Les Chroniques Homérides (trilogie) – Alison Germain

Connaissez-vous les Chroniques Homérides ? Il s’agit d’une trilogie d’urban fantasy inspirée par la mythologie grecque et écrite par l’autrice française Alison Germain. Son nom ne vous dit peut-être rien comme ça mais il est plus probable que vous la connaissiez sous son pseudo de booktubeuse : Lili Bouquine.

Le premier tome de sa série est sorti en octobre 2017 et je me rappelle très bien de son avant première aux Halliennales où elle a du en dédicacer une bonne centaine sur sa journée. Si vous suivez un peu, vous savez qu’Alison est aussi une amie et lui voir une telle réussite m’a vraiment fait plaisir. Surtout que ce premier tome était également son tout premier roman ! Que de pression.

J’avais chroniqué un peu plus dans le détail le tome 1 intitulé le Souffle de Midas ainsi que le suivant, l’Ultime Oracle. Mon achat et ma lecture du troisième volume, la Marque de Cronos, est l’occasion pour moi de vous présenter la série dans son ensemble mais aussi de vous partager une petite réflexion sur la manière dont les auteur·ices peuvent évoluer au fil d’une saga.

Les chroniques Homérides, en quelques mots :
Louise est anglaise et étudiante en lettres. En rentrant chez elle un soir, elle entend une femme hurler dans un parc et décide de lui porter secours. Elle assiste à ses derniers instants et va hériter de son don : celui de transformer ce qu’elle touche en or (le fameux souffle de Midas du titre). Sa vie va alors totalement basculer. Louise va découvrir qu’il existe toute une société de gens appelés Homérides qui possèdent des fragments de pouvoirs divins, cachés en eux par les dieux de l’Olympe au moment où la foi des hommes a commencé à faiblir. Une société qui, évidemment, court un danger.

Un pitch on ne peut plus classique, toutefois on ne rappellera jamais assez que classique ne signifie pas mauvais ou ennuyeux. Il est clair que cette trilogie respecte les codes de l’urban fantasy mais parvient à se démarquer sur deux points. D’une part, son univers et d’autre part, ses personnages. Personnellement, quand je lis de l’urban fantasy, je cherche surtout des protagonistes intéressants à suivre et avec lesquels je vais avoir envie de vivre des aventures, pour lesquels je vais m’inquiéter, trembler, dont je vais me soucier. Je veux m’investir émotionnellement dans ma lecture et c’est ce qui est arrivé ici.

Une exploitation réussie de la mythologie grecque :
Hormis Percy Jackson (uniquement vu en film), je n’ai pas en mémoire de saga littéraire d’urban fantasy récente qui s’inspire de la mythologie grecque. Je dois cependant avouer que je ne suis pas spécialiste du genre et que j’ai pu en louper…. Bref ! On sent que l’autrice aime la Grèce (elle y a voyagé), sa culture et sa mythologie, qu’elle réutilise plutôt habilement pour offrir un univers original qui s’étoffe à mesure de l’avancée des tomes. Pour moi qui ai fait des études dites de culture classique durant mes secondaires (le lycée pour les français), c’était un vrai régal de pouvoir chercher toutes les références, de croiser certaines divinités, de comparer les légendes originelles à ce que l’autrice en a fait… Clairement, la lecture des Chroniques Homérides avait un côté ludique pour moi qui devrait plaire à toutes les personnes qui s’y connaissent un peu en la matière, sans pour autant laisser les autres sur le bord de la route.

Des personnages attachants :
Louise est sans conteste le personnage principal et une jeune femme très agréable à suivre. Je me suis sentie proche d’elle, déjà par ses références culturelles mais aussi par son caractère. Elle sonne vrai et n’a rien d’une super-héroïne qui gère tout, toute seule. Ses émotions sont sa force (quoi qu’en disent certains) et son bon cœur ne la rend pas stupide pour autant ni inconséquente, comme cela arrive souvent. Sauf peut-être au tout début quand elle se dit que c’est une bonne idée d’aller toute seule dans un parc la nuit après avoir entendu une femme hurler en espérant lui porter secours, mais bon. Il fallait bien un déclencheur à l’histoire !

Pour ne rien gâcher, l’autrice ajoute à partir du second tome des chapitres d’autres points de vue, également à la première personne, ce qui permet d’enrichir l’intrigue et de densifier les évènements qui s’enchainent de plus en plus vite -sans pour autant que ça soit trop rapide. Je me suis rapidement attachée aux protagonistes de cette histoire, ce qui est quand même fondamental dans ce type de récit. Au rang des autres personnages principaux, on retrouve Ellie, la dernière Pythie d’Apollon, une jeune fille attachante qui porte un lourd fardeau. Dans le tome 3, c’est Marshall, le frère de Louise, qui partage la narration et devient un personnage central après avoir été handicapé par Néoclès dans le tome précédent. Jeune homme dans la fleur de l’âge, se retrouver aveugle du jour au lendemain est un coup dur pour lui et la manière dont Alison traite ce protagoniste ainsi que ses émotions m’a plu.

Une évolution de style à saluer :
Alison Germain a commencé à écrire cette histoire il y a neuf ans et elle la publiait sur Wattpad. J’ai donc connu Louise à ses débuts et je me réjouissais déjà de l’accompagnement éditorial des éditions du Chat Noir sur le premier tome, comme je l’avais mentionné dans son billet car on sentait déjà une grosse évolution littéraire. Il restait des maladresses, des à-coups, des transitions mal exécutées mais on en trouve généralement dans tous les premiers romans -les miens en tête. Entre 2012 et aujourd’hui, presque dix années se sont écoulées et c’est un laps de temps extrêmement long pour un·e auteur·ice. Personnellement, j’observe déjà des changements radicaux chez moi dans mes goûts et ma façon d’écrire sur six mois alors on aurait pu craindre le pire pour les Chroniques Homérides… Comme, par exemple, que l’autrice s’en lasse et ne parvienne pas à achever sa trilogie ou qu’elle la bâcle pour dire d’y mettre un point final (comment ça tout le monde n’est pas comme moi ? Mais !).

Ce n’est pas le cas, je vous rassure. Si je trouvais le premier tome un peu trop orienté sur la romance naissante avec Angus et la mise en place parfois maladroite, les défauts relevés avaient déjà été gommés dans le suivant qui offrait un développement narratif plus sombre, avec davantage d’enjeux. L’autrice continue sur cette voie avec ce dernier volume qui parvient à se concentrer sur ce qui importe vraiment dans l’histoire, sans laisser d’éventuels hormones tout gâcher et ça, c’est beau ! Parce que cette fin de saga, honnêtement, me satisfait et c’est assez rare pour être soulignée.

Pourquoi je vous parle de tout ça ? Parce que ce changement implique que tout qui se lancera dans la lecture des Chroniques Homérides sentira cette différence de qualité et devra passer par un premier tome porteur des défauts qu’on s’imagine voir dans un premier roman pour découvrir deux suites beaucoup plus enthousiasmantes. J’ai trouvé l’exercice intéressant car il m’a permis de constater de manière claire l’évolution d’une autrice au fil du temps, ce sur quoi on ne s’arrête pas toujours. Ainsi, si vous avez lu le premier volume sans aller plus loin, je vous encourage à jeter un œil à la suite car vous risqueriez d’avoir une bonne surprise.

À qui recommander cette série ?
-Aux personnes qui aiment la mythologie grecque.
-Aux personnes qui aiment l’urban fantasy.
-Aux personnes qui n’ont pas forcément besoin d’une romance omniprésente pour aimer une histoire.
-Aux personnes qui souhaitent découvrir une autrice française prometteuse et soutenir une petite structure éditoriale.

