#PLIB2020 : Les brumes de Cendrelune #1 le jardin des âmes – Georgia Caldera

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Le jardin des âmes
est le premier tome de la saga des brumes de Cendrelune écrite par l’autrice française Georgia Caldera. Publié chez J’ai Lu pour elle, vous trouverez ce roman au prix de 13.90 euros partout en librairie.
Je remercie les éditions J’ai Lu d’avoir offert l’epub dans le cadre du PLIB2020 !

Mon histoire avec Georgia Caldera est assez compliquée. J’avais commencé la lecture des Larmes Rouges dont tout le monde me vantait le contenu mais j’ai rapidement abandonné, agacée par l’héroïne. J’ai ensuite enchaîné avec Victorian Fantasy, un roman à l’univers superbe totalement gâché par une romance qui empêchait de l’exploiter correctement. L’autrice n’est pas dénuée de talent mais il est clair pour moi que je ne suis pas du tout son public cible. Quand son roman a été sélectionné parmi les finalistes du PLIB, j’ai grimacé, je dois l’admettre, pensant tenir un abandon potentiel. Pourtant, ça a au final été une agréable surprise malgré quelques défauts évidents.

De quoi ça parle ?
Céphise a 17 ans et rêve de se venger après la mort de ses parents, exécutés par l’Ombre – le bourreau d’Orion, l’Empereur-Dieu. Verlaine, lui, est le fils caché d’Orion et endosse un rôle lourd à porter pour ses épaules à demi-humaines. Ils vivent tous les deux à Cendrelune, royaume où les humains sont soumis aux Dieux et où leurs pensées sont épiées.

Un univers dystopique original.
Le roman prend place dans le royaume de Cendrelune, après une guerre qui a opposé les humains et menaçait de les détruire totalement, au point de mener à l’intervention des Dieux. Cette partie de l’histoire est encore assez floue, je le précise parce qu’on n’a pas de véritable certitude et je pense que cette genèse sera éclairée dans les tomes suivants. Ce royaume est dirigé par Orion, père des Dieux, une divinité capable (entre autre) de lire dans les esprits de ses sujets pour y trouver toute pensée séditieuse si bien qu’il produit chaque semaine une liste de ceux à exécuter afin de préserver la paix. L’autrice installe ainsi un climat de terreur efficace, d’autant que le roman s’ouvre sur l’arrestation des parents de Céphise et l’engagement forcé de son petit frère dans l’armée impériale.

Les dieux n’ont aucune réelle considération pour les humains et éprouvent le plus souvent du mépris pour eux. Ceux-ci travaillent dans des métiers pénibles pour des salaires de misère. La pauvreté règne mais tout crime commis peut valoir au criminel le statut de Rapiécié. Comme son nom le laisse sous-entendre, le criminel est condamné à perdre un membre ou plus (en fonction de la gravité de son acte), membre remplacé par un autre en métal, métal qui intensifie le contact mental avec Orion et permet une surveillance plus accrue. Comme vous vous en doutez, les Rapiéciés subissent rejet et discrimination pour leur condition.

Au sein de ce monde dystopique, la nature n’existe plus et les habitants ignorent même ce qu’est un animal, de l’herbe ou une pomme. Tout est synthétique, métallique, artificiel, aussi glacial que la pression subie au quotidien par les humains. Ce cadre angoissant est bien dépeint par l’autrice, je n’ai eu aucun mal à rentrer dedans et à trouver l’univers crédible.

Je précise à ce stade que je lis assez peu de dystopie car je n’apprécie pas spécialement ce genre littéraire. Du coup, pour moi, selon mes connaissances et mes goûts, cet univers est original mais j’ai lu à quelques reprises que certains le trouvaient classiques donc je préfère le préciser.

Un mélange des narrations qui induit quelques redondances.
Le roman se focalise sur deux personnages principal : Céphise et Verlaine dont les parties sont rédigées à la première personne. Toutefois, on retrouve également quelques chapitres du point de vue de deux autres personnages dont on suppose une importance à venir dans l’histoire : Proserpine et Lorien. Leurs chapitres à eux sont écrits à la troisième personne, choix que je questionne. Peut-être une volonté de distancier le « couple principal » des autres protagonistes ? C’est quand même assez dommage d’autant que le style de Georgia Caldera ne change pas du tout en fonction du personnage à qui elle donne la parole. Quel intérêt, du coup, d’opter pour une narration de ce type ? Je peux comprendre un choix comme celui-là quand l’autrice s’adapte à la psychologie et au parlé de son protagoniste sauf que ce n’est pas le cas ici, ce que je déplore vu que Céphise est une fille du peuple sans réelle éducation hormis pour son art musical. Difficile de concevoir qu’elle s’exprime comme un demi-dieu… Idem pour Lorien, un gamin de dix ans à peine, qui parle comme un adulte cultivé.

Céphise est une jeune fille de dix-sept ans qui n’a pas été épargnée par la vie. Au début de son adolescence, elle a vu ses parents se faire exécuter et a perdu un bras ainsi qu’une jambe en punition de leurs pensées séditieuses. Elle suit des cours à l’Académie des Arts, les Arts ayant une grande importance aux yeux des Dieux et son talent lui sauvera la vie. C’est du coup une personne pleine de haine, de ressentiments, qui s’est jurée d’éliminer Orion. En théorie, pour des pensées comme celles-là, elle aurait du mourir sauf qu’elle reste impunie sans savoir pour quelle raison. Rassurez-vous, on l’apprend au fil du roman.

Verlaine est un demi-dieu, onzième fils d’Orion, progéniture cachée car contre-nature (pas question de se mélanger avec les humains !). Doté un immense pouvoir utile à son père, il est son exécuteur des basses œuvres et souffre énormément au quotidien sur un plan moral. Il se questionne sans arrêt, n’a aucune estime pour lui-même, subit le rejet de la part des autres enfants de son père… Bref c’est un personnage torturé mais assez crédible dans ses tourments, du moins jusqu’à ce qu’il rencontre Céphise. À partir de là, ça vire un peu nœud-nœud mais je vais y revenir.

Proserpine est une humaine, du moins on l’imagine même si elle est douée d’un pouvoir lui permettant de voir le futur ainsi que son évolution en fonction des actions de chacun. Elle est enfermée d’une façon assez odieuse par Orion qui, on l’apprend vers la fin quoi qu’on le devine si on a deux neurones connectés, se sert d’elle pour un dessein plus grand.

Enfin, Lorien est un enfant du peuple, orphelin abandonné qui se retrouve entrainé dans un début de révolte et sera puni pour cela. Les chapitres de son point de vue permettent de donner une dimension supplémentaire au texte qui est plutôt bienvenue ainsi que de garder un œil sur ce qui se fait en dehors du Palais à partir du moment où Céphise y est infiltrée.

