Harleen est un comics écrit, dessiné et colorisé par l’artiste croate Stjepan Sejic. Publié chez Urban Comics au sein du Black Label, vous le trouverez partout en librairie au prix de 18 euros.
Je tiens à remercier Julie de chez Kazabulles (qui participe aussi au blog la Brigade Éclectique) pour ce conseil de lecture.
De quoi ça parle ?
Harleen Quinzel tente d’obtenir un financement pour prouver que l’absence d’empathie chez les criminels provient d’une détérioration d’une zone du cerveau qui survient dans des situations de stress intense -sous-entendu qu’il serait possible de les guérir en régérant cette zone. Pour ça, elle doit se rendre à Arkham où elle va rencontrer plusieurs grands criminels de Gotham mais surtout… Le Joker ! Commence alors sa descente aux Enfers.
Aux origines du drame.
Si vous vous intéressez un peu à l’univers Batman, peut-être connaissez-vous déjà l’histoire, grosso modo, entre Harley Quinn et le Joker, ce duo qui a été maintes fois réinterprété que ce soit en comics ou au cinéma. Histoire d’amour tragique, relation malsaine, bourreau et victime, on peut coller tous ces qualificatifs au lien qui uni ces deux personnages. Stjepan Sejic en propose sa propre vision et raconte comment Harleen devient Harley à travers 244 pages aussi sublimes que glaçantes. Il le raconte à travers son personnage principal puisque c’est Harleen elle-même qui parle et au passé qui plus est. Tout participe donc à créer cet effet de fascination, d’attente. On sait déjà que ça va mal se terminer. La narratrice elle-même le sous-entend et souligne bien à quel(s) moment(s) elle aurait pu / du faire un choix différent pour s’en tirer. C’est d’autant plus glaçant quand on arrive à la toute dernière page qui m’a collée un frisson.
Harleen exerce donc en tant que chercheuse en psychiatrie et aimerait obtenir un financement pour ses recherches, financement qui viendra, ironiquement, de Wayne Enterprise… Le hasard veut que juste avant de commencer à Arkham, elle rencontre le Joker qui venait de cambrioler un trafiquant d’armes et de faire exploser un entrepôt. Mauvais endroit, mauvais moment. Harleen se retrouve face au célèbre criminel, une arme pointée sur elle. Pourtant, le Joker l’épargne et s’enfuit à l’arrivée de Batman. Harleen, de son côté, n’arrive pas à se mettre à l’abri et va suivre leur combat, observant la réaction des passants, cette soif de sang morbide et sauvage qui les anime à chaque coup porté par le chevalier noir à son némésis.
Cette rencontre ne laissera pas Harleen indemne. Secouée par des cauchemars et des angoisses, elle prendra soin d’éviter le Joker autant que possible une fois à Arkham jusqu’à finalement oser affronter ses démons. Si, au départ, l’homme l’agace avec ses discours mégalomanes et son narcissisme, la situation va petit à petit évoluer. En tant que lecteur, on tourne les pages avec un voyeurisme teinté de gêne. On sait que tout ce qui se déroule sous nos yeux est mal, dangereux, terrible, mais on ne peut pas s’empêcher d’apprécier cette relation qui nait, d’espérer comme Harleen tout en comprenant à quel point le Joker est un génie de la manipulation. Stjepan Sejic maîtrise son histoire du début à la fin. Chaque case a une signification, chaque regard, chaque expression, chaque dialogue, tout est millimétré pour servir le rythme du récit et pour souffler au lecteur les indices dont il a besoin pour comprendre l’étendue du génie de ce célèbre criminel et à quel point Harleen n’avait, finalement, aucune chance de lui échapper. Une telle maestria m’a coupé le souffle, impossible de refermer le comics avant d’arriver à la toute fin.
L’auteur le dit lui-même : si ç’avait été une histoire d’amour classique, Harleen aurait réussi à transformer le monstre en humain, il y aurait eu une véritable rédemption. On sait que cela n’arrive jamais. En fonction des versions, les raisons ne sont pas toujours identiques mais on sait qu’en lisant une histoire comme celle-là, on est dans une romance qui ne devrait même pas porter ce nom. Une relation, voilà, une relation malsaine de dépendance, peut-être un syndrome de Stockholm en prime. Quel que soit le qualificatif qu’on utilise, ce duo m’a toujours fasciné et Stjepan Sejic propose, avec Harleen, la plus belle interprétation de leur histoire que j’ai pu lire jusqu’ici. La seule, d’ailleurs, si je ne m’abuse car bien que ce duo apparaisse régulièrement, c’est la première fois qu’une histoire est consacrée entièrement au passé de ce personnage.
Un graphisme magnifique, un Joker rock star.
