et dont l’existence contamine cette race. Les vampires ont besoin des humains pour survivre, non seulement en buvant leur sang mais également en tant qu’espèce bien que l’autrice ne développe pas trop la manière dont un humain devient vampire dans ce premier tome.

Fidèle aux habitudes de l’époque (je sais on a l’impression que je parle d’un roman écrit il y a des siècles ->) l’autrice propose des vampires très érotisés et cruels (enfin ils en ont l’air mais peut-être qu’ils ont un grand cœur derrière leur apparence de vilains ?), obsédés par le sang et le corps. On trouvera dans ce premier tome quelques scènes plutôt chaudes mais pas dénuées d’intérêt. Je n’ai pas eu, comme souvent auparavant dans ce type de roman, l’impression que l’autrice donnait dans le fan-service ou dans le remplissage avec une jolie paire de fesses / seins / choisissez votre partie du corps préférée. Hormis une fois ou l’autre avec Galen, ces interactions se justifient et ont un intérêt dans l’intrigue. Dans ces cas-là, je n’ai aucun problème à la présence de ce type de scènes, surtout quand elles sont bien écrites.

Ambre Dubois pose les jalons d’une mythologie celtique qu’elle s’approprie d’une manière intéressante et prometteuse. Plusieurs divinités sont citées, plusieurs créatures également. Je trouve ce fond riche et motivant. Son univers est vraiment le point qui m’a le plus enthousiasmée dans son roman et donné envie d’aller plus loin. Mais pas que…

Senatus populusque romanus, conquête et domination.
Le thème central des Damnés de Dana est bien entendu celui de la conquête romaine et la manière d’y résister pour le peuple picte. Dans ce premier volume, les enjeux restent relativement locaux. Mévéa et Galen apprennent qu’un chef de clan s’est allié aux romains, qu’il y a un traitre chez les celtes, que le Père des druides est menacé, que les romains cherchent un fabuleux trésor qui financerait leur armée pour les mettre à genoux… Si ça ne va pas (encore) au-delà, le lecteur assiste à plusieurs exactions commises par l’envahisseur. D’une part grâce aux visions du passé de Mévéa mais aussi grâce aux évènements qu’elle et Galen vont vivre. Fait appréciable, l’autrice ne tombe pas dans le gore gratuit. Elle évoque les horreurs subies avec subtilité et réussit à toucher son lecteur.

On sent donc que cette trilogie va surtout traiter d’un choc des civilisations : les humaines mais également les magiques. Ce sera l’histoire d’une guerre, d’une lutte pour ses croyances et la sauvegarde de sa culture. Ce sont des thématiques qui m’intéressent énormément et ça me donne envie de continuer ma découverte de cette saga. J’ai envie de voir comment Ambre Dubois va les développer. Selon Cécile Guillot, l’éditrice du Chat Noir, cette trilogie gagne en puissance au fil des tomes. Ça met l’eau à la bouche ! J’ai donc acheté la suite en numérique. À ce prix-là, de toute façon, je n’y perds pas grand chose.

La conclusion de l’ombre :
Le premier tome des Damnés de Dana –intitulé la dame sombre- est un roman historico-fantastique prenant place à l’époque de la conquête romaine au nord du mur d’Hadrien, contre les pictes. L’univers créé par Ambre Dubois est prometteur et exploite d’une manière intéressante la mythologie celtique que l’autrice se réapproprie en y incluant le mythe du vampire. Si ce roman s’inscrit clairement dans la « bit lit » au sens large en reprenant certains codes, l’autrice se démarque avec une héroïne intéressante et des thématiques qui me parlent beaucoup comme la sauvegarde culturelle et la lutte pour la liberté d’exister comme on l’entend. Rythmé et plutôt bien écrit, La dame sombre est une lecture détente parfaite en cette période de confinement, un bon divertissement dont on redemande !

Montres Enchantées (anthologie, deuxième partie)

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Montres Enchantées
est une anthologie de nouvelles issues du genre steampunk et ayant pour thème le temps. Publié aux Éditions du Chat Noir, vous pourrez la trouver uniquement au format papier au prix de 19.9 euros.
Lecture dans le cadre du Projet Maki !