Ces personnages sont parvenus à m’intéresser bien que Céphise et Lorien moins que les autres. J’ai tout de même apprécié les efforts de nuance de la part de l’autrice qui construit des protagonistes en souffrance assez crédibles (hormis pour Céphise encore une fois mais je crois que je n’accrocherais jamais aux héroïnes féminines de Georgia Caldera) Tout n’est pas blanc ni noir et il y a clairement un aspect malsain dans les relations, surtout dans celle entretenue par Céphise et Verlaine. Parce que, bien entendu, une relation se créé. Céphise le hait pour la mort de ses parents et lui la rencontre par le plus grand des hasards en découvrant que « quelque chose » les lie, quelque chose de surnaturel qui sent le deus ex machina au sens propre du terme. Vous me direz, dans un roman avec des Dieux, on peut à la rigueur l’excuser sauf que… À voir le développement dans les tomes suivants. Je ne sais pas trop quoi en penser. Pendant ma lecture, cela ne m’a pas dérangé toutefois en réfléchissant après coup, j’ai quand même grimacé. On ne peut d’ailleurs pas, selon moi, parler de romance à ce stade et je me demande même pour quelle raison il est classé dans la collection « J’ai lu pour elle ».

Je dois aussi avouer avoir passé quelques pages parce que le roman souffre de répétitions à cause justement des choix narratifs de Georgia Caldera. À chaque fois que l’autrice change de point de vue, elle remonte un peu en arrière pour donner l’impression du personnage concerné sur les évènements qui viennent de se dérouler et ce de manière systématique. Du coup on a chaque fois quatre ou cinq pages (format epub) de redondances diverses et variées qui n’apportent rien en plus de prendre le lecteur par la main. Dommage !

Une intrigue classique mais intéressante.
Dans ce premier tome, Georgia Caldera s’inspire de la traditionnelle quête de vengeance d’une adolescente malmenée par la vie dans un univers dystopique maîtrisé. On sent venir certains rebondissements toutefois je ne me suis pas ennuyée un seul instant, curieuse de découvrir jusqu’où l’autrice irait avec son concept et ses protagonistes. Comme je l’ai dit, le jardin des âmes est un premier volume, il pose des bases qu’il sera nécessaire d’approfondir par la suite et se termine sur un gigantesque cliffhanger qui laisse le lecteur sur sa faim. Si vous pensez être le public cible et apprécier ce roman, je ne peux que vous conseiller d’acheter les deux premiers tomes d’un coup parce que couper à cet endroit-là… C’est cruel et vraiment limite parce que ça m’a personnellement donné l’impression d’avoir seulement la moitié d’un roman entre les mains. Je sais qu’il faut bien choisir un endroit où couper dans les sagas mais bon… Bref, c’est mon sentiment personnel.

La conclusion de l’ombre :
Le jardin des âmes est le premier tome d’une saga dystopique prometteuse où Georgia Caldera met en scène des personnages torturés par la vie sous l’égide de Dieux assez cruels. Malgré son classement dans une collection romance, je ne trouve pas que ce roman soit à mettre en premier lieu dans ce genre littéraire et cela peut induire des lecteurs en erreur -comme ça a été mon cas. Pour ma part ça a été une plutôt bonne surprise au final puisque je n’apprécie pas la romance mais cela rebutera peut-être justement les personnes en quête d’une histoire collant aux codes de ce genre littéraire. Malgré quelques redondances et défauts de style, j’ai passé un agréable moment en compagnie de Céphise et Verlaine et je suis contente d’avoir finalement lu ce roman pour le PLIB car je ne l’aurais jamais ouvert autrement.

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Métro Paris 2033 #1 Rive Gauche – Pierre Bordage

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Rive Gauche
est le premier tome de la trilogie Métro Paris 2033 écrite par l’auteur français Pierre Bordage. Publié chez l’Atalante, vous trouverez ce roman dés le 28 mai partout en librairie au prix de 23.9 euros.
Je remercie Emma et les éditions l’Atalante pour ce service presse.

De quoi ça parle ?
La surface n’est plus habitable depuis 2033 (enfin, on suppose ?). Les survivants parisiens se sont réfugiés dans le métro et se sont divisés en plusieurs communautés aux profils divers et variés. Dans ce monde post-apocalyptique, des voix s’élèvent pour former une vraie fédération là où d’autres préfèrent se battre pour leurs privilèges… Un tableau dérangeant de ce que la nature humaine a de pire.

Le post-apo et moi.
Avant d’entrer dans le vif du sujet, je me dois d’écrire quelques mots au sujet du genre littéraire « post apo » et de ma relation avec lui. Pour ceux qui l’ignorent (bah quoi, on ne peut pas tout savoir !), il s’agit d’un univers où une catastrophe donnée a détruit la civilisation telle que nous la connaissons et qui prend place dans un après. Je lis très peu de romans post-apo parce qu’ils me mettent mal à l’aise pour la grande majorité d’entre eux. Je ne trouve aucun plaisir à découvrir des univers de ce type même si je pense qu’il est nécessaire d’en inventer parce que ça participe à une réflexion plus globale au sujet de notre actualité. Donc sur un plan personnel, je ne suis pas du tout le public pour ce roman et j’ai ressenti un certain nombre de difficultés à le lire, à arriver au bout. Si ça n’avait pas été un SP de l’Atalante doublé d’un livre qui a souffert de la crise COVID vu que décalé dans le planning, je n’aurais probablement pas fait ces efforts. Un état qui n’est pas lié au texte en lui-même ou à sa qualité (à l’exception d’un élément sur lequel je vais revenir plus bas) mais bien à mes goûts personnels. Aussi pardonnez moi d’avance de rester relativement factuelle dans ce billet.

Vous allez me dire… Pourquoi t’en parles, du coup ? Et bien parce que je ne suis pas égoïste ! Je sais que le post-apo est très à la mode, beaucoup de lecteurs, dont ceux du blog, apprécient les lectures de ce genre donc pourquoi les empêcher de découvrir un bon roman ?

Un univers inspiré de Dmitry Glukhovsky…. mais pas que !
Vous le savez peut-être mais ce roman est tiré du même univers que Métro 2033 de l’auteur russe Dmitry Glukovsky. Un texte que je n’ai jamais lu donc je peux vous affirmer que sa lecture n’est pas du tout nécessaire pour comprendre le contenu de Rive Gauche. Tout ce qu’on doit savoir est d’ailleurs expliqué dans un chapitre d’introduction écrit à la première personne, du point de vue de ce que je vais qualifier « d’érudit ». Cet homme – Roy comme on l’apprendra plus tard- conserve des livres dans le plus grand secret afin de préserver la mémoire culturelle de l’humanité. Un but noble et important (remarque totalement impartiale hum-hum) qui lui permet d’être au courant de pas mal d’éléments du passé. Il dépeint au lecteur son présent : comment s’organisent les stations, quelles difficultés rencontrent les gens. Cela permet d’entrer dans le vif du sujet et d’établir clairement les codes du background.

Les parisiens se répartissent en fonction des stations du métro dont les noms sont restés identiques à ceux d’aujourd’hui aussi je ne doute pas que les lecteurs parisiens s’amuseront à suivre IRL le trajet des protagonistes. Je l’aurais fait si j’avais pu. Certaines disposent de plus de richesses que d’autres et quand je dis richesse, il ne s’agit pas tant de monnaie que de ressources : l’eau, la nourriture, les bougies pour s’éclairer, des objets vitaux du quotidien. Un peu comme dans notre société, une élite se partage la majorité du gâteau pendant que la plupart des gens meurent dans leurs excréments. La maladie fait rage, les couples se reproduisent trop pour la quantité de ressources dont ils disposent et certains enfants naissent avec des mutations, s’adaptant à leur nouvelle vie sous terre et causant des cas de conscience. On croisera aussi un culte religieux, l’Élévation, qui incarne tout ce qu’on peut retrouver de pire dans l’idée de foi.

