Ohayo mina !
Il y a quelques mois, j’ai eu envie de lire le manga Card Captor Sakura en version papier. Durant mon enfance, je regardais la version animée sur Club RTL et j’étais absolument fan. Je faisais de l’équitation à l’époque et on jouait avec les cravaches en imaginant qu’il s’agissait du sceptre de Clow, qu’on capturait des cartes… Vous voyez l’idée ! C’est le premier manga que j’ai profondément adoré, profondément aimé et beaucoup de beaux souvenirs d’amitié y sont reliés. Je me suis donc lancée dans cette aventure avec une pointe d’anxiété : et si je gâchais mes souvenirs ? C’est toujours délicat, de revenir à une œuvre qui nous a tellement marqué dans notre enfance, je trouve. Faisons le point !
Un peu d’histoire…
Card Captor Sakura est un manga qui a été prépublié entre 1996 (j’avais 3 ans !) et 2000 dans le magazine Nakayoshi (spécialisé en shojo). Il est issu du collectif CLAMP qui est un groupe de quatre mangakas féminines spécialisées dans le shojo même si elles se sont essayés, plus tard, à d’autres genres. Ce collectif est assez connu par chez nous grâce à Pika qui a récupéré les droits de leurs œuvres, comme Tsubasa Reservoir Chronicle, Magic Knight Rayeheart, xxxHOLIC ou encore Chobits, dont je vous ai parlé la semaine dernière.
Le manga raconte l’histoire de Sakura Kinomoto qui est dans sa dernière année de primaire quand elle ouvre par accident le livre de Clow, libérant des cartes magiques aux dangereux pouvoirs. Aidée par Kélo, le gardien du livre, elle va devoir toutes les rassembler !
Comme je vous aime bien, je vous mets le générique de l’animé en version remasterisée ET en français pour les nostalgiques. C’est cadeau.
Un shôjo magical girl plutôt classique.
Les premiers volumes sont assez répétitifs et se concentrent sur la recherche des cartes échappées, dans un enchainement de chapitres qui ont tous cet objectif. En plus, l’aspect pratique, c’est que les cartes sont toutes restées dans l’environnement immédiat de Sakura et se manifestent pile là où elle se trouve. Alala, ces coïncidences bienheureuses ! C’est un schéma narratif qui peut devenir lassant à la longue, surtout qu’il y a une petite vingtaine de cartes à récupérer et que, comme on est dans un shôjo gentillet, Sakura parvient toujours à s’en tirer grâce à la pureté de son cœur, la force de ses sentiments et / ou une astuce glissée l’air de rien par Kélo. Au bout du 6e volume plus ou moins, l’histoire prend un autre tournant avec l’arrivée d’un nouveau personnage mystérieux qui semble en vouloir à Sakura qui, de son côté, développe ses propres pouvoirs magiques. Ce personnage mystérieux semble lié au grand magicien Clow puisqu’il dégage une énergie semblable ! Que de mystères…
Je ne vais pas vous mentir : je pense que sans ma nostalgie, je n’aurais pas forcément poussé le titre jusqu’au bout. C’est joliment dessiné, très positif, ça déborde de beaux sentiments mais parfois, c’est un peu trop guimauve et évident à mon goût. Si vous cherchez quelque chose de beau qui donne le sourire, c’est parfait mais en tant qu’adulte blasée, ma suspension d’incrédulité en a pris un certain coup. De plus, les nœuds de l’intrigue sont assez grossiers. Le mystère que les autrices tentent de tisser ne tiennent jamais bien longtemps tant les réponses paraissent évidentes, en tout cas aux yeux d’un.e lecteur.ice confirmé.e. Toutefois, pour son public cible, je pense que le titre fait le job, comme on dit.
La question des relations trop tendancieuses dans Card Captor Sakura.
!! Attention, ça me semble évident mais cette partie contient des éléments d’intrigue, impossible de faire autrement pour accompagner ma réflexion !!
Quand on discute de cette œuvre, il y a deux écoles : les nostalgiques comme moi qui ont un souvenir d’enfance de l’animé et donc beaucoup de tendresse pour le titre, et les gens qui ont découvert l’histoire une fois adulte ou en tout cas ado, qui ont donc vu ce qu’en tant qu’enfant, on ne comprend pas. C’est déjà une réflexion que je m’étais faite vis à vis d’un autre titre du collectif CLAMP, à savoir Chobits. Est-ce que l’ambiguïté dans les relations (amoureuses) est quelque chose qu’on retrouve dans tous les manga de ces autrices ? Si quelqu’un a lu les autres, qu’iel n’hésite pas à me donner son avis !