De quoi ça parle ?
L’anthologie a pour thématique le temps qui passe et ses effets sur les gens. Clairement inscrite dans l’esthétique du steampunk, elle propose de découvrir 17 nouvelles d’auteurs et autrices francophones.
Par facilité et afin de ne pas proposer un article trop long, j’ai divisé la lecture de cette anthologie en deux parties. Vous pouvez retrouver la première au bout de ce lien. Cette chronique s’intéressera aux neuf titres restants.

06/4 : When time drives you insane – Lucie G. Matteoldi
Jackson cauchemarde depuis trois mois, date qui coïncide avec son retour de l’étranger d’où il a rapporté une étrange lyre. Daniel, le compagnon de l’archéologue, essaie de l’aider à comprendre ce qui lui arrive avec ses inventions…
Cette nouvelle propose une réécriture gothico-horrifico-steampunk du mythe d’Orphée et Eurydice. La plume de l’autrice s’épanouit toute en poésie à travers ces quelques pages addictives en proposant un final à la hauteur de son texte. J’ai adoré !

07/4 : Derrière les engrenages – Marie Ange
Sylvine est horlogère et reçoit ce jour-là Ambrose, un homme qui a été son amant. Sauf que contrairement à elle, Ambrose n’a pas pris une ride depuis des années… Le jeune homme lui annonce qu’il est l’heure pour elle de se rendre dans la maison bleue car sa remplaçante va arriver. C’est le moment que choisissent les horloges pour se détraquer.
Passée la première surprise de cette annonce abrupte, on découvre petit à petit un monde-horloge d’une grande originalité. Cette nouvelle déborde de mélancolie enfantine et contient assez peu de dialogue. L’autrice préfère poser une ambiance, un concept inventif qui a su me séduire même si je préfère davantage les échanges oraux entre les personnages. Marie Ange réussit très bien ses descriptions et c’est la grande force de ce texte.

07/4 : Pacte mécanique – Esther Brassac ♥
Claytorn met au point un mystérieux mécanisme dont la nouvelle nous raconte l’usage à travers une lettre écrite par lui au sujet d’un drame vieux de 300 ans.
J’ai été ravie de retrouver la plume d’Esther Brassac qui a été ma première autrice steampunk francophone et ma première lecture de la collection Black Steam au Chat Noir. Pour paraphraser son éditeur, Esther est clairement une créatrice d’univers et on découvre ici un pan de celui présent dans La nuit des cœurs froids (que j’ai lu avant d’avoir le blog mais qui est excellentissime). Pourtant, pas besoin d’avoir lu ce roman pour comprendre Pacte mécanique car l’autrice nous donne les quelques clés nécessaires à la compréhension du drame qui se joue dans l’existence de Claytorn. Court mais néanmoins efficace, on retrouve dans ce texte une poésie macabre bienvenue qui fait de cette nouvelle un coup de cœur. Quel final ♥

07/4 : La mécamonstruosité de Mr Helpiquet – Adeline Tosselo
La nouvelle raconte une montée en téléphérique en compagnie de l’agent d’Accueil et de Sureté, Emeric Helpiquet. L’autrice se centre d’abord sur ce personnage original et détestable, misanthrope forcé de côtoyer des gens qu’il méprise, écrivain raté en recherche du succès et de l’inspiration. On découvre la relation de cet homme avec un ver mécacomposteur géant et la façon dont l’anti-héros va l’utiliser pour arriver à ses fins. Je n’en dis pas plus mais… Waw. J’ai été soufflée et surprise à chaque instant. Adeline Tosselo dessine les contours d’un univers d’une grande richesse, surprenant et à l’esthétique très affirmée. Elle propose également à sa nouvelle un final horrible qui m’a fait mal au cœur. Un tour de force !