Cet univers est anxiogène et dérangeant. Pierre Bordage retranscrit très bien l’ambiance du métro. On a l’odeur de merde dans le nez quand on le lit, la pénombre perpétuelle, on se sent limite observé, comme si un monstre allait nous sauter dessus sans prévenir. Tout ce qui m’a rendu la lecture pénible sur un plan personnel se révèle en fait plutôt une qualité pour ceux qui apprécient justement le post-apo.

Une intrigue classique mais efficace pour explorer des thématiques nombreuses.
Rive Gauche ne révolutionne pas la manière de raconter une histoire. Pierre Bordage opte pour une narration chorale qui permet de suivre plusieurs points de vue qui représentent chacun un clan, une façon de considérer le monde, de vivre donc, tout simplement. On a la révolutionnaire égalitaire, les religieux véreux, le gamin débrouillard ou encore la femme flouée qui cherche à se venger. Des archétypes évidents dans une intrigue classique dans le genre puisqu’il s’agit de changer profondément la politique actuelle et, par extension, de réfléchir sur notre propre système. L’auteur n’apporte pas grand chose de neuf au post-apo toutefois il propose un titre assez solide dans sa construction et son déroulé. C’est plutôt cohérent, parfois intriguant, souvent ultra violent. Il vaut mieux ne pas avoir un petit cœur pour lire Rive Gauche parce que Pierre Bordage vous met en scène l’humanité dans ce qu’elle a de pire.

Un sexisme ordinaire bien marqué
C’est le point qui m’a vraiment dérangée et qui n’est pas fondamentalement lié au genre (du moins pas à ma connaissance ?). J’ai conscience que l’auteur s’inscrit probablement dans une démarche de dénonciation du sexisme mais tous les personnages masculins pensent avec leur queue -pour rester aussi vulgaire que dans le texte. Ils considèrent TOUS les femmes comme des objets à posséder, même Juss, qui est un gosse. Il accepte de protéger une gamine nyct en se disant qu’elle sera sûrement belle plus tard donc que ça vaut le coup pour se marier avec elle plus tard. Autant je le pardonne à un enfant qui se contente de reproduire les réflexions des adultes (il va évoluer au fil du roman sur ce point et ce d’une bien belle façon d’ailleurs) autant c’est vite pénible chez les autres. Prenons l’exemple de la femme malmenée qui veut se venger aka Aube. Elle est décrite comme superbe, une déesse (ce mot est employé) tout le monde veut coucher avec elle ce qui lui permet plus d’une fois de sauver sa vie. Les hommes deviennent complètement idiots à son contact et non seulement c’est réducteur pour les femmes… Mais ça l’est aussi pour les hommes ! Comme si les personnages masculins se réduisaient à un pénis… Alors que non, désolée, ils valent mieux que ça autant que les femmes valent mieux que ça. Madone, par exemple, la révolutionnaire, couche avec son capitaine puis s’en désintéresse pour un autre type. À chaque fois qu’elle le voit, elle a envie de coucher avec lui ce qui donne lieu à des scènes de sexe vraiment pas utiles. Je sais que ça ne dérange pas la plupart des lecteurs toutefois moi, ça m’a saoulée.

J’ai bien conscience que Pierre Bordage veut mettre en scène une société post-catastrophe où les gens n’ont rien appris et ne se sont pas améliorés afin de permettre au lecteur de prendre conscience de nos problèmes actuels. C’est un choix et il fonctionne très bien puisque j’ai relevé toutes ces thématiques. Toutefois, je suis plutôt partisane d’une dénonciation du sexisme par la création d’une normalité, comme dans À la pointe de l’épée ou le Prieuré de l’oranger, plutôt que dans une mise en scène aussi brute. Je n’aime pas ça. Je n’aime plus ça, encore moins depuis ma lecture de l’édifiant article sur le sexisme en fantasy de Planète Diversité.

Mais voilà, c’est moi, ça ne concerne QUE moi et ma sensibilité. Et je conçois parfaitement que d’autres lecteurs s’y retrouvent totalement, d’où mon envie de quand même vous parler de ce roman parce qu’il est intelligent, actuel, plutôt bien écrit avec certains personnages réussis qui ont droit à une belle évolution (notamment Juss et Plaisance).

La conclusion de l’ombre :
Rive Gauche est le premier tome d’une trilogie post-apocalyptique qui se déroule à Paris, dans l’univers de la saga Métro 2033 de Dmitry Glukovsky chez le même éditeur. Il n’est pas nécessaire d’avoir lu les romans d’origine pour comprendre le contenu de Rive Gauche car Pierre Bordage reprend surtout le principe d’habitants réfugiés sous terre pour échapper à une catastrophe ayant rendu la surface inhabitable. Rive Gauche contient tous les ingrédients qu’on attend d’un roman de ce type en proposant une intéressante réflexion sur la nature humaine. Je pense pouvoir affirmer qu’il plaira aux aficionados du genre -ce que je ne suis pas donc je prends des pincettes !

La divine proportion – Céline Saint Charle

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La divine proportion
est un thriller dystopique écrit par l’autrice française Céline Saint Charle. Édité par Livr’S Éditions, vous trouverez ce roman au prix de 18 euros dans sa version papier et 4.90 dans sa version numérique.

Je vous ai déjà parlé de cette autrice avec un autre one-shot, post-apocalyptique cette fois : #SeulAuMonde.

De quoi ça parle?
Héléna (alias Léna) est journaliste web. Contrainte par son patron de se rendre à Berdoux pour effectuer un reportage au sujet d’un orphelinat qui reçoit une subvention, elle va découvrir l’envers d’un décor effrayant. Elle y rencontre la petite Cerysette, une enfant souffrant d’un angiome qui la défigure. En échangeant avec la petite, Léna prend conscience des conditions de vie assez affreuses pour ces invisibles, ces oubliés du système. Quand la gamine disparaît, la journaliste s’empresse de déposer plainte au commissariat auprès de Lucas Donadio, un flic sur le point de partir à la retraite. Ensemble, ils vont enquêter et remuer des secrets que le gouvernement français aurait préféré continuer de cacher.

Une dystopie terrifiante aux accents quasi prophétiques.
Si l’action se déroule en France, l’autrice évoque la situation des États-Unis afin d’expliquer quelques éléments clés du fond historique. En 2020, le président américain a pété un câble, fermé les frontières du pays et réinstauré une dictature patriarcale (wait a minute…). Depuis, des femmes fuient en masse pour se réfugier en Europe, notamment en France où elles n’ont aucune existence légale. On les parque dans des bidon-villes où elles n’ont pas beaucoup de choix quant à leur avenir. Peu après, le président Rollin arrive au pouvoir en France et propose plusieurs projets politiques. D’une, le réaménagement du territoire en dédiant des villes à certains secteurs / métiers et en reconstruisant sur base du nombre d’or. Il reçoit beaucoup de moqueries des politiques mais un grand soutien des citoyens qui accrochent plutôt bien à ses idées novatrices. De deux, l’application de la loi du Talion.