Comme on peut le voir sur la couverture, le coup de crayon et les choix de couleurs effectués par l’auteur ne laissent rien au hasard. C’est un type de trait auquel je suis très sensible. Comme je ne m’y connais pas trop sur la question, je ne peux pas en dire davantage mais je voulais revenir sur un élément intéressant selon moi : la représentation graphique du Joker. Vous savez peut-être qu’il y a différentes interprétations, différents visuels, que ce soit au cinéma ou en dessin, de ce personnage mythique. Certains s’axent davantage sur sa folie, d’autres sur son côté criminel, d’autres en font un gangster bling bling (un peu comme dans le film Suicide Squad qui, je le sais, fait grincer les puristes et que j’ai personnellement surtout apprécié pour sa bande son). Je l’ai dit, je ne suis pas spécialiste de l’univers Batman. J’en connais quelques éléments, il me plait beaucoup pour tout un tas de raison mais je suis loin de tout connaître ou d’être attachée à une représentation plutôt qu’une autre de ses personnages. Ici, Stjepan Sejic a opté pour un Joker qu’il qualifie lui-même de rock star. Il le dessine comme un homme plutôt beau (enfin selon mes goûts), charismatique, charmant à sa manière. Quand on le regarde, on oublie facilement la folie et, même en tant que lecteur, on se laisse avoir par le savant jeu d’expressions que lui confère le dessinateur. Très subtilement, Sthepan Sejic l’érotise sans jamais tomber dans la vulgarité ou le sensationnalisme. Ça passe par un trait plus appuyé sur son torse souvent nu, par un jeu d’ombre, par cette scène où Harleen le regarde dormir et contemple les cicatrices dans son dos, par cette première étreinte… Au risque de radoter : j’ai vraiment adoré cette représentation.
La conclusion de l’ombre :
Si je parle assez peu de comics sur le blog, je me devais d’évoquer ce chef-d’œuvre signé par Stjepan Sejic qui propose de découvrir le passé de celle qui deviendra la célèbre Harley Quinn. Sur 244 pages, l’auteur tisse magistralement la genèse de cette relation malsaine entre elle et le Joker jusqu’au point de non retour où Harleen va devenir Harley. Avec un développement psychologique aussi maitrisé que son trait est sublime, cette œuvre est selon moi un indispensable à posséder et à découvrir si on aime ce duo mythique. Gros coup de cœur !
D’autres avis : Les instants volés à la vie – SambaBD – Euphoxine – Lire en bulles – The Power Zone – vous ?
Pingback: À l’ombre des bulles #1 : { White Knight : Harley Quinn / Trois Jokers } | OmbreBones
Pingback: BML #30 – décembre 2020 | OmbreBones
Comme tu le dis c’est bien l’un des rares qui revient réellement sur Harleen Quinnzel juste avant qu’elle ne devienne Harley Quinn. C’est psychologiquement bien mené, de manière très fine et subtile. Harleen sait qu’elle se est au bord du précipice mais elle a cette espèce d’illusion de pouvoir sauver le Joker. Alors, que ce dernier est irrécupérable et que surtout il ne le souhaite pas. Il la manipule dès le moment où il la rencontre car il sent cette bonté en elle, cette faille en elle qui fait qu’il arrivera à s’y engouffrer plus tard. Leur couple ne m’est jamais apparu comme romantique dans aucun comics, même si beaucoup le perçoit de cette manière notamment depuis le film Suicide Squad. Pourtant cêst toxique. Certains les voient un peu comme un Bonnie & Clyde. Mais le Joker est toxique, et par exemple dans Mad Love qui visuellement est très cartoon il est physiquement violent avec elle. Personnellement je n’aime pas ce comics pour de nombreuses raison, notamment pour ce décalage entre le visuel et le propos, et je trouve que c’est parfois mal équilibré et pourrait être sujet à de mauvais interprétation par un public plus jeune ou moins alerte sur ce genre de propos sensibles.
Contente que tu es aimé en tout cas, et tu en as très bien parlé on se rejoint dans notre critique. Et merci de m’avoir cité dans les avis à consulter. ❤
Merci pour ton commentaire détaillé et de rien pour la citation c’est bien normal de renseigner un blog comme le tien ☺️ je te rejoins totalement sur tout ce que tu dis notamment sur l’aspect toxique de leur relation qu’on ne voit pas assez comme telle je trouve, suffit de voir suicide squad. C’est malaisant. Pourtant j’adore leur relation je la trouve fascinante mais j’ai bien conscience que c’est toxique et certainement pas un modèle à suivre. C’est pas assez clair pour beaucoup
j’ai souvent ce souci avec des romances en roman où on laisse passer trop de comportements anormaux au gars juste parce qu’il est beau et / ou riche et / ou avec un sombre passé.
