Thornhill – Pam Smy

Après pas moins de six abandons, le miracle a finalement eu lieu avec Thornhill de Pam Smy, un roman gothique et graphique dévoré en une soirée pour lequel je déborde d’enthousiasme.

De quoi ça parle ?
Thornhill se divise en deux parties qui s’alternent si bien qu’on voyage entre les époques. La première se déroule en 1987 et est écrite sous forme de journal intime, celui de Mary qui est orpheline et habite à Thornhill (qui est donc un orphelinat pour jeunes filles). Mary est atteinte de mutisme sélectif et est plutôt solitaire : elle préfère lire et fabriquer des poupées plutôt que de passer du temps avec les autres filles. Il faut dire que celles-ci ne sont pas tendres avec elle, l’une d’elle en particulier, qui va lui mener la vie dure, la harceler, la pousser aux dernières extrémités. Chaque entrée est assez courte, parfois un paragraphe, parfois une page, si bien que le tout est très dynamique.

La seconde se déroule en 2017 et est entièrement illustrée, sans dialogue. On y suit une fille qui s’appelle Ella, comme on peut le lire sur ses cartons de déménagement. On comprend qu’elle a perdu sa mère et vit avec son père, elle vient d’emménager juste à côté de Thornhill qui est à l’abandon et aperçoit par sa fenêtre l’ombre d’une fille, ce qui semble l’intriguer. Elle va donc se rendre à Thornhill, malgré les interdictions, et découvrir de mystérieuses poupées qu’elle va apprendre à restaurer.

Un très bel objet.
Les éditions Rouergue n’ont pas lésiné sur l’objet livre en tant que tel. Pavé de 544 pages, couverture hardback, le tout entièrement noir, même les pages, on ne peut que regretter deux choses : l’absence d’un signet en tissu qui aurait apporté un petit cacher supplémentaire et le fait que les pages du journal de Mary ne soient pas justifiées. J’imagine que c’est pour donner l’effet écriture mais ça m’a un peu crispé. Le prix, quant à lui, reste parfaitement raisonnable et abordable surtout vu l’objet : 20,40 euros seulement alors que la moitié des pages sont des illustrations, certes en noir et blanc mais ce n’est pas négligeable.

Une maîtrise narrative époustouflante.
N’ayons pas peur des mots ! Que ce soit la première ou la seconde partie, Pam Smy se révèle très douée pour distiller des émotions et prendre au piège son lecteur. Les passages du journal intime sont douloureux, glaçants. Ce n’est pas un procédé narratif que j’affectionne en général mais il fonctionne très bien ici, il est cohérent avec la personnalité de Mary et a l’avantage de ne pas se perdre en digression. Ça va droit au but. Mais ce qui m’a le plus impressionnée, ce sont les dessins qui illustrent 2017. Cette époque est narrée sans le moindre mot (si on excepte les extraits de journaux ou les mots écrits par le papa d’Ella qui travaille beaucoup), pourtant on n’en a pas besoin pour ressentir les émotions d’Ella ou comprendre les raisons qui la poussent à se rendre à Thornhill. Je trouve qu’il faut énormément de talent et de travail pour parvenir à instiller autant de vie dans du dessin et j’ai été impressionnée par le rendu final.

La conclusion de l’ombre :
Thornhill est un roman gothique à la frontière des supports, à la fois roman et graphique, écrit et illustré par la même personne. C’est une histoire assez sombre et cruelle avec une pointe de fantastique, qui parle avant tout de solitude, de différence et d’amitié. Impossible de rester de marbre face aux tourments de Mary et d’Ella. Pam Smy nous offre une belle leçon et rappelle, s’il y avait besoin, que non, le gothique n’est pas mort.

D’autres avis : Sur mes brizéesLes tribulations de Miss Chatterton – vous ?

Informations éditoriales :
Thornhill, écrit et illustré par Pam Smy. Traduction par Julia Kerninon. Illustration de couverture : Pam Smy. Éditeur : Rouergue. Prix au format papier : 20,40 euros.
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7 réflexions sur “Thornhill – Pam Smy

  1. J’ai acheté ce bouquin à Montreuil, pour ma nièce – je le trouvais vraiment superbe !
    Bon, finalement, je l’ai gardé pour moi, parce qu’il me semblait un peu trop difficile pour elle pour l’instant; et puis je voulais le lire avant de lui offrir pour être sûre que ça lui plairait.
    Finalement, j’ai bien fait de le garder dans ma bibliothèque ^^ Juste pour l’instant, bien sûr. Bien sûr. Ahah. Hum.

  2. Je ne savais même pas que c’était un ouvrage dans ce format, avec une partie illustrée, dans le style de ce que fait l’auteur de Hugo Cabret (j’ai oublié son nom et je suis trop feignant pour chercher…, Brian quelque chose).
    On l’a à la mediatheque depuis 3 ans car j’en avais entendu énormément de bien… emprunté 0 fois, je viens de vérifier. Quelle pitié !

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