La conclusion de l’ombre :
Je ne pense pas que j’aurais lu cette série si Alison n’avait pas été une amie mais, en toute honnêteté, je ne regrette pas un instant de l’avoir fait car c’est un chouette divertissement qu’on aimerait d’ailleurs voir adapté en série télévisée. Ça aurait de la gueule ! Voilà une belle première aventure éditoriale qui s’achève.

D’autres avis : pas dans mon cercle de blogo mais manifestez-vous si je vous ai loupé.

Informations éditoriales :
Les Chroniques Homérides (3 tomes) par Alison Germain. Éditeur : Le Chat Noir. Couverture : Miesis. Prix à l’unité : 19.90 euros.

Temps mort – Ariel Holzl

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Temps mort
est un roman one-shot d’urban fantasy destiné à un public 13+ écrit par l’auteur français Ariel Holzl. Publié par Slalom, vous trouverez ce texte partout en librairie au prix de 15.95 euros.

De quoi ça parle ?
Léo, dix-sept ans, arrive à Paris après la mort de ses parents pour être pris en charge par son oncle Théobald. L’homme vit claquemuré dans un étrange manoir et semble lié à un univers alternatif, le Périmonde, sorte de négatif de la ville de Paris. Léo s’y retrouve embarqué pour essayer de sauver la seule famille qu’il lui reste.

De l’urban fantasy classique à la sauce Ariel Holzl.
Soyons clairs : Ariel Holzl ne réinvente pas ici le genre de l’urban fantasy. Vous me direz, on ne le lui demande pas et vous avez totalement raison ! Ce que je veux dire par là, c’est qu’on retrouvera des éléments classiques de ce genre littéraire comme un monde alternatif (le Périmonde), des créatures issues du bestiaire des ombres (spectres, vampires, liches, goules), un adolescent précipité dans ce monde où il aura la chance d’avoir quelqu’un pour le guider (c’est pratique ces gens altruistes (ou pas) !), des puissants qui semblent porter une attention injustifiée à cet adolescent susmentionné, bref vous voyez le tableau. Toutefois, Temps Mort possède cette « patte holzlienne » qui lui permet de se distinguer.

Ce que j’entends par là c’est que j’ai retrouvé dans ce roman ce que j’aime chez l’auteur : cette ambiance grand-guignolesque à l’esthétique résolument 19e siècle, cet excentrisme assumé qui me donne presque l’impression de lire un manga, que ce soit par la façon dont les personnages se présentent ou la manière dont ils s’affrontent. Ce n’est certes pas sa production la plus inspirée en terme de création d’univers mais le roman reste plaisant.

Quelques éléments de contexte :
Il existe un Paris alternatif appelé Périmonde, qui est une version en négatif de la capitale française. Une cinquantaine d’individus immortels y (sur)vivent, des individus appelés les ichorides parce qu’ils dévorent l’ichore (l’âme, l’essence) des personnes qui meurent dans le Paris d’En-Haut. Ces ichorides sont répartis en quatre maisons : Léthé pour les liches qui façonnent les os, Cocyte pour les goules qui façonnent la chair, Achéron pour les vampires qui corrompent le sang et enfin Styx pour les spectres liés à l’âme. Chaque maison est dirigée par un dynaste, généralement l’ichoride le plus ancien et / ou le plus puissant. Mourir dans le Périmonde n’est pas très grave car à chaque fin de cycle, le Glas sonne et le Périmonde est en quelque sorte réinitialisé, ce qui permet aux personnes décédées de revenir comme avant, si toutefois personne n’a volé leur précieux ichor. Il existe bien entendu des lois pour empêcher cela mais c’est bien l’une des seules règles de cet univers où la quasi absence de trépas définitif rend les habitants plutôt extrêmes dans leurs interactions sociales (c’est la façon polie de dire que ce sont de grands tarés meurtriers.)

Sur le papier, l’univers est prometteur mais voilà : au contraire des Sœurs Carmines où Ariel Holzl a pu développer de petits détails amusants et évocateurs ainsi que des personnages iconiques sur trois tomes, il signe ici un one-shot où les idées sont présentes, tout comme le potentiel, mais où il n’y a décidément pas assez de pages pour m’empêcher de rester sur ma faim. Car si Léo (sur lequel je vais revenir) est très réussi, tout/es celles et ceux qui gravitent autour sont à peine esquissé/es au point de devenir des éléments de décor alors que, damned, rien que les Dynastes ont un potentiel de malade ! Et je ne dis pas ça parce que j’ai -évidemment- (quoi, t’es surpris/e, really ?) craqué sur le personnage de Monsieur.

Bref, c’est justement parce que les idées me plaisent que je ressors frustrée de ma lecture : j’en voudrais davantage.

Léo, protagoniste principal et narrateur.
Il existe des centaines, peut-être des milliers de roman qui sont racontés par leur protagoniste principal a posteriori, sous forme d’un journal très (trop ?) détaillé où, finalement, ce personnage devient romancier même s’il s’en défend à grands cris. Ariel Holzl fait le même choix ici avec un récit à la première personne, du point de vue de Léo. Là où l’auteur se montre original, c’est qu’il justifie l’existence de ce texte, de ce journal, d’une manière qui me semble assez solide par rapport aux standards habituels.

En effet, Léo souffre de la maladie de Huntington. En quelques mots, il s’agit d’une maladie neurodégénérative qui affecte les fonctions motrices, cognitives et émotionnelles. Ce n’est pas la première fois que je la croise dans la fiction (comment oublier Numéro 13 ?) et l’auteur la représente assez bien ici, avec les conséquences que cela a sur la vie de Léo. C’est d’ailleurs pour cela que l’adolescent écrit de manière détaillée son premier contact avec le Périmonde. Il s’adresse à son lui du futur, sans savoir si un traitement sera entre temps trouvé, s’il va oublier ce qui lui est arrivé ou non. Il écrit « au cas où » il oublierait et devrait se rappeler de tout ce qui concerne ce Paris alternatif, pour différentes raisons que vous découvrirez au fil du roman.

La conclusion de l’ombre :
Temps mort est un récit très holzlien avec tout ce que ce qualificatif comporte de compliments. Une urban fantasy certes classique mais à l’esthétique grand-guignolesque assumée qui la transforme en chouette moment de lecture en compagnie de Léo. Pourtant, je reste sur ma faim car ce texte fourmille d’excellentes idées qui ne sont pas suffisamment exploitées. Je me demande si l’auteur y reviendra un jour ou non. Quoi qu’il en soit, je continuerai à suivre ses publications.

D’autres avis : YuyineZoé prend la plume – vous ?

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#S4F3s7 : 11e lecture

Les Chuchoteurs #1 le prince des oubliés – Estelle Vagner

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Le prince des oubliés
est le premier tome de la nouvelle saga d’urban fantasy de l’autrice française Estelle Vagner, saga intitulée les Chuchoteurs. Publié aux éditions du Chat Noir, vous trouverez ce roman sur leur site au prix de 19.90 euros dans sa version papier.

J’ai déjà eu l’occasion de parler de l’autrice et ce dés les débuts du blog puisque j’ai découvert sa première saga, Kayla Marchal, trois mois après mes débuts sur la blogo. Vous pouvez (re)lire mes chroniques du tome 1du tome 2du tome 3. En quelques mots, Estelle Vagner écrit de l’urban fantasy qui se déroule toujours en France, est divertissante et sans prise de tête, avec une dose d’humour mais aussi une certaine noirceur. Ces ingrédients donnaient un cocktail détonnant et réussi qui explique le très grand succès de sa série (prix Imaginales notamment et du propre aveu de l’éditeur, plus gros succès commercial du Chat Noir).
Un succès mérité.