Oui, le Talion, celui de la Bible : œil pour œil, dent pour dent. Grâce à un procédé technologique dont je vous épargne les explications précises pour ne rien gâcher du roman, on peut faire vivre à un bourreau les souffrances de sa victime pendant x temps en guise de châtiment. Ça calme les ardeurs, direct. D’autant que tous les adolescents ont droit à un « Talion d’essai » en guise de prévention… Ça fonctionne si bien que la criminalité a drastiquement baissé, assez pour que la police ne porte plus d’armes et que les légistes se contentent d’autopsier des suicidés et des morts naturels pour ne pas perdre la main.

Sur le papier, la France s’en sort plutôt bien. Les autres pays l’envient beaucoup, d’ailleurs. Sauf qu’on se rend rapidement compte qu’il y a anguille sous roche…

Des thématiques fortes et actuelles.
Céline Saint Charle ne se contente pas de proposer une enquête intéressante au rythme maîtrisé. Elle apporte une réflexion sur des sujets dangereusement d’actualité comme la question des réfugiés. Dans la divine proportion, il s’agit de jeunes femmes américaines qui essaient d’échapper à un pays rétrograde où on les considère à peine comme des objets de valeur. Elles cherchent donc une vie meilleure en Europe… Ça vous rappelle quelque chose ? Tant mieux, gardez ça à l’esprit. Ces femmes, en arrivant, n’ont pas d’identité. Elles n’existent pas, aux yeux de l’État. Si elles meurent, ça ne les regarde pas et elles n’ont même pas droit à une sépulture décente. Elles n’entrent même pas dans les statistiques des crimes commis sur le territoire, d’ailleurs. Si bien qu’une existence parallèle, presque un monde à part, se déploie dans l’ombre de l’officiel. On y trouve ceux qui ont commis des crimes et craignent le Talion, des prostituées utilisées par les citoyens français les plus riches (hypocrisie quand tu nous tiens) et bien entendu, leurs enfants qu’elles confient pour la plupart à l’orphelinat du coin en espérant qu’ils auront un avenir meilleur en étant adopté par des personnes disposant d’une nationalité.

Ces thématiques profondément humaines interpellent et ne peuvent pas laisser de marbre d’autant que l’autrice se les approprie très bien. Elle les met en avant en le justifiant par son histoire, sans jamais appuyer inutilement ou transformer la Divine Proportion en pamphlet politique. L’équilibre fonctionne.

Un texte porté par les femmes.
L’autrice réussit à brosser une galerie de personnages féminins crédibles et touchants. Elles n’ont pas toutes le beau rôle et c’est ça qui est intéressant parce qu’on ne tombe pas dans le manichéisme type les mâles sont des monstres et les pauvres femelles totalement en détresse. Elles sont victimes, elles sont bourreaux, elles sont tantôt fortes, tantôt faibles, elles vivent dans des conditions difficiles et se battent pour ce qui leur tient à cœur. Pour la petite histoire, l’autrice avait proposé à ses lecteurs de choisir les prénoms des personnages secondaires. Une info qu’elle révèle dans les remerciements. Je trouve l’initiative hyper sympa. Je ne vais pas détailler chacune de ces femmes parce qu’elles méritent toutes qu’on leur rende justice, toutefois je vais m’attarder sur Léna et Cerysette qui sont les héroïnes de ce texte. Léna est donc une journaliste qui a du mal avec les contacts humains. Pas très douée socialement, le sang chaud, la fougue de la jeunesse pas encore désabusée, elle se bat bec et ongle pour divulguer tout ce qu’elle apprend durant son enquête afin que le public soit au courant. Elle m’a agacée quelques fois mais ça ne la rend que plus humaine. Quant à Cerysette… C’est une gamine qui crève le cœur. Harcelée par les autres enfants à cause de son angiome, ils la traitent de monstre et refusent de devenir son amie. Enfant solitaire d’une résilience exceptionnelle, la vie ne lui fait vraiment pas de cadeau, ce qui ne l’empêche pas de conserver une candeur et une bonté qui provoquent plus d’une fois les larmes aux yeux du lecteur.

Le mieux dans tout ça c’est que Céline Saint Charle ne diabolise pas les hommes pour autant. Lucas Donadio est un flic bedonnant sur le départ pour sa retraite en Bretagne. Il est droit, honnête, il s’implique dans l’enquête alors qu’il pourrait très bien poser ses jours de congé pour préserver sa tranquillité. Il a un caractère un peu bourru ce qui ne l’empêche pas de posséder une véritable profondeur. La psychologie de ce protagoniste ne manque pas de nuance, je l’ai trouvé très réussi. Quant à Tony, autre homme remarquable, il est l’employé du bordel de Berdoux, chef de la sécurité. Un ancien malfaiteur qui a du cœur en plus de talents culinaires indéniables !

Pour le plus grand bien.
Jusqu’où peut-on aller pour le bien de la majorité ? Pour le bonheur du plus grand nombre? Voilà une question qui transcende tout le roman. Je ne peux pas développer dans le détail afin d’éviter tout divulgâchage toutefois sachez que la divine proportion ne se contente pas d’être un thriller efficace. Le roman va au-delà et se veut texte réflexif. Quand on le referme, on ressent un malaise en espérant qu’il ne devienne pas prophétique. C’est là tout le talent de cette autrice : ce qu’elle raconte est si crédible que ça en devient possible, envisageable. Chapeau.

Un mot sur le Chien…
En tant que personne engagée dans le bien-être animal, je ne pouvais pas occulter le sujet du Chien. Je mets une majuscule parce qu’il s’agit du nom du canidé adopté par Léna lors d’un reportage à la SPA pour se rattraper après qu’elle ait un peu gaffé. Elle le possède depuis plusieurs mois et ça ne se passe vraiment pas très bien entre eux. Ils ne se comprennent pas, lui pisse sur le tapis et se retient en balade exprès, bref elle vit l’enfer. Chien a une importance dans le roman que je tais pour vous laisser la découvrir mais ce que j’ai surtout apprécié c’est la manière dont Céline Saint Charle explique le problème de l’animal. Quand on a que les justifications de Léna, on imagine un animal un peu retord, vicieux même, ce qui donne une assez mauvaise image des chiens adoptés ou de la SPA qui est bien contente de lui refiler un de leurs pensionnaires. Pourtant, Donadio comprend tout de suite où le bât blesse puisque, chance, son oncle est éducateur canin. D’où l’importance de consulter des professionnels quand on rencontre un souci avec son animal au lieu de se braquer ou pire, de baisser les bras. Je ne vous en dis pas plus toutefois c’était la première fois que je lisais un roman qui évoquait ce type de sujet. Même si c’est accessoire face au reste de l’intrigue, j’avais envie d’en parler et de dire merci à l’autrice pour ça.

La conclusion de l’ombre :
La divine proportion est un thriller à la française de grande qualité. Non contente de proposer une intrigue intéressante et bien menée, Céline Saint Charle construit des personnages à la psychologie travaillée ainsi qu’un fond réflexif qui laisse pantois. Le talent de cette autrice auvergnate se confirme un peu plus à chaque roman. Je ne peux que vous en recommander chaudement la lecture !

Le Carrousel Éternel #4 Music Box – Anya Allyn

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Music Box
est le dernier tome de la saga le Carrousel Éternel écrit par l’autrice australienne Anya Allyn. Publié aux Éditions du Chat Noir, vous trouverez ce roman au prix de 19.9 euros.

Souvenez-vous, je vous ai déjà parlé de Dollhouse (1) – Paper Dolls (2) et Marionette (3).