08/4 : L’agonie des aiguilles – Marine Sivan
Jeanne est historienne et étudie la Grande Peste qui a bouleversée sa civilisation un siècle auparavant. Sur le cadavre d’un Duc remontant à cette époque, elle découvre une montre dont les secrets risquent de réécrire l’Histoire…
Dans une enquête rythmée et addictive, l’autrice offre une réflexion sur la vérité historique et sur les notions d’humanisme. En fait j’aurai adoré que cette histoire soit un roman ! Il y avait largement matière à. Dommage.

08/4 : Da Svidanya Rossiia – Marianne Stern
La Duchesse Anastasia se réveille sur un zeppelin après l’assassinat de sa famille. Elle y retrouve Raspoutine, pourtant mort deux ans auparavant…
En lisant ce texte, j’ai immédiatement établit des connexions avec Smog of Germania, le premier tome de la saga des Mondes Mécaniques. Pourtant, pendant le live de Marianne au Chat Noir il y a quelques jours, j’ai appris que je m’étais complètement plantée ! Mais l’autrice admet qu’inconsciemment, elle tissait peut-être déjà son univers en commençant cette nouvelle. D’ailleurs je trouve que ce texte fait davantage début de roman car on a envie de savoir ce qui arrivera à l’héroïne par la suite. J’ai été un peu frustrée à la fin de ma lecture même si j’ai adoré l’esthétique et les idées mises en place autour du personnage de Raspoutine.

09/4 : Au fil du temps – Claire Stassin
Un homme entre dans une mystérieuse horlogerie et en ressort avec une montre végétale qui semble appeler la nature dans cette ville de métal. L’autrice choisit de prendre le contrepied des autres nouvelles du recueil en mettant en avant une reconquête de la nature sur la technologie et la vapeur typique du steampunk. J’ai trouvé l’idée originale et le message plutôt intéressant. Ça se lit bien avec un style simple mais efficace.

09/4 : Le cimetière des heures perdues – Pascaline Nolot
Logan Lloyd raconte dans une lettre son histoire au seuil de sa mort. C’est son amour des mots qui le pousse à quitter sa famille pour se rendre à Édimbourg. Ce jeune écossais va aller de déconvenue en déconvenue jusqu’à ce qu’un beau matin, le temps ait disparu, provoquant la panique dans la ville. Logan va alors enquêter pour essayer de le retrouver.
Cette nouvelle est une des plus classiques du recueil mais elle reste sympathique à découvrir. Son héros est assez attendrissant, tous les auteurs ou apprentis auteurs / rêveurs se reconnaitront sans peine en lui. Pascaline Nolot nous emmène dans une aventure à travers les époques où Logan va payer pour les erreurs d’un autre et elle fait ça plutôt bien.

09/4 : Malvina Moonlore – Vincent Tassy ♥
Attention, coup de cœur monumental !
Edgar Ravenswood est un riche excentrique à la recherche de Malvina Moolore. Mais qui est-elle exactement…?
À mes yeux, c’est la meilleure nouvelle du recueil. TOUT est une réussite et on n’en attend pas moins d’un auteur comme Vincent Tassy. Déjà, le personnage d’Edgar rayonne avec sa personnalité affirmée, ses manies improbables et sa passion dévorante. J’ai accroché dés les premières lignes. Quand je dis accroché… J’étais carrément fan. Ensuite, l’intrigue se pose et emmène le lecteur de surprises en surprises, de noirceur en noirceur. Quant à ce final… Du grand Vincent Tassy. Mon seul regret c’est qu’il n’en ait pas fait un roman, pour rallonger le plaisir. Y’avait de quoi même si paradoxalement, ce texte est parfait tel qu’il est. Cette nouvelle est un final parfait pour le recueil, un bonbon qu’on garde avec bonheur sur la langue.

La conclusion (définitive) de l’ombre :
Le recueil Montres Enchantées est une totale réussite. Fait assez rare pour être souligné : aucune nouvelle n’est à jeter. Si certaines m’ont moins séduite par leur style ou leur contenu plus classique, j’ai été enchantée (c’est le cas de le dire !) par la majorité de ces écrits qui s’inscrivent dans la mouvance steampunk. Les auteurs sélectionnés rivalisent d’intelligence et d’inventivité. Il est intéressant de voir quel(s) texte(s) sont devenus des romans et lesquels auraient pu en devenir sans que ça ne soit le cas. J’ai adoré l’expérience vécue avec ce recueil et j’en recommande très chaudement la lecture.