Elle revient 3 années plus tard presque jour pour jour avec une nouvelle série intitulée les Chuchoteurs. J’avais compris qu’il s’agissait d’une duologie MAIS je vois que le nombre de tomes exact n’est pas renseigné sur le site donc peut-être qu’on aura droit à une trilogie ? Suspens. C’est toutefois sans la moindre crainte que je me suis lancée dans cette lecture car j’étais certaine d’y retrouver tout ce qui m’avait séduite dans sa première série. Et j’avais raison !

De quoi ça parle ?
Jonah et Lucas sont orphelins depuis l’âge de 4 ans et ils en ont 16 le jour où d’étranges pouvoirs liés aux éléments se déclenchent quand ils sont au lycée. Ils découvrent qu’ils sont tous les deux des Chuchoteurs, à l’instar de Martin, leur oncle et tuteur. Ils vont devoir apprendre à maîtriser leur pouvoir très rapidement car leur arrivée dessine une cible sur le front des jumeaux. Un Chasseur en veut aux Chuchoteurs et ils vont devoir se battre pour sauver leur peau.

Un pitch classique, vous vous dites.
Ne tombez pas dans le panneau.

De l’urban fantasy à la sauce… pokémon.
Les Chuchoteurs sont des humains qui parlent (chuchotent plus exactement) aux éléments pour s’en faire obéir. Ils peuvent se lier avec un cryptide, qui est un animal doté de certains pouvoirs et capables de posséder une forme évoluée. Un chien, un lapin, un loup, un serpent, une araignée, on trouve ces bestioles un peu partout et elles s’attaquent d’emblée, de manière un peu aléatoire, à tout Chuchoteur non lié… Nancy devient alors presque aussi dangereuse que les hautes herbes de Kanto, dans lesquelles je me suis perdue des heures sur ma vieille Game Boy Color.

Les Chuchoteurs gagnent de la puissance de différentes façons. Tuer les cryptides en est une, se lier à eux aussi mais ils ne peuvent se lier qu’à un seul animal et n’ont pas le choix de celui-ci. Il faut espérer avoir de la chance… Cela donne une galerie de personnages humains et non humains vraiment délirante puisque les cryptides sont doués de conscience et donc ont des noms, peuvent parler à leur Chuchoteur, faire de l’humour… Le rendu d’ensemble est assez fun et permet de se confronter à des personnalités animalières aussi diverses que déjantées. Mention spéciale à Orion grâce à qui j’ai eu des barres de rire mais je ne vous divulgâcherai pas sa nature pour autant.

J’ai souvent l’impression que l’urban fantasy a du mal à se renouveler mais Estelle Vagner prouve le contraire. Certes, l’intrigue est classique (découverte de pouvoirs chez des adolescents, quête de puissance, ennemi taré et cruel à éliminer) et certains archétypes bien présents chez les personnages. Pourtant, ça fonctionne du tonnerre, transformant ce premier tome en un efficace page-turner.

Des personnages crédibles et attachants.
L’histoire alterne plusieurs parties et points de vue. Le lecteur suit majoritairement Jonah dans une narration à la première personne. Jonah est le jumeau le plus raisonnable, un peu faible de caractère qui refuse de tuer des cryptides pour augmenter son propre pouvoir. C’est un adolescent vraiment sympa, qui possède ses forces et ses faiblesses. Je l’ai trouvé très humain et crédible, davantage plaisant que son frère -du moins à mon goût.

L’autrice rédige parfois un ou deux chapitres du point de vue de Lucas, toujours à la première personne, qui servent à nuancer certains propos tenus et à avoir un autre point de vue. Enfin, elle inclut des pages du journal intime de ce fameux Prince des oubliés (toujours à la première personne) qui permettront, à terme, de comprendre les motivations des antagonistes après s’être fait balader la moitié du bouquin avec une certaine efficacité.

Mais la palme du personnage humain le plus cool revient à Yann, le meilleur ami, qui est pourtant un archétype du meilleur pote geek pas du tout flippé par ce qui arrive alors que quand même, c’est énorme… Estelle Vagner lui a donné une véritable personnalité, une véritable utilité et me l’a rendu très attachant. Il m’a rappelé l’un de mes propres personnages, ça a beaucoup joué.

Par contre, je me dois de préciser que la majorité des personnages principaux de ce roman sont masculins. Cela ne me dérange pas sur un plan personnel car ça n’a rien d’une démarche sexiste (d’autant que dans sa précédente saga, l’héroïne était une femme et quelle femme !), c’est juste que l’histoire est celle de jumeaux, de leur meilleur ami et de leur tuteur mais je sais que c’est un élément qui peut fâcher certain/es lecteur/ices donc je préfère prévenir.

La conclusion de l’ombre :
Au cas où ce n’était pas clair, j’ai été très emballée par ce nouveau roman d’Estelle Vagner qui est un excellent divertissement et me donne envie de lire davantage d’urban fantasy de cette qualité. C’est fun, sombre juste comme il faut, très inventif et bien rythmé. De quoi passer un bon moment de lecture avec ce page-turner efficace !

D’autres avis : pas encore mais cela ne saurait tarder !

printempsimaginaire2017
Dix-neuvième lecture – pas de défi

La sorcellerie est un sport de combat – Lizzie Crowdagger

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La sorcellerie est un sport de combat est un roman d’urban fantasy auto-publié par l’autrice française Lizzie Crowdagger. Je vous invite à visiter son site Internet pour savoir comment vous procurer ses différents ouvrages et même, lire le début du roman.

Avant d’aller plus loin je souhaite mettre en lumière la démarche de l’autrice qui propose certains de ses textes au format numérique en prix libre. Voici les explications qu’elle donne sur son site : « Je pense que la culture ou le divertissement devraient pouvoir être accessible à tout le monde, et d’autant plus lorsqu’il s’agit essentiellement de textes qui parleront à des personnes qui font partie de groupes minorisés et ne roulent pas forcément sur l’or. C’est pourquoi je propose ces textes librement. D’un autre côté, l’écriture est ma source principale de revenus, et il faut bien payer son loyer. Je pense que la notion de prix libre, où vous payez ce que vous voulez ou pouvez en fonction de vos moyens, y compris si ce n’est rien du tout, permet d’articuler ces deux volontés qui peuvent sembler contradictoires (accessibité d’un côté, rémunération de l’autre). »

Sur un plan personnel, je ne dis pas que c’est la solution miracle à tous les problèmes du milieu éditorial mais je trouve que c’est une chouette démarche qui essaie de prendre en compte les visions et les difficultés de chaque lecteur potentiel. Cela vaut la peine de s’y arrêter un instant.

À présent, je vous propose d’entrer dans le vif du sujet, à savoir le roman La sorcellerie est un sport de combat !

De quoi ça parle ?
Razor était une sorcière mais ça, c’était avant. Elle a changé de vie et s’en porte bien, même si elle souffre de paranoïa aigue. Les ennuis commencent quand une fille qu’elle vient de rencontrer se fait non seulement tuer mais revient en plus d’entre les morts en tant que vampire… Pas de bol, toute l’histoire semble liée au passé de Razor qui va devoir une nouvelle fois affronter ce putain de sorcier nazi. Heureusement, Razor est bien entourée par sa bande de copines. Même si elles n’ont pas exactement toutes une expérience probante dans le domaine du surnaturel, elles apportent une dose d’enthousiasme et c’est déjà ça de pris.
Non ?