De quoi ça parle ?
Pour vous éviter tout divulgâchage, surlignez les phrases suivantes pour lire le résumé de ce tome.
Cassie est prisonnière de Balthazar qui va bientôt être capable de consommer son mariage. Le compte à rebours est lancé pour notre héroïne qui doit trouver un moyen de s’enfuir sans condamner son monde d’origine. Libre durant la journée, elle découvre les secrets de la Falaise mais aussi l’identité de cette ombre en haut de la tour. Une révélation qui va changer la donne… Pendant ce temps, l’Ordre en la personne de Sœur Célia prend la pire décision possible, ce qui va déclencher l’affrontement final.

À la croisée des genres et des publics.
Après mon sentiment en demi-teinte sur le troisième tome, j’entamais avec angoisse la conclusion de cette saga difficile à qualifier ou même classer. Les libraires peuvent soupirer de soulagement, ils n’ont pour le moment pas besoin de résoudre ce casse-tête. Le Carrousel Éternel commence comme une sorte de thriller horrifique avec ces adolescents enlevés qui se retrouvent à devoir évoluer dans une maison de poupée sous la houlette de Jessamine, en jouant des rôles attribués à leur arrivée. Il devient tranche de vie young-adult après leur libération, quand les survivantes tentent de recommencer à vivre pour ensuite glisser vers le gothique quand les protagonistes arrivent au Château et s’achever comme une science-fiction survivaliste et interdimensionnelle avec le peuple des Serpents.

Quand on lit de manière (quasi) systématique les ouvrages d’une même maison d’édition, on y retrouve une ligne éditoriale. On sait à quoi on s’attend, on sait ce qu’on veut lire quand on achète un roman chez eux. Intervient ici le dilemme de l’éditeur : continuer à publier des textes qui correspondent à un schéma clair ou innover pour bousculer et surprendre le lecteur ? Avec cette saga, le Chat Noir a très clairement pris un risque qu’on peut saluer. Parce que publier le Carrousel Éternel, avec toutes les difficultés que ça implique sur son public, sa classification et le reste, il fallait l’oser.

La question du genre young adult.
Cet enchaînement de genres littéraires qui empêche tout classement logique est accompagné d’un univers assez dingue qui exploite d’une manière intéressante la thématique du multivers et du voyage dimensionnel. Je ne m’attendais pas à retrouver ces éléments dans un roman qu’on peut clairement qualifier de young adult ce qui m’a fait m’interroger sur la signification de cette catégorie éditoriale. On a pu en discuter avec Cécile Guillot lors de la Foire du Livre de Bruxelles, ce qui a entraîné chez moi une profonde prise de conscience sur ce genre que j’ai tendance à mépriser. Finalement, au Chat Noir, il y a beaucoup de romans dit « young adult » mais c’est un terme qui regroupe autant des tranches de vie que des textes horrifiques rondement menés comme les derniers romans de Dawn Kurtagich (The Dead HouseCe qui hante les bois) ou même l’autre roman d’Anya Allyn (Lake Ephemeral) pour ne citer que ceux-ci. J’ai tendance à rejeter en bloc cette littérature alors que j’en lis beaucoup et pire (mieux ?) que j’y trouve des coups de cœur.

Le souci avec le Carrousel Éternel c’est qu’il exploite les tropes qu’on imagine propre au YA (des héroïnes adolescentes qui se débrouillent super bien et qui réussissent à surmonter des épreuves terribles, des amourettes sorties de nulle part, des adultes à la limite de la stupidité criminelle, plein de bons sentiments dégoulinants, un antagoniste méchant juste parce que) avec un univers qui ne dépareillerait pas dans un bon roman de SF plus ou moins grand public. Je ne me considère pas comme spécialiste mais certaines explications sur le multivers et les conséquences induites par l’utilisation du Speculum Nemus ont par moment été difficiles à appréhender pour moi qui possède tout de même les bases. Du coup, à qui destiner cette saga ?

De la nécessité d’abandonner les canevas.
J’ai refermé ce roman avec un sentiment mitigé mais globalement positif pour plusieurs raisons. Déjà grâce à la fin qui est très satisfaisante parce que l’autrice n’a pas cédé aux sirènes de la facilité et du fan service. Ensuite grâce à ce dépaysement littéraire et au fait qu’Anya Allyn ne s’encombre pas de respecter tel ou tel genre, ce qui rend son intrigue globalement inattendue. Elle prend ce qu’elle veut où elle en a besoin pour construire son intrigue et son univers unique. L’autrice ose et rien que pour ça, j’ai envie de saluer la performance. On peut chipoter en disant que le Carrousel Éternel est un peu trop poussé pour celui ou celle qui cherche uniquement le young adult tourné sur les sentiments et pas suffisamment mature pour le lecteur averti qui aiment ce qui est sombre. Puis on peut nuancer en disant que ça dépend d’un tome à l’autre, d’une scène à l’autre… Et prévenir les lecteurs concernés de cette inégalité qui peut créer de la frustration mais qui, après avoir découvert l’ensemble et pris le recul nécessaire, s’effacera pour céder la place au contentement. Celui d’avoir été au bout. Celui d’avoir découvert cet olni.

La conclusion de l’ombre :
Pour résumer, Music Box est le dernier tome de la saga du Carrousel Éternel et le conclut avec brio, sans céder à la facilité. L’autrice tombe définitivement dans la science-fiction à tendance post-apocalyptique et s’en sort assez honorablement. Toujours en équilibre à la frontière de plusieurs genres littéraires, il est clair que cette quadrilogie est un olni (objet littéraire non-identifié) qui ne plaira pas à tout le monde. Toutefois, elle vaut clairement le détour ne fut-ce que pour l’expérience qu’elle constitue.

L’enceinte 9 – Ophélie Bruneau

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L’enceinte 9
est une dystopie young adult écrite par l’autrice française Ophélie Bruneau. Publié chez Éditions Lynks, vous trouverez ce roman au prix de 18.90 euros partout en librairie.
Je remercie Bleuenn et les éditions Lynks pour ce service presse.

L’humanité a du affronter un virus dangereux et s’est repliée dans différentes enceintes, chacune sous le contrôle d’un programme de Gestion des ressources. L’action du roman se déroule dans l’Enceinte 9, un siècle après le Repli. C’est là que vit Ysa, une jeune fille surnuméraire (née sans autorisation de naissance et abandonnée par ses parents dont elle ignore tout) qui entre dans les forces de l’ordre à l’âge de dix-huit ans. Le système, elle, elle y croit… Jusqu’à ce que la réalité la rattrape. Les gens ont faim, certains groupes extrémistes ont des idées bien arrêtées sur l’avenir de l’humanité et des évènements bizarres s’enchaînent, comme cette série de suicides à laquelle la jeune enquêtrice assiste malgré elle. Ysa va donc enquêter et découvrir le monde de l’ombre.