Ce qui hante les bois – Dawn Kurtagich

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Ce qui hante les bois
est un one-shot fantastico-horrifique écrit par l’autrice anglais Dawn Kurtagich. Publié au Chat Noir, vous trouverez ce roman au prix de 19.9 euros.
Attention, ce titre ne sortira qu’en avril ! Je vous encourage à soutenir le Chat Noir (comprenez pourquoi en lisant Quand COVID19 menace la littérature) en le précommandant sur leur site Internet dés maintenant 🙂
Je remercie les éditions du Chat Noir pour ce service presse.

Je vous ai déjà évoqué en février cette nouvelle autrice récemment traduite par Cécile Guillot avec son premier roman, The Dead House, qui a été un gros coup de cœur. Sachez que Ce qui hante les bois est largement à la hauteur de son prédécesseur !

Silla et Nori sont maltraitées par leur père, ce qui les pousse à s’enfuir chez leur tante qui vit dans le manoir « La Baume ». Elles y rencontrent Cath, la tante en question, et y découvrent enfin une forme de bonheur, de sérénité. Mais qui est cet homme que seule Nori aperçoit ? Pourquoi les arbres se rapprochent de plus en plus ? Le manoir aux murs rouges cache d’horribles secrets…

Il m’est assez difficile de vous chroniquer cette œuvre dans le détail car cela implique de révéler des éléments clés de l’intrigue. Comme je tiens à ce que mes chroniques ne divulgâchent rien du tout, les éléments potentiellement problématiques seront, comme d’habitude, à surligner pour être lus.

Ce qui hante les bois est un roman intimiste en huit-clos avec La Baume pour seul décor et Silla comme narratrice à la première personne. Elle n’est pas la seule puisqu’on lit également des réflexions de Nori mais aussi des considérations de Cath, leur tante. Dawn Kurtagich a déjà démontré sa maîtrise de ce procédé narratif dans The Dead House et réitère l’exploit dans son second texte. Silla est un personnage ambigu, complexe et perturbant qui sombre petit à petit dans la folie. Cath paraît presque trop adorable pour être honnête. Quant à Nori, sa naïveté d’enfant devient effrayante à mesure que l’intrigue avance et que la tension monte crescendo. Cet état est doublement bien retranscrit. D’une part grâce à l’écriture musicale et extrêmement bien rythmée de l’autrice mais également grâce à la mise en page très soignée des éditions du Chat Noir.

Oui, même le texte joue le jeu ! Les tailles de police diffèrent en fonction de qui parle et dans quelles circonstances. Pour accentuer l’impression de chute, les mots appartenant à ce champ lexical sont eux-aussi représentés en train de tomber, une lettre après l’autre. Quand Silla a une crise, l’autrice n’hésite pas à dédier une page pleine -si pas deux- à ses délires sans queue ni tête. On a même droit à une page totalement noire, ce qui offre une symbolique puissante au moment où elle intervient. J’ai trouvé le Chat Noir très inspiré sur ces idées de mise en page qui apportent vraiment un plus qu’on risque de perdre dans la version numérique (une bonne raison supplémentaire de se le procurer en papier !)

Mais Ce qui hante les bois n’a pas juste un joli emballage sur un texte classique, que nenni. Ce serait mal connaître le nez affuté de Cécile Guillot pour dénicher des pépites. Si mon pitch et le résumé peuvent paraître basiques, dans les faits, Dawn Kurtagich va bien plus loin même si on ne le comprend pas tout de suite. Il faut se laisser emporter avec patience jusqu’au final magistral qui surprend même les plus attentifs. D’autant que certaines clés se devinent mais il reste encore des surprises impossibles à prévoir qui formeront une métaphore d’une rare intensité pour les lecteurs. Je suis même sûre que l’autrice a semé exprès certains indices pour détourner l’attention du reste. Chapeau !