Les tribulations de lesbiennes hooligans face à un sorcier nazi.
Voici comment Lizzie Crowdagger sous-titre son roman et ça annonce déjà la couleur. La sorcellerie est un sport de combat est donc un texte d’urban fantasy à l’univers classique mais qui se démarque surtout par ses personnages. Déjà, la plupart sont des femmes, lesbiennes, issues de minorité ou non, transexuelles ou non, avec des physiques normaux (donc pas de top modèles ou de beauté fatale à tour de bras), une personnalité affirmée, des passions et des métiers divers allant de garagiste à thésarde en sociologie en passant par programmeuse, bref elles existent, possèdent une personnalité propre ce qui est loin d’être gagné tout le temps. C’est une vraie bouffée d’air autour de la question de la représentation. J’aimerais vraiment lire des romans comme celui-là plus souvent !

C’est, à mon sens, le gros point fort de La sorcellerie est un sport de combat parce qu’en tant que lectrice, je me suis sentie proche de Razor, Betty, Karima, Cassandra, Elvira, Cookie, Crow et même Morgue et Shade. Je me sentais incluse dans le crew, concernée par leurs histoires, les petites de cœur (qui ne prennent pas trop de place donc si comme moi la romance ça ne vous plait pas trop, soyez rassuré(e)s) comme les grosses à base de vampires et de sorcier nazi qui essaient d’en tuer certaines pour des raisons nébuleuses. On rit avec elles, on désespère de certaines blagues, on ricane devant certaines situations, bref tout fonctionne. L’ambiance est top.

L’autre élément positif, c’est l’intrigue. Ça bouge, il se passe toujours quelque chose et la multiplication des points de vue couplée à des chapitres courts, dynamiques fait qu’on ne s’ennuie jamais. Je l’ai lu en numérique, j’ai appris que le texte comptait un peu plus de 350 pages au format papier et bien ça s’enchaîne en un claquement de doigt. Du beau travail.

Alors oui, l’univers n’est pas très détaillé et oui, on reste sur de l’urban fantasy à base de vampires et de loup-garous avec un peu de sorcières / sorciers. Il n’y a rien de neuf sous le soleil. Les amateurices de world-building vont rester sur leur faim. Et oui, par moment, il y a quelques facilités scénaristiques, notamment sur la résolution finale (même si ça m’a fait mourir de rire) mais à nouveau, alors qu’en général ces éléments m’agacent, ça n’a pas été le cas ici et je pense que ça vient vraiment de ce talent qu’a eu l’autrice lors de la construction de ses protagonistes et de son ambiance globale, qui éclipsent aisément les petites faiblesses à droite à gauche.

La conclusion de l’ombre :
La sorcellerie est un sport de combat est un roman d’urban fantasy décapant avec des héroïnes qu’on aimerait avoir comme copines. Lizzie Crowdagger propose un chouette texte bourré d’action et d’humour sans oublier la question de la représentation qui fait souvent défaut au sein de ce genre. Une preuve, s’il en fallait, que l’autoédition a de beaux jours devant elle en francophonie car on y trouve des œuvres comme celle-ci qui apportent une bouffée d’air au genre de l’urban fantasy. C’est le roman parfait pour passer un bon moment sans prise de tête. Je le recommande volontiers !

D’autres avis : Ma lecturothèque – vous ?

printempsimaginaire2017
Huitième lecture – défi « Mage, mageresse, les deux, ou pas »
(Lire un livre d’un/e auteur/ice LGBT+ ou avec un personnage LGBT+)

Yardam – Aurélie Wellenstein

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Yardam
est le nouveau one-shot de l’autrice française Aurélie Wellenstein. Publié chez Scrineo, vous trouverez ce roman au prix de 20 euros partout en librairie.

Je vous ai déjà parlé de l’autrice avec ses autres romans : le Roi des fauvesle Dieu OiseauMers Mortes. Si c’est ma quatrième lecture en sa compagnie, Yardam est en réalité son dixième roman ! Aurélie Wellenstein a donc désormais une certaine expérience même si c’est son premier roman étiqueté adulte, elle qui donne davantage dans le YA.

De quoi ça parle ?
Kazan exerce la profession de voleur à Yardam et il ne se contente pas de dérober des tableaux : il ingère également des âmes, laissant derrière lui des coquilles qui prolifèrent de plus en plus dans la ville… Au point d’entrainer une désastreuse quarantaine. Au désespoir, Kazan rencontre un couple de médecins : Feliks et Nadja, qui affirment pouvoir guérir cette maladie. Commence alors la descente aux Enfers…

Les bases de l’univers : de bonnes idées bien exploitées.
L’intrigue se déroule en intégralité au sein de la ville de Yardam, une cité inventée par l’autrice dont on a un peu de mal à situer l’époque et la localisation. Sur base des descriptions, je la visualise comme une ville dans l’est de l’Europe au début de l’ère industrielle, fin 19e / début 20e siècle. J’ai apprécié l’aspect fictif de l’endroit qui permet beaucoup de libertés en matière de suspension de l’incrédulité. Toutefois, l’aspect fictif ne signifie pas que l’autrice fait n’importe quoi, au contraire : j’ai trouvé l’ambiance crédible, l’écrin très bon pour l’histoire qu’elle désirait raconter puisque Yardam se trouve à cheval entre deux époques. Pas suffisamment éclairée pour ne pas tomber dans les extrêmes religieux en situation de crise et pas suffisamment attardée pour tomber dans une opposition manichéenne peu intéressante.

Une épidémie sévit au sein de cette ville de Yardam. Depuis un moment, des coquilles apparaissent un peu partout, sans raison connue. Une coquille, c’est un corps humain dépourvu d’âme qui erre dans les rues en devenant de plus en plus générique car ces coquilles perdent leurs caractéristiques physiques. Hommes comme femmes n’ont plus de cheveux, de formes, leur peau blanchit et leur regard reste fixé sur la Lune, ce qui donne lieu à des spéculations autant que des surnoms peu flatteurs. Personne ne sait ce qui cause cela sauf ceux qui, comme Kazan, sont infectés par cette maladie sexuellement transmissible les transformant en voleurs d’âme. Kazan l’a eue grâce à une femme, Lara, mais celle-ci la lui a donnée après lui avoir expliqué ce que cela impliquait et en l’aidant ensuite à vivre avec -un schéma que Kazan va reproduire. Kazan n’est donc pas une victime, il a choisi son état et je trouve que ça offre une nuance intéressante.

Malgré les avertissements, l’attrait de la puissance se révèle trop impérieux pour que les nouveaux voleurs d’âme se rendent compte de ce qu’ils abandonnent derrière eux, des morts en sursis qu’ils deviennent. Quand ils aspirent une âme, ils acquièrent toutes les connaissances qu’elle contient, toutes les capacités physiques également. Ces âmes sont enfermées dans le corps du voleur, toujours conscientes, ce qui leur permet de parler, de menacer, bref de transformer la vie du vampire psychique en véritable Enfer jusqu’à le pousser au point de rupture.

J’ai trouvé le concept de base plutôt intéressant, il m’a tout de suite emballée surtout que l’autrice développe très bien la psychologie de ses personnages en poussant ainsi son concept jusqu’au bout. Toutefois, les lecteurs qui aiment disposer de toutes les réponses ressortiront probablement frustrés par cette lecture puisque, à aucun moment, les médecins ne trouvent une explication logique ou cohérente à ce phénomène. Il est là, on ignore comment guérir la coquille ou le vampire psychique et c’est tout. Une partie du roman consiste d’ailleurs en une quête de réponses, des réponses qui ne viendront pas pour la plupart. Je le précise parce que je sais que ça énerve certains. Toutefois, sur un plan personnel, l’explication ne m’a pas manquée le moins du monde.