Ce qui est assez remarquable dans ce roman et que je vais relever en premier, c’est l’univers. Ophélie Bruneau imagine une situation crédible et l’exploite d’une manière intelligente. Je n’ai aucun problème à imaginer que des Enceintes viennent à exister un jour ni que l’humanité soit confrontée à des soucis similaires avec la gestion des ressources. Au fond, on s’en rapproche. Subtilement, l’autrice propose une critique politico-sociale avec des solutions envisageables. Le roman est d’ailleurs très orienté là-dessus: comment changer, comment le faire correctement, comment se rebeller contre un système immobiliste qui n’est plus en accord avec la réalité du monde. Ce sont des questions qui me parlent beaucoup, surtout dans le climat actuel de l’Europe. Et l’autrice les traite sans transformer son roman en manifeste, chapeau.
Je n’ai eu aucun problème à croire que la vie dans l’Enceinte 9 soit possible. Contrairement à plusieurs titres populaires dans cette veine littéraire que j’ai pu lire, Ophélie Bruneau prend le temps d’expliquer comment s’organise les gestions de ressource, de matériel, etc. Parfois directement dans le texte en y confrontant ses personnages et parfois par des articles de presse, extraits de journaux anciens, etc. qui se glissent entre chaque chapitre. Ça parasite un peu le rythme du roman mais ça reste suffisamment intéressant pour ne pas devenir agaçant.

On sent bien que l’autrice a beaucoup réfléchi sur son sujet et l’a travaillé soigneusement. Je ne suis pas une adepte de la dystopie, encore moins young adult, mais celle-ci était bien menée sans tourner au manichéen. Un très bon point.

Chaque chapitre débute par une indication chronologique. Il se passe souvent plusieurs jours si pas plusieurs semaines entre deux d’entre eux et j’ai parfois éprouvé une sensation de rapidité, de résumé, ce que j’ai trouvé dommage. Je conçois parfaitement que le roman était déjà gros (500 pages avec une mise en page aérée, ça fait une belle brique) mais j’aurai aimé avoir davantage l’occasion de m’attacher aux personnages. Peut-être en se focalisant sur un unique point de vue? Ysa est présentée comme l’héroïne sur la quatrième de couverture et il est vrai que le lecteur la suit majoritairement, mais d’autres personnages parlent et par moment, j’ai éprouvé un sentiment de redondance dans les propos, dans les explications. Je ne ressentais pas la personnalité de chacun, la narration était à la fois trop ciblée sur des pensées spécifiques et pas suffisamment différente en fonction du point de vue du personnage. Je le précise, c’est mon propre goût et je suis certaine que c’est une façon de raconter qui conviendra à d’autres gens. Finalement, je me suis assez peu attachée aux protagonistes et le seul qui m’a plu, qui m’a un peu touchée, ironiquement, c’est Zéro… Soit l’I.A. présente dans l’œil d’Ysa.

J’ai conscience de ne pas être le public cible de ce texte, pourtant Ophélie Bruneau a réussi l’exploit de me faire tourner les pages sans que je m’en rende compte et ce malgré les quelques longueurs et redondances soulignées plus haut. Sa plume est efficace, maîtrisée, on ne sent pas passer le temps. Lynks propose donc à nouveau un page-turner de bonne qualité.

Pour résumer, l’Enceinte 9 est une dystopie young adult plutôt réussie. Ophélie Bruneau propose un univers cohérent et crédible avec des questionnements d’actualité. Si j’ai été un peu moins convaincue par les personnages que par l’univers, j’ai apprécié l’absence de romance pour se consacrer sur les thèmes centraux du roman qui sont eux, vraiment bien exploités. Je pense que ce texte séduira les adeptes du genre ainsi que ceux qui, comme moi, aimeraient pouvoir s’y retrouver sans jamais y parvenir vraiment. Un chouette texte engagé, comme on en trouve toujours chez Lynks, avec une fin ouverte porteuse d’espoir pour l’humanité.

Terre de Brume #2 le choix des élues – Cindy Van Wilder

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Le choix des élues est le second (et dernier) volet de la saga Terre de Brume écrite par l’autrice belge Cindy Van Wilder. Publié chez Rageot, vous trouverez ce volume au prix de 16.90 euros dans toutes les librairies.
Ceci est ma quinzième lecture dans le cadre du challenge S4F3s5 organisé par l’ami Lutin !

Souvenez-vous, je vous avais parlé du premier tome lu dans le cadre du PLIB2019.
Je vous rappelle en quelques mots le principe car je ne compte pas vous spoiler le contenu de l’histoire. Au sein d’un univers typé fantasy, l’utilisation de la magie génère une Brume qui finit par provoquer le Bouleversement. La Brume prend une trop grande ampleur et devient corrosive, ce qui est néfaste pour le monde au point de détruire beaucoup d’éléments de l’ancien monde, dont la nature. Les humains survivent dans des bastions, sous la protection de praticiens d’une magie élémentaire (eau, feu, air ou terre). On apprend aussi que certaines formes de magie semblent disparues et on en ignore pour l’instant la cause. Le roman se centre sur Héra, une prêtresse de l’eau et Intissar, une Sœur de Feu qui vont s’unir pour affronter les vagues de monstres dans la Brume et chercher une solution définitive à ce problème.

En tant que tome 2, le choix des élues s’inscrit assez bien dans la continuité de ce que proposait l’autrice : métaphore écologique, héroïnes résilientes, pour les points positifs et facilités scénaristiques en plein deus ex machina pour les points négatifs. Ma chronique va se présenter un peu différemment de d’habitude car j’ai envie de relever plusieurs points qui me paraissent importants.

Déjà, sur la construction narrative. Chaque début de chapitre propose un extrait d’une autre histoire, racontée par un conteur qui s’adresse directement au lecteur en lui expliquant ce qui est arrivé au dieu Aïstos. On comprend rapidement que c’est lié à l’intrigue en cours. Toutefois, ça nuit cruellement au rythme narratif en cassant la fluidité des changements de chapitre. Je pense que cette histoire aurait gagné à figurer en prologue ou alors à la toute fin du roman car nous en découvrons des éléments importants via Héra et Intissar au moment où elles rencontrent les Semeurs. Sauf que quand les héroïnes apprennent la vérité, quel intérêt de la répéter dans ces en-têtes ? Hormis à insister trop lourdement sur le fait que Aïstos est vraiment trop gentil vu toutes les saloperies qu’il a pu subir.

De plus, une grande partie du roman est écrite à la première personne, toujours pour Héra et Intissar, mais des chapitres sont rédigés à la troisième, pour la Brume et Saraï, ce que je n’ai pas compris et qui me pose un problème en terme d’homogénéité narrative. Qu’on propose un prologue ou un épilogue d’un point de vue différent, d’accord, mais qu’on jongle pendant tout le livre? C’est vraiment dommage et ça sort de l’intrigue. D’autant que les chapitres sur la Brume n’apportent pas grand chose hormis montrer que cet antagoniste manque de peps et d’enjeu, surtout comparé à celui du premier tome qui inspirait quand même une certaine peur, un intérêt, une angoisse. La Brume est beaucoup trop manichéenne à mon goût, j’aurai apprécié plus de nuances.

Je trouve ça d’autant plus dommage que les idées de l’autrice sont bonnes. J’ai lu plusieurs chroniques qui déploraient les facilités scénaristiques et j’ai relevé plusieurs deus ex machina -comme je l’ai signalé plus haut. Toutefois… Pendant tout le roman, on nous parle de « Maktoub » soit un concept de destin auxquels même les dieux sont soumis. À partir du moment où l’existence de ce concept est admis clairement par l’autrice et les protagonistes, je n’ai plus de problèmes avec ce qui aurait pu passer pour des facilités car ça devient un parti-pris narratif. Si un destin existe, c’est qu’une intelligence quelconque a tissé une trame et donc qu’elle a prévu de bousiller un coup le libre arbitre de tout le monde, de parfois forcer la chance, comme ça lui convient à elle. Peut-être que c’est une métaphore tordue du métier d’autrice et globalement, ce n’est pas ce que j’apprécie mais c’est un choix justifié par Cindy Van Wilder au sein de son univers. Il est assumé, clairement admis donc je ne me sens pas en droit de critiquer ce point hormis par pure préférence personnelle.