Parce que oui, finalement, Ce qui hante les bois, c’est une métaphore du deuil, de la culpabilité et de la pression qu’on se met soi-même en toutes circonstances au point que ça en devient toxique. C’est aussi une mise en scène du corps dans tout ce qu’il a de plus répugnant, dans les états les plus pitoyables. Quand on sait que l’autrice a été gravement malade et qu’on devait la nourrir toutes les deux heures petit à petit , certaines scènes prennent une dimension toute autre qui glace le sang. On comprend aussi comment elle parvient à décrire si bien la sensation de faim. Si vous le lisez, prenez quelques instants pour graver cela dans vos esprits car ça a, après coup, changé encore plus positivement ma manière de considérer ce roman.

Pour conclure, Ce qui hante les bois est une réussite. Ce roman fantastico-horrifique vous propose de suivre Silla et sa sœur Nori qui se retrouvent piégées à la Baume, un manoir aux murs écarlates. Dawn Kurtagich revient sur des thèmes déjà exploités dans The Dead House et continue de réfléchir sur la folie avec une plume musicale dont le rythme ne peut que vous envouter. Pour ne rien gâcher, la mise en page du roman sert magnifiquement le texte d’une manière inspirée et astucieuse. Je vous recommande très chaudement la découverte de cette nouveauté 2020 qui signe une nouvelle réussite du Chat Noir !

The Dead House – Dawn Kurtagich

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The Dead House
est le premier roman de l’autrice anglaise Dawn Kurtagich. Vous trouverez ce thriller horrifique aux Éditions du Chat Noir dans la collection Cheshire au prix de 19.9 euros.
Je remercie les Éditions du Chat Noir pour ce service presse !

Carly et Kaitlyn sont sœurs et partagent le même corps. Carly existe le jour, elle est l’identité « officielle ». Kaitlyn a eu la nuit et elles communiquent entre elles en se laissant des messages dans un journal. Tout se passe bien dans leur vie malgré cette particularité lorsque survient le décès de leurs parents. Carly va être internée quand on découvre l’existence de son alter ego mais ses progrès pousseront sa psy à la laisser fréquenter le lycée Elmbridge. Jusqu’au drame…

Vingt ans se sont écoulés depuis l’Incident et le récit se présente sous la forme originale d’un rapport d’enquête qui revient sur ces évènements. Ce dernier contient des extraits du journal de Kaitlyn -retrouvé après les faits- mais aussi des rapports de police, des entretiens psychiatriques ou encore des vidéos tournées par une amie de Carly. Sa forme originale a su me séduire alors que je n’étais pas convaincue, à l’origine, par la pertinence d’un tel procédé. Je craignais ne pas ressentir la moindre empathie pour les personnages mais s’il y a bien un élément que l’autrice maîtrise, c’est la psychologie de ses protagonistes !

Quand on lit le journal de Kaitlyn, on ressent presque une gêne de pénétrer ainsi dans son intimité tant elle nous paraît réelle. Dawn Kurtagich joue avec ça puisqu’on va ignorer pendant un moment si tout ceci se passe ou non dans la tête de Carly / Kaitlyn. Les explications psychiatriques fournies par le Dr Lansing paraissent souvent crédibles, autant que les objections opposées par les protagonistes. Même une fois le roman refermé, la dernière page tournée, j’hésite sans savoir quoi croire car tout me paraît si réel et en même temps impossible. La maestria de l’autrice m’a soufflée. Quand je pense qu’il s’agit d’un premier roman ! Je me réjouis de lire ses autres œuvres.

Kaitlyn est le personnage principal de cette histoire et elle souffre. Elle souffre énormément d’être la Fille de Nulle Part. Elle apparaît au coucher du soleil, quand tout le monde dort, et se sent seule, terriblement seule. Carly et elle ont un plan pour l’avenir : à leur majorité, elles déménagent à Londres, une ville qui ne dort jamais afin que son alter ego puisse avoir sa propre vie, elle aussi. Kaitlyn s’accroche à cette possibilité et ça aurait pu fonctionner sans Aka Manach, sans cette fille morte qui apparaît soudainement, sans les cauchemars de la Maison Morte, sans ce qui ressemble à des psychoses d’un œil extérieur.