Une pluralité d’antihéros.
Au début de Yardam, le lecteur rencontre Kazan, un monte-en-l’air qui a aspiré l’âme d’un gardien de musée afin de réaliser un vol qui lui permettra de vivre tranquillement le reste de sa courte vie. Dés le départ, Aurélie Wellenstein joue avec son lecteur en lui inspirant des sentiments ambigus. D’un côté, on compatit au sort de Kazan et de l’autre, quand on prend un peu de recul, on se rend compte qu’il est quand même très égoïste et commet des actes plus que répréhensibles en plus d’éprouver des pulsions malsaines envers les autres personnages du roman. Kazan est typiquement le genre de protagoniste que j’adore suivre car tout n’est pas blanc ou noir. L’autrice offre un antihéros nuancé et fascinant, en équilibre précaire.

Lorsque l’Empereur annonce la quarantaine, Kazan tente de s’enfuir mais tombe sur un couple de médecins qu’on empêche d’entrer dans la ville alors qu’ils souhaitent aider à endiguer l’épidémie : Feliks et Nadja. Ces deux médecins sont persuadés de pouvoir guérir les coquilles, Kazan y voit son salut et décide de les aider à rentrer, restant ainsi lui-même prisonnier de Yardam. Rapidement, toutefois, le voleur d’âme se rend compte que les deux médecins n’ont aucune idée de ce dont souffrent les coquilles ni de comment les aider, ils sont simplement plein de bonne volonté. Sauf que l’enfer est pavé de bonnes intentions -ç’aurait pu être le sous-titre de Yardam au passage.

Feliks et Nadja sont deux étrangers, leurs prénoms évoquent tout de suite une origine slave de même que la blondeur et les yeux clairs de Feliks. Le couple est très amoureux et se soutient dans les épreuves, ils deviennent assez vite agaçants jusqu’à ce que Kazan absorbe Nadja pour l’empêcher de révéler son secret à Feliks. Là, tout part en sucette.

C’est à partir de cet instant que le texte devient vraiment intéressant.

Névroses & cie.
Kazan est un gamin abandonné par sa famille, il a besoin d’amour et se plonge dans les souvenirs de Nadja pour en vivre à travers elle. Feliks est désespéré par la maladie de sa femme -devenue coquille- et voit d’abord en Kazan un soutien, inconscient du rôle qu’il y a joué. Les deux tiers du roman se basent sur cette tension psychologique que l’autrice installe très bien ainsi que sur de nombreux retournements de situations qui, au final, servent de théâtre à l’expression de ce que l’humanité a de pire en elle. C’est sombre. Poisseux. Oppressant. Bien foutu. Une maîtrise que je n’avais plus ressentie depuis ma lecture du Roi des fauves.

Soyons clair, dans ce roman, on trouve non seulement des protagonistes névrosés mais également une grande violence dans les évènements relatés ainsi que dans les situations vécues par les personnages. C’est pas joli du tout et honnêtement, ça a un côté angoissant, surtout vu la crise que nous venons de vivre avec le COVID-19, la quarantaine, tout ça. Si vous avez besoin d’un bon bol d’air et de justice, ce n’est clairement pas le roman à ouvrir pour le moment. Son ambiance oppressante de confinement, les habitants qui sombrent de plus en plus vers la folie, ces puissants qui se pensent au-dessus des lois, tout cela vous rappellera une actualité pas si lointaine et ça peut heurter les plus sensibles parmi vous. Moi-même j’ai failli reposer le roman pour repousser sa lecture mais j’avais envie de connaître le dénouement donc j’ai persévéré avec une sorte de boule au ventre. Sans regrets hormis pour la dernière page -je n’en dit pas davantage et c’est un sentiment tout à fait subjectif.

Que de qualités, et pourtant…
Yardam est un roman que j’ai lu avec difficulté en partie pour son ambiance (la période ne s’y prêtait pas du tout, on ne va pas se mentir puis je suis pas loin de la panne de lecture depuis un moment) mais aussi parce qu’il m’a manqué un petit quelque chose pour le hisser à la hauteur du Roi des fauves, détrônant ma première lecture de l’autrice. Je pense que ça vient en grande partie de moi, de mes attentes, de mon propre sentiment globale à cause de l’instant mal choisi pour ma lecture mais je me devais de le préciser pour être totalement honnête avec vous. Si on pose un œil critique sur ce roman, il porte de nombreuses qualités et je le trouve vraiment réussi, surtout sur un plan psychologique mais il y a deux trois éléments un peu dommage dans l’intrigue, deux trois frustrations totalement subjectives que je ne peux pas développer pour vous préserver du divulgâchage, ce petit quelque chose sur lequel je ne mets pas vraiment le doigt ainsi que la fin qui m’a un peu déçue une nouvelle fois. Sur un plan personnel, mon expérience avec le roman est donc en demi-teinte ce qui ne m’empêche pas de lui voir beaucoup de qualités ni d’avoir envie de le recommander parce qu’il a tous les atouts pour plaire à la majorité des lecteurs. Il suffit de voir les chroniques chez les autres blogpotes (les liens sont renseignés en bas) !

La conclusion de l’ombre :
Avec Yardam, Aurélie Wellenstein s’impose brillamment dans la littérature imaginaire adulte. Roman à la croisée des genres, Yardam se veut sombre, oppressant, angoissant, toile vivante de ce que l’humanité a de pire en elle. Les personnages, même secondaires, sont crédibles et travaillés avec un soin apporté à leur psychologie que je trouve remarquable, ce pour offrir un texte tout à fait recommandable ! Une nouvelle réussite à accrocher au palmarès de cette autrice dont le talent n’est plus à prouver.

D’autres avis : The Notebook 14My Dear EmaLes fantasy d’AmandaLes livres enchantésLe tempo des livresAu pays des cave trolls – vous ?

Nixi Turner contre les Croquemitaines #4 le Marchand de Sable – Fabien Clavel

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Nixi Turner contre les croquemitaines
est une saga jeunesse fantastique en 5 tomes écrite par l’auteur français Fabien Clavel. Publié aux Éditions du Chat Noir dans la collection Chatons Hantés, vous trouverez ce roman en papier (uniquement !) au prix de 10 euros.

Pour vous rafraichir la mémoire, je vous invite à lire mon retour sur les trois premiers volumes : Baba Yaga, la Goule et le Père Fouettard.

De quoi ça parle ?
Nixi Turner, c’est la Buffy du collège made in France. La jeune fille sort de nulle part et vient combattre les Croquemitaines qui sévissent à Paris en prenant les enfants pour cible. Dans ce quatrième tome, on suit Kylian, le type qui harcelait Nawel dans le premier volume et qui crush sur Chora dans le troisième. Petit loubard doté d’un lourd passif négatif avec la bande à Nixi, il essaie pourtant de les rejoindre parce qu’il aime vraiment bien Chora et a envie de faire des efforts pour elle. Sauf qu’il se rend compte que tout n’est pas si simple dans la vie. Encore moins quand sa mère biologique débarque, sortie de nulle part.

Personnifier les maux des pré-adolescents : amour parental et existence par le regard des autres.
Kylian a été adopté et il le sait. Il adore ses deux parents, un couple homosexuel, ce qui ne l’empêche pas de se poser des questions sur ses origines. Il reçoit un mystérieux SMS d’une femme qui se présente comme sa mère biologique et qui, onze ans plus tard, aimerait le rencontrer. Il hésite, ressent une forte culpabilité d’avoir envie de la connaître mais décide tout de même de se rendre au rendez-vous. Les révélations que cette femme a à lui faire sont surprenantes et le lecteur attentif comprend qu’il y a anguille sous roche. Pourtant, Kylian se laisse manipuler.