Qu’est-ce que j’entends par « relations tendancieuses » ? Prenons l’exemple le plus connu : le professeur principal de la classe de Sakura entretient une relation que je juge anormale avec une de ses élèves (pour rappel, elles sont en primaire…). On voit que la fille en question est clairement amoureuse de lui (jusque là pourquoi pas, ça arrive de crusher sur un prof, même à son âge) sauf que lui a des gestes et des attitudes qui laissent entendre une certaine affection entre eux. Mais jusqu’où va-t-elle, cette affection ? Est-ce qu’il la voit plutôt comme sa fille ou comme une partenaire potentielle ? Ce n’est jamais très clair même si on le remarque parfois troublé par un regard appuyé de cette élève (c’est encore plus flagrant dans l’animé…) et cette ambiguïté est clairement le gros souci du manga parce que ça sous-entend qu’une relation de ce type est acceptable. Ou alors, il y a une subtilité que je ne saisis pas…
Autre exemple : la mère de Sakura s’est mariée avec son professeur alors qu’elle était encore au lycée, et Sakura elle-même a des sentiments envers le meilleur ami de son frère, qui est lycéen (on comprend plus tard qu’elle confondait l’amour romantique et l’amour au sens plus familial du terme, ça je veux bien surtout chez une aussi jeune fille). La manière dont les sentiments sont abordés dans ce manga me laisse assez perplexe parce qu’on a d’un côté des ambiguïtés aberrantes et de l’autre, une certaine modernité si on considère que le titre a vingt ans.
Parce que oui, heureusement, il y a aussi de belles choses au niveau émotionnel. Tomoyo, par exemple, la meilleure amie de Sakura, tient tellement à elle que j’ai l’impression qu’elle l’aime au sens romantique du terme. Plusieurs éléments le sous-entendent tout au long du titre et je trouve ça hyper positif de représenter l’homosexualité féminine dans un manga à destination d’un jeune public féminin, justement. C’est important. Seulement voilà, Tomoyo sait que Sakura l’adore, l’aime, mais comme une amie, rien de plus, donc elle s’efface totalement à son profit et dit à plusieurs reprises que quand on aime vraiment quelqu’un, voir cette personne heureuse suffit. Alors oui… et non. S’effacer, d’accord, mais je pense qu’il y a des limites pour que la relation reste saine. De plus, Tomoyo passe son temps à suivre Sakura dans toutes ses interventions magiques, à la filmer, lui confectionne des costumes pour qu’elle soit jolie devant la caméra… Elle est soit officiellement la meilleure amie du monde, soit une stalkeuse obsessionnelle. Une obsession génétique puisque la mère de Tomoyo se comportait de la même façon avec la mère de Sakura.
Autre exemple de relation à caractère homosexuel, cette fois entre le frère de Sakura (Toya) et son meilleur ami (Yukito). À nouveau, ce qualificatif n’est jamais posé mais on comprend qu’il y a davantage entre eux que de l’amour amical à mesure qu’on avance dans l’histoire. Ce que je trouve très bien aussi, d’autant qu’on est presque sur une relation saine ici. Je dis presque parce que Yukito abrite quand même Yué dans son corps et n’existe pas vraiment en dehors de cette incarnation, il n’a d’ailleurs pas les souvenirs de Yué alors que l’inverse n’est pas vraie. M’enfin, Toya (le frère de Sakura) est tout à fait au courant et semble s’en accommoder sans soucis.
Finalement, le seul amour relativement sain dans ce manga, c’est celui entre Sakura et Shaolan qui se développe dans les deux derniers chapitres du manga (après une avalaaaaanche de quiproquo divers et variés) et j’admets que c’est plutôt mignon. Le souci c’est qu’à aucun moment je n’avais l’impression d’être face à une fille de primaire, que ce soit dans ses interactions sociales ou dans sa manière de se battre, d’affronter les épreuves. Pour moi, elle était au minimum à la fin du collège, rien qu’en me basant sur ses réflexions parfois trop matures sur les sentiments et le fait que le couple, l’amour, semble avoir une telle importance. Personnellement, en primaire, je me préoccupais surtout de jouer avec mes copines dans la cour de récré mais je suis peut-être une exception ?
