Gabin sans « aime » et le vert est éternel sont deux nouvelles écrites par l’auteur français Jean-Laurent Del Socorro et présentes dans l’édition collector de son roman Royaume de Vent et de Colères dont je vous ai parlé il y a quelques jours. Édités par ActuSF, Le vert est éternel est même disponible gratuitement en numérique !
Lecture dans le cadre du Projet Maki.
De quoi ça parle ?
Ces deux nouvelles prennent place au sein de l’univers développé par l’auteur dans son premier roman, Royaume de Vent et de Colères. Gabin sans « aime » raconte l’histoire de Gabin, le commis de cuisine qui travaille à la Roue de la Fortune en compagnie d’Axelle. Personnage secondaire du roman, ce jeune garçon qui semble souffrir d’autisme se dévoile dans ce texte dont on prend toute l’ampleur après la lecture du roman. C’est sans doute la raison pour laquelle il n’est pas disponible à part, au contraire de Le vert est éternel.
Le vert est éternel se déroule après les évènements du roman, au sein de la compagnie du Chariot qui était auparavant dirigée par Axelle. N’a-qu’un-oeil a repris le flambeau et il participe au siège d’Amiens quand le roi lui envoie Fatima, sa chroniqueuse royale. Vous comprenez, ce n’est pas très bon de s’afficher avec une femme musulmane et espagnole alors qu’on assiège justement des espagnols à Amiens… Les deux vont se rapprocher et la nouvelle raconte leur histoire à tous les deux avec, en fond, les évènements du siège.
Des nouvelles bouleversantes.
Les deux textes ont chacun une dimension émotionnelle très forte et bien dosée par l’auteur. Dans Gabin sans « aime », le lecteur suit ce jeune garçon qui a perdu sa mère dans les premières années de sa vie et doit partager le toit d’un père violent qui n’accepte pas sa différence. Il souffre aussi de maltraitance de la part des autres enfants du quartier, ce qui n’enlève rien à sa pureté. Gabin aime son père même si l’homme le terrifie et qu’il cherche à s’en cacher pour ne pas devoir affronter la violence mal contenue en lui. C’est comme ça qu’il va grimper sur son toit, rencontrer Silas, puis s’enfuir pour ne plus quitter l’auberge d’Axelle. C’est dans cette situation que nous le rencontrons dans le roman, d’ailleurs.
La naïveté du personnage ne peut pas laisser de marbre. C’est touchant, c’est beau, ce texte écrit à la première personne déborde de sincérité au point que j’en ai eu les larmes aux yeux à la fin. Une vraie perfection.
Dans le vert est éternel, on rencontre cette fois N’a-qu’un-oeil, qu’on connait de nom grâce aux scènes du passé d’Axelle dans le roman. C’était le seul à savoir lire et la nouvelle s’ouvre sur un de ses hommes qui lui demande de déchiffrer le contenu d’un édit royal placardé partout. On comprend qu’il s’agit du fameux édit de Nantes qui prône la tolérance envers toutes les religions sur le territoire du royaume. Quand on vient de lire tout un roman à ce sujet et qu’on a pris conscience des tragédies induites par sa propre guerre, on a envie d’aller lui coller deux baffes à ce fichu roi. Mais c’est prétexte à un flashback de N’a-qu’un-oeil au sujet du siège d’Amiens, d’une tragédie qui a touché l’un de ses hommes et de sa rencontre avec Fatima.
Fatima est un personnage féminin fort. Femme simple, elle a refusé d’abjurer sa religion et a fuit l’Espagne. Elle est lettrée, c’est une astronome passionnée par les arts qui dégage une belle personnalité. On s’y attache immédiatement. Sa relation avec N’a-qu’un-oeil est plutôt touchante et le dénouement de la nouvelle ne peut que nous serrer le cœur. J’ai trouvé la mise en scène intelligente, rude mais harmonieuse avec le contexte historique.
Des personnages différents.
Que ce soit Gabin, Fatima ou N’a-qu’un-oeil, Jean-Laurent Del Socorro continue à mettre en scène des personnages du commun tout en versant subtilement dans la représentation de la diversité. Un enfant autiste, une femme maure de confession musulmane, un homme borgne, c’est très agréable et pertinent en plus d’être bien écrit.
Un style efficace.
Toutes les nouvelles sont rédigées à la première personne et au présent, ce qui permet une immersion totale. Maîtriser un tel type de narration n’est pas donné à n’importe quel auteur car l’exercice est plus compliqué qu’il n’y paraît. Ici, on ressent très bien la personnalité de chaque personnage à sa manière de s’exprimer, une réflexion que je m’étais déjà faite à la lecture du roman. L’exercice est plus que bien réussi pour l’auteur dont on n’a qu’une envie : lire de nouveaux textes.
La conclusion de l’ombre :
Gabin sans « aime » et Le vert est éternel sont deux nouvelles qui se placent dans l’univers du Royaume de vent et de colères. Écrites à la première personne dans un style maitrisé qui met en avant la personnalité de chaque personnage, Jean-Laurent Del Socorro nous propose d’en découvrir davantage au sujet de deux protagonistes secondaires du roman : Gabin et N’a-qu’un-oeil. Leurs histoires provoquent beaucoup d’émotions à la lecture et ces deux textes sont pour moi des coups de cœur. Je vous encourage plus que vivement à les découvrir !
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Je n’ai pas réellement de souvenir de la première nouvelle même si je sais que je l’avais appréciée. Par contre j’ai lu « Le Vert est éternel » il y a quelques jours et je te rejoins, c’est un très grand texte, un véritable bijou !
La première est plus naïve, enfantine, porteuse de bons sentiments. J’ai été vraiment touchée lors de ma lecture d’une manière différente qu’avec le vert est éternel bien que les deux textes soient de très grands textes je trouve. J’ai hâte d’en lire d’autres de cet auteur 🙂
J’avais bien lu les 2 du coup et je partage ton avis 🙂 L’auteur a aussi écrit d’autres nouvelles parues dans les dernières anthologies des Imaginales notamment mais ce n’est pas dans le même univers. 🙂
Ah tu me rassures ! J’ai vu sur instagram qu’il travaillait en ce moment sur une novella dans cet univers par contre :3 Je me réjouis !
Il faut vraiment que je me procure les anthologies des Imaginales, y’en a certaines qui me font de l’oeil mais avant je n’aimais pas trop le format nouvelle… Ça a changé depuis cette année avec le Maki :3