Pour un lecteur adulte, les ficelles paraitront grosses et elles le sont un peu. Une inconnue débarque et sans même donner de vraies preuves de leur lien, il la croit ? Elle lui parle d’éléments surnaturels et pareil, il se laisse convaincre très facilement ? Ici plus que jamais, il faut se remémorer le public auquel est dédié cette saga et cette collection : les 9 – 12 ans. En fait, Kylian a la réaction d’un enfant normal, un peu naïf et mal dans sa peau même si, comme il le dit lui-même, il n’a aucune raison de l’être puisque ses deux parents l’aiment. Cela ne l’empêche pas de rechercher une figure maternelle ou plutôt, de ressentir ce besoin humain consistant à connaître ses origines.

Pour rappel, Kylian, c’est un peu la brute du collège. En suivant l’histoire de son point de vue, on comprend qu’il se comporte comme un enfoiré sans trop savoir pourquoi. Brutaliser les autres lui permet d’exister à leurs yeux, il le dit d’ailleurs lui-même. Les plus faibles rejoignent sa bande, lui accordent de l’attention, c’est ce qu’il veut… Comme la majorité des enfants, en fait. Kylian n’en reste pas moins un petit con, un petit con qui se remet quand même en question grâce à Chora et qui a envie de changer pour devenir meilleur. J’ai trouvé l’idée intéressante, ça permet de gommer un peu le manichéisme qu’on sert trop souvent aux enfants. Parfois, on est une brute sans raison, il n’y a pas toujours une histoire tragique derrière. Et oui, parfois, on peut vouloir changer avec plus ou moins de succès.

L’homosexualité parentale.
C’est presque un détail dans cette histoire toutefois j’ai été contente de lire un roman jeunesse où on présente un couple homosexuel qui a adopté et qui gère assez bien dans son rôle de parent. À aucun moment Kylian n’a un problème avec l’orientation sexuelle de ses adoptants. La seule chose qui le gêne, c’est qu’ils sont plus âgés que les parents de ses camarades et… C’est tout. Fabien Clavel traite le sujet sans l’aborder de front, c’est encore la meilleure manière de s’y confronter quand on s’adresse à des jeunes puisque, ainsi, il l’inclut dans une dynamique de normalité.

Un peu plus de noirceur dans ce monde pas si brutal.
Ce tome est, selon moi, plus violent que les trois précédents. Entendons-nous, ça ne se massacre pas dans tous les sens mais il y a du sang, des paroles dures, on y envisage même le meurtre de sang froid. Ce n’est pas pour me déplaire, notez ! J’ai l’impression d’arriver à l’avant dernier épisode d’une saison de Buffy et de devoir attendre la reprise de diffusion après les vacances d’hiver. Frustration intense. D’ailleurs la saga fait de plus en plus référence à la tueuse de vampire, allant jusqu’à donner des surnoms des personnages aux protagonistes afin de les relier à un archétype. Excellent pour ceux de ma génération, un peu moins pour le public cible qui n’aura probablement jamais (hélas) regardé un épisode de la série.

La conclusion de l’ombre :
Ce quatrième tome des aventures de Nixi Turner marque clairement un tournant dans la saga et précède un dernier volume qui promet en intensité. On y traite ici de la quête d’attention / d’identité d’un pré-adolescent et des extrêmes auxquels cela peut pousser. Page-turner qu’on lit d’une traite, Fabien Clavel propose à nouveau un roman jeunesse efficace. Je recommande aux plus jeunes mais aussi aux parents et aux professeurs car il constitue un matériel didactique intéressant.

Nixi Turner contre les croquemitaines #3 le Père Fouettard – Fabien Clavel

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Nixi Turner contre les croquemitaines
est une saga jeunesse fantastique en 5 tomes écrite par l’auteur français Fabien Clavel. Publié aux Éditions du Chat Noir dans la collection Chatons Hantés, vous trouverez ce roman en papier (uniquement !) au prix de 10 euros.

Pour vous rafraichir la mémoire, je vous invite à lire mon retour sur les deux premiers volumes : Baba Yaga et la Goule.

De quoi ça parle ?
Nixi Turner, c’est la Buffy du collège made in France. La jeune fille sort de nulle part et vient combattre les Croquemitaines qui sévissent à Paris en prenant les enfants pour cible. Dans ce troisième volume, la bande d’amis qui gravite autour de Nixi décide de la suivre quand elle annonce devoir temporairement repartir d’où elle vient. Cette filature dans les rues de Paris se termine par une descente aux Enfers… Au sens propre.

Personnifier les maux des pré-adolescents : la maladie grave.
En plus de Nixi, cette fois-ci, c’est Chora que nous suivons et qui est aux prises avec un Croquemitaine : le Père Fouettard. Cette narratrice souffre d’une malformation cardiaque assez grave : son cœur peut s’arrêter à n’importe quel moment. Elle a toujours su que quelque chose clochait mais cela ne fait que quelques mois qu’elle a pu mettre un nom dessus. Le concept prend aux tripes et pousse à la réflexion. Comment vivre, comment s’intéresser au monde, comment se sentir exister, quand on ne peut rien planifier sur le long terme ? D’un œil adulte, ces questionnements induisent une réflexion particulièrement mature et je trouve que ce tome s’éloigne des thématiques standards de la sphère pré-adolescente pour offrir une nouvelle dimension à son personnage. Un personnage que les lecteurs attentifs reconnaîtront…

Tisser des liens entre ses univers : de Nixi à Asynchrone.
En effet, Chora est l’héroïne du roman Asynchrone, un autre texte de l’auteur dans la veine Young Adult publié cette fois chez Lynks. J’aime bien l’idée de tisser des liens entre ses œuvres, surtout destinées à un public différent. Je garde un excellent souvenir de ce titre, cela a été ma première découverte de la maison d’édition et je ne m’attendais pas à un tel coup de poing. J’en profite pour vous le recommander chaudement.

Un tome mieux équilibré.
Je reprochais aux tomes précédents un équilibre parfois maladroit entre le traitement des thématiques (harcèlement scolaire puis anorexie) qui n’allait pas assez loin à mon goût et l’aspect aventure qui était par moment trop rapidement expédié. Dans le Père Fouettard, je trouve que Fabien Clavel a vraiment gommé les défauts ressentis sur les deux premiers opus à ce niveau. Les actions s’enchaînent comme dans un épisode de Buffy à l’ancienne. Tout colle, on a même droit à l’introduction d’une nouvelle facette chez un personnage inattendu. On en apprend aussi davantage sur Nixi en tant que personne, ce qui permet de lever des mystères sur ses origines qui n’avaient que trop traîné. J’ai aimé les choix de l’auteur à son sujet qui éclaircissent bien des choses dites dans les premiers tomes.

La mythologie grecque : une approche didactique.
Ce roman s’inscrit clairement dans la mythologie grecque puisque la bande se retrouve dans les Enfers affiliés. Ce sera l’occasion de croiser Perséphone, de découvrir qui sont vraiment les Croquemitaines et surtout, d’apprendre quelques anecdotes plutôt intéressantes grâce aux interventions du Professeur Hugo. Une excellente initiative pour son public cible !

La conclusion de l’ombre:
Le Père Fouettard est le troisième tome de la saga Nixi Turner contre les croquemitaines et sans doute celui que j’ai le plus aimé à ce jour. Je l’ai dévoré d’une traite avec un réel enthousiasme tant l’auteur a amélioré l’équilibre entre les différentes facettes de son texte. Le mal traité ici ne manque pas d’intérêt (la maladie grave) et est plutôt bien exploité. Pour ne rien gâcher, Fabien Clavel s’illustre dans une approche ludico-didactique qui m’aurait séduite à l’époque de mes 10-12 ans. Une saga qui se bonifie avec le temps et qui est plus que recommandable aux plus jeunes ainsi qu’aux parents qui ont envie de faire lire leurs enfants.