Et donc, recommandable ou pas ?
Je pense qu’il est très intéressant de lire Card Captor Sakura comme un classique du genre magical girl et donc en le replaçant dans son contexte. Après tout, le manga a plus de vingt ans et bien des choses ont changé depuis, que ce soit dans nos sociétés ou même au Japon. Je me demande d’ailleurs ce que donne la suite, intitulée Clear Card, commencée bien plus récemment. Je compte la lire pour effectuer un comparatif. Toutefois, cela n’excuse pas l’ambiguïté de certaines relations décrites dans le manga, surtout celle avec le professeur.
Le manga fait partie de ces titres fondateurs d’un genre et importants dans l’histoire de ce média, donc culturellement parlant, c’est déjà un bel apport.
Il faut également garder à l’esprit qu’il s’agit d’un shôjo destiné à des enfants / préadolescentes avant tout. Cela implique que l’intrigue reste assez prévisible et dégouline de bons sentiments. Si vous aimez ce qui est guimauve, alors ce titre est fait pour vous mais si vous cherchez quelque chose de plus nuancé, de moins gentillet, mieux vaut passer son tour. Toutefois, le lire aujourd’hui avec un regard d’adulte a été une expérience très intéressante car ça m’a obligé à remettre en question mes souvenirs et à y poser un œil bien plus critique qu’autrefois. Ça reste une œuvre qui transpire la bonté et transmet de jolies valeurs qu’on devrait inculquer aux plus jeunes.
Sakura, c’est toute mon enfance !!! Je regardais ça en dvd
Waw en dvd carrément ! Moi je devais regarder à la télévision, c’était parfois un peu hasardeux pour tout suivre 😦
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Durant ma lecture l’année dernière ou la précédente, je ne sais plus, je me suis retrouvé un peu dans ta situation vis à vis du côté très jeunesse du titre, qui m’a d’ailleurs fait m’arrêter à la moitié de la série.
Mais c’est surtout toute ton analyse qui suit sur le rapport aux sentiments et à leur expression et les aspects tendancieux que je trouve intéressant.
Par contre en effet, je me disais que Sakura devait être au collège et pas en primaire, et comme toi je trouve un décalage par rapport aux préoccupations d’enfants de cet âge.
Quoi qu’il en soit, j’ai pris grand plaisir à te lire alors que le manga m’en a procuré un tout limité (mais ado j’aimais beaucoup l’anime)
Je te remercie pour tes compliments, ça me touche ! Je suis aussi rassurée parce que absolument tout le monde pensait pareil pour le collège, je me croyais à côté de la plaque mais non 😅
Et je te comprends pour l’arrêt, sans mon immense nostalgie je ne pense pas que j’aurais poussé après la moitié non plus. C’est aussi intéressant de réfléchir sur notre rapport aux œuvres dans ce cadre là finalement je trouve. J’avais un peu eu pareil quand j’avais tenté une relecture de One Piece alors que plus jeune j’étais une fan absolue.. J’aime toujours hein mais l’animé me suffira à l’avenir 😅
Oui, je pense que le rapport aux oeuvres évolue avec le temps, certaines en positif ou en négatif.
J’ai aucun problème avec le fait que certaines que j’adorais plus jeune me font aujourd’hui horreur, et vice versa. En plus moi je suis un retourneur de veste professionnel !
🤣 J’adore la façon dont tu dis ça !
Je vais être honnête, je n’ai jamais pu piffrer Sakura xD le générique me file même des envies de meurtre, du coup je passe mon chemin. Mais c’est intéressant de voir la différence entre et manga et l’anime et l’impact de la nostalgie pour nous faire accepter ce qui, en général, ne passe pas.
Haha les goûts et les couleurs ! Si je n’avais pas aimé dans mon enfance, je crois que j’aurais du mal à piffer aussi. Mais oui le but de l’article c’était surtout de réfléchir sur notre rapport à la nostalgie, finalement.