Kaitlyn se pense seule mais elle ne l’est pas vraiment. Sa relation la plus profonde, elle l’entretient avec Dee, son journal intime (Dee pour Dear Diary). C’est presque un personnage à part qui semble par moment doué d’une forme de vie. Le mystère plane mais j’ai vraiment apprécié cette idée et la manière dont Kaitlyn se réfugie dans l’écriture. Il y a également Naida, la meilleure amie de Carly, qui est au courant de leur situation et les croit. Naida pratique le Mala, une forme de magie qui paraît inspirée du vaudou et va essayer d’aider Kaitlyn à affronter ce qui la hante. Il y a aussi Scott, le petit ami de Naida, qui se retrouve embarqué dans cette histoire par amour plus qu’autre chose. Brett, qui aime Carly (à sa manière)… Mais surtout Ari et John qui sont deux personnages gravitant autour de Kaitlyn uniquement et chacun d’une grande importance à ses yeux puisqu’ils la fréquentent elle et pas Carly. Ils connaissent la fille de la nuit, lui permettent d’exister, ce qui explique les sentiments très forts que Kaitlyn ressent envers eux (amour pour un, fraternité pour l’autre). En temps normal, ces relations auraient pu m’agacer mais ici j’ai trouvé la construction des personnages subtile et bien dosée, le développement de leur relation crédible dans l’aspect malsain et dépendant. Ils me paraissaient tellement réels que je tournais les pages avec une certaine angoisse, comme si j’assistais à tout et que je devais absolument les aider. Dawn Kurtagich est parvenue à m’immerger, à m’intéresser à son récit et ça m’a vraiment séduite. Je me suis impliquée comme ça ne m’était plus arrivée depuis un moment. Je ne me contentais pas de lire, je vivais The Dead House.

À la fin du roman, on trouve un mot de l’autrice qui explique comment elle en est venue à écrire The Dead House et selon moi, ça apporte vraiment un plus. Suite à une maladie, l’autrice dormait le jour et vivait la nuit, ce qui l’a poussée à se demander comment existerait une personne qui ne vivrait que pendant la nuit. Kaitlyn venait de naître. Je vous cite la suite parce que je ne vois pas l’intérêt de paraphraser ce qu’elle explique elle-même clairement : « Comment seraient nos vies si on n’en contrôlait que la moitié? En voudrait-on à l’autre personne, celle qui a le reste ? Communiquerait-on avec elle ou lui ? Si oui, comment ? Que ressentirait-on si l’on n’avait pas le contrôle sur notre propre corps ? Ou pire encore, si l’on ne pensait pas que notre corps nous appartient ? Comment vivrait-on si l’on nous traitait comme un symptôme, comme une maladie? (…) Que se passerait-il si notre moitié disparaissait? Et si quelqu’un nous disait que la raison n’est pas psychologique (syndrome d’intégration comme le soutien la psy) mais spirituelle (magique, démoniaque) ? Que ressentirait-on, si personne ne croyait en notre existence ? »

Après ça, impossible de ne pas confirmer le coup de cœur qu’a été pour moi la découverte de The Dead House et de cette autrice talentueuse. Je me réjouis de la rencontrer lors de la Foire du Livre de Bruxelles et je vous encourage à craquer sur son roman que je n’hésite pas à qualifier d’exceptionnel. Le chat noir a décidément du nez, il cache peut-être des origines canines ? Il se changera peut-être en Sinistros 😉

Pour résumer, The Dead House est un thriller fantastico-horrifique de grande qualité. Premier roman de Dawn Kurtagich, l’autrice joue magnifiquement avec les troubles mentaux de ses héroïnes pour brouiller la frontière entre le réel et l’occulte. Ce texte addictif est aussi remarquable pour sa forme car présenté comme un dossier d’enquête qui contient des témoignages, des extraits vidéos, des entretiens psychiatriques, etc. J’ai eu un coup de cœur pour ce texte et je me réjouis de lire d’autres œuvres de l’autrice. Je n’ai qu’un mot à vous dire : foncez !