#PLIB2020 Rouge Sang et Noir Corbeau #1 – L’apprentie faucheuse – J. Robin

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L’apprentie faucheuse
est le premier tome du diptyque Rouge Sang et Noir Corbeau écrit et illustré par l’autrice française J. Robin. Publié au Héron d’Argent, vous trouverez ce roman au prix de 20 euros.
Je remercie le Héron d’Argent pour ce service presse dans le cadre du #PLIB2020.

En 1850, Amélia Pratt est une jeune domestique qui n’a rien de particulier. Elle meurt assassinée pour renaître dans le rôle de Red Death, la petite faucheuse chargée de récupérer les âmes des meurtriers. Elle commence par celle de l’homme à qui elle doit la mort, Rain, et en fait son esclave dans le rôle d’Ankou. Son rêve dans la vie? Devenir Grande Faucheuse. Hélas pour elle, ça ne va pas être si simple…

Ce qui m’a vraiment marquée dans l’Apprentie Faucheuse, c’est son héroïne. Le personnage d’Amélia est vraiment détestable. Si on a de la compassion pour elle dans le premier chapitre, celle-ci disparaît rapidement à la lecture de la suite. De petite servante timide et maladroite qui n’a pas beaucoup de chance, on passe à une égoïste carriériste et sadique qui torture son meurtrier depuis 150 ans. Je ne l’ai appréciée à aucun moment après ça et c’est quand même un tour de force de réussir à me faire détester un personnage à ce point. Heureusement, la narration ne tourne pas qu’autour d’elle puisque J. Robin alterne les points de vue entre Amélia et Gabriel, son Ankou, que tout le monde surnomme Rain.

Ironiquement, c’est pour lui que je ressentais de la compassion. On comprend rapidement que ce n’est pas un mauvais gars, qu’il avait des raisons à ses actes et qu’il ne mérite certainement pas tous les abus dont il est victime. Le pire, c’est qu’il pourrait se justifier ou se défendre mais il garde le silence sur son passé et ses motivations, du moins face à Amélia. En tant que lecteur, on n’a pas encore les informations mais des indices laissent présager de bonnes explications. J’ai trouvé cela bien amené par l’autrice. La relation entre Amélia et lui est vraiment malsaine et j’ai trouvé l’idée plutôt originalz car on ne le voit pas souvent de manière aussi assumée. Moi, j’ai apprécié mais je ne suis pas sûre que ça soit le cas de tout le monde.

L’univers crée par J. Robin est plutôt sympa et n’aurait pas dénoté dans une série américaine pour adolescents. La mort est organisée comme une entreprise avec la grande faucheuse, les petites faucheuses, les fossoyeuses et les scribes. C’est une affaire qui roule où chaque petite faucheuse a sa spécialité. Elles doivent remplir une sorte de puits d’âme dont le score s’affiche sur un panneau et tous les 150 ans, une cérémonie dite « Mitclan » s’organise pour désigner la meilleure. En gagner 3 permet de devenir grande faucheuse. L’autrice a développé tout un folklore intéressant en empruntant à différentes cultures et qui réserve encore des surprises.

J’ai lu ce roman en ebook mais j’ai pu feuilleter la version papier qui est un très beau livre-objet. Non contente d’écrire, l’autrice illustre et elle le fait merveilleusement bien !

Malheureusement malgré ces points positifs, ce n’est pas un roman qui m’a séduite dans l’ensemble tout simplement parce que je n’appartiens plus à son public cible. Ce texte m’aurait éclatée quand j’étais ado mais aujourd’hui je trouvais l’intrigue assez prévisible et les personnages secondaires plutôt caricaturaux. De plus, j’ai rencontré un souci avec la narration sur deux niveaux. Le premier, c’est le ton avec lequel s’exprime Amélia dans le premier chapitre en 1850. Comme elle parle à la première personne, je n’ai pas trouvé son vocabulaire très crédible pour l’époque ni pour sa condition, mais bon, c’est un détail. Par contre, je n’ai pas compris pourquoi l’autrice avait choisi d’écrire les chapitres de Heaven à la troisième personne. Heaven est une semeuse qui arrive un peu après la moitié du roman et qui est ennemie d’Amélia, grosso modo. Se trouver de son point de vue permet d’apprendre quelques éléments sur le pourquoi d’un évènement (je ne vous divulgâche pas lequel) sauf que l’autrice la remet en contact avec Amélia par la suite. Elle aurait donc très bien pu introduire tout ça à ce moment-là au lieu de rajouter une troisième protagoniste. Et si elle y tenait, pourquoi ne pas conserver l’homogénéité de la narration à la première personne? En soi, ce n’est ni une erreur d’écriture ni une erreur éditoriale mais, sur un plan personnel, je n’ai pas trop apprécié ce choix qui m’a sortie de ma lecture.

Pour résumer, ces quelques points négatifs ne m’empêchent pas d’avoir passé un bon moment avec l’Apprentie Faucheuse, premier tome d’un diptyque (urban?) fantasy dont la suite arrive en mars de l’année prochaine. J. Robin livre un premier roman sympathique où elle se réapproprie le folklore de la mort de manière intéressante. Si son héroïne est détestable (à dessein, je pense) et que l’intrigue manque de surprise, ce roman se lit tout seul grâce au personnage de Gabriel / Rain, à la relation qu’il entretient avec Red Death et à un rythme narratif soutenu. On peut sans hésiter le qualifier de bon divertissement et parfois, on n’a pas besoin de plus.

Nixi Turner contre les croquemitaines #1 Baba Yaga – Fabien Clavel

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Nixi Turner
est une saga composée de cinq volumes -dont deux déjà édités- écrite par l’auteur français Fabien Clavel. Publié aux Éditions du Chat Noir dans sa collection Chatons Hantés (9 – 12 ans) vous trouverez ce roman court au prix de 10 euros.

Nawel angoisse à l’idée de faire sa rentrée au collège Gustave-Caillebotte et l’avenir lui donnera raison. Harcelée à cause de ses origines modestes, elle est en plus la proie de Baba Yaga. Heureusement, Nixi Turner traine dans les parages. Les adultes ne peuvent pas la voir et elle n’a qu’une mission : traquer les croquemitaines.

Le concept de cette collection est vraiment plaisant. En quelques mots, il s’agit de traiter des thèmes sombres du quotidien dans des romans gothiques à destination d’un public jeune. Tout un pari et je le trouve assez réussi pour le moment. Ma lecture m’a donné envie d’approfondir mes découvertes.

Nixi Turner, c’est Buffy contre les vampires version collège ! Selon l’éditeur, le concept est de traiter de problèmes rencontrés par cette tranche d’âge à travers des créatures surnaturelles qui vont les personnifier. Ici, par exemple, Baba Yaga incarne la rumeur et toutes ses dérives. Je trouve l’idée vraiment judicieuse. Fabien Clavel s’en sort très bien pour horrifier son lecteur. Pas tant avec les croquemitaines qu’avec les comportements intolérables des autres élèves ! J’ai été choquée plus d’une fois, j’avais même du mal à croire que ce soit possible d’aller aussi loin. Et pourtant…

Nixi Turner c’est donc un roman qui apprend et qui divertit en même temps. J’ai déjà croisé le style de Fabien Clavel dans Asynchrone et s’il a rendu sa plume accessible, il ne l’a pas infantilisé pour autant comme cela arrive parfois dans les romans jeunesses. Nouveau bon point.

Quant au dernier et non des moindres, il s’agit de l’héroïne. Nixi Turner intrigue par son apparence, par son caractère. Les chapitres s’alternent tantôt de son point de vue, tantôt de celui de Nawel mais on ignore beaucoup à son sujet. Pourquoi chasse-t-elle les croquemitaines? Qui lui donne ses missions? Où vit-elle normalement? J’ai hâte de découvrir cela dans les prochains volumes. Quant à Nawel, elle ne laisse pas indifférente et je l’ai trouvée très humaine. Fabien Clavel ne la transforme pas en sainte. Elle a ses préoccupations égoïstes, ressent des émotions très fortes. Quand Hugo lui tend la main, elle le repousse parce qu’elle craint que sa popularité ne chute encore plus au lieu de s’allier avec lui, ce qui est cruel. On la sent perdue et on a envie de la secouer plus d’une fois. J’ai beaucoup aimé le traitement des personnages, qui me parait réaliste.

Pour résumer, le premier tome de Nixi Turner pose les bases d’une saga prometteuse à destination d’un public pré-adolescent mais qui peut aussi bien être lue par des adultes. Fabien Clavel propose un concept simple mais efficace: personnifier les problèmes rencontrés par les jeunes en les incarnant à travers un bestiaire fantastique ici inspiré de la mythologie slave. L’auteur s’en sort très bien dans le respect de son public cible et offre un roman court qui secoue. On le lit volontiers d’une traite et on le recommandera aux parents comme aux professeurs. Une réussite !

#PLIB2020 Magic Charly #1 l’apprenti – Audrey Alwett

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L’apprenti
est le premier tome de la saga Magic Charly écrit par l’autrice française Audrey Alwett. Publié chez Gallimard Jeunesse, vous trouverez ce roman au prix de 16.5 euros dans toutes les librairies.

Charly a quatorze ans, possède un chat susceptible appelé Mandrin et est le fils de la directrice de son école. Il est aussi le petit-fils de Dame Mélisse, célèbre dans la société des magiciers pour sa puissance et ses pâtisseries. Sa grand-mère réapparait subitement dans sa vie au bout de cinq ans, amnésique, physiquement diminuée, les affres de la vieillesses lui dit-on… Ou peut-être pas. À l’aide d’un message dans un miroir, Charly apprend que la magie existe et que pour sauver sa grand-mère, il va devoir devenir apprenti magicier.

J’ai lu deux chroniques élogieuses au sujet de Magic Charly et elles m’ont donné envie de me le procurer immédiatement. J’avais déjà les Poisons de Katharz (de la même autrice) dans ma PàL mais sans l’avoir lu à ce moment-là. Pas grave, je sentais que ce livre allait me plaire et… J’avais raison. Mille fois raisons ! Pourtant, hormis le talent de l’autrice, ils n’ont pas grand chose en commun.

L’intrigue commence sur les chapeaux de roue. En moins de trois chapitres l’action s’installe et le lecteur suit Charly dans sa découverte de l’univers des magiciers. Comme à son habitude, l’autrice ne manque pas d’idées ni d’originalité et si certains relèveront une double inspiration (Rowling – Pratchett) je trouve plutôt qu’Audrey Alwett imprime une french touch délicieuse sur l’ensemble de son œuvre, afin de lui donner une vraie personnalité. Mention spéciale à Pépouze la serpillère, d’ailleurs. Au menu: des balais volants qui se transforment en buissons, des grimoires mystérieux, des dragons pétrifiés, des allégories, des pâtisseries magiques… Surtout des pâtisseries. Franchement, lire ce roman m’a ouvert l’appétit et j’espère qu’on aura droit à des recettes plus précises tirées de Gourmandise ! Juste pour le plaisir de cuisiner de bonnes tartes (et si y’a un truc pour que la partie magique de la recette fonctionne, je suis preneuse).

Charly est un personnage attachant que j’ai adoré suivre. Pour ses quatorze ans, il est plutôt grand et imposant physiquement mais ça ne reflète pas son caractère doux et pacifique. On sent que c’est un adolescent qui a un bon fond même s’il est aisément victime de préjugés. Depuis un accident survenu cinq ans plus tôt dont il ne garde pas de souvenir conscient, il a tendance à contrôler ses émotions, peut-être plus qu’il ne le devrait. C’est un garçon aimable, souriant, très résilient et empathique. Je l’ai trouvé profondément humain, c’est une belle réussite et les autres protagonistes ne sont pas en reste. June est une vraie tempête qui enchaîne les bêtises en espérant décevoir ses parents. Sapotille parait d’abord comme un stéréotype avant de gagner en profondeur. Maître Lin n’est pas vraiment le mentor de l’année (j’ai adoré son obsession pour ses cheveux) quant la mère de Charly, elle a un caractère excentrique très amusant. La galerie des protagonistes, riche et variée, m’a ravie. Je ne parle volontairement pas de Dame Mélisse pour ne rien vous gâcher.

Côté univers, cette société des magiciers n’a rien d’idéale. La milice abuse de ses pouvoirs et favorise très clairement la jeunesse de Thadam au mépris des gens comme Charly. À savoir que si on perd les trois étoiles de son sablier qui rationne la magie, on est envoyé à Saint-Fouettard ! Un nom qui suffit à terroriser tous les personnages du livre et qui pose du coup beaucoup de questions (réponses à venir dans le tome suivant j’imagine). La lutte entamée par la grand-mère de Charly prend petit à petit tout son sens, Audrey Alwett en profite pour passer de beaux messages de justice et de tolérance. En lisant un article sur son blog consacré à ce roman, j’ai appris qu’elle en avait eu l’idée en voyant des personnes proches perdre petit à petit leurs souvenirs, suite à une maladie. En y réfléchissant, Magic Charly est aussi (et surtout) un roman familial basé sur l’idée de transmission de l’héritage. Et de transmission tout court, d’ailleurs. Pour avoir eu une grand-mère dans un cas semblable (même si j’étais plus jeune que Charly à l’époque) ça m’a durablement marquée et j’ai donc été particulièrement touchée par ce roman d’Audrey Alwett.

Les pages se tournent toutes seules. Quatre cents feuillets de pur bonheur au terme desquels on n’a qu’une envie: réclamer la suite de toute urgence ! Elle travaille déjà dessus, je croise donc les doigts pour ne pas attendre trop longtemps même si, finalement, Magic Charly est sorti seulement en juin 2019. En parlant de l’objet-livre, d’ailleurs… Je le trouve particulièrement soigné et magnifique à hauteur du contenu. Le titre en relief, les différents éléments graphiques représentatifs de l’univers… Regardez cette couverture attentivement avant puis après votre lecture, c’est bluffant de voir un artiste respecter à ce point le travail de l’autrice. Quant à l’intérieur, chaque chapitre se surmonte d’un petit dessin lié aux évènements à venir, de façon propre et soignée. Le tout sur un papier de bonne qualité. Chapeau à l’éditeur !

Vous l’aurez compris, j’ai eu un coup de cœur pour Magic Charly qui n’est pas uniquement destiné à un public adolescent. Il marche dignement sur les traces de Harry Potter (tout en affichant une personnalité bien à lui) en proposant un univers crédible, riche et excentrique avec de bonnes idées (vive les apocachips et les serpillères !). La touche de noirceur et de danger apporte un bel équilibre au sein d’une intrigue qui promet d’encore s’assombrir vu les dernières pages. Pour ne rien gâcher, le roman dispose de plusieurs niveaux de lecture et conviendra à un large public. Le lecteur s’accroche immédiatement au personnage de Charly et ne rêve que d’une publication rapide pour un tome deux. Je n’ai donc plus que quatre mots à dire : Bien vite la suite ! ♥