Merci pour le générique, tu m’as mis un sacré coup de nostalgie ! J’adorais ce dessin animé (je me souviens que je collectionnais les cartes aussi, il y avait une sorte de petite revue-manga en sens de lecture français qui paraissait, un épisode, une carte) et je garde de bons souvenirs de l’atmosphère, et des personnages énigmatiques, à l’époque, de Yué et Anthony (réincarnation de Clow je crois). Mais relire ou voir tout ça maintenant, je pense que ça me blaserait un peu niveau bons sentiments dégoulinants. Comme toi, j’étais passée à côté des relations ambiguës avec le dessin animé (qui était peut-être « censuré » à l’époque ?) et si je savais pour les relations possiblement homosexuelles entre Sakura/Tomoyo, Toya/Yukito, je ne savais pas du tout pour les autres. C’est un peu perturbant de se dire que c’est dans un seul sens. C’était un autre temps, mais ça n’explique pas toujours tout. Après, les mangas ont parfois l’art de l’ambiguïté pour ce genre de duos, mais là, quasi aucune relation n’est saine de ce que tu décris, c’est quand même gênant vu le public-cible. Et je voyais également Sakura comme une collégienne, pour ma part !
Ah j’ai affaire à une autre nostalgique donc !
Oui la relecture a changé ma perspective de l’œuvre. Le dessin animé n’était pas censuré en cherchant le générique je suis tombée sur une vidéo qui parlait du prof justement et montrait des extraits de l’animé qui posaient question. Mais enfant ça ne m’a pas sauté aux yeux du tout alors que là..
Comme tu dis y’a souvent de l’ambiguïté dans les mangas, toutefois ça n’excuse pas tout.
Et ça me rassure je ne suis pas la seule à la voir comme une collégienne 😅
Comme quoi, quand on est gamin il y a vraiment des choses qu’on ne voit pas du tout, c’est toujours étonnant. Ça me surprendra toujours, mais en même temps ça vaut mieux, sinon on aurait été un peu traumatisés dans notre enfance.
Je ne sais pas si cette ambiguïté est plus typique d’une époque de mangas, ou des Clamp. Dans les deux cas, j’espère que ça a évolué avec le temps.
En même temps, tu voyais Sakura se débrouiller seule pour se faire à manger, faire ses trajets en rollers, sans parler de tous les exploits casse-cou durant ses chasses aux cartes. En fin de primaire, j’étais loin de faire tout ça, ça fait déjà bien plus collégienne ! Et dans l’esprit aussi comme tu disais, on n’est pas matures à ce point à cet âge.
Oui c’est ça !
Après je me dis, c’est peut être culturel, peut être que les filles japonaises en primaire sont aussi débrouillardes, je ne sais pas du tout.. Ça me surprendrait m’enfin je n’en connais pas pour comparer 😅 du coup à travers le prisme de nos valeurs elle paraît forcément plus âgée.
Je crois que, plus que « Chobits », c’est « Card Captor Sakura » que je veux redécouvrir. Dans mon souvenir, comme Kiriiti, pour le prof par exemple, je me souviens plus d’une affection paternelle (peut-être edt-elle la fille qu’il n’a pas pu avoir). J’aimerais beaucoup redécouvrir cette œuvre avec un regard d’adulte ☺
Je serais curieuse d’avoir ton ressenti du coup si tu décides de te replonger dedans 🙂
Je suis d’accord, c’est un mangas avec beaucoup de relations où il est difficile de mettre des mots clairs dessus. Ça laisse sujet à interprétations et c’est plutôt pas mal. Pour la relation du prof et son élève, c’est vrai qu’à l’époque je m’étais posée des questions dessus mais comme elle n’est jamais présentée de manière négative, j’ai pris les gestes du prof pour de l’affection paternellle et non pour celle d’un pédophile en puissance 😅
Mais oui, à notre âge ça reste un mangas qu’on apprécie plus pour le côté nostalgique que pour la qualité de l’histoire. Pas que ce soit mauvais, loin de là, mais on n’est pas le public visé au départ !
J’avais également ce souvenir pour le prof sauf qu’à plusieurs reprises on le voit clairement troublé par l’attention de son élève, comme si ça lui faisait quelque chose. Du coup c’est difficile de vraiment savoir ^^’ Et je trouvais important de le souligner.
Ah ça je ne te le fais pas dire ! Mais je suis contente de l’expérience.
Il faudrait que je le relise pour vérifier ça ! Je n’avais pas eu à ce point cette sensation ^^