Et finalement je n’ai pas acheté Mad Love parce que mon libraire m’a dit +- pareil que toi figure toi du coup.. À la place j’ai pris Sunstone du même auteur 😁 j’adore vraiment son esthétique il m’a fait forte impression avec Harleen.
Sunstone est un très bon choix. C’est particulier au début, mais ça se tient très bien. J l’ai en VO, car quand j’ai commencé Panini je l’avais pas encore annoncé, c’était bien des années avant. Faudrait que je me prenne la suite de la série car je n’ai que le premier tome, mais j’ai lu la suite et c’est très bien construit du début à la fin. DE Stjepan c’est également Angelus qui est un sépin-off de Witchblade, mais que l’on peut lire sans problème, c’est MAGNIFIQUE aussi bien du point de vue du scénario que du dessin. Mais aussi le tome 1 de Ravine qui est une série de Fantasy. Enfin bref c’est un excellent auteur et dessinateur.
Effectivement Mad Love est à oublier, totalement.
Je compte lire tout ce qu’il fait parce qu’il m’a vraiment impressionnée avec Harleen autant sur un plan graphique que scénaristique. Je note les deux titres dont tu parles et on rediscute de Sunstone dès que je l’ai lu :3
Tout ce que tu en dis me donne envie d’aimer ce titre dont j’attendais beaucoup, mais comme je t’ai dit, je suis péniblement arrivé à la fin du premier tiers… je suis tombé des nues du coup parce que jetais convaincu que j’allais adorer, appréciant beaucoup Harley Quinn et détestant ce qu’on en fait depuis un moment (également au cinéma, j’ai d’ailleurs beaucoup de mal avec Margot Robbie).
Par rapport à une remarque que tu fais, elle est le personnage central du comics Mad Love de Paul Dini et Bruce Timm (les créateurs du personnage et de la série animée culte) et pour le coup j’avais adoré cette histoire, qui reprend l’esthétique de la série et qui justement arrive à bien jouer du contraste entre le style cartoon et la vraie noirceur de l’intrigue.
Elle apparaît également dans un rôle secondaire mais très intéressant dans le run de Paul Dini sur Batman également. Il faudrait aussi que je lise White Knight pour voir le rôle qu’elle a.
Bref, je m’étale mais j’aime beaucoup le Batverse, et j’aime beaucoup ce personnage.
Il faudrait quand même que je redonne une chance au titre, et que j’aille au bout cette fois !
Je pense qu’il vaut le coup d’être lu en entier, surtout que c’est un one shot, pour juger l’ensemble. De mémoire tu le lisais au boulot non ? C’est pas le must pour s’immerger dedans, ça a peut être joué. Ou tout simplement ce n’est pas pour toi, parfois ça arrive sans qu’on puisse l’expliquer 😅
Elle est très chouette dans White knight je confirme et je note mad love merci du conseil :3 comme toi je ne suis pas fan du tout de ce qu’on en a fait en général, j’avais lu le premier tome de la série complètement marteau et je la trouvais juste super blasante alors que c’est un perso que j’ai toujours beaucoup aimé et qui a un vrai potentiel. Et ne me lance pas sur suicide squad xD j’ai rien contre l’actrice mais son interprétation du perso n’est pas ce que j’en attendais. Du coup lire ce comics m’a vraiment ravie car il y avait dedans toutes les qualités que j’attendais pour elle !
Oui, les séries récentes Harley Quinn, je vais être honnête, rien qu’en les feuilletant j’ai envie de m’énerver… Je trouve qu’on part trop dans un délire humoristique et parfois méta à la Deadpool alors que c’est un personnage super tragique quoi.
Je trouve dommage qu’on exploite aussi peu l’aspect psychologique et la relation toxique alors que c’est quand même le cœur du personnage.
Du coup j’en attendais beaucoup de ce titre car je savais qu’il souhaitait revenir à cet aspect qui m’intéresse tant.
C’est ça que j’ai un peu de mal à saisir parce qu’il est totalement tourné sur l’aspect psychologique… J’ai l’impression qu’on n’a pas lu le même comics ^^’ Comme toi je ressentais cette frustration vis à vis du personnage et Harleen a comblé toutes mes attentes.
Je retenterai quand même, ça me perturbe d’avoir arrêté en cours de route.
Puis c’est pas comme si le personnage avait droit régulièrement à des œuvres intéressantes.
Non surtout que l’auteur ici avait prévu d’en faire d’autres mais il prend une pause carrière finalement car il a de gros soucis de santé, donc ce sera probablement le seul comics de qualité qu’on aura avant un moment 😦
Oui, j’avais vu que l’auteur faisait un break à durée indéterminée.