Je sais que jusqu’ici, vous êtes en train de vous dire : mais bon sang elle démonte le roman, pourquoi elle en parle? C’est pas dans sa ligne éditoriale. Et bien… Tout simplement parce que j’ai passé un agréable moment avec ce second tome qui clôture correctement la saga. J’ai été surprise par certains choix (notamment Intissar, c’était osé ! ) au sein de l’intrigue et j’ai tourné les pages sans m’en rendre compte. Je pars du principe que quand on lit un roman et qu’on arrive à la fin en se disant « quoi? déjà? » c’est que l’autrice gère un minimum. Son écriture dynamique et sans fioritures inutiles permet de fournir un vrai page-turner et un bon divertissement. Parfois, on n’a pas besoin de plus. Et en ce moment, je termine mon blocus pour ma seconde session donc c’était parfaitement ce qu’il me fallait pour m’accompagner.

Mais ce que j’ai apprécié aussi, c’est le traitement d’une question d’identité genrée. Dans le roman, on rencontre un personnage d’abord présenté comme un garçon (je ne vous dis pas qui) et qui révèle qu’à l’intérieur, il se sent fille et subit une discrimination assez violente de la part de son peuple. Je trouve ça important de traiter ce type de sujet polémique au sein d’un roman à destination d’un public plus jeune. Ça a du sens et ça peut mener à une plus grande ouverture d’esprit. Ou au moins à se questionner sur son identité et à comprendre à quoi peut mener le rejet ou le harcèlement. Dommage que ça intervienne tard et presque au détour d’un chapitre, toutefois ça me tenait à cœur de le souligner.

En bref, le second tome de Terre de Brume est à la hauteur du premier. Cindy Van Wilder propose un bon divertissement sous forme d’un page-turner efficace en traitant de manière métaphorique de thématiques fortes comme l’écologie, la résilience ou l’identité de genre. Ce roman est à recommander à des lecteurs plus jeunes ou inexpérimentés qui s’y retrouveront là où les lecteurs confirmés et tatillons lui attribueront un certain nombre de défauts. Personnellement, j’ai passé un agréable moment de lecture et parfois, c’est tout ce qui compte.

Zoomancie – Adrien Tomas

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Zoomancie
est le dernier roman en date de l’auteur français Adrien Tomas qui quitte la fantasy pour s’aventurer dans la dystopie young adult. Publié chez Lynks Éditions, vous trouverez ce texte au prix de 15.90 euros à partir du 22 août en librairie.
Je remercie Bleuenn et les éditions Lynks pour ce service presse.
Ceci est ma dixième lecture dans le cadre du challenge S4F3s5 organisé par l’ami Lutin !

Dans un monde dévasté par la guerre et les catastrophes naturelles, la population mondiale s’est drastiquement réduite. Faustine travaille au refuge de Montvermeil, en plein Paris, où elle dirige les équipes de soigneurs animaliers. Elle survit et tente de ne pas succomber à la colère qui dévore la population quand une baleine s’échoue au cœur de la capitale. La jeune fille comprend qu’un lien existe entre elles, un lien qui va changer sa vie. Quelque part à Kuala Lampur, le death boker Spider a tissé une toile numérique inviolable. Quand la Num se rapproche de lui, il est déjà loin ou du moins, il le pense. Ses talents lui permettent de survivre sans problème… Jusqu’à ce qu’un autre hacker lui transmette un document crypté qui contient d’horribles secrets et va lui tracer une cible dans le dos. Quant à Kamili, il est gardien dans la réserve de Mwanga en Afrique, réserve qui subit une attaque terrible des Légion de Cendres. Accompagné par Ushingi, une des dernières femelles okapis du monde, il tente de rejoindre Paris afin de préserver cette espèce en danger.

Je vais d’abord évoquer le contexte de Zoomancie qui se place vers le milieu d’un 21e siècle aux allures terriblement prophétiques. Il y a eu toute une série de conflits entre plusieurs pays qui ont mené à la disparition de certains, à la refonte d’autres qui portent de nouveaux noms mais restent reconnaissables. Ce qui m’a marqué, c’est le renversement opéré avec ce qu’on connait aujourd’hui : l’Europe devient le tiers-monde avec un niveau de vie drastiquement bas et les pays en voie de développement saisissent leur chance sur le marché mondial. Adrien Tomas imagine un monde profondément transformé par la guerre, la crise énergétique et les catastrophes climatiques, le tout dans un futur pas si lointain qui ne manquera pas de provoquer un malaise dans la veine « coup de poing ». On a presque l’impression de lire une prophétie tant ça paraît crédible. On a droit au détail de certains évènements grâce aux documents confiés à Spider et franchement… Ça fait peur. Parce que ça pourrait arriver et parce qu’il se base sur des évènements en cours pour justifier certains choix dans la construction de son background. Le tout est, hélas pour nous, d’une crédibilité à toute épreuve. Je pense que ce genre de roman est très important à placer sur le paysage littéraire et j’espère qu’il sera lu par un grand nombre de personnes. Je salue déjà ici la performance de l’auteur sur ce point.

Au sein de cet univers évoluent plusieurs personnages. Adrien Tomas nous propose d’en suivre d’abord trois puis une quatrième qui arrive vers la moitié du roman en croisant la route d’un des premiers protagonistes. Chaque fois, la narration est à la première personne mais on ne s’y perd pas trop. Déjà parce que chaque chapitre a pour en-tête le nom du personnage concerné (et une citation musicale) mais aussi parce que chaque personnage possède sa propre personnalité bien marquée sans tomber dans le stéréotype. Chacun est bien travaillé mais j’ai regretté qu’il n’y ait pas des différences de langage plus marquées. D’autant que je sais l’auteur très capable sur ce point depuis que j’ai lu l’excellent Notre Dame des Loups.
Tous ont en commun le désir de protéger les animaux et la nature de manière générale. Pour Faustine, c’est une évidence depuis sa lecture, enfant, d’un manuel de zoologie. Pour Kamili, il n’a pas hésité à se mettre tout son village à dos pour travailler dans la réserve. Pour Spider, c’est un peu moins évident mais ça arrive avec le temps, surtout quand son existence se voit menacée. Quant à Nour, la quatrième protagoniste, dès qu’elle découvre Ushingi elle n’hésite pas à aider Kamili à atteindre son but. Toutefois, même si j’ai apprécié les qualités de chaque personnage, j’ai eu un peu de mal à m’attacher à eux. J’étais davantage intéressée par l’intrigue et l’univers, par son message, plutôt que par ses protagonistes.

L’histoire, d’ailleurs, est plutôt bien menée malgré peut-être une touche de facilité sur le dénouement final (même si je m’en doutais un peu puis on ne va pas mentir, c’était stylé) et surtout, dynamique. Je tournais les pages sans m’en rendre compte, portée par ce que je lisais. Comme toujours chez cet auteur, je souligne son sens du rythme. Toutefois, ce qu’on retient surtout de cette histoire, c’est son engagement. De nombreuses menaces pèsent sur la faune et la flore, entre les gens qui n’acceptent pas qu’on rogne des terres cultivables pour sauver des animaux, ceux qui appartiennent à des légions vengeresses meurtrières et ceux qui sont liés à une mystérieuse organisation d’hommes en bleu, les héros ne manquent ni d’ennemis ni d’obstacles à surmonter. Ce texte coup de poing s’inspire même d’éléments réels, comme on l’apprend dans les remerciements (mais je ne vous en dis pas plus pour que vous puissiez le découvrir par vous même) ce qui permet au lecteur de prendre conscience de certaines réalités. Finalement, c’est ce que je vais retenir de ce roman : son engagement, son importance idéologique. Et son message d’espoir.

Globalement, ce texte est une réussite. Sur un plan personnel, je regrette la présence de quelques amourettes (en fond toutefois donc ça ne prend pas trop de place, je vous rassure) et le fait que je n’ai pas réussi à m’attacher vraiment aux personnages. Je me prends un gros coup de vieux en disant ça mais il faut croire qu’à vingt-six ans, je suis déjà trop vieille pour le young-adult. Ou que je n’ai pas de cœur. Ou que la narration à la première personne offre un sentiment de sécurité trop important (quoi que je me rappelle un certain Notre Dame des Loups…(oui je radote)).

Pour résumer, Zoomancie prouve (si besoin en était) qu’Adrien Tomas est un auteur talentueux mais surtout qu’il est très possible de combiner un bon divertissement avec un engagement sérieux pour des thématiques actuelles sans tomber dans la niaiserie. Ce roman est une ode à la préservation de notre écosystème et dépeint un futur malheureusement (pour l’humanité) trop crédible. Avec ses héros, ce texte conviendra à des lecteurs dès le début de l’adolescence et j’ajoute même qu’il constitue un matériel pédagogique plus qu’appréciable. Je recommande donc chaudement ce roman qui vaut le détour, encore une belle réussite pour Lynks Éditions !

#PLIB2020 Mers Mortes – Aurélie Wellenstein

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Mers Mortes
est le dernier roman en date de l’autrice française Aurélie Wellenstein. One-shot dystopique et fantastique publié chez Scrinéo, vous trouverez ce livre partout en librairie au prix de 17.90 euros.
Ce roman est ma cinquième lecture pour le challenge S4F3s5 même s’il dépasse le maximum de 10 pages, j’attends donc le jugement de notre Lutin national.

Le monde dépeint dans Mers Mortes est post-apocalyptique. L’humanité a été trop loin, les océans se sont asséchés ce qui menace la survie de l’humanité déjà bien affaiblie. Oural est exorciste et coule des jours relativement paisibles dans un bastion français, entre deux marées hautes. Son travail? Repousser les assauts des fantômes marins : poissons, requins, raies, (entre autres) car un simple contact leur suffit pour aspirer une âme humaine. Il vit dans sa routine avec un plan pour potentiellement arrêter tout ça (sans parvenir à l’appliquer) jusqu’au jour où débarquent Bengale et son équipage. Le capitaine du Naflgar enlève Oural pour qu’il protège son navire, tâche d’importance car Bengale a un (vrai) plan pour réussir à ramener les océans… Mais ce plan a un prix.

Mers Mortes est un roman que tout le monde devrait lire. Vraiment. Il heurte, il chamboule, il force la prise de conscience écologique. En découvrant ce texte, j’ai eu le sentiment de lire une prophétie apocalyptique sur le point de se réaliser et ça m’a poussé à la réflexion.

Enrobé d’une intrigue prenante et porté par un personnage principal terriblement humain, Mers Mortes propose une vraie réflexion sur les dangers climatiques en apportant, au fil des histoires de chacun, des cauchemars et des marées fantômes, un éclairage sur ce qui se passe en ce moment et sur les conséquences logiques que cela aura dans un futur pas si lointain. On sent que l’autrice a étudié son sujet, elle présente les faits d’une manière compréhensible pour tout le monde, même les non scientifiques. Elle donne envie de se renseigner soi-même et de trouver des solutions. En réalité, le seul point faible du roman (si on veut vraiment chipoter) c’est qu’il n’insiste pas suffisamment sur ce qu’on pourrait faire maintenant afin d’éviter d’en arriver là. Vous me direz, ce n’est pas le sujet, d’autres t’ont déjà dit quoi faire, mais une petite annexe avec des engagements à tenir m’a vraiment manqué. Ça aurait permis à Mers Mortes d’être pleinement complet.

Mais honnêtement, je chicane parce que ce roman est très bon. Il traite d’un sujet actuel et engagé sans prendre de gants et permet en plus à une véritable intrigue de se mettre en place. Avec une écriture à la troisième personne, le narrateur se focalise sur Oural, un exorciste qui a grandi relativement protégé et aveugle de la réalité du monde. Il va petit à petit grandir, remettre ses convictions en question. Il va aussi se tromper, faire les mauvais choix, douter. À chaque page, son humanité transparait et je l’ai trouvé aussi intéressant qu’agréable à suivre, à l’instar des autres membres de l’équipage et du capitaine. Bengale dégage une aura de mystère, l’autrice distille petit à petit les révélations à son sujet pour donner envie au lecteur de poursuivre. Le rythme du roman est maîtrisé, on ne s’ennuie jamais et tout a un sens. Un autre personnage intéressant, c’est Trellia, la delphine ! Elle a une importance toute particulière dans le récit et sa relation avec Oural est vraiment belle. À elle seule, elle représente une métaphore sur le pardon.

La touche surnaturelle de Mers Mortes exploite l’âme de la mer avec brio en donnant un cachet sombre, salé et poisseux aux mots de ce texte. Les fantômes des animaux marins traqués par l’homme viennent crier vengeance de manière régulière, pendant les marées hautes. Seuls les exorcistes parviennent à les repousser, leur rôle est fondamental mais n’importe qui ne possède pas ces capacités. Pour cette raison, Oural vivait comme un prince avant de tomber sur Bengale et le changement s’avèrera rude. Comme toute société post apocalyptique, les survivants ont du se réorganiser. Si, dans le bastion, cela se passait assez bien, on apprend vite que certains ont réinstauré l’esclavage, abusent des plus faibles, parquent certaines personnes dans des camps pour créer des diversions. L’univers imaginé par Aurélie Wellenstein est horrible, terrifiant… et réaliste, ce qui renforce le sentiment d’épouvante qu’on ressent à la lecture. Parce que si on est un peu honnêtes, il y a 90% de chance pour que ça se passe ainsi quand on en arrivera à ce stade (notez que je dis quand, pas si, parce qu’à un moment donné, faut arrêter de se voiler la face). En réalité, ça se passe même déjà ainsi dans certains endroits du monde. En plus d’un engagement écologique, j’y ai aussi décelé une dénonciation humanitaire sur la thématique des migrants, traitée avec une vraie justesse et une profonde humanité.

Pour résumer, Mers Mortes est un texte bouleversant, addictif et engagé écrit par une autrice talentueuse qui n’a plus rien à prouver. Ce roman devrait être lu par le plus grand nombre car il tire la sonnette d’alarme d’une manière accessible, même à ceux qui ne connaissent rien sur les problématiques climatiques et humaines qui rythment pourtant notre actualité. À lire de